mercredi 5 mars 2025

Cruel Winter with You

Une novella d'Ali Hazelwood. La version audio est lue par Vivienne LaRue.

Cette novella fait partie de Under The Mistletoe, une collection de cinq textes indépendants publiés par Amazon pour les fêtes. Si vous avez un abonnement Prime, vous pouvez les lire gratuitement, sinon ils sont à 1,99€ en numérique ou à 1,79€ l’un sur Audible, il existe également une compilation que vous pouvez acheter pour un crédit. Pour l’instant ces textes ne sont pas disponibles en français.



J’aime bien l’idée de comédies romantiques courtes et modernes à lire durant le temps des fêtes. Cela ne demande pas un grand investissement en temps ni en attention, mais le format court rend aussi le texte plus percutant. C’est la distraction parfaite quand on a une heure ou deux devant soi.
Ce texte-ci nous présente une jeune femme qui rentre chez son père pour les fêtes et se retrouve, à cause d’un caprice paternel, obligée de mettre au clair une situation embarrassante avec le frère de sa meilleure amie.
J’ai beaucoup apprécié la narration à deux vitesses. Une partie de l’intrigue se déroule au présent, l’autre nous conte l’évolution des rapports entre les personnages depuis le jour de leur première rencontre jusqu’à l’instant présent. Je sais que cela ne plaira pas à tout le monde car beaucoup de lecteurs semblent de plus en plus apprécier une chronologie plus linéaire. Pour ma part, je trouve au contraire qu’une narration fragmentée de la sorte apporte du dynamisme au récit. Autrement l’histoire, qui est plutôt simple et courte, serait fort plate.
Ali Hazelwood aime les quiproquos. Ce qui n’est mon cas. J’ai toujours trouvé que c’était un ressort scénaristique de fainéant, quand le quiproquo est au centre du récit cela s’entend, et c’est le cas ici. Heureusement, la narration en deux temps allège cela car on passe davantage de temps dans le passé, à voir comment s’est construit la relation des personnages depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte. C’était chouette à lire, drôle souvent, mignon de temps en temps. J’ai levé les yeux au ciel de parfois, mais globalement j’ai passé un bon moment avec cette lecture et ces personnages.
L'interprétation de la lectrice est excellente et apporte une réelle plus-value au texte.

samedi 15 février 2025

Nayra et le Djinn

Une BD de Iasmin Omar Ata, publiée chez Bliss Comics Éditions.



Nayra vit une situation difficile. Elle ne se sent pas bien dans son lycée, où elle subit harcèlement et moqueries parce qu’elle est musulmane. Elle voudrait changer d’école, mais sa famille refuse de l’écouter, lui reproche ses notes en chute libre et lui intime d’être forte.
Nayra se sent seule, bien qu’elle ait une amie proche qui se trouve dans la même situation. Rami est plus fataliste quant à ce qu’elles vivent. Elle essaie juste d’éviter les problèmes et se concentre sur le positif, à savoir leur amitié, ce qui semble agacer Nayra.
J’ai eu de la compassion pour ces deux jeunes filles, mais au bout d’un moment l’égoïsme de Nayra m’a saoulée. Je n’ai pas compris pourquoi elle s’éloigne de la seule personne qui l’a toujours comprise et soutenue. Elle se plaint de son isolement tout en s’isolant encore plus. Quand Marjan lae Djinn entre dans sa vie, elle agit de même avec ellui. Pendant une bonne partie de l’histoire elle n’a aucune considération pour les gens autour d’elle. Et quand elle finit par s’amender, cela tombe un peu à plat. Alors certes, c’est une adolescente en souffrance, elle a des excuses, mais elle n’en demeure pas moins très narcissique.
De manière générale, cette histoire est pleine de facilités et de clichés. Les personnages ne sont pas toujours cohérents et il y a quelques évidents soucis de traduction. C’est dommage, car le thème est intéressant. En outre, on n’a pas souvent l’occasion de voir en littérature ce que peuvent vivre deux jeunes filles durant le mois du Ramadan, alors que c’est important. J’ai également apprécié les quelques incursions dans le monde des Djinns.
Pour ce qui est des dessins, le mélange de pastel et de tons vifs m’a un peu vrillé les yeux, mais c’est joli. Cela apporte de la vie aux dessins qui sont relativement simples. J’ai bien aimé ce style qui va bien avec l’histoire.
Mon avis est donc en demi-teinte. Cette BD ne me marquera pas, mais l’intention était louable. Un public plus jeune que moi sera sans doute aussi plus indulgent.


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lundi 30 décembre 2024

Cursed : Contes et mythes revisités

Une anthologie, publiée chez 404 éditions.

Sommaire :

- Le Château maudit, Jane Yolen
- Rouge comme le sang, Blanche comme la neige, Christina Henry
- Le Pont du troll, Neil Gaiman
- À cet âge, Catriona Ward
- Écoute, Jen Williams
- Henry et la boîte en bois de serpent, M.R. Carey
- Peau, James Brogden
- Faith & Fred, Maureen F. McHugh
- La Malédiction de la fée noire, Karen Joy Fowler
- Wendy Darling, Christopher Golden
- Fée loup-garou contre vampire-zombie, Charlie Jane Anders
- Regarde dedans, Michael Marshall Smith
- Little Red, Adam Stemple & Jane Yolen
- Les Joyeuses Danseuses, Alison Littlewood
- Encore, Tim Lebbon
- La Fille qui venait de l'enfer, Margo Lanagan
- Nouveau millésime, Angela Slatter
- Haza et Ghani, Lilith Saintcrow
- Haine, Christopher Fowler
- L'Éveil du château, Jane Yolen

Des malédictions comme s’il en pleuvait !
J’adore les anthologies. D’une part elles permettent de découvrir des auteurs, d’autre part il y a souvent du Fantastique dans celles consacrées aux récits SFFF. Je parle du Fantastique à l’ancienne, mon genre de prédilection, et pas du fourre-tout qu’on essaie de faire de ce genre méconnu de nos jours. Bref, je suis toujours ravie de lire une anthologie, mais le risque est de tomber sur des textes très inégaux. C’est comme les papillotes, tu peux te délecter d’une délicieuse pâte de fruit ou grimacer devant un écœurant chocolat. C’est le jeu ma pov’ Lucette. Ici, le ratio entre pâtes de fruit et chocolats est plus que correct.
L’anthologie regroupe vingt textes : dix-huit nouvelles, deux poèmes. Je parlerai peu de ces derniers, aussitôt lus, aussitôt oubliés, cependant leur placement dans l’ouvrage était judicieux. Ces deux textes qui se répondent font office d’introduction et de conclusion. On entre et on sort du conte par leurs portes.
Tout ouvrage qui propose des réécritures de contes, en plus de son thème sur les malédictions, se doit d’avoir un récit inspiré de Blanche Neige, probablement l’un des contes les plus connus au monde. Cependant, ne vous y trompez pas, le conte de Christina Henry est un hybride et la fille au teint de porcelaine et aux cheveux noirs comme le jais n’est pas la seule à lui conférer son essence. J’ai beaucoup aimé ce conte, un rien classique, mais très agréable à lire.
Vient ensuite un texte de Neil Gaiman : Le Pont du troll qui est probablement sa nouvelle la plus connue avec Chivalry. Les deux ont fait le tour des anthologies… C’est un bon texte Fantastique, au symbolisme subtil, et si vous ne le connaissez pas c’est l’occasion de le lire.
À cet âge de Catriona Ward est un récit horrifique dans lequel le malaise se diffuse lentement. Son atmosphère d’étrangeté m’a beaucoup plu ; on y vogue comme en un rêve. Cependant, l’histoire se délite sur la fin et il a manqué quelque chose pour que cette nouvelle me semble aboutie. Je ne saurais dire quoi cependant.
Écoute de Jen Williams est un très bon texte, poétique, intelligent, qui a la saveur des contes et des mythes, tout en gardant sa propre originalité. Ce n’est pas la nouvelle qui m’a le plus enthousiasmée — question de goût — mais c’est une réussite.
Henry et la boîte en bois de serpent de M.R. Carey est un récit drôle et efficace qui se lit en deux temps trois mouvements. Il allège un peu cet ouvrage, malgré les thèmes philosophiques cachés sous sa généreuse couche d’humour.
Peau de James Brogden est un récit perturbant, un rien moralisateur sur les bords, mais qui ne manque pas d’intérêt. Comme pour la nouvelle de Ward, j’ai trouvé qu’il y manquait quelque chose.
Avec Faith & Fred de Maureen F. McHugh je suis arrivée sur un terrain familier. C’est du bon, très bon, Fantastique, qui nous promène entre deux mondes. Un rien d’horreur subtile, un parfum de merveilleux discordant et une bonne vieille malédiction donnent à ce récit sa profondeur ainsi que son originalité. J’ai beaucoup aimé. C’est pour moi l’un des meilleurs textes de cette anthologie.
La Malédiction de la fée noire, qui fait suite, m’a en revanche laissée un peu perplexe. Ce récit mêle songe et réalité dans un conte morcelé tel un miroir brisé. J’ai compris où voulait m’emmener l’autrice, mais cela ne m’a fait ni chaud ni froid, même si j’ai apprécié son style.
Dans Wendy Darling, Christopher Golden ne prend pas beaucoup de risques. Il utilise le sous-texte bien connu de Peter Pan pour nourrir les névroses d’une Wendy adulte qu’on ne peut que plaindre. Ce n’est pas mal écrit ni mal amené, mais ça manque cruellement d’originalité.
Heureusement, vient ensuite Fée loup-garou contre vampire-zombie de Charlie Jane Anders, une nouvelle rafraîchissante et énergique. J’aurais pu en lire encore des pages et des pages. C’est drôle, efficace et de la bonne Urban Fantasy. J’ai d’autant plus apprécié ce récit que sa légèreté fait du bien dans une anthologie aux textes et thèmes majoritairement sombres.
Regarde dedans est une nouvelle intéressante, du bon Fantastique, avec une fin ouverte, qui oscille un peu entre l’horreur et autre chose de plus diffus. J’aurais néanmoins aimée qu’elle soit davantage étoffée.
Little Red est l’un des textes les plus sérieux de cette anthologie, avec des séquences hallucinatoires ou rêvées, on ne sait pas trop, qui sont porteuses d’un fort symbolisme. C’est un récit perturbant — il est écrit pour l’être — qui parle d’abus et de troubles mentaux de manière pudique mais très dérangeante.
Les Joyeuses Danseuses d’Alison Littlewood est un autre récit Fantastique comme je les aime. Il a la saveur des contes et j’ai beaucoup apprécié l’escale aux îles Shetland ainsi que le symbolisme subtil caché entre les lignes.
Encore de Tim Lebbon ne m’a pas particulièrement plu. Le thème est du déjà-vu mais ce n’est pas tant ça le problème. Je n’ai pas réussi à m’intéresser au personnage que je ne trouve ni sympathique ni cohérent.
La Fille qui venait de l'enfer est probablement une nouvelle qui ne parlera pas à tout le monde. Un peu comme pour La Malédiction de la fée noire, on se retrouve dans un récit onirique où le symbole prévaut sur la logique. C’est un long rêve fiévreux, plein de détours, qui peut laisser perplexe. Pour ma part, je l’ai trouvé très intéressant et réfléchi. J’aimerais beaucoup relire cette autrice.
Nouveau millésime d’Angela Slatter se fait l’écho d’un conte très connu qui a toujours les faveurs des auteurs quand on leur commande des réécritures, mais elle y apporte sa propre originalité. Encore une fois, c’est un hybride entre deux contes dont je tairais les titres pour ne pas vous spoiler. C’est l’un des rares récits à l’époque moderne de cette anthologie, sans réel élément fantastique. Le texte est prenant, assez évident en soi, mais cela ne m’a pas posé problème car il est bien écrit. Peu importe qu’on connaisse déjà la destination si le voyage est agréable.
Cela faisait fort longtemps que je n’avais pas lu Lilith Saintcrow et je ne garde pas un souvenir impérissable de ses romans. Pourtant, sa nouvelle Haza et Ghani est l’un de mes textes préférés dans toute cette anthologie. Voilà un conte bien écrit ! Elle prend un peu de ci, un peu de ça, juste assez pour que le goût soit familier, et elle le jette dans son chaudron pour y concocter quelque chose de savoureux et de nouveau, qui pourtant résonne dans l’esprit du lecteur, lui rappelle des souvenirs tout en étant autre chose. J’ai adoré cette nouvelle.
Haine de Christopher Fowler n’était peut-être pas le meilleur texte pour clore cette anthologie (même s’il y a un poème ensuite). C’est un bon texte, dont la conclusion grinçante m’a plu, mais le tout est un peu facile pour nous parler du privilège de l’homme blanc fortuné. J’aurais préféré terminer ma lecture sur quelque chose d’un peu plus original et marquant.
En conclusion, je vous invite à lire cette anthologie qui recèle de très bons textes. Tous n’ont pas réussi à éveiller mon intérêt, mais c’est davantage une question de goût que de qualité. En lisant Cursed, vous ne perdrez pas votre temps et il y en a pour quasi tous les goûts dans les genres de l’imaginaire, du Conte à l’Horreur en passant par l’Urban, le Merveilleux et le Fantastique, il n’y a guère que la SF qui manque à l’appel.


lundi 11 novembre 2024

Le Café secret des nuits de pleine lune

Un roman de Mai Mochizuki publié aux éditions Nami.


Présentation de l'éditeur :

« Le Café de la pleine lune n’a pas d’adresse fixe. De temps à autre, il apparaît là où bon lui semble : dans une rue commerçante, une gare, au bord d’une rivière. »

À Kyoto, un café ambulant tenu par des chats maîtres en astrologie fait son apparition comme par magie les soirs de pleine lune. À la lueur des étoiles, cette mystérieuse roulotte accueille les humains qui en ont besoin.

Fondant au chocolat et sa glace de pleine lune, café glacé au sirop d’aurore… En dégustant les desserts préparés sur mesure, les clients se confient aux étonnants tenanciers à moustaches. Et grâce à la lecture de leur thème astral, tous comprennent peu à peu à quel moment ils se sont égarés. L’interprétation de la carte du ciel leur permettra-t-elle de surmonter les obstacles qui les empêchent de trouver le bonheur ? Inspiré de la croyance populaire japonaise des chats portebonheur, ce roman magique allie sagesse orientale et lecture des étoiles.

Le roman qui a conquis le coeur des lecteurs japonais !

Mai Mochizuki est née à Hokkaido et vit aujourd’hui à Kyoto. Elle est membre du Japan Mystery Writers Association et du Unconventional Mystery Writers Club. Le Café secret des nuits de pleine lune, son premier roman traduit en français, a rencontré un tel succès au Japon qu’il est devenu une série et est en cours de traduction en 17 langues.

Traduit du japonais par Alice Hureau

La vie de Mizuki, la petite quarantaine, semble au point mort. Ses fiançailles ont été rompues abruptement, sa belle carrière de scénariste s’est étiolée et elle vit dans un petit studio déprimant où elle écrit des trames secondaires pour un jeu vidéo. Rien ne l’enthousiasme, elle vivote plus qu’elle ne vit. Pourtant, Mizuki tente un pas hésitant pour remettre sa carrière sur les rails et c’est tout ce que l’unviers semblait attendre pour la pousser en avant.
Le café secret des nuits de pleine lune est un roman feel good entre réalisme magique et onirisme. Mizuki se perd et se retrouve, mais elle est loin d’être la seule. Dans ce récit choral, les personnages se croisent de loin en loin, sans que l’on comprenne tout de suite pourquoi. Leurs histoires s’effleurent ou s’entremêlent selon le moment et l’on prend plaisir à voir ce que deviennent les uns et les autres par touches légères, comme par écho. J’ai aimé tous ces personnages, avec un faible plus prononcé pour Mizuki et Akari, et je me suis souciée de chacun d’eux.
Cette histoire est avant tout profondément humaine et douce. Elle nous offre un regard empreint de bienveillance sur les moments charnières de l’existence ainsi que les répercussions insoupçonnées de nos actions et choix. La dimension fantastique du récit, très éthérée, est agréable. Elle apporte une touche de fantaisie sans verser dans l’excès ni voler la vedette aux personnages.
Dans ce roman, on parle aussi beaucoup d’astrologie, d’un point de vue psychologique et non prévisionnel. J’ai trouvé intéressante la façon dont l’autrice l’incorpore à son récit. Vous n’avez pas besoin d’y croire pour apprécier son usage des symboles. Il suffit de se laisser porter. Pour ma part, j’ai longtemps étudié l’astrologie par intérêt pour son symbolisme. Et même si je suis très dubitative quant à l’idée d’articuler sa vie autour de son thème natal, j’ai trouvé cela très bien construit dans l’histoire. La lecture a été d’autant plus agréable qu’elle a réveillé beaucoup de souvenirs et m’a donné envie de me replonger dans le symbolisme astrologique.
J’ai pris grand plaisir à lire ce roman poétique et très riche en émotions. J’ai adoré la conclusion qui est comme une boucle qui se referme. Lire ce livre, c’est un peu comme faire un long rêve dont on se réveille apaisé. Et en plus il y a des chats. Que demande le peuple ?


mardi 16 juillet 2024

Le Royaume des fantômes : Mœurs, folklore, littérature

Un essai de Jacques Finné, publié chez Terre de Brume.


Dès l’introduction, l’auteur exprime son désir de tendre vers l’exhaustivité des sujets traités dans son ouvrage, mais aussi de faire de celui-ci un point de départ pour le lecteur qui souhaiterait mener de plus amples recherches. On ne saurait trop s’attarder si l’on veut pouvoir explorer des pistes aussi nombreuses, le choix est donc logique. Ainsi il évoque le fantôme dans tous ses états et de par le vaste monde, accumulant les anecdotes et références. Il mêle aussi bien les échos de faits divers et croyances populaires que les récits issus de la fiction.
Le choix de mélanger le tout est discutable quand on prétend écrire un essai. L’auteur prend soin de le justifier dans l’introduction, cependant il ne m’a guère convaincue, même si j’ai une affection toute particulière pour la littérature fantastique et que les histoires de fantômes en constituent un pan non négligeable. Je ne suis pas contre le fait d’en parler dans ce livre, la place du fantôme dans l’imaginaire est un excellent complément (et disons-le sans ambages, le livre serait bien mince sans cela) mais la « réalité » (ou ce que l’on croit l’être et qui tient en tout cas du domaine de l’anecdote historique) et la fiction auraient dû être séparées pour davantage de clarté. L’auteur ayant en outre choisi de consacrer le dernier tiers de son livre exclusivement à la fiction, elle aurait pu s’y cantonner et nous éviter quelques répétitions. Au lieu de simplement illustrer le propos, la fiction lui sert à le justifier. Cela franchit à mon sens la ligne de l’objectivité qu’on est en droit d’attendre d’un essai.
On s’égare souvent entre ces pages et certaines informations laissent perplexe. A-t-on réellement l’utilité d’une longue liste de tous les sens figuratifs du terme fantôme et de ses synonymes, ainsi que des expressions populaires dans lesquelles on peut les trouver ? La leçon de vocabulaire mise à part, l’auteur aborde néanmoins de nombreux sujets, dont certains très intéressants. Il n’en reste pas aux apparitions humaines mais évoque également les lieux ou objets fantômes ainsi que le spiritisme. En cela je lui accorde qu’il nous offre de nombreuses pistes de réflexion et, somme toute, une bonne compilation de connaissances sur ce vaste sujet.
Cependant, la construction de cet essai me laisse dubitative. Pas de chapitrage (de temps en temps l’auteur se rappelle de glisser un titre pour esquisser un fantôme de plan — pardonnez le jeu de mot facile — mais persiste à partir en tous sens) ni d’organisation logique. Tous les thèmes se mélangent allègrement malgré quelques tentatives de créer des corrélations par-ci par-là. Cela n’est pas dérangeant à la lecture, pour peu qu’on soit doté d’un esprit curieux de tout, mais bon courage pour retrouver une information après-coup. La dernière partie, concernant le fantôme dans les arts, est un peu plus structurée, mais comme elle colonisait déjà le reste de l’ouvrage ce n’est qu’une compilation de plus, même si elle est cette fois chronologique. L’auteur semble ignorer de surcroît toute la production, pourtant fort riche, des quinze dernières années. On trouve peu de références datant d’après l’an 2000 dans ce livre, mais on peut en pêcher deux ou trois et la plus récente date, je crois, de 2008. Je me suis interrogé sur ce choix et il s’avère après vérification que cet ouvrage est en fait une réédition. Sa parution initiale date de 2012. Il aurait mérité une petite mise à jour, mais ceci explique cela. On ne saurait bien entendu être exhaustif, d’autant que le fantôme s’épanouit davantage dans la nouvelle et qu’on peut facilement passer à côté de certaines perles glissées çà et là dans des anthologies, dont certaines assez confidentielles. Toutefois, il s’en est passé des choses en vingt ans qui méritaient notre attention. Émane aussi d’entre ces pages un parfum de « c’était mieux avant » qui me laisse blasée, mais peut-être n’est-ce qu’une mauvaise interprétation de ma part.
L’auteur ne se prive pas de quelques raccourcis faciles et discutables pour justifier son propos. Certaines de ses remarques suintent la condescendance, voire la misogynie parfois, même s’il s’en défend et encense quelques rares autrices. J’aimerais l’inviter à s’intéresser à l’histoire de la mode et en particulier celle des vêtements féminins, il pourrait y apprendre quelques faits ignorés sur les corsets et dépoussiérer certaines idées reçues. C’est là qu’on voit qu’entre la littérature et l’histoire se trouve parfois un vaste fossé qu’il n’est pas bon d’ignorer sous peine d’y verser.
Mais revenons au sujet… Cet essai est donc un tissage de références, évocations succinctes qu’il faut attraper au vol, dont certes l’enchaînement n’est pas désagréable à lire mais aurait mérité une organisation plus rigoureuse et, surtout, substantielle. Pléthore de références et une abondante bibliographie vous ouvriront toutefois les portes de recherches plus ciblées ou de découvertes littéraires fascinantes si tel est votre souhait.


vendredi 14 juin 2024

Friday T2

Une BD scénarisée par Ed Brubaker, dessinée par Marcos Martin et colorisée par Muntsa Vicente. Publiée chez Glénat.



Les événements du précédent tome ont laissé Friday sur le carreau. Sortir de son lit ou même s’alimenter lui paraît insurmontable. Elle va finir par s’y résoudre pourtant, car si elle ne part pas en quête de la vérité, qui le fera ?
En suivant la piste laissée par Lancelot, Friday plonge dans un complot bien plus complexe que ce qu’elle aurait pu imaginer. D’indice en indice, on suit cette fille débrouillarde et déterminée et ça fait du bien de voir un personnage comme elle pour une fois. Friday est atypique, un vrai bulldozer par moment, mais toujours logique, son sang-froid est à toute épreuve. Elle n’est pas attachante ou sympathique, mais c’est justement ce qui la rend si intéressante. Elle n’a pas besoin que le lecteur l’aime, elle force son respect.
Ce tome est riche en révélations aussi bien qu’en scènes d’action. On entre de plain-pied dans le fantastique avec une ambiance de plus en plus lovecraftienne. J’aime toujours autant la scénographie. En revanche, le retournement de situation final est plutôt facile, vu et revu. Il peut fonctionner cependant, s’il est bien géré, mais je demande à voir. J’attends donc le dernier tome avec impatience.

vendredi 17 mai 2024

Friday T1

Une BD scénarisée par Ed Brubaker, dessinée par Marcos Martin et colorisée par Muntsa Vicente. Publiée chez Glénat.


De retour de l’université pour les vacances d’hiver, Friday pensait pouvoir enfin mettre au clair ses sentiments envers Lancelot, son ami d’enfance, et discuter d’un événement d’avant son départ et du malaise que ce dernier a créé entre eux. Au lieu de cela, elle se retrouve embarquée dans une nouvelle enquête à peine descendue du train. 
Lancelot et elle avaient pour habitude d’élucider les mystères locaux. Il était la tête et Friday les muscles, un duo de choc digne de ceux qui peuplaient les romans et BD ayant marqué l’enfance de bon nombre d’entre nous. Tout le monde aime un bon mystère un peu flippant. Friday et Lancelot raviront ceux qui ont grandi avec Chair de Poule, Marshall et Simon, mais aussi Alice alias Nancy Drew ou encore Les Trois jeunes détectives et même Scooby-Doo. Cela rappelle aussi un peu Les Contes de la Crypte (les comics aussi bien que la série). 
L’ambiance Pulp et le décor des années 70 ajoutent à la nostalgie et rendent le tout aussi familier qu’attrayant. Même en étant née après cette période, j’ai été nourrie de suffisamment de séries et de romans pour apprécier un petit voyage vers le passé de temps en temps et celui-ci est particulièrement réussi, même si ce premier tome à un goût de trop peu. On entre tout juste dans le vif du sujet qu’il faut laisser les personnages. Pourtant ça marche, en peu de pages et une intrigue tout juste ébauchée, on a envie de connaître la suite.
L’histoire de Friday est celle de tous ces détectives amateurs qui ont enfin grandi et pensaient avoir laissé derrière eux les histoires glauques de leur enfance pour devenir adultes. Mais que nenni, les mystères n’en ont pas fini avec elle.
J’ai apprécié l’ambiance lovecraftienne et surtout la réflexion sous-jacente sur ces héros d’enfance qui grandissent et se heurtent à une réalité plus crue où les fins heureuses ne sont plus garanties.
Je ne suis pas fan des dessins, c’est juste une question de goût, en revanche j’ai trouvé la mise en scène et la composition des planches particulièrement brillantes. En outre, la colorisation est superbe et participe grandement à l’ambiance des années 70, renforçant aussi au passage l’aspect Pulp. 
L’histoire de Friday sera déclinée en trois tomes, je vais me jeter sur le deuxième et attendre patiemment la conclusion prévue pour le mois d’août.