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vendredi 17 mai 2024

Friday T1

Une BD scénarisée par Ed Brubaker, dessinée par Marcos Martin et colorisée par Muntsa Vicente. Publiée chez Glénat.


De retour de l’université pour les vacances d’hiver, Friday pensait pouvoir enfin mettre au clair ses sentiments envers Lancelot, son ami d’enfance, et discuter d’un événement d’avant son départ et du malaise que ce dernier a créé entre eux. Au lieu de cela, elle se retrouve embarquée dans une nouvelle enquête à peine descendue du train. 
Lancelot et elle avaient pour habitude d’élucider les mystères locaux. Il était la tête et Friday les muscles, un duo de choc digne de ceux qui peuplaient les romans et BD ayant marqué l’enfance de bon nombre d’entre nous. Tout le monde aime un bon mystère un peu flippant. Friday et Lancelot raviront ceux qui ont grandi avec Chair de Poule, Marshall et Simon, mais aussi Alice alias Nancy Drew ou encore Les Trois jeunes détectives et même Scooby-Doo. Cela rappelle aussi un peu Les Contes de la Crypte (les comics aussi bien que la série). 
L’ambiance Pulp et le décor des années 70 ajoutent à la nostalgie et rendent le tout aussi familier qu’attrayant. Même en étant née après cette période, j’ai été nourrie de suffisamment de séries et de romans pour apprécier un petit voyage vers le passé de temps en temps et celui-ci est particulièrement réussi, même si ce premier tome à un goût de trop peu. On entre tout juste dans le vif du sujet qu’il faut laisser les personnages. Pourtant ça marche, en peu de pages et une intrigue tout juste ébauchée, on a envie de connaître la suite.
L’histoire de Friday est celle de tous ces détectives amateurs qui ont enfin grandi et pensaient avoir laissé derrière eux les histoires glauques de leur enfance pour devenir adultes. Mais que nenni, les mystères n’en ont pas fini avec elle.
J’ai apprécié l’ambiance lovecraftienne et surtout la réflexion sous-jacente sur ces héros d’enfance qui grandissent et se heurtent à une réalité plus crue où les fins heureuses ne sont plus garanties.
Je ne suis pas fan des dessins, c’est juste une question de goût, en revanche j’ai trouvé la mise en scène et la composition des planches particulièrement brillantes. En outre, la colorisation est superbe et participe grandement à l’ambiance des années 70, renforçant aussi au passage l’aspect Pulp. 
L’histoire de Friday sera déclinée en trois tomes, je vais me jeter sur le deuxième et attendre patiemment la conclusion prévue pour le mois d’août.

mardi 14 mai 2024

Witch War ; Article 3 : On ne se montre pas

Un roman d'Émilie Chevalier, Laurence Chevalier et Sienna Pratt. Publié chez Black Queen. Disponible en version audio chez Audible.

Mon avis sur le premier et le deuxième tomes.


Tout va de mal en pis pour notre trio de sorcières. Elinor et Sixtine s’opposent ouvertement dans ce qui promet d’être le début d’une guerre et même l’identité ainsi que les motivations de leur ennemi enfin sorti de l’ombre ne semblent pouvoir les rassembler sous une même bannière. Le conflit entre les trois races magiques est inévitable, mais qui vaincra ? Et, surtout, nos trois sorcières parviendront-elles à sauver le lien qui les unis malgré leurs différentes allégeances ?
Le précédent tome se terminait sur un cliffhanger de folie, me faisant craindre pour la vie de mes deux personnages favoris. J’avais hâte d’écouter la suite et je n’ai pas été déçue. Ce dernier volume est empli d’action, de retournements de situation et de révélations. Toujours tiraillée entre ses deux meilleures amies, Neeve tente de faire le lien, néanmoins elle doit aussi penser à elle pour une fois. Cela inclut d’enfin mettre au clair ses sentiments, mais aussi une réflexion sur sa nature et ses choix de vie. Choisir entre ses amies pourrait équivaloir à choisir sa propre destinée.
Elinor, quant à elle, est toujours une petite saloperie. J’ai beaucoup de mal avec ce personnage et malgré son évolution drastique et tout ce qui devrait m’enjoindre à l’apprécier, je n’arrive à voir que sa mesquinerie. Elle est d’une hypocrisie crasse. Son compagnon n’aide pas, il est tout aussi exaspérant.
En revanche, j’ai adoré Sixtine dans ce tome. On comprend un peu mieux son attitude. Elle est sans cesse tiraillée entre sa nature de vampire, exacerbée par Drake, et son ancienne vie grâce au lien qu’elle essaie désespérément de maintenir avec ses amies. Je me suis demandé tout du long quelle part d’elle l’emporterait et j’ai beaucoup aimé la profondeur de son personnage.
Avec Sixtine, Nancy est l’autre bonne surprise de ce tome. Cette petite vampire désinvolte apporte un indéniable plus à l’histoire et aurait mérité qu’on s’attarde encore davantage sur son histoire.
L’alternance des points de vue permet de profiter pleinement de l’histoire et des personnages. J’admets avoir un faible pour ce type de narration, même si on apprécie forcément certains personnages plus que d’autres.
Ce dernier tome clôt parfaitement la trilogie, avec une fin douce-amère et néanmoins satisfaisante. J’ai passé un excellent moment avec ces romans et je relirai probablement ces trois autrices.

vendredi 10 mai 2024

Et à la fin, ils meurent

Un essai écrit et illustré par Lou Lubie, publié chez Delcourt.


Et à la fin, ils meurent est un essai sous forme de BD. Vu le format, on pourrait se dire qu’il s’agit d’une introduction qui effleure le sujet de manière ludique. Oui mais non. Introduction ludique, certes, mais celle-ci est complète, documentée, réfléchie. On y découvre l’histoire des contes de fées ainsi que les gens et événements qui ont contribué à les façonner. Déjà, d’où vient l’appellation « contes de fées » alors que les bonnes dames n’y sont pas toujours représentées ? Lou Lubie nous l’explique et avec cela beaucoup d’autres subtilités de ce genre littéraire. Parce que oui, bien que profondément ancré dans l’oralité pendant plusieurs siècles, le conte est devenu un genre littéraire à part entière. Lou nous parle des gens qui l’ont codifié aussi bien que de ceux qui ont publié les premiers recueils.
Elle évoque les anciennes versions, plus trash, parfois même gore, des contes qui ont bercé notre enfance. Elle s’arrête parfois sur un conte pour le détailler. Elle le fait notamment avec La Barbe bleue ou encore Le Petit Chaperon rouge qui sont des contes particulièrement intéressants dans leur symbolisme.
Pour le premier, j’ai toujours préféré la version appelée L’Oiseau d’Ourdi et, comme elle est étrangement moins connue, je suis contente qu’elle soit mentionnée. Quant au second… Je dois à ma professeure de français de 6e de connaître la version la plus perturbante des mésaventures de la fillette en rouge et avec cela la base de mes connaissances de ce genre souvent jugé, à tort, niais et puéril.
Les contes sont un domaine d’étude passionnant, bien loin de l’image édulcorée que la plupart des gens en ont. Lou le sait et nous en dévoile toutes les facettes dans cet ouvrage remarquable par sa construction et son exhaustivité. 
Ce n’est pas un livre pour les enfants (encore que, je l’aurais lu sans sourciller à douze ans) mais il ravira les adultes. Sous son aspect humoristique, cet ouvrage est bien documenté, didactique et riche en informations diverses. Lou y analyse des contes, nous partage d’intéressantes réflexions et n’hésite jamais à remettre les récits dans leur contexte pour étayer son argumentation. Elle s’attache beaucoup aux détails, ce qui montre le soin et le sérieux avec lesquels elle a construit son essai.
Même en ayant au préalable de bonnes connaissances sur le sujet, j’ai appris des choses. Seule la fileuse en moi grommelle un peu car personne ne sait jamais faire la différence entre un fuseau et un rouet, sans parler des quenouilles, mais au moins il est précisé que c’est une écharde qui ensorcèle la jeune fille et pas une aiguille qui n’a rien à faire là.
J’aurais aussi aimé une mention pour Neil Gaiman, mais c’est la fangirl en moi qui parle. Si ce n’est déjà fait, lisez au moins Neige, verre et pommes, sa meilleure réécriture de conte à mon sens.
Mais revenons à Lou Lubie et à son passionnant ouvrage. Je n’ai pas encore parlé des dessins. Ils ont ici vocation à souligner le propos, sont souvent drôles, voire décalés et irrévérencieux. Grâce à eux, on ne risque pas d’oublier ce que l’on apprend dans ce livre. Ils lui apportent ce petit plus qui lui confère toute son originalité et en font un ouvrage qui complètera fièrement la collection de tout amateur de contes.
De manière drôle et concise, Lou Lubie nous offre une introduction très complète sur les contes. Elle n’a rien laissé de côté, pas même leur usage en psychanalyse. J’ai lu ce livre avec grand intérêt. J’ai appris des choses, m’en suis rappelées d’autres, et tout cela a nourri ma réflexion.

mardi 7 mai 2024

Le Mystère des mangeurs d'histoires, Sorcières Sorcières T2

Une BD écrite par Joris Chamblain et dessinée par Lucile Thibaudier, publiée chez Kennes éditions.



Harmonie et Miette sont sœurs, elles ont un dragon de compagnie et vont à l’école pour apprendre à maîtriser leurs pouvoirs magiques. L’univers de ces deux adorables petites sorcières est aussi fantasque que cosy.
Pour une fois, on a deux sœurs qui s’entendent bien. On ne peut pas dire que ce soit courant dans les ouvrages pour la jeunesse. J’aime beaucoup ces petites sorcières qui représentent des valeurs positives. Harmonie est sérieuse et responsable, Miette pleine d’imagination, et toutes les deux ont un très grand cœur.
Dans ce tome, Harmonie qui est particulièrement observatrice, décèle un problème dans son école et décide de mener l’enquête. Ce qui semblait anodin au départ devient très préoccupant quand des enfants tombent malades et que les adultes ne parviennent pas à les soigner. Heureusement, les deux sœurs sont là pour, chacune à sa manière, apporter une solution.
On en apprend davantage sur la façon dont fonctionne la magie dans ce monde et j’ai apprécié cette jolie histoire. Elle nous rappelle le pouvoir de l’imagination et quand enfant on jouait à faire semblant, à construire et déconstruire des univers entiers. Elle nous offre une très belle réflexion sur la créativité et la façon de la nourrir : pour créer des histoires, il n’y a rien de mieux que d’en avoir été nourri, c’est un savoir qui se transmet, se partage, sans en être amoindri.
Cette BD est idéale pour un jeune public. L’histoire peut sembler un rien simple pour un adulte, mais est douce et réconfortante. Elle nourrira positivement les rêves des enfants. En outre, les dessins sont magnifiques, vivants et colorés. Ils font une grande partie de la magie de cette histoire.

vendredi 3 mai 2024

Hante voltige, Paris est une Bête T1

Un roman de Nelly Chadour publié chez Moltinus, également disponible en poche chez les Moutons électriques dans la collection Hélios.
En version audio chez VOolume, lu par Alexandre Cardin.


Paris durant les années 80, dans un climat déjà tendu après une énième bavure policière, un tueur à moto s’en prend la nuit à des jeunes punks ou maghrébins. 
Fusain et ses potes aiment explorer les catacombes. Enfin, ce sont surtout Byron et La Santeria qui se repaissent de leurs visites souterraines. Or ils vont assister à quelque chose lors d’une de leurs virées, pendant que Fusain tombe en pâmoison devant une nana en pleine manif. Et c’est là que tout bascule, mes bons amis, car ces quatre là vont se trouver embarqués dans un thriller paranormal déjanté, avec pour guide un vieux Kabyle autoritaire qui semble en savoir long sur les monstres tapis dans l’ombre.
Des punks, des goths, des vieux et des fantômes. Pendant les années 80 de surcroît. Franchement, c’est un bon départ pour un roman noir délirant et néanmoins profondément politique, historique aussi, d’une certaine façon, du vrai pulp comme on aime. On ne s’ennuie pas un seul instant dans ce roman nerveux, plein d’énergie, d’humour et de mystère, qui possède toute la saveur d’une légende urbaine.
Nelly Chadour est une excellente conteuse qui joue avec les mots et les références ; le style est impeccable tout en nous offrant une histoire quasi cinématographique. J’ai aimé cette plongée dans le passé. L’histoire en outre demeure très actuelle car les problématiques n’ont pas beaucoup changé en quarante ans, malheureusement. Ce roman est aussi distrayant qu’intelligent.
Il s’agit du premier tome d’une trilogie. Du moins c’est l’information qui avait été donnée lors de la campagne participative. Je l’avais acheté en ebook à l’époque, mais c’est dans sa version audio produite par VOolume et impeccablement interprétée par Alexandre Cardin, que je l’ai découverte. Ce fut une excellente écoute, les productions de chez VOolume sont toujours d’une grande qualité.
Le deuxième tome n’est pas encore disponible en audio, mais je pense le lire vite, j’ai bien envie de retrouver ces personnages.

mardi 30 avril 2024

Le Champ des possibles

Un roman graphique écrit par Vero Cazot et illustré par Anaïs Bernabé, publié chez Dupuis.


Marsu est architecte. Elle adore son métier et aime encore plus Harry, son époux. Mais un jour elle rencontre Thom qui construit des mondes virtuels et l’entente est immédiate. Peu à peu l’amitié se change en amour et Marsu ne peut choisir entre les deux hommes de sa vie. Elle qui refusait la réalité virtuelle finit par y adhérer, devenant même accro. Elle tâtonne à la recherche d’un équilibre entre les deux mondes. Petit à petit, sa vie se scinde en deux. Elle n’alterne plus et vit ces deux existences en même temps.
Le sujet de cette BD est fascinant. Elle nous parle à la fois de dissociation de conscience et de polyamour. J’ai beaucoup apprécié la première moitié du scénario pour toutes les réflexions qu’elle apporte, d’autant plus à une époque où l’on veut tout et tout de suite, sans avoir à faire de choix. L’envie de tout vivre, d’exploiter les moindres possibilités des nouvelles technologies pour s’affranchir de toute contrainte est assez typique de notre époque, même si c’est plus souvent un leurre pour nous qu’une réussite. Le récit illustre également la puissance de l’imaginaire et la richesse de notre vie intérieure. Cependant, j’ai moins aimé la deuxième partie de l’histoire. On part sur des sentiers un peu trop perchés, même pour moi. C’était cependant assez émouvant et j’ai eu les larmes aux yeux sur la fin. Il y a beaucoup d’amour dans cette histoire et même sans s’attacher outre mesure aux personnages, on le ressent.
J’ai adoré le côté psychédélique de certains dessins, le jeu de couleurs entre la réalité et le virtuel. L’aspect esthétique de la BD m’a particulièrement séduite et sert l’histoire à la perfection. J’ai passé pas mal de temps à admirer les dessins et je sais que j’y reviendrai plus tard. C’est un très bel ouvrage.

jeudi 25 avril 2024

Witch Vampire : Article 2 : On ne trahit pas

Un roman d'Émilie Chevalier, Laurence Chevalier et Sienna Pratt. Publié chez Black Queen. Disponible en version audio chez Audible.

Mon avis sur le premier tome.


Attention, cette chronique révèle une partie des événements du tome précédent.

Le premier tome m’avait laissé un goût d’inachevé, comme un film coupé en plein milieu. J’ai donc enchaîné avec le deuxième. Je fais rarement cela, mais en l’occurrence cela se justifie et je vous conseille d’en faire autant.
Avec ce tome, on entre enfin dans l’action. Ce n’est pas qu’il ne se passait rien dans le précédent, mais les enjeux m’ont parus bien plus concrets. Il faut dire que notre trio de sorcières est dans une situation très délicate. Elles sont accusées d’avoir enfreint la première des trois lois en se mélangeant aux loups et même si c’était pour survivre, elles risquent d’être privées de leurs pouvoirs ou condamnées au bûcher. La situation est d’autant plus grave que les événements récents les ont séparées. Elinor a choisi sa vie et se lave les mains des conséquences, Sixtine est encore très marquée par son emprisonnement et le choix d’Elinor ne fait que la conforter dans l’impression qu’elle a eu d’être abandonnée par son entourage. Quant à Neeve, tiraillée entre les deux et ses propres angoisses, elle ne sait que faire pour apaiser les tensions tout en sauvant leur peau.
Au-delà des problèmes personnels des trois filles, on en apprend aussi davantage sur le meurtre qui les a placées sur la sellette ainsi que sur les morts suspectes dont a souffert la meute. Certaines choses m’ont semblé évidentes, comme l’implication d’un personnage secondaire, et d’autres moins. J’ai apprécié cette partie de l’intrigue, d’autant plus qu’elle est portée par Neeve et Lennox, mes deux personnages préférés, qui mènent l’enquête.
En revanche, suivre les autres personnages s’est révélé un rien plus compliqué.
Si dans le précédent tome Elinor avait joué avec mes nerfs, j’ai pensé durant les premiers chapitres que ce serait au tour de Sixtine dans celui-ci. Elle était si centrée sur elle-même, égoïste et imperméable à la souffrance des autres que j’avais envie de la secouer. Son traumatisme ne justifie qu’en partie son manque d’empathie. J’entends bien qu’elle aussi a des besoins et le droit de l’exprimer, mais se rend-elle vraiment compte de ce qui se passe autour d’elle ? Elle est exécrable avec tout le monde, elle ne comprend pas que les autres ne sont pas à sa disposition. Elle aurait dû apprendre de ses erreurs, son impulsivité lui ayant déjà joué des tours, mais en fait non, elle préfère chouiner. Elle ne se rend pas bien compte de ce qu’a fait Robin pour elle et elle est incapable d’accepter les choix des autres. Pour elle, une Elinor dépressive mais avec elle, serait préférable à une Elinor heureuse ailleurs. C’est assez triste. J’aurais mieux compris une telle attitude venant de la part d’Elinor qui était profondément dépressive. Sixtine est censée avoir la tête sur les épaules. Elle a certes vécu une captivité éprouvante, mais elle doute si facilement de son entourage...
Quant au vampire qui lui tourne autour… Non, vraiment pas. Je pensais que j’en avais définitivement marre de Sixtine, mais j’ai revu mon opinion à son sujet de manière drastique. Les autrices m’ont retournée comme une crêpe en lui offrant un développement d’une grande profondeur. Cela ne la rend pas plus sympathique, cependant elle est le personnage qui évolue le plus dans ce tome. Cela force l’intérêt et je me demande vraiment où cela va nous mener dans la suite.
Elinor, quant à elle, demeure le personnage pour lequel je m’implique le moins. Elle a trouvé sa place. Je ne l’aime toujours pas, mais la voir heureuse et enfin confiante en elle-même fait plaisir. Elle était réellement en souffrance dans le tome précédent, je peux comprendre qu’elle veuille passer à autre chose. On sent qu’elle aime toujours sa famille et ses amis, mais elle est mieux loin d’eux, aussi triste et égoïste que cela puisse paraître. J’aurais tout de même aimé comprendre ce qui avait déclenché et nourri sa dépression car honnêtement elle s’en est sortie d’un claquement de doigts, ce qui est peu vraisemblable. La désintox brutale c’était déjà quelque chose, mais elle avait été aidée par un guérisseur. Néanmoins, on ne guérit pas une profonde dépression juste en se trouvant un mec. L’abus de cachets n’était pas son principal problème, or la racine du mal semble avoir totalement disparu en même temps que l‘addiction. La Elinor de ce tome n’est pas cohérente avec celle du précédent. Elle n’arrivait pas à se faire obéir par une classe de gamins, mais elle met des loups à terre en haussant le ton ? Mouais…
Je n’adhère toujours pas à son histoire avec Karl. Ils ont l’air shootés aux endorphines et ne partagent rien à part du sexe. J’aurais aimé les voir construire une vraie relation au-delà de leur coup de foudre. Cependant il n’en est rien. Ils baisent et se lancent des regards énamourés. Leur histoire est d’une platitude et d’un ennui… Mais je crois que c’est leur hypocrisie qui m’agace le plus en fait. Les règles valent pour les autres, mais pas pour eux. Ils ont beau avoir des moments d’altruisme et de courage qui donnent le change, cela ne fait pas oublier qu’ils ne se sont pas toujours souciés de ce qu’il adviendrait de gens qu’ils prétendent aimer, du moment que ça se passe bien pour eux.
Autant dire que je vivais pour les chapitres de Neeve et Lennox qui sont toujours mes chouchous. Et j’ai tremblé pour eux de trop nombreuses fois à mon goût !
Neeve fait peut-être des choix discutables et elle est souvent à l’ouest, mais elle reste la plus saine de ces filles et la plus tolérante. Tout ce qu’elle veut c’est le bonheur des gens qui l’entourent et elle respecte leurs choix. Les deux autres sont davantage dans le jugement, surtout Sixtine.
L’histoire de Neeve et Lennox est attendrissante. On sentait déjà de l’amour entre eux, malgré la distance, dans le premier tome, mais là on comprend enfin comment et pourquoi ils se sont éloignés. Je n’avais qu’une envie : qu’ils puissent enfin se parler et se retrouver.
Pour nos trois sorcières, c’est le moment de faire des choix drastiques. Vont-elles s’éloigner définitivement ou se retrouver dans l’adversité ? Même si elles ont souffert des récents événements, j’ai trouvé que leur amitié vacillait un peu trop facilement.
La fin m’a séchée et rattrape tout ce qui m’a agacée dans ce tome, cependant, elle ne m’en a pas moins brisé le cœur. Les autrices ont faits des choix risqués, cela promet pour la suite. Je n’ai plus qu’une chose à faire, lire le dernier volume. 

lundi 22 avril 2024

L'Oiseau d'or de Kainis T2

Un manga de Kazuki Hata, publié chez Glénat.

Mon avis sur le premier tome.


J’ai retrouvé avec plaisir Lea alias Alan, notre écrivain en herbe, qui tente de se faire à sa nouvelle vie londonienne tout en écrivant son deuxième roman. L’argent manque et une source de revenus serait bienvenue si elle veut rester.
Le premier tome du manga se terminait sur un moment de suspense propre à faire basculer cette nouvelle vie chèrement acquise. Mais qu’a vraiment vu Myles et, s’il a vu quelque chose, que fera-t-il de cette information ?
Ce tome m’a beaucoup plu. On y apprend l’histoire de Myles, qui lui aussi cache un secret. J’ai une certaine tendresse pour ce personnage bienveillant, à la gentillesse discrète et désintéressée. Sa façon de veiller sur Alan est particulièrement touchante. Son histoire personnelle est plutôt triste, un peu cliché comme tout le reste du manga, mais je ne l’en ai trouvé que plus attachant.
Dans ce volume, Alan rencontre aussi une autre femme écrivain qui s’habille en homme et publie sous un pseudonyme mais ne cache pas vraiment son genre et cela l’amène à des réflexions sur sa propre situation ainsi que son avenir. Rien de très profond, on reste dans quelque chose de personnel et de bon-enfant. J’ai cependant apprécié que le personnage sorte un peu de sa bulle et se pose de vraies questions, même un court instant. Cela amène aussi un nouvel éclairage sur sa relation avec Myles.
La fin du tome nous offre un nouveau rebondissement intéressant, alors qu’Alan est forcé de redevenir Lea pour un temps, et j’ai hâte de voir comment cela va évoluer.
C’est une chouette petite série, bien agrémentée par de jolis dessins. Le récit ne casse pas trois pattes à un canard, mais est empreint d’une agréable douceur.

vendredi 19 avril 2024

Witch Wolf : Article 1 : On ne se mélange pas

Un roman d'Émilie Chevalier, Laurence Chevalier et Sienna Pratt. Publié chez Black Queen. Disponible en version audio chez Audible.



Je n’attendais pas grand-chose de cette audio-lecture et j’ai été agréablement surprise. L’urban fantasy est un genre galvaudé qui, bien souvent, nous sert le même schéma répété ad nauseam. Avec cette trilogie, les autrices ont choisi de se jouer des poncifs et de sortir un peu du cadre. J’ai trouvé cela rafraîchissant.
Les héroïnes ne sont pas parfaites, bien loin de là. Sixtine est la plus sage du trio et souvent la voix de la raison quand ses amies déconnent, mais elle n’est pas sans failles. J’ai aimé ce personnage qui ne fait pas toujours de bons choix, mais qui essaie de rester fidèle à ses valeurs. Neeve, quant à elle, est complètement allumée, et aussi bizarre que ça paraisse elle en est devenue ma préférée J’ai hâte d’en savoir plus sur son passé commun avec l’un des personnages masculins. Enfin on en arrive à Elinor, mon problème majeur dans cette histoire. Elle m’a tapé sur les nerfs et je n’ai même pas réussi à compatir à ses malheurs. Elle a beau évoluer au fil du récit, le mal était fait, je ne suis pas parvenue à m’attacher même si elle mériterait toute mon admiration. En fait, je n’ai pas réussi à croire en elle et en son histoire. Quand son mec est entré en scène, cela n’a rien arrangé, il m’a exaspérée encore davantage.
Les personnages masculins sont en retrait dans la narration par rapport aux féminins et on n’en sait pas encore assez sur eux pour vraiment les cerner. Néanmoins, Lennox et Robin ont piqué mon intérêt. Lennox est le plus secret des deux et je suis très curieuse de connaître son histoire.
Le roman multiplie les points de vue, ce qui le rend d’autant plus agréable à l’écoute, chaque personnage ayant son narrateur attitré. On peut ainsi connaître les pensées et mieux comprendre la personnalité ainsi que les choix des personnages principaux. Cependant, le revers de ce choix narratif se révèle lorsque l’on ne supporte pas l’un d’entre eux. Quand j’en arrivais à Elinor et Karl, je passais les chapitres en accéléré, je l’avoue.
J’ai apprécié ce roman qui s’écoute vite, mais l’intrigue manque pour l’instant un peu de substance. Pour moi, il ressemble davantage à une longue introduction qu’à un premier tome. Je pense que c’est le genre de trilogie qu’on doit lire d’une traite, ce premier volume est loin d’être autosuffisant. Qu’à cela ne tienne, je vais commencer le deuxième, pour l’instant je me sens plutôt bien dans cet univers.

mardi 16 avril 2024

Sœurs d'Ys

Une BD scénarisée par M.T. Anderson et dessinée par Jo Rioux, publiée chez Rue de Sèvres.


Rozenn et Dahut viennent de perdre leur mère adorée. Tandis que leur père s’abîme dans les plaisirs et se décharge de ses responsabilités, les deux jeunes princesses doivent trouver le moyen d’apaiser leur chagrin  tout en découvrant quelles adultes elles espèrent devenir. J’ai particulièrement aimé les pages qui les montrent en parallèle, lors de leur première dispute. Chacune vit son deuil à sa façon et grandit tant bien que mal, livrée à elle-même. Pendant que Rozenn devient une bienveillante sorcière des bois, amie des animaux, Dahut s’adonne à la magie et recherche le pouvoir dans les livres. Elle qui détestait son père, elle en deviendra l’instrument.
Les deux petites filles emplies de chagrin deviennent ainsi deux belles jeunes femmes aux antipodes l’une de l’autre. Rozenn bat la campagne, insouciante, alors que Dahut profite des plaisirs de la cour, mais doit aussi en assumer seule les responsabilités. Deux sœurs autrefois proches qui se sont éloignées l’une de l’autre peuvent-elles se retrouver malgré les chemins si différents qu’elles ont empruntés et les rancœurs qui les habitent ?
Cette belle BD réinterprète la légende bretonne de la glorieuse cité d’Ys. Je dois avouer que c’est loin d’être ma réécriture préférée car trop simpliste et manichéenne à mon goût. J’ai aimé les deux sœurs, mais elles n’ont aucun relief. Il y avait matière à apporter de la nuance au récit et plus de profondeur aux personnages. En revanche, j’ai beaucoup aimé les dessins, l’usage de la couleur et la texture. J’ai pris grand plaisir à admirer les détails, à feuilleter et re-feuilleter ce livre pour en admirer les illustrations.

jeudi 11 avril 2024

Les moelleuses au chocolat

Un recueil de nouvelles de Silène Edgar, publié chez Gephypre.

Présentation de l'éditeur :

Création vengeresse, puissance libératrice, magie féérique, nouveau sens organique, jeu épistolaire, folie douce, péché capital : sept nouvelles toutes en érotisme et chocolat, qui embrassent les genres de l’imaginaire et les enrobent d’une liqueur cacao à vous faire fondre… sans oublier l’humour, épice indispensable pour lier ces créations concoctées avec amour & gourmandise.

Au menu :
- La chocolatière de Hamelin
- Ève
- La cuisson parfaite
- Effluves
- Entre mes lignes
- Les gourmandes
- Une petite cantate
Évidemment, chaque nouvelle est complétée par ses recettes exclusives et coquines, à cuisiner à deux (ou plus).

Dans ce recueil tout en sensualité et gourmandise se côtoient une sorcière tentatrice et revancharde, une Galatée chocolatée, une veuve qui sait ce qu’elle veut, une fille-fée qui désespère d’être aimée pour elle-même, une mégère apprivoisée et un certain nombre de gourmandes impénitentes toutes plus séduisantes les unes que les autres. Je me suis laissé envelopper par la douceur cacaotée de leurs histoires à la saveur de contes. J’ai trouvé entre ces pages un brin d’érotisme, des torrents de sensualité, beaucoup de gourmandise et tout autant d’amour.
Toutes ces histoires m’ont séduite d’une manière ou d’une autre, mais j’ai une certaine tendresse pour celle de Mahaut, un peu fée, un peu sorcière et surtout fort pragmatique. J’ai aussi particulièrement apprécié Entre mes lignes, un récit aussi drôle qu’attendrissant. Le symbolisme d’Ève, à qui la précision et la mégalomanie donnent corps, mais qui ne prend vie que grâce à la tendresse et au désir a également touché mon cœur de guimauve.
Ces nouvelles ont quelque chose de réconfortant, comme le chocolat qui les a inspirées. Elles explorent le désir, l’éveil des sens, mais aussi la sensation de tomber en amour et sont pour la plupart extrêmement positives.
Les textes sont joliment tournés, poétiques et imagés. Ces récits fortement inspirés de contes sont agréables à lire et se savourent comme autant de mignardises. Il faut être raisonnable, car ce petit livre peut aussi bien se dévorer trop vite. L’autrice a pris soin d’agrémenter ses nouvelles de recettes alléchantes, pour entretenir l’appétit de ses lecteurs, et j’ai bien envie d’en essayer certaines.
J’avais déjà lu Silène Edgar et je trouve qu’elle excelle dans l’art de conter des nouvelles. Ce fut une très plaisante lecture.


mardi 9 avril 2024

Un thé pour Yumiko

Une BD de Fumio Obata, publiée chez Bayou.


Yumiko est graphiste, elle vit à Londres depuis longtemps et elle n’a pas l’intention de retourner au Japon pour autre chose que des vacances. Elle a tout fait pour se construire une vie dans ce pays et elle semble heureuse, jusqu’au jour où elle reçoit un appel de son frère lui annonçant la mort de leur père. Yumiko doit rentrer au Japon pour les funérailles et commence à s’interroger sur ses choix, ses émotions et ses envies.
On plonge dans les souvenirs de la jeune femme avec incertitude. Elle semble tourner autour de quelque chose, une idée persistante ou une fêlure, personnifiée par le personnage d’une pièce de théâtre nō. Elle cherche en elle la signification de cette image. Elle pense à son père et à ce qu’il voulait pour elle. On se rend vite compte que Yumiko s’est sentie tiraillée entre les ambitions différentes de ses deux parents et les deux existences qu’ils espéraient pour elle. Est-elle sûre de ce qu’elle souhaite ?
Yumiko entame un voyage symbolique dans lequel elle va apprendre qu’on se construit en permanence. Elle expérimente une sorte d’effondrement qui mène à la renaissance, en parallèle des rituels funéraires qui l’ennuient et qu’elle trouve vains, censés accorder à son père une nouvelle existence sur un autre plan.
Cette belle BD parle de deuil, de la vacuité de certaines choses que l’on s’impose, de la difficulté de laisser derrière soi le poids des attentes que les parents font peser sur nous pour enfin être soi. Elle parle aussi de déracinement et d’expatriation, du travail constant que cela demande et de l’incompréhension des proches. Elle parle de manque et de rêves fragiles. Enfin, cette histoire nous parle d’émotions et d’une jeune femme cherchant à apprivoiser les siennes. 
J’ai beaucoup aimé le style graphique crayonné et la colorisation à l’aquarelle qui apportent lumière et douceur à l’ensemble. Cette lecture fut pour moi un très beau voyage spirituel.

jeudi 4 avril 2024

Hippolyte

Une BD scénarisée par Clotilde Bruneau et dessinée par Carole Chaland, publiée chez Vents d'Ouest.


Hippolyte est une ville cachée, peuplée uniquement de femmes qui font ce qu’elles peuvent pour survivre dans un monde hostile. Avec ces amazones du Far West, attendez-vous à de la violence, des attaques de convois monétaires, des trahisons et des personnages dénués de tout sens moral. En somme, quelque chose d’assez classique pour un western.
Je n’ai pas réussi m’impliquer dans cette histoire au scénario délayé. Je peux imaginer pourquoi ces femmes ont choisi de répondre à la violence par la violence, mais j’aurais aimé en apprendre davantage sur leurs parcours respectifs. Je déteste quand les auteurs créent beaucoup de personnages et ne leur donnent aucune profondeur. C’est très fouillis au départ et on sait à peine qui est qui à la fin. On nous bombarde de prénoms et ça s’arrête là. Il n’y a guère que Victoria et les deux autres femmes de sa famille qui sont un rien plus esquissées que les autres. Les motivations de personnages pourtant importants, comme Brooke pour ne citer qu’elle, nous restent étrangères. Je peux comprendre que ces femmes soient dures, vu leur vie, mais elles sont aussi inexpressives et inflexibles que du marbre. On ne peut pas ressentir d’empathie pour des personnages aussi plats, qui semblent eux-mêmes n’avoir aucun sentiment.
J’ai particulièrement détesté la gamine psychopathe. Elle est exaspérante durant toute la BD et la conclusion de son histoire est bâclée. Franchement, tout ça pour ça ?
Ce western féminin ne m’a pas convaincue du tout. 

mardi 2 avril 2024

Panique à Wahlbourg, Bigoudis & petites enquêtes T1

Un roman de Naëlle Charles, publié chez Archipoche et chez Audible pour la version audio. Celle-ci est lue par Sébastien Desjours et Eve Reinquin.


Dans ce cosy mystery à la française, on suit Léopoldine, trente-six ans et maman de deux ados insupportables. Elle a toujours rêvé d’être flic mais est devenue coiffeuse. Oh, elle aime bien son travail, mais ça manque un peu de piquant à son goût. Alors quand elle trouve le corps d’une de ses connaissances dans le parking de l’hypermarché, elle est bien décidée à se mêler de l’enquête. Oui, dit comme ça, Léopoldine a tout l’air d’une écervelée. Cependant, elle ne l‘est pas. Elle prend certes des décisions discutables parfois, mais elle n’en est pas moins intelligente quand elle veut.
Son partenaire d’investigation, Quentin Delval, rêvait aussi de devenir gendarme, mais une sanction disciplinaire l’a placé contre son gré dans la petite ville alsacienne où a grandi Léo. Il a beau être gradé, il manque cruellement d’expérience et même s’il fait sa tête de cochon au début, il est bien content d’avoir l’aide de Léo. Quentin peut sembler détestable au début, mais si on arrive à passer outre les premiers chapitres, on se rend vite compte qu’il n’est pas si mal.
J’ai bien aimé la dynamique entre ces deux personnages qui semblaient pourtant très mal partis. Il faut dire qu’ils ne sont pas aidés, l’autrice ne leur a épargné aucun cliché. Léo prend particulièrement cher avec son horrible famille. Cela semble la norme dans les cosy, mais au moins elle se rebiffe, contrairement à d’autres héroïnes qui persistent à se laisser marcher dessus. 
L’intrigue ne casse pas trois pattes à un canard, mais reste plausible, même si très perchée sur la fin. J’ai surtout aimé l’ambiance de petite ville et les personnages malgré les poncifs. Le tout est quand même assez répétitif. Les ados, qui font office de ressort comique, deviennent vite lourds à la longue.
J’ai choisi la version audio de ce roman et je pense que j’ai bien fait. Elle se prête particulièrement bien à la narration choisie par l’autrice qui s’adresse souvent directement au lecteur. Je n’aurais pas eu la même patience avec la version écrite, d’autant que le style est assez simpliste. Les narrateurs ont fait un excellents travail et je crois qu’ils ont contribué à me rendre les personnages sympathiques. Ce n’était pas gagné, Léo et Quentin peuvent se montrer très arrogants au début, mais on apprend à les aimer petit à petit.
C’était sympa, mais sans plus. J’ai envie de donner une chance à la suite pour voir comment les personnages vont évoluer, mais ce ne sera pas dans l’immédiat.

jeudi 28 mars 2024

La Volière aux souvenirs

Une BD écrite par Valérie Weishar-Giuliani et dessinée par Nina Jacqmin. Publiée chez Jungle.


Louison est très proche de Fantine, sa grand-mère, et trouve auprès d’elle le réconfort dont elle a besoin durant une période très difficile de sa vie. L’adolescente a perdu son père et voit jour après jour sa mère s’enfoncer dans la dépression. Patience, gentillesse ou colère, rien n’y fait, sa fille ne parvient pas à la faire réagir. Alors Fantine explique à Louison que les émotions sont parfois traîtresses et que nous ne les exprimons pas tous de la même manière. Elle-même a, depuis l’enfance, pris l’habitude de dessiner les siennes. Elle en fait des oiseaux de papier qu’elle place dans une volière, ce qui lui vaut, au mieux, d’être considérée excentrique. Pour sa petite fille, elle décide de déplier ses oiseaux afin de lui conter une partie de leur histoire familiale.
Il est monnaie courante d’être en conflit avec ses parents ou ses enfants, surtout au moment de l’adolescence, alors que la relation entre grands-parents et petits-enfants permet souvent de transcender l’écart entre générations. Sans doute parce que les grands-parents ont d’une part eu le temps de méditer leur expérience de parents et d’autre part n’ont pas la même responsabilité éducative envers leurs petits-enfants. Le fait est que, dans cette BD, le lien entre la grand-mère et la petite-fille va permettre de réparer les liens mère-fille de l’une et de l’autre.
Alors que Louison vit un nouveau chagrin et est encore une fois forcée de grandir plus vite, Candice, sa mère, doit quant à elle lutter contre sa léthargie et regarder en face toutes les rancœurs accumulées. Étrangement, c’est dans le conflit qu’elle va trouver un peu de force, juste l’élan qu’il lui faut pour réaliser que d’autres partagent son chagrin et qu’il faut aimer les gens tant qu’ils sont encore là. Elle va à la fois mieux comprendre sa fille et sa mère, mais aussi ses propres émotions et la façon délétère dont elle les gère.
Au fur et à mesure que sont dépliés les oiseaux de papier de Fantine, les sentiments des trois femmes se répondent et s’expliquent, s’entremêlent et renforcent leurs liens. Cette histoire est belle, douce et poétique. Elle parle d’amour, de transmission intergénérationnelle et de partage. Elle nous montre aussi l’importance de l’expression par l’art et toutes formes de créativité. En permettant aux personnages d’expérimenter plus d’empathie, elle les pousse vers la résilience.
Les dessins sont très jolis, y dominent des tons parme, avec des touches orangées, roses et éthérées. Ces couleurs pastel et vaporeuses apportent au récit une lumière aurorale. Aurorale et non crépusculaire, car les couleurs sont douces et poudrées, porteuses d’espoir plus que de nostalgie. J’ai particulièrement apprécié l’aspect graphique de cet album.

mardi 26 mars 2024

Le Prince et la Couturière

 Une BD de Jen Wang, publiée chez Akileos.


C’est l’histoire d’une fille qui rêve de faire des robes extravagantes, mais fait office de petite main dans un atelier. C’est aussi l’histoire d’un prince qui, certains jours, préfère être une princesse. Passionnés de mode, Francès et Sébastien étaient faits pour se rencontrer, cependant, sans un coup de pouce du hasard, ils n’auraient jamais dû se croiser. Avec une bonne dose de foi l’un envers l’autre, ils vont décider de faire équipe et de vivre leurs rêves.
J’ai aimé la façon dont ces deux-là apprennent à se connaître et se livrent leurs secrets petit à petit. Leurs espoirs s’entremêlent et ils s’encouragent. Enfin, c’est le cas au début. Eh oui, parce que si tout était idyllique, il n’y aurait pas d’histoire… Nos deux jeunes personnages sont vite rattrapés par les réalités de la vie. Quand l’un a peur que son secret s’ébruite, l’autre craint de rester toute sa vie dans l’ombre…
On pourrait leur reprocher leur incapacité à faire des compromis, mais il faut se souvenir qu’ils sont fort jeunes et que la situation pourrait se révéler très problématique pour l’un d’entre eux qui a très peur de la réaction de son entourage. Francès et Sébastien sont attachants malgré la construction sans nuances de leur caractère. Ils restent avant tout deux adolescents qui essaient de trouver leur place, entre ce à quoi ils aspirent et ce que la société attend d’eux. L’un doit se conformer aux attentes et espoirs de ses parents qui le préparent à devenir roi, l’autre aux exigences de l’industrie de la mode qui brident sa créativité.
Jusqu’à quel point peut-on accepter de faire des concessions sans dévier de ce que l’on est et de ce que l’on  souhaite ? La question se pose d’autant plus pour un travail créatif comme celui de Francès ; entre ce que l’on aspire à créer et ce qui se vend, il y a parfois un monde. Si Sébastien est touchant dans sa façon de ne vouloir décevoir personne, Francès l’est quant à elle dans son amour pour son travail.
Cette BD nous conte une jolie histoire sur l’acceptation de soi, la tolérance et la volonté de croire en ses rêves. Cela manque un peu de profondeur, mais est néanmoins très mignon.
Les dessins, fort simples, dans un style un peu naïf, sont adaptés à la nature de l’histoire. L’usage de couleurs vives est bienvenu car il apporte de la vie à l’ensemble.
À la fin de l’ouvrage se trouve un court dossier dans lequel l’autrice explique son processus créatif. J’apprécie toujours ce type de bonus et celui-ci est intéressant.
C’est une belle lecture pour un jeune public.

jeudi 21 mars 2024

Le Printemps de Sakura

Une BD de Marie Jaffredo, publiée chez Vents d'Ouest.


Sakura vit à Tokyo avec son père d’origine française. Ce dernier doit partir quelques semaines à l’étranger pour le travail et la confie donc à la mère de sa défunte épouse qui vit dans un village de bord de mer. La petite fille se montre rétive à l’idée de se rendre chez cette grand-mère dont elle ne se souvient guère. Son père, pris dans la spirale du deuil et les difficultés qu’il a eu à récréer un équilibre pour sa fille, n’a pas réussi à maintenir le lien comme il l’aurait voulu et il le regrette. Il y voit une occasion de permettre à l’enfant de renouer avec sa grand-mère japonaise.
Sakura a beau vivre au Japon, elle se sent étrangère à sa propre culture. Sa mère décédée dans un accident trois ans auparavant n’est plus là pour l’éveiller à cette part de son héritage. Or, les racines poussent toujours vers l’endroit où elles trouvent de l’eau ainsi que des nutriments et les siennes s’atrophient. Sans en avoir vraiment conscience, l’enfant souffre d’être étrangère à cette part d’elle-même.
Auprès de sa grand-mère, elle va se reconnecter à sa moitié japonaise, à la langue qu’elle parle avec difficulté, aussi bien qu’à l’histoire de sa famille et à cette mère qui lui manque tant. J’ai aimé voir la vieille dame et la petite fille s’apprivoiser en douceur. Matsumi est une femme adorable qui comprend les sentiments de Sakura sans qu’elle ait besoin de les exprimer. Son amour pour sa petite-fille est inconditionnel. Elle lui montre son affection sans forcer la sienne en retour. J’ai aimé la façon dont elle laisse les choses se faire. Des liens se tissent peu à peu entre elles et cela passe par des petites choses : la cuisine, des promenades, apprécier la nature dont Sakura est trop privée à Tokyo, la pêche, les croyances et la découverte du village. Sakura apprend que sa grand-mère y a toujours vécu et commence à poser des questions sur sa famille, à s’intégrer dans cette histoire familiale qui est aussi la sienne. Toutes ces petites choses, tissées entre elles, nourrissent enfin cette part d’elle-même à l’abandon. Matsumi intègre Sakura dans sa vie comme si elle y avait toujours été et sans doute était-ce ce dont la petite fille avait besoin.
Sakura apprend à connaître les gens autour d’elle et se fait des amis. Mais, surtout, elle franchit une étape importante dans son deuil. Via sa grand-mère, elle retrouve sa mère. Voir la petite fille enfin libérée de ce poids est très émouvant.
Le Printemps de Sakura est une histoire douce-amère, pleine de tendresse, de poésie et de sensibilité. Les dessins sont magnifiques et j’ai passé beaucoup de temps à les admirer. J’ai adoré cet ouvrage du début à la fin, je ne peux que le recommander.

mardi 19 mars 2024

La Venise des Louves

Une BD scénarisée par Aurélie Wellenstein, avec des dessins d'Emanuele Contarini. Publiée chez Drakoo.


Les habitants de Venise ont vu une île s’éteindre brusquement durant la nuit et tous les secours qu’ils ont pu envoyer à leurs concitoyens depuis ne sont jamais revenus. Dès lors, des attentats aux effets dévastateurs ont commencé, semant la terreur et infligeant des blessures d’un genre nouveau à leurs victimes.
Renzo a survécu à l’une de ces bombes magiques. Il a perdu un bras, mais il peut s’estimer chanceux quand on voit ce qu’ont subit les femmes qu’il a rassemblées autour de lui. Elles sont quatre et il les surnomme ses Louves. Avec elles, il compte bien se venger de ceux qui ont orchestré ces attaques et qui rançonnent sans vergogne les Vénitiens.
Ce sont les dessins que j’ai préférés dans cette BD, mais je ne peux pas dire non plus qu’ils resteront gravés dans ma mémoire. Je n’ai pas aimé l’histoire, simpliste et brouillonne. Les scènes s’enchaînent sans réelle transition, donnant à l’ensemble un aspect fouillis. Ce manque de fluidité rend le récit pénible à suivre tant il est difficile d’y entrer. Le scenario se concentre davantage sur des scènes de combats plutôt confuses qui m’ont ennuyée et n’apportent pas grand-chose. Je ne me suis sentie à aucun moment impliquée dans cette histoire ni dans le destin de ses personnages.
Et puis j’ai détesté la suffisance et la masculinité tellement toxique du personnage de Renzo qui se sert de ses Louves comme d’armes sans respect de leur propre douleur ou de leurs limites. Il les utilise sans honte, les dirige et se cache derrière elles. La grande classe. Surtout quand il ajoute une nouvelle à sa collection, une enfant…
Il est le personnage le plus construit, bien que détestable, les autres sont davantage des accessoires. Les Louves, ainsi que tous ceux qui apparaissent en arrière-plan, demeurent des ombres. Malgré l’horreur de ce qu’ont vécu ces femmes et leur souffrance, on ne s’attache pas à elles car elles n’ont aucune profondeur. Pourquoi vouloir mettre en scène autant de personnages sans leur offrir un développement plus conséquent ? Certes, le format court a ses contraintes et chaque membre du groupe de Renzo illustre un des effets des bombes sur les victimes. Mais le tout ressemble au final davantage à un synopsis qu’à une histoire complète.
La fin, facile et convenue, a eu raison du peu de patience qu’il me restait. Je n’ai pas du tout apprécié cette lecture.

jeudi 14 mars 2024

Goupil ou face

 Une BD de Lou Lubie, publiée chez Vraoum.

Dans cet ouvrage aussi éducatif que cathartique, Lou Lubie nous parle des différentes formes de bipolarité, en particulier de la cyclothymie dont elle est atteinte, et de son parcours chaotique avant d’être correctement diagnostiquée et soignée. Ce type de témoignage est d’autant plus important que la bipolarité est encore fort mal connue de nos jours et qu’on l’associe souvent à sa forme la plus extrême en oubliant qu’il en existe d’autres. Or, cela prive de nombreuses personnes de l’aide et des soins dont elles ont besoin. Il est déjà très difficile d’accepter que l’on est atteint d’une maladie mentale, mais quand on sait que quelque chose ne va pas et que personne ne l’entend ni ne parvient à le définir, c’est encore pire. En nous décrivant son vécu, avec autant de sensibilité que de sincérité, Lou nous permet de nous rendre compte de tout ce que cela implique et des affres par lesquelles elle est passée. Sans être atteinte du même trouble, j’ai ressenti une grande empathie envers elle.
La cyclothymie a cela de particulier qu’elle est particulièrement instable, les humeurs variant drastiquement de manière tout à fait aléatoire. Elle est donc très difficile à identifier. Comment quelqu’un pourrait envisager sérieusement qu’une personne fait une dépression si elle est capable deux jours plus tard de s’atteler à un projet des plus ambitieux et qu’en plus elle le mène à terme ?
Lou nous parle sans fard de toute la complexité de sa maladie, qu’elle voit sous la forme d’un renard capricieux et parfois effrayant, et de tout ce qu’elle a mis en place pour vivre avec lui dans une entente plus ou moins bonne.
J’ai aimé ses planches en noir, blanc et rouge et tout le symbolisme qui va avec et qui nous parle de ses humeurs. L’usage de ces couleurs nous aide à mieux appréhender ses phases up et down. C’était parlant, artistique et poétique à la fois. J’ai toujours aimé la façon dont elle s’exprime par l’image et c’est particulièrement réussi dans cet ouvrage.
Elle a aussi fait un gros travail de vulgarisation pour permettre à ses lecteurs de mieux comprendre les différentes formes de bipolarité, mais aussi l’aide différente que peuvent leur apporter les médecins et les thérapeutes.
Lire le parcours de Lou peut aider des gens, pas seulement ceux souffrant d’un trouble bipolaire ou leurs proches, mais aussi ceux atteints d’un trouble mental que l’on peine à diagnostiquer et qui peuvent trouver dans son témoignage assez de force pour persister dans leur quête de soins.

mardi 12 mars 2024

Séraphine

Une BD illustrée et scénarisée par Edith, d'après un roman de Marie Desplechin, publiée chez Rue de Sèvres.


La vie de Séraphine a bien mal commencé. Elle est née à l’hospice d’une mère mourante et aurait fini à l’orphelinat sans la bienveillance d’un vieux curé. Seulement voilà, les nonnes ne peuvent pas la garder. Que faire sinon prier Sainte Rita, patronne des causes désespérées ? Il faut croire que le père Sarrault a l’oreille de la sainte car celle-ci leur a vite envoyé une solution en la personne de Charlotte, la tante de l’enfant.
Ainsi, Séraphine grandit à Montmartre en cette fin de XIXe siècle, sous la protection d’un curé, d’une tante prostituée et de la couturière revêche à qui on l’a confiée. Mais Séraphine a bien d’autres aspirations que de bâtir des chemises et poser des boutonnières. Et puis elle est curieuse… Elle aimerait savoir qui étaient ses parents et ce que c’est que cette « Commune » que les adultes autour d’elle n‘évoquent qu’à demi-mot, éludant dès qu’elle ose poser une question. Alors, pourquoi ne pas s’en remettre une fois de plus à la sainte sous la protection de laquelle sa tragique naissance l’a placée ?
Cette BD est adaptée d’un roman jeunesse de Marie Desplechin que je n’ai pas lu, mais je pense y remédier un jour. J’ai beaucoup aimé Séraphine, jeune fille vive au caractère affirmé. Elle se montre aussi pragmatique qu’idéaliste, ce qui donne un intéressant contraste à son caractère, et change sans le savoir le monde autour d’elle. Par amour pour cette enfant, des gens qui ne se seraient jamais fréquentés en temps normal finissent par s’allier, ce qui est particulièrement émouvant, en plus de nous permettre un tour d’horizon de différentes classes sociales de l’époque.
Au-delà de l’histoire personnelle de la fillette, il y a celle de Montmartre et de ses habitants, celle de la Commune et de la plaie béante qu’elle a laissé. Tout cela est raconté de manière aussi pudique que touchante et m’a fait monter les larmes aux yeux plusieurs fois.
Cette BD est destinée à un jeune public, mais peut être appréciée à tout âge. Elle m’a donné envie de découvrir le roman.

jeudi 7 mars 2024

Mysteries of Thorn Manor

 Une novella de Margaret Rogerson, publiée chez Bigbang.


Quand on est attaché aux personnages, on trouve toujours le roman trop court. Cela est d’autant plus vrai que la fin de Sorcery of Thorns peut sembler un peu frustrante. J’étais donc ravie de pouvoir prolonger le plaisir de lecture avec cette novella qui en complète l’épilogue. Ce récit plus intimiste apporte une nouvelle dimension à l’ensemble.
J’ai adoré cette histoire domestique, douce et réconfortante, qui explore davantage la psychologie et les sentiments des personnages. N’attendez pas un récit épique comme dans le roman initial. Sorcery of Thorns était avant tout un roman d’aventure et de découverte de soi, avec juste une pointe de romance pour colorer l’ensemble. Mysteries of Thorn Manor se concentre principalement sur la relation naissante entre Elisabeth et Nathaniel, mais aussi sur l’affection de la jeune femme pour son entourage. C’est en outre l’occasion pour nous de nous interroger, avec Elisabeth, sur la nature de Silas. Toute la complexité de son caractère est-elle vraiment compréhensible pour un humain ? Comment est-ce d’être un démon, de voir défiler les époques et les gens sans réellement faire partie de ce monde ? Elisabeth voudrait lui prêter des sentiments mais ne se trompe-t-elle pas en l’humanisant plus que de raison ? L’autrice a mis beaucoup de sensibilité dans l’écriture de ce texte et c’est un vrai plaisir à lire.
Elisabeth a beaucoup évolué et grandi. On savait déjà qu’elle était une belle âme, mais l’on peut d’autant plus apprécier cela dans un cadre plus domestique. Maintenant que sa quête est achevée, elle prend le temps de s’interroger sur sur ses sentiments et ses aspirations. Elle montre dans ce tome toute l’étendue de sa sensibilité et de son empathie. Elle cherche aussi sa place à sa manière, dans ce monde que toutes les révélations qu’elle a vécues dans le tome précédent ont redéfini.
Nathaniel, quant à lui, s’ouvre davantage aux autres, même si l’humour lui sert toujours d’armure. Il est adorable dans ce tome et souvent très drôle.
J’ai apprécié de retrouver aussi certains personnages secondaires, dont Mercy et Katrien. La seconde est toujours aussi brillante et j’adorerais que l’autrice nous conte ses aventures.
Le Manoir aussi est un personnage à part entière, avec ses pièces cachées, ses secrets et ses sautes d’humeur. Cela donne lieu à des mésaventures cocasses pour nos personnages, mais aussi à quelques incursions souvent touchantes dans le passé de Nathaniel et de la famille Thorn.
Il faut envisager cette novella comme un joli conte d’hiver, empreint de douceur et de mélancolie, mais aussi plein d’humour. Certains passages m’ont émue et d’autres m’ont fait rire ; le tout est savamment dosé. J’ai beaucoup aimé cette histoire et j’ai une nouvelle fois quitté les personnages à regret. Je sais que l’autrice ne prévoit pas de suite, mais je me serais bien attardée dans cet univers, pourquoi pas dans les pas d’autres personnages ? Suivre les expérimentations de Katrien pourrait être fort distrayant.

mardi 5 mars 2024

La Fille dans l'écran

 Une BD de Lou Lubie et Manon Desveaux, publiée chez Marabulles.



Coline vit en France, à la campagne, chez ses grands-parents. Elle veut devenir illustratrice. Elle travaille sur un livre pour enfants tout en se battant contre ses crises d’angoisse. Marley vit au Canada et rêvait d’être photographe, mais elle s’est peu à peu laissé engluer dans les nécessités du quotidien. Un jour, Coline va tomber sur les photos de Marley et lui demander l’autorisation de s’en servir comme base de travail pour ses dessins et les deux femmes vont commencer à correspondre.
Coline et Marley étaient faites pour se rencontrer à ce moment précis de leur existence. Chacune va apporter à l’autre un nouvel élan.
Marley a perdu de vue ses idéaux et ses aspirations. Elle vit avec un homme très égoïste et toxique qui détruit petit à petit sa confiance en elle, alors elle a renoncé à s’épanouir dans son travail et ne fait qu’enchaîner les tâches sans motivation. Coline, quant à elle, manque aussi terriblement de confiance. Elle a souffert de phobie scolaire, ses crises d’angoisse minent son quotidien et seuls ses grands-parents semblent comprendre sa profonde détresse. Malgré tout, elle s’accroche. Le fait que chacune aime le travail de l’autre va leur apporter la confiance qui leur manque et les aider à garder le cap. Peu à peu, une forte amitié, et peut-être davantage, va se développer entre elles.
J’ai aimé apprendre à les connaître, comprendre d’où venaient leurs peurs, voir comment chacune soutenait l’autre, pas seulement avec des encouragements, mais aussi des critiques constructives. L’histoire est plaisante, mais je crois que c’est la dimension artistique de l’ouvrage que j’ai préférée.
Dans ce roman graphique à quatre mains, le quotidien des deux protagonistes est exposé en face à face. D’un côté on a Coline en noir et blanc, avec un fond plus dessiné et des cases qui s’adaptent souvent à l’état d’esprit du personnage, de l’autre Marley avec ses couleurs vives et ses planches structurées dans un quadrillage franc à l’image de Montréal où elle vit, mais aussi de son amour pour la photographie. La façon dont les planches se répondent est vraiment plaisante et ajoute à la poésie ainsi qu’à la subtilité de cette histoire. J’ai particulièrement aimé le jeu très esthétique entre les ombres et les couleurs quand leurs deux mondes se rejoignent. Les styles des deux dessinatrices vont très bien ensemble et se complètent efficacement.
Ce fut une excellente découverte.

vendredi 1 mars 2024

Ma pâtisserie veg'italienne

 Un livre de recettes véganes de Maria Chiaia, publié chez Terre Vivante.

Présentation de l'éditeur :

Les classiques de la pâtisserie italienne en mode végan… c’est délicieux !
Découvrez les recettes traditionnelles de la pâtisserie italienne revisitées… en mode végan ! Ciambella, crostata, génoises, cantucci aux pistaches, savoiardi, « vegamisu », budino au chocolat, cheesecakes, cannoli… ces délicieux fleurons de la gastronomie italienne préparés uniquement à partir d’ingrédients d’origine végétale, par une talentueuse cuisinière italienne, diététicienne de formation, sauront vous convaincre de vous lancer vous aussi dans la pâtisserie végétalienne, bonne pour la santé… et pour la planète !
Les livres publiés par Terre Vivante sont en général une valeur sûre. J’étais donc ravie de découvrir celui-ci, d’autant que ma famille paternelle est d’origine italienne et qu’étant moi-même méditerranéenne je suis toujours curieuse de découvrir des variantes végétales de recettes qui ont bercé mon enfance.
Dans ce livre, vous trouverez des recettes typiques de diverses régions d’Italie, mais aussi d’autres pays — il y a même des scones que j’ai très envie d’essayer, dommage que la saison des avocats soit sur la fin (j’ai la chance de vivre dans une région où l’on cultive des avocats) — toutes végétales, faciles à faire et ne comportant pas des ingrédients trop difficiles à se procurer. Les ingrédients les plus « exotiques » que l’on vous demandera sont des graines de chia (dans une seule recette si ma mémoire est bonne), du tofu soyeux et de l’agar agar ; autant dire que vous trouverez tout cela dans n’importe quel supermarché. Ceci dit, vous trouverez aussi dans ce livre des recettes facilement réalisables avec ce qui se trouve déjà dans vos placards.
Maria Chiaia vous propose des biscuits et des desserts originaux, mais aussi des préparations de base qui pourront vous servir dans ses recettes ou pour créer les vôtres, notamment une génoise et des savoiardi. Ce sont des recettes toujours bonnes à prendre et pratiques.
Je me suis plongée avec plaisir dans cet ouvrage, y retrouvant des souvenirs et saveurs d’enfance. J’ai notamment été ravie d’y retrouver le saucisson en chocolat, le gâteau à l’orange et les cantuccini. Il y a aussi la crostata, la tarte que mon père, pourtant pâtissier de métier, fait toujours quand il a envie de quelque chose d’aussi simple que bon. C’est une excellente façon d’apprécier encore davantage les confitures maison et qui refuserait une part de crostata pour le goûter ?
Bien sûr, le livre compte une ribambelle d’appétissants « vegamisu ». Toutefois ce sont tous les types de biscuits que j’ai préférés. On a toujours besoin de quelques savoureux biscuits avec le thé ou le café !
Il manque selon moi des recettes emblématiques de la gastronomie italienne, mais celles auxquelles je pense peuvent être un peu compliquées à réaliser en version végétales. Ceci est compensé par le fait que l’autrice propose des recettes diversifiées.
C’est le genre de pâtisserie que j’aime, parce qu’elle fait sens. On dirait une pâtisserie « casana », en italien comme dans ma langue maternelle, et en français… je suppose qu’on peut le traduire par domestique, dans le bon sens du terme, quelque chose de familier sans pour autant être dénué de finesse.
On peut mesurer la réussite d’un livre de cuisine ou de pâtisserie à l’envie que l’on a en le feuilletant de se mettre aux fourneaux. Cela est d’autant plus le cas pour moi quand j’associe tout de suite la recette à l’un de mes proches dans l’idée de lui faire plaisir. Quand viendra la saison, je suis certaine de faire la crème de kaki pour ma mère. Le dessert en lui-même est original et je sens qu’elle va l’adorer. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres et j’ai envie de tester autant les recettes les plus originales que celles qui me sont familières. Pour moi, ce livre est donc une réussite et je sais que j’y reviendrai souvent.


mercredi 28 février 2024

Sorcery of Thorns

 Un roman de Margaret Rogerson, publié chez Bigbang.


Elisabeth a grandi au milieu de livres aussi précieux que dangereux. Dans les Grandes Bibliothèques, on garde les grimoires magiques. Ces livres sont vivants, certains ont même une personnalité très marquée. Ils peuvent être amicaux ou revanchards. Ceux qui renferment des sortilèges sont traités avec autant de soin que de défiance. Ils sont précieux car il est interdit d'en fabriquer de nouveaux et l'on craint à chaque instant que les plus puissants d'entre eux se changent en Maléficts, des monstruosités avides de mort et de destruction.
Quel grand lecteur n’aimerait pas l’univers que nous présente ce roman ? Des livres dotés de conscience, d’immenses bibliothèques remplies de passages secrets, de la magie et des combats épiques ! Tout cela ne pouvait que me séduire. Mais, surtout, j’ai adoré Elisabeth, cette gamine un peu sauvage qui veut prouver qu'elle a sa place au sein du seul foyer qu'elle ait jamais connu. Elle est naïve au début, car elle est jeune et n'est jamais sortie de sa Bibliothèque, mais ça ne l'empêche pas d'apprendre de ses erreurs, d'être intelligente et combative. Pourtant, elle vit des situations très difficiles dans ce XIXe siècle alternatif et elle en est d'autant plus attachante. En Young Adult, les personnage féminins sont souvent décevants. Ce n’est pas le cas d’Elisabeth. Elle grandit tellement au fil du récit ! Et j’étais si impliquée dans sa quête que je me suis sentie très fière d’elle, aussi idiot que cela puisse paraître.
Pour autant, elle n’est pas seule à porter cet excellent récit. Nathaniel est un aussi un personnage facile à aimer. Il égaie l’histoire avec son humour très sarcastique, ses propos hors contexte et ses accents de puérilité, feints ou non. Il sait se montrer sérieux quand il le faut et ne manque pas de charme.
Et puis il y a Silas, personnage aussi profond qu’énigmatique. Il est particulièrement bien construit et toute la complexité de sa nature m’a fascinée.
De prime abord, on peut se dire que ce roman ne paie pas de mine, même si l’univers est prometteur. L’autrice a choisi d’user de motifs tellement connus qu'on s’attend à s'en exaspérer. Pourtant, ce n’est jamais le cas. Non seulement son récit fonctionne, mais elle en tire le meilleur. J’y ai plongé avec joie et l’ai apprécié d’un bout à l’autre.
Seule la fin m’a un peu frustrée et, pour y remédier, j’ai enchaîné avec la novella qui tient lieu de second épilogue.
Cela m’a aussi donné envie de découvrir les autres écrits de Margaret Rogerson.

lundi 26 février 2024

Bluebells Wood

 Une BD de Guillaume Sorel, publiée chez Glénat.


William est peintre. Il vit tel un naufragé volontaire à l’écart du monde dans une maison isolée au creux d’une crique avec pour seuls visiteurs son agent, qui tente de le pousser à sortir de sa réclusion, et une jeune modèle qu’il regarde à peine. William ne dessine et ne peint qu’Héléna, sa compagne dont on ne sait vraiment si elle est décédée ou si elle l’a juste quitté. Mais un jour l’étrange envahit l’existence solitaire de cet artiste submergé par les regrets sous la forme de créatures marines, dont une en particulier semble autant obsédée par lui qu’il l’est par Héléna.
Bluebells Wood offre une atmosphère étrange et tourmentée, un rien poisseuse. C’est de l’Effroi à la lisière du Fantastique (ou inversement selon la sensibilité de chacun) et cela m’a particulièrement rappelé les écrits d’Arthur Machen. Je préfère le Fantastique plus vaporeux, plus incertain encore, mais cet album est néanmoins un digne représentant du genre qui ravira les amateurs.
Dans l’antiquité, la mer était le domaine des morts même si paradoxalement toute vie vient d’elle. Elle symbolise aussi l’immensité et la perte de repères. Dans notre monde cartographié au millimètre, elle demeure nimbée de mystère. On peut toujours ignorer la science à dessein et rêver sans se forcer à ce qui pourrait se cacher au cœur de ses abysses.
L’océan appelle à l’introspection. Bluebells Wood est à sa façon une histoire de submersion intérieure, de deuil et de repères faussés, souvent les nôtres, où l’on navigue à vue avec le personnage.
Qu’est-ce qui est réel ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? L’histoire est assez classique mais cette version presque horrifique de La Petite Sirène se révèle un peu inconsistante. Le récit se fait de plus en plus onirique et saccadé au fil des pages et, pour moi, il manque de fluidité. Je n’ai pas été aidée par les dessins qui, tout en étant remarquablement exécutés, renforcent cette impression de désordre. C’est un mélange de contrastes forts et de ce que l’on pourrait presque qualifier d’impressionnisme que je trouve visuellement assez perturbant. Cependant j’ai conscience qu’il s’agit de la façon dont mon œil le perçoit, cette impression est particulièrement subjective dans mon cas. J’ai toutefois beaucoup aimé la texture que l’artiste a donné à ses dessins. Il a fait un travail magnifique sur cet album.
Je dois avouer que j’ai davantage apprécié les dessins et croquis du dossier final, quand mon esprit s’est libéré de l’histoire. Celle-ci ne me marquera pas outre mesure, mais le bon Fantastique se fait rare de nos jours et ça fait plaisir d’en voir en BD.

jeudi 22 février 2024

Ils étaient sept

Un roman de C. A. Larmer, publié chez 
En audio chez Audible, lu par Axelle Bossard.


Sur un coup de tête, Alicia décide de fonder un club de lecture de polars — de préférence pour les fans d’Agatha Christie — et passe pour cela une annonce dans un journal car elle a envie de le faire à l’ancienne. Les gens qu’elle parvient à réunir sont tous d’horizons très différents, mais semblent enthousiastes. Néanmoins, certains d’entre eux n’auraient-ils pas des choses à cacher ?
Ils étaient sept est le genre de roman dans lequel le lecteur peut chercher la résolution du mystère avec les personnages car il y a une vraie enquête, avec des indices, des recherches et des interrogatoires. On n’arrive pas à la conclusion par hasard mais par un lent travail d’investigation. Cela me tient à cœur ; c’est tout ce que j’aime dans les polars.
Le lecteur a un tout petit peu d’avance car il a une vue d’ensemble et l’accès à deux ou trois scènes sibyllines que les personnages ignorent, cependant ces dernières ne changent pas grand-chose. Pour autant, j’ai trouvé la fin du roman un peu longue parce que j’avais compris depuis longtemps où on voulait m’emmener. Cependant, l’intrigue est très bien construite et je dois plus certainement ma compréhension de l’ensemble à des connaissances extérieures au roman. C’est toujours un peu pénible quand les personnages ne font pas des connexions qui nous semblent évidentes, néanmoins c’est plausible dans le cas présent et c’est ce qui importe. En effet, ils ne peuvent pas se rappeler de tout, surtout quand l’information leur a été donné juste en passant par un tiers et semble sur le moment de l’ordre du détail.
J’ai aimé enquêter avec ces personnages, mais je ne les ai pas tous appréciés, en particulier Alicia. Comme elle est le personnage principal, c’est un rien problématique. Alicia reproche à d’autres leur snobisme (notamment littéraire), mais elle-même a le jugement facile et péremptoire. Elle préfère se borner à ses préjugés que de les dissiper par la communication et a des idées très arrêtées sur à peu près tout et tout le monde. Elle se montre moralisatrice et parfois désobligeante, même avec sa sœur. J’ai beaucoup de mal avec ce type de caractère. Je me serais en outre bien passée de son début de romance qui, en plus d’enliser le récit, est assez mal amené. Cela étant, les personnages secondaires compensent un peu. Certains sont très hauts en couleur et ils ne servent pas que de faire-valoir à Alicia.
L’enquête est ce que j’ai le plus apprécié dans cette audiolecture. Cependant, j’ai aussi aimé le changement de décor. L’action se déroule en Australie.
On peut apprécier ce roman sans être fan de Christie, mais connaître sa vie et certains de ses ouvrages les plus célèbres apporte un petit plus. On appréciera davantage les références glissées au fil du texte. Je tiens cependant à saluer l’autrice qui n’a pas lâché un seul spoiler. On aurait difficilement pu le lui reprocher vu l’ancienneté des romans, mais cela montre son respect et son amour pour l’œuvre de Christie ainsi que son envie de la partager. Je lui pardonne donc d’être, comme son personnage principal, souvent assez snob dans d’autres domaines.
La qualité du livre audio n’est pas fameuse. Il y a des coupures et la lectrice bute parfois sur des mots pourtant pas si alambiqués. On l’entend aussi beaucoup renifler, ce qui peut être agaçant pour les personnes sensibles aux bruits parasites. Je pense néanmoins découvrir aussi le deuxième dans le format audio. Je veux voir ce que l’autrice va faire de ses personnages et j’aime la façon dont elle a construit sa première enquête, donc j’ai de l’espoir pour la suite.