vendredi 29 décembre 2023

Miroirs et Fumée

Un recueil de nouvelles de Neil Gaiman, publié chez Au Diable Vauvert.


Sommaire :

- Lire les entrailles : un rondeau
- Une introduction 
- Chevalerie 
- Nicholas était… 
- Le Prix
- Le Troll sous le pont
- Ne demandez rien au Diable
- Le Bassin aux poissons et autres contes
- La Route blanche
- La Reine d'épées
- Changements
- La Fille des chouettes
- La Spéciale des Shoggoths à l'ancienne
- Virus
- Cherchez la fille
- Une fin du monde de plus
- Alerte : animal à bout
- On peut vous les faire au prix de gros
- Une vie, meublée en Moorcock première manière
- Couleurs froides
- Le Balayeur de rêves
- Corps étrangers
- Sizain vampire
- La Souris
- Le Changement de mer
- Le Jour où nous sommes allés voir la fin du monde
- Vent du désert
- Saveurs
- Mignons à croquer
- Les Mystères du meurtre
- Neige, verre et pommes

Le titre de ce recueil fait référence aux illusionnistes dont les tours ont toujours fasciné Gaiman. Ils sont un thème récurrent dans son œuvre. Après tout, n’est-il pas lui-même un magicien ? Il gratte sous le vernis du quotidien, de la banalité et de l’évidence pour dévoiler l’étrange, le merveilleux ou encore le dérangeant qui se cachent dessous. Cela fait de lui un nouvelliste de génie, comme Ray Bradbury ou Lisa Tuttle, pour ne citer qu’eux.
Il faut du talent pour écrire un roman, mais c’est dans l’écriture de textes courts qu’on voit le génie d’un auteur. Gaiman parvient toujours à nous faire regarder le monde d’un œil différent. Ses textes me nourrissent et entretiennent mon imagination. Il me rappelle toujours de changer d’angle de vue.
C’est aussi pour cela que j’aime particulièrement lire ses introductions. Gaiman y parle toujours de la naissance des textes qu’il présente et je trouve passionnant d’en apprendre à chaque fois davantage sur la façon dont naissent ses histoires. En outre, l’introduction de ce recueil compte une nouvelle dont j’aime beaucoup le thème, bien que le texte lui-même m’ait toujours laissée circonspecte. Sans offense pour cet auteur qui est l’un de mes préférés depuis plus de vingt ans, c’est bien un texte écrit par un homme…
Je le confesse, de tous ses recueils, celui-ci n’est pas mon favori. Il compte néanmoins certains textes que j’adore que je relis toujours avec grand plaisir.
Miroirs et Fumée est le plus ancien recueil de Gaiman paru en français et il n’a pas vieilli. Il propose des textes très variés. Comme à son habitude, Gaiman ne s’attache pas à un seul genre. L’on peut ainsi lire dans ce recueil du merveilleux, du fantastique — parfois horrifique à tendance lovcraftienne ou plus classique — aussi bien que de la science fiction, de la poésie ou encore des contes — réécrits ou originaux, modernisés ou transposés — et même de la littérature blanche.
Mon texte préféré, d’ailleurs, qui bien qu’il ne soit pas le plus connu ni ne culmine parmi ceux qu’aiment à évoquer régulièrement les fans, pourrait aisément être assimilé à de la littérature générale. Il s’agit du Bassin aux poissons et autres contes, qui représente, à mon sens, un peu tout ce qui fait l’imaginaire de Gaiman, l’élégance de son écriture, la profondeur de sa réflexion. Ce texte est un chef-d’œuvre trop méconnu à mon goût.
Cependant je comprends qu’il puisse être éclipsé par d’autres récits qui semblent plus marquants de prime abord. De fait, ce recueil compte, et ce n’est pas pour rien, certains des textes les plus connus de Gaiman. Parmi ceux-ci se trouve Chevalerie, et j’avoue ressentir moi-même une grande tendresse pour cette nouvelle. Elle semble toujours tellement… familière. En vérité, elle sonne juste et représente un peu tout ce que j’aime en matière de nouvelles et dans le genre fantastique, même si on parlerait davantage de réalisme magique pour qualifier ce texte. Chevalerie, c’est le surgissement du merveilleux et de l’insolite dans le quotidien, la magie dans la banalité et la banalité devenue magique.
Je ne peux manquer de mentionner également Le Troll sous le pont, autre texte très connu et un peu dans la même veine. L’histoire m’a toujours semblé très classique. Cependant je l’aime bien aussi, mais j’ai du mal avec les personnages antipathiques tels que le narrateur et c’est le style que préfère dans ce texte, surtout au début. La peinture que Gaiman fait de l’enfance est toujours très parlante pour moi et l’est particulièrement dans ce récit.
Neige, verre et pommes est la troisième nouvelle la plus emblématique du recueil et elle fait partie de mes favorites. Je vous disais plus haut combien Gaiman aimait regarder les choses, et vous les montrer aussi, sous un autre angle. Il aime aussi les réécritures de contes. Il allie les deux dans cette nouvelle écrite du point de vue de la belle-mère de Blanche-Neige. Ce texte est superbe d’un bout à l’autre.
Parmi ses nouvelles inspirées de contes, on trouve aussi La Route blanche, mélange des contes de Barbe bleue et de Mr Fox. Mais il ne faut pas oublier le titre du recueil et jamais trop se fier à ce que nous conte l’auteur…
Si j’aime les contes, je suis aussi une avide lectrice de fantastique. Les textes d’inspiration lovcraftienne ne sont pas du tout ma tasse de thé, mais heureusement on trouve aussi entre ces pages du fantastique plus traditionnel. J’aime beaucoup Le Prix, qui maintenant que j’y songe a sans doute aussi un petit relent de conte. D’autres textes se trouvent un peu entre les deux, notamment Le Balayeur de rêves ou encore Nicholas était... Deux textes aussi courts que marquants que j’ai toujours trouvés très inspirés. Très classique et subtil, La Reine d’épées appartient également à ce genre qui m’est cher et fait écho, encore une fois, aux illusionnistes et au titre du recueil. Vous pourrez lire d’autres récits fantastiques entre ces pages. Certains vous toucheront plus que d’autres, mais ces lectures vous feront toujours vous interroger, chercher le vrai du faux. Elles vous choqueront parfois, vous laisserons un sentiment bizarre de malaise, mais nourrirons toujours votre réflexion.
Parmi les quelques textes relevant d’autres genres, j’ai été marquée par Mignons à croquer, une fiction spéculative grinçante d’autant plus dérangeante qu’elle est plausible. On trouve de la bonne SF dans ce recueil.
Miroirs et Fumée ne peut laisser aucun lecteur indifférent. Je vous invite à découvrir tous ces textes ainsi que ceux que je n’ai pas cités, à les faire vôtres, à les rêver, à chercher le mécanisme qui fait le tour ou à préférer en ignorer les ficelles pour mieux le savourer. Faites à votre guise. Je suis persuadée que vous ne serez pas déçus.

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dimanche 24 décembre 2023

Retour à St Mary Hill - Cosy Christmas Mystery

Un roman de Carine Pitocchi, publié chez Robert Laffont 



Apprenant que son compagnon la trompe, Jo-Ann Brown, scénariste à succès, s’enfuit sans le moindre mot pour se terrer dans le cottage qu’elle a hérité d’une cousine. Si tout le monde la croit morte, tant mieux, ça fera les pieds à son ex. 
Cela vous rappelle quelque chose ? Oui, Agatha Christie. Ce roman est clairement placé sous le patronage de cette dernière ainsi que celui de Louisa May Alcott. Cela pour mon plus grand bonheur car ces autrices talentueuses ont bercé mon enfance. J’ai adoré toutes les références à leurs œuvres ainsi qu’à leur vie que Carine Pitocchi a glissées dans son propre ouvrage.
Le résumé de l’éditeur, quant à lui, nous vend une héroïne à la Bridget Jones. Ce n’est pas le cas et tant mieux ! J’aimais bien Bridget autrefois, mais j’ai lu ses mésaventures quand j’avais dix-sept ans et je la trouve assez insupportable aujourd’hui que j’en ai plus de quarante. Cela étant dit, j’ai néanmoins eu du mal avec le tempérament de Jo. 
Elle est très en colère au début, ce qui se comprend, je peux donc lui pardonner d’être exécrable. En revanche, quand elle a commencé à mettre sur le dos de son ex des choix qu’elle-même a faits, ça m’a tapé sur les nerfs. Entendons-nous bien, elle était en couple avec un abruti de compétition, mais c’est trop facile de tout justifier, surtout des petites lâchetés qui l’arrangeaient bien, en disant « c’est la faute d’Andrew, je faisais tout ce qu’il me disait ».
Jo et moi avons donc pris un mauvais départ et j’ai eu beaucoup de mal à m’attacher à elle. Je l’ai mieux comprise au fil de l’histoire, mais je n’ai jamais vraiment réussi à l’aimer. Tout au plus, je l’apprécie. Cependant ce manque d’affect est largement compensé grâce aux personnages secondaires. J’ai adoré Daisy, l’assistante débonnaire de Jo, avec son côté peste et son grand cœur. Alex, le neveu délaissé par son père, a lui aussi facilement gagné mon cœur, tout comme Jack, Judith, Violette et, le dernier mais pas le moindre, Lawrie, l’ami d’enfance de Jo.
Ce roman est de ceux que l’on lit pour leur ambiance aussi bien que pour le développement des personnages et en cela j’ai été ravie. Je me suis plu à St Mary Hill, qui m’a un peu rappelé le village où vivait ma grand-mère, et je n’avais pas envie d’en partir.
N’attendez pas grand-chose de l’enquête, elle est prévisible du début à la fin (et souffre d’un défaut de logique assez conséquent), mais cela n’a pas vraiment d’importance. Elle est un élément de décor, pas la trame principale de l’histoire. Ce sont les personnages qui importent : des gens tous un peu paumés à leur manière, qui se trouvent et forment une famille. En cela, Daisy et Alex sont particulièrement touchants, chacun à leur manière, et j’ai particulièrement aimé voir le jeune garçon s’intégrer dans un groupe de filles et sympathiser avec le voisin âgé de sa tante.
Jo, quant à elle, a encore pas mal de chemin à faire pour se guérir de ses blessures psychologiques et des angoisses qu’elles ont générées, néanmoins j’ai aimé la voir progresser et finalement montrer un peu de ses bons côtés.
Ce cosy mystery est idéal pour les vacances de Noël. Il était pile ce qu’il me fallait pour entrer dans l’hiver et l’ambiance des fêtes de fin d’année. Je me suis aussi bien marrée avec ce roman et il donne le ton d’une série qui pourrait bien devenir ma favorite dans le genre.

samedi 9 décembre 2023

S.O.S. fantômes en détresse, Ivy Wilde T3

Un roman d'Helen Harper, en version audio chez Hardigan. Lu par Léa Issert.

Vous pouvez aussi consulter mes chroniques sur le premier et le deuxième tomes.


Si vous n’avez pas lu le deuxième tome, ne lisez pas cette chronique.

J’étais très impatiente de voir où allaient nous mener les événements du précédent tome et je n’ai pas été déçue ! Ce volume est vraiment le meilleur des trois. J’ai beaucoup ri mais ai aussi été émue par certains personnages. Je n’ai pas vu le temps passer.
Dans ce tome, Ivy et Winter tentent d’arrêter un tueur en série. L’enquête est intéressante, pas haletante mais bien ficelée. L’une des caractéristiques de cette saga que j’apprécie est justement que l’autrice évite les facilités scénaristiques. L’évolution de l’histoire et les rebondissements sont toujours crédibles, même si elle grossit parfois le trait dans la caractérisation de ses personnages.
J’ai également aimé voir Ivy et Winter chercher leurs marques en tant que tout jeune couple et se dépatouiller l’une avec ses nouvelles capacités, l’autre avec sa nouvelle vie en dehors de l’ordre. Ce sont des personnages très attachants et délicieusement imparfaits.
Ivy est fidèle à elle-même, malgré quelques petites améliorations, enfin si l’on peut le dire ainsi… Ce n’est clairement pas elle la plus traumatisée par ses dernières mésaventures. Elle prend ce qui lui arrive avec plus de calme que je ne l’aurais cru, mais toujours beaucoup d’humour. J’adore cette jeune femme à la fois marrante et intelligente. Cela nous change des damoiselles en détresse. Ivy se met toujours dans des situations inextricables, mais au moins elle utilise son cerveau pour tenter de s’en sortir.
À côté d’elle, les personnages secondaires manquent un peu d’épaisseur. J’ai notamment regretté que le méchant de l’histoire n’ait pas un background plus étoffé. Toutefois, on n’a pas vraiment besoin non plus de justification pour être un psychopathe. Et puis certains personnages contrebalancent cela par leur vulnérabilité. J’ai beaucoup apprécié Clare, que j’ai trouvée très touchante et si… humaine, je crois, dans ses idées fixes, ses petites angoisses et ses maladroites tentatives pour s’accommoder de sa situation. En revanche je pense que les personnages récurrents, comme Ève et Tarquin, mériteraient de sortir un peu de leurs archétypes, même si le second est très drôle et qu’on adore s’exaspérer de son égocentrisme autant que de sa stupidité.
Après Ivy, et presque à égalité avec Winter, le personnage le plus développé est indéniablement Brutus et je dois dire que je l’ai particulièrement apprécié dans ce tome. Il apporte vraiment un truc en plus à cette série et pas seulement en tant que ressort comique.
J’ai passé un excellent moment avec ce roman et je regrette que la série ne soit pas plus longue. Il ne me reste qu’une novella avant de dire au revoir à ces personnages et je vais la savourer.

mercredi 22 novembre 2023

L'Oiseau d'or de Kainis T1

Un manga de Kazuki Hata, publié chez Glénat.

Présentation de l'éditeur :

La littérature est un art réservé aux hommes.

Début du XIXe siècle, à l'est de Gloucestershire, Lea a grandi au milieu de livres “inaccessibles pour son cerveau féminin” et se passionne pour l'écriture, un art réservé à la gent masculine. C'est donc sous l'identité fictive d'Alan Wedgwood qu'elle va débarquer à Londres pour faire publier ses ouvrages, se plonger le monde littéraire et se faire de nouveaux amis. Que va-t-elle pouvoir découvrir sous sa nouvelle apparence ?

Cette série en 4 tomes s'interroge sur le sexisme avec douceur. Candide mais lucide, Lea va trouver les réponses à ses questions au fil de ses rencontres londoniennes et vous offrira peut-être une autre manière d'aborder le shojo.
Depuis toujours, Lea rêve de devenir autrice, mais étant une femme au début du XIXe siècle autant dire qu’on ne la prend pas du tout au sérieux. Alors Lea s’invente un alter ego masculin pour vivre son rêve et cela semble fonctionner puisqu’on publie son premier livre. Cependant, cela occasionne aussi plus de complications qu’elle ne l’escomptait et bientôt Lea, qui y voit une chance de s’émanciper, doit s’enfoncer dans son mensonge.
Ce manga est le premier d’une série en quatre tomes. Je ne crois pas qu’il aurait retenu mon attention si elle avait été plus longue. C’est sympathique, sans plus. Les dessins sont jolis et l’histoire se laisse lire, mais manque de consistance.
Je ne m’attendais pas à une vraisemblance historique rigoureuse, néanmoins force est de constater que c’est quand même très capillotracté. Le fait que le père de Lea la laisse voyager seule, puis s’établir à Londres afin d’y travailler alors que la fortune de sa famille lui permettrait de faire un bon mariage n’est même pas crédible trois secondes. Les représentations de la gente féminine dans ce premier tome m’ont en outre agacée et particulièrement la meilleure amie de Lea, prénommée Katie, qui ressemble davantage à un petit chien qu’à une jeune femme. Elle passe son temps à sautiller et à s’accrocher aux jupes de Lea... Un chiot, je vous dis ! Ce n’est pas parce qu’elle n’a pas les mêmes aspirations que son amie et qu’elle se satisfait de sa vie qu’elle doit forcément être stupide !
Lea, quant à elle, est naïve et optimiste, comme on s’y attend d’une jeune femme élevée dans un milieu aussi protégé et tout semble lui réussir avec une facilité déconcertante. Enfin, je l’aime bien quand même. L’auteur ne force pas trop sur le cliché du « je ne suis pas comme les autres filles » dans ce premier tome. Et puis la relation de Lea avec Myles est plutôt mignonne.
Je vais tenter la suite, bien que sans conviction.

lundi 6 novembre 2023

Mon ex et autres malédictions

Un roman d'Erin Sterling, publié chez Good Mood Dealer by Exergue.



À l’aube de sa vingtaine, Vivi est tombée passionnément amoureuse de Rhys Penhallow, mais il lui a brisé le cœur… Alors, pour faire passer son chagrin d’amour, elle a bu plus que de raison et déblatéré avec sa cousine. Classique. Sauf que Vivi est une sorcière et qu’elle a, sans vraiment le vouloir, maudit son ex. Ce qui ne semble pas beaucoup affecter Rhys, jusqu’à ce que, neuf ans plus tard, il revienne à Graves Glen pour une célébration importante.
Ce roman se laisse lire. Avant de commencer, je craignais un peu que Vivi soit une crétine égocentrique car le résumé pouvait le laisser entendre. J’ai été agréablement surprise. Vivi est une jeune femme intelligente, qui a la tête sur les épaules (enfin, la plupart du temps). Elle est beaucoup trop fleur bleue pour moi, mais son caractère est crédible.
De manière générale, les autres personnages sont plutôt chouettes, j’ai notamment adoré Gwyn, la cousine de Vivi. Il faut préciser que le fait qu’une meuf dont le prénom complet est Gwynnevere ait appelé son chat le Chevalier Noir a de quoi prêter à rire.
J’ai un faible pour les histoires de sorcières. Ce roman était de saison, amusant et sans prétention. Le seul point qui pèche, à mon sens, est le manque d’épaisseur de l’intrigue de fond. Je n’en attendais certes pas beaucoup plus, mais comme il n’y a pas grand-chose à dire, l’autrice rallonge la sauce, ce qui équivaut à pas mal de répétitions. Au bout d’un moment, j’en avais ras le bol des apartés de Rhys ou de Vivi se rappelant avec émoi combien leur ex leur avait manqué et combien il/elle était désirable. Ils sont mignons, hein, et on a envie de les voir de nouveau ensemble, mais de redite en redite on verrait bien aussi la malédiction leur exploser à la gueule pour souffler un peu. Et puis, il faut dire qu’ils ne font rien pour susciter l’indulgence. Pourquoi demander l’aide de gens compétents alors qu’on peut brasser de l’air ? Eh bien, parce que ça fait des pages en plus ma bonne dame…
Il ne se passe vraiment pas grand-chose, que ce soit au niveau de la romance ou des recherches sur la malédiction. Sur le dernier tiers, j’en avais ma claque, ce qui est bien dommage. Ce roman avait tout pour être une romcom witchy et sympathique. Cela reste distrayant, mais sans plus. Le deuxième tome portant sur d’autres personnages, je le lirai peut-être quand il sortira en français, mais je ne me jetterai pas dessus.


mardi 17 octobre 2023

Meurtres et cupcakes au caramel - Les enquêtes d'Hannah Swensen T5

 Un roman de Joanne Fluke, publié chez Le Cherche Midi pour la version papier et Audible pour la version audio. Celle-ci est lue par Flora Brunier.


Chroniques des tomes précédents :



On retrouve Hannah en automne en train de préparer Halloween et Thanksgiving. C’est une bonne saison pour ce type de roman car cela participe à l’aspect douillet du récit, d’autant que l’autrice nous offre au passage quelques recettes appétissantes qui aident à se mettre dans l’ambiance.
Comme toujours Hannah a beaucoup à faire avec son travail et sa famille. Sa sœur est enceinte et son beau-frère se présente aux élections pour le poste de shérif. Elle prépare aussi un livre de cuisine avec l’aide de ses voisines et l’une d’elles a mis la main sur une recette que sa belle-mère avait toujours refusé de lui donner de son vivant. Toutefois ladite recette comporte un ingrédient secret et c’est l’occasion pour le lecteur de faire tourner ses méninges en compagne d’Hannah et Lisa. Je dois dire que j’ai apprécié cette chasse à l’ingrédient mystère davantage que l’enquête sur le meurtre. Celle-ci est néanmoins plutôt bien construite quoique poussive. Hannah doit encore une fois se mêler des affaires de la police pour pouvoir innocenter l’un de ses proches et elle a toujours du mal à voir plus loin que le bout de son nez.
J’avais détesté le précédent tome, celui-ci est un peu mieux, néanmoins Joanne Fluke devrait quand même se renouveler, dans le fond comme la forme. Je me demande parfois si elle a fait une liste dont elle coche les entrées à chaque tome. On a de nouveau droit aux mêmes répétitions sur le chat qui est obsédé par la nourriture et les appels matinaux de l’insupportable mère, les mêmes réflexions sur les mêmes voisins... Ce sont des pages vite remplies et c’est lassant. Le schéma de l’histoire ne varie jamais non plus, tant et si bien qu’à la fin on se prend d’envie qu’Hannah y passe pour de bon tant c’est exaspérant de la voir toujours tomber dans le même piège. Les lecteurs ne sont pas aussi oublieux que l’héroïne, même sans enchaîner les tomes. On n’est pas des poissons rouges !
Le pire demeurant bien sûr le triangle amoureux le moins sexy de toute la littérature à travers les âges. Tout ça parce que Joanne Fluke persiste à penser qu’une femme non mariée est un problème à régler et que même si ça l’arrange pour l’instant qu’elle soit célibataire (et qu’elle le reste), il faut qu’on sache que son personnage est hétérosexuel et désirable. C’en est assez ridicule. Hannah n’aime pas Norman mais voudrait qu’il la demande en mariage, essentiellement pour sa maison. Elle continue cependant de fréquenter Mike, ce qui se résume à aller au resto de temps en temps avec lui et à lui rouler une pelle une fois par roman. Malgré les tentatives de l’autrice pour nous faire croire qu’il y a entre eux une attirance brûlante, ils ont ensemble la sexitude d’un fascicule promotionnel de supermarché.
Je suis team Norman, si tant est que je prenne la peine de me poser la question. Il a le même humour de merde qu’Hannah et ils sont compatibles sur bien des plans. Pourtant je sais qu’elle ne finira jamais avec Norman parce qu’elle semble éprouver envers lui le même enthousiasme qu’un enfant devant une assiette de brocolis vapeur. Toutefois. il est intelligent et sympathique. En outre, il ne la traite pas comme une faible femme (et c’est sans doute pour ça qu’elle ne l’aime pas, cette crétine). Mike est un bourrin qui n’a pour charme que son physique (et encore faut-il avoir les goûts d’Hannah qui kiffe les bûcherons moustachus bas de plafond). C’est un macho exécrable. 
Ce qui m’exaspère le plus est que je ne pense pas que l’une de ces relations soit vouée à évoluer. Je sens bien que l’autrice va nous sortir un autre homme de son chapeau à un moment ou un autre, probablement dans le dernier tome de sa série. Elle ne fait que meubler. Et si c’est le cas, ce serait vraiment se foutre de la gueule de ses lecteurs...
Joanne Fluke a des principes plutôt vieillots sur l’amour, sur le mariage et sur le fait qu’il faut laisser les hommes croire qu’ils sont plus intelligents que les femmes. Bon, Hannah n’étant pas très futée (elle bat son propre record de bêtise sur la fin cette fois), c’est dire à quel point les hommes en question sont abrutis… C’est pénible à force. Et j’aimerais aussi que pour une fois l’assassin soit plus nuancé, qu’il ait une conscience et des sentiments humains malgré l’horreur de ses actions. Que certains n’aient pas de scrupules, je le comprends, mais tous ?!
De manière générale, les personnages sont assez caricaturaux, toutefois ils restent l’intérêt principal de cette série, avec l’ambiance. On en aime certains, on en déteste d’autres, mais on a envie de les voir évoluer, même si ça se fait très lentement. J’aime beaucoup la relation d’amitié entre les deux sœurs. Elles sont très différentes mais elles commencent à mieux vivre avec ça et elles se soutiennent de plus en plus. Bon, Hannah devrait quand même faire gaffe, elle ressemble de plus en plus à sa mère… Elle est extrêmement dirigiste et critique envers ses sœurs.
Malgré tout, ce roman se laisse écouter. Flora Brunier, qui interprète la version audio, fait de gros efforts pour rendre cette histoire vivante et c’est tout à son honneur. 
Cette série ne casse pas trois pattes à un canard, c’est le genre de truc qui m’occupe bien quand je tricote ou que je fais des tâches ménagères (j’ai besoin de toujours garder mon cerveau occupé un minimum) et il n’existe malheureusement pas tant que ça de cosy mysteries en audio et en français.... 
Cependant, si j’écoute les tomes suivants (ce qui n’est pas gagné… J’étais plus intéressée par la recette de cupcake que par le résumé quand j’ai acheté le livre), je ne les chroniquerai plus. J’ai l’impression d’en dire toujours la même chose et bien que cela soit cohérent avec le contenu, ce n’est pas très utile. On lit des avis quand on hésite à commencer une série ou si elle évolue beaucoup au fil des tomes. Au cinquième, le ton est donné et il est clair que ça ne changera pas de sitôt alors je vais en rester là.

mardi 3 octobre 2023

Le Codex de Paris, Paris des limbes T1

Un roman de C.C. Mahon, publié chez Allure pour la version papier.
Exclusivité Kindle pour la version numérique
Exclusivité Audible pour la version audio, lue par Julien Allouf.



Vampire, mage, détective et homme de main occasionnel d’un baron de la drogue/proxénète parisien qui le fait chanter, Germain Dupré n’a pas besoin de davantage de problèmes dans sa vie et surtout pas d’un démon surgissant de son passé (ni d’une voisine collante et d’un chaton chelou, mais on ne lui demande pas son avis).
Germain est un excellent personnage, de ceux auxquels on s’attache tout en aimant bien les voir galérer. C’est le genre bien-pensant (toute une éducation chrétienne) mais dont la moralité devient vite plus souple quand ça l’arrange. Au fond, c’est un bon gars, alors on lui pardonne d’être un peu tête à claques et un rien chouineur (il n’est pas aidé, faut l’avouer).
Les personnages secondaires ne sont pas de simples faire-valoir, ce qui ajoute à l’attrait du récit. J’ai beaucoup aimé Romane, moins coconne qu’elle n’en a l’air, et j’espère bien pouvoir suivre son évolution au fil des tomes. Quant à Zagan, tout salaud et individualiste qu’il paraît, il est aussi doué de compassion (ou serait-ce une ruse ?). Comme il est le personnage central du deuxième tome, je suis curieuse de voir ce que nous y apprendrons sur sa personnalité car dans le premier on le voit surtout à travers le regard du narrateur, c’est-à-dire Germain, qui a toutes les raisons de le détester et de s’en méfier.
J’ai choisi ce roman un peu au hasard parmi les titres proposés gratuitement dans le cadre de mon abonnement audible parce que j’avais besoin d’une distraction. Je ne l’aurais sans doute pas découvert autrement et cela aurait été dommage car je me suis bien amusée avec cette audiolecture. J’y ai trouvé l’intrigue distrayante, l’humour et l’action dont j’avais besoin ainsi que de plaisantes références historiques, alchimiques et religieuses qui apportent plus de relief à l’histoire.
En outre, Julien Allouf est un excellent lecteur qui donne vie à son récit. Comme il narre aussi le volume suivant, je continuerai la série dans son format audio.

lundi 28 août 2023

Du thé pour les fantômes

Un roman de Chris Vuklisevic, publié chez Denoël dans la collection Lunes d'encre.

Il existe une version audio, lue par Clotilde Seille et publiée chez Gallimard dans la collection Écoutez lire.


Présentation de l'éditeur :

"Quand on est vivant, on occupe les places que les morts ont laissées. C'est la règle."Agonie est sorcière. Félicité, passeuse de fantômes. Le silence dure depuis trente ans entre ces deux filles de berger, jusqu'au jour où la mort brutale de leur mère les réunit malgré elles. Pour recueillir ses derniers mots, elles doivent retrouver son spectre, retracer ensemble le passé de cette femme qui a aimé l'une et rejeté l'autre. Mais le fantôme de leur mère reste introuvable, et les témoins de sa vie, morts ou vivants, en dessinent un portrait étrange, voire contradictoire. Que voulait-elle révéler avant de mourir ? Qui était vraiment cette femme fragmentée, multiple ?Leur quête de vérité emmènera les sœurs des ruelles de Nice au désert d'Almería, de la vallée des Merveilles aux villages abandonnés de Provence, et dans les profondeurs des silences familiaux. Entrez dans le salon de thé. Prenez une tasse chaude à l'abri de la pluie. Écoutez leur histoire.
Pour échapper à l’un de ces violents orages d’été typiques du sud, un touriste se réfugie dans un salon de thé niçois. Bien que de nombreuses tables semblent inoccupées, malgré les théières et tasses pleines posées dessus, la gérante le fait asseoir avec un homme jovial bien décidé à jouer à la parlante pour occuper l’après-midi pluvieuse qui s’étire.
J’aime bien ce genre d’accroche. On est là, tranquille, on s’installe et on écoute une histoire. Il sait y faire, ce narrateur — et l’autrice qui en tire les ficelles. Il ménage ses effets, il nous fait tourner en rond parfois, il révèle toujours ses informations au bon moment et c’est un vrai plaisir de l’écouter. Parce que oui, on a vraiment l’impression d’être assis à cette table, dans ce salon de thé où les tasses se lèvent toutes seules pour abreuver d’invisibles fantômes et d’être suspendu aux lèvres de cet original qui nous conte l’histoire de deux jumelles on ne peut plus différentes (ou pas), de leur tempétueuse mère qui celait autant de personnalités que de secrets, d’un village qui s’est vidé de tous ses habitants, à l’exception d’une seule, en une nuit tragique, et de ces étranges thés qui font parler les morts.
Ce roman oscille entre le fantastique et le réalisme magique, avec une petite touche de merveilleux, soit tout ce que j’aime. En outre, le fait que l’intrigue se situe à Nice et dans l’arrière-pays a ajouté pour moi un parfum familier qui me l’a rendue encore plus tangible. J’ai adoré suivre ces deux sœurs, enquêter avec elles pour déterrer les secrets de leur mère et plus encore, pour comprendre pourquoi elle avait décidé d’en adorer une et de haïr l’autre sans qu’aucune des deux n’ait un sort plus enviable au fond. J’ai adoré bondir d’une époque à l’autre, découvrir des lieux et des personnages passionnants. Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas autant investie dans une histoire.
Du thé pour les fantômes nous offre une ambiance, sombre, vénéneuse, mais aussi délicate. L’intrigue kaléidoscopique nous leurre sans cesse, nous égare, et quand enfin l’image se fait plus nette, tout prend un sens surprenant. J’ai adoré ce roman du premier mot au dernier point.

mardi 25 juillet 2023

Meurtres, magie et télé-réalité, Ivy Wilde T2

Un roman d'Helen Harper, en version audio chez Hardigan.

Mon avis sur le premier tome.



Notre sorcière fainéante préférée est bien contente d’avoir repris le cours de sa vie. Pourtant… Est-ce qu’elle ne s’ennuierait pas un peu ? Alors quand on lui propose de se rendre sur le tournage de sa série préférée, elle saute sur l’occasion, même si ça veut dire qu’elle va devoir courir partout. Serait-ce vraiment l’action qui lui manque ou un certain sorcier aux beaux yeux bleus pour lequel elle est prête à oublier un peu sa fainéantise naturelle ?
J’adore Ivy. Elle possède de nombreuses qualités qui en font un personnage attachant, mais c’est sa grande intelligence que je préfère. On nous a trop habitués à des personnages qui se laissent porter par l’intrigue et ne fournissent aucun effort (surtout pas cérébral) pour se sortir d’inextricables situations. Il est toujours extrêmement pénible d’avoir tout compris dès le chapitre 2 et de se traîner à la suite d’un personnage incapable d’établir des connexions pourtant simples ou même de mener une investigation un tant soit peu crédible. Ce n’est pas le cas d’Ivy. Elle a un cerveau et elle sait s’en servir. Cela ne veut pas pour autant dire qu’elle ne fait jamais d’erreur ou qu’elle résout tous les problèmes en deux secondes. Elle enquête de manière méthodique et elle porte attention à ce qui se passe autour d’elle pour rassembler de vraies preuves. Puisqu’elle narre l’histoire, nous avons accès à toutes ses pensées et donc à son raisonnement, ce qui nous permet de mener l’enquête avec elle.
J’ai beaucoup aimé la suivre en Écosse sur le tournage d’une émission de télé-réalité. Les personnages secondaires ne sont pas mémorables et n’ont pas un grand capital sympathie, mais Ivy et Winter sont là pour faire le job alors je n’ai pas vu les pages défiler.
Ce tome est un peu en-dessous du précédent à mon goût, justement à cause des autres personnages et parce qu’on se lasse vite de l’ambiance plateau de télé qui manque de relief. Cependant j’ai quand même passé un excellent moment avec cette lecture.
La fin est intense et laisse présager un intéressant rebondissement pour la suite. J’ai hâte de lire, ou d’écouter, comment cela va tourner.

vendredi 21 juillet 2023

Ça c'est de la tarte ! Sucrée, mais pas trop

Un livre de recettes de Marie et Maud Chioca, publié aux éditions Terre Vivante.

Présentation de l'éditeur :

40 recettes de tartes pour le dessert ou le goûter, délicieuses et saines (moins de beurre, de sucre, de crème), très fruitées, innovantes, appétissantes et inratables…Tout pour se faire plaisir et épater la galerie, sans ruiner sa santé !
Si vous vous intéressez à la cuisine à indice glycémique bas, vous connaissez sans doute déjà les ouvrages de Marie Chioca. Je possède pour ma part un livre de recettes de soupes que j’aime beaucoup car il offre de bonnes astuces pour des soupes plus saines et digestes. Le livre sur les tartes, qu’elle a écrit avec sa fille Maud, est du même acabit. 
On pourrait se poser la question de l’utilité réelle d’un tel ouvrage. Les livres sur le thème des tartes, surtout quand elles ne sont que sucrées, sont souvent redondants. Ce n’est pas le cas ici. La quarantaine de recettes que vous y trouverez est plutôt variée. Les recettes sont simples, pour la plupart, mais gourmandes et les ingrédients relativement faciles à se procurer en supermarché. Bien sûr dans ce genre de recettes on vous proposera d’utiliser des farines complètes et parfois des purées d’oléagineux, différentes sortes d’huile et de sucres ainsi que de l’agar-agar. Tout ces ingrédients sont devenus courants de nos jours, mais ont néanmoins un coût. Si vous ne pouvez ou ne voulez pas en utiliser certains, les autrices ont pensé à vous proposer des alternatives à peu près équivalentes (elles expliquent cela en début d’ouvrage), mais gardez à l’esprit que cela peut apporter des variations au résultat ainsi qu’à l’indice glycémique. Cela étant, plusieurs recettes ne demandent que des ingrédients on ne peut plus traditionnels, donc vous avez quand même du choix.
Marie et Maud ont raison : c’est une bonne pâte qui fait une tarte réussie. Elles en propose plusieurs bases, travaillées pour s’adapter parfaitement à leur garniture. Elles ont aussi pensé aux personnes allergiques. Elles proposent des bases de pâte variées, dont certaines sans gluten et d’autres ne contiennent pas d’œuf ou de produits laitiers. En revanche, elles utilisent aussi souvent de l’huile de coco, dont je ne suis pas fan.
Les autrices vont à l’essentiel, ce qui est une grande qualité pour un livre de cuisine. Après une courte introduction et une liste de très bonnes astuces (mon père étant pâtissier, je sais de quoi je parle), on passe aux recettes classées par saison. Les fiches sont concises mais claires et agrémentées d’autres astuces utiles. Je regrette juste que lesdites astuces soient imprimées en orange, ce n’est pas ce qu’on a fait de plus lisible.
Une petite erreur m’a aussi chiffonnée, la lemongrass, qui est de la citronnelle, est une plante exotique qui n’a rien à voir avec la verveine citronnelle. Mais bon, je chipote… L’une et l’autre sont tout à fait utilisables en cuisine.
J’ai eu de belles surprises en feuilletant ce livre, notamment une tarte au curd de pomelos. J’adore préparer des curds. Parmis mes préférés on trouve bien sûr l’habituel curd au citron, mais aussi celui à la pomme. Je me réjouis donc d’essayer cette nouvelle recette quand reviendra la saison. Ce livre propose des classiques revisités, certes, mais aussi des tartes plus originales et toujours de jolis dressages. Les photos sont d’ailleurs magnifiques. Les recettes sont à la portée de tout le monde, bien que deux ou trois soient ambitieuses, et même ceux qui ne sont pas habitués à pâtisser devraient s’en sortir. C’est un bon livre, je vous le recommande.

mardi 4 juillet 2023

Tous aux abris

 Une anthologie publiée chez Realities Inc.

Présentation de l'éditeur : 
C’est la catastrophe ! Des incendies se déclarent, des guerres font rage, un attentat tourne mal, un volcan entre en éruption, des créatures venues d’ailleurs nous veulent du mal… Neuf auteurs ont pour mission de sauver leurs personnages du désastre imminent. Y parviendront-ils ?
Sommaire :
  • Qui nous abandonne ? De Basile Breyer
  • De Poissons et d’Âmes mortes de Sylwen Norden
  • Et la Lumière fut d’Alexandre Haas
  • Ligne de Fuite d’Antoine Quoc Vinh Tran
  • La Part des Flammes de Fabien Clavel
  • De l'Acide sous la Peau de Xavier Portebois
  • La Lumière des Ombres de Julie Guinebaud
  • La grosse de K.T.
  • La Troisième Guerre des Feys de Tesha Garisaki

La fin du monde, voilà bien un sujet qui a toujours déchaîné l’imagination. En ces temps désenchantés, entre effondrements sociaux et catastrophes naturelles récurrentes, il est aisé de laisser dériver son esprit vers des conjectures apocalyptiques. N’est-ce pas ce qui fait les beaux jours des complotistes ? Point de complots ici cependant, juste des cauchemars et quelques rêves aussi, peut-être, des fins définitives et de nouveaux départs.
Entre ces pages vous trouverez des fuites et des combats, des incendies et des désastres, des extraterrestres débonnaires, des anges et des démons, des catastrophes en tous genres et même l’avènement d’une nouvelle espèce. Les textes de cette anthologie sont variés, dans leur ton aussi bien que dans leur façon d’envisager débâcle et chaos.
Certains textes sont très poétiques. Je pense notamment à Ligne de fuite ainsi que De Poissons et d’Âmes mortes. J’ai particulièrement apprécié ce dernier aussi bien pour son style que sa construction et son thème. Par contraste, J’ai d’autant plus apprécié la nouvelle qui le suit : Et la Lumière fut. Nous avons là une bonne dose de suspense, mais aussi des personnages bien construits. La nature humaine est davantage mise en avant dans ce texte (et ce n’est pas forcément glorieux).
Dans De l'Acide sous la Peau, Xavier Portebois nous offre un texte cyberpunk plein d’action et de réflexion. J’ai beaucoup cette nouvelle, surtout pour sa portée philosophique. Ce texte a plusieurs niveaux de lecture et si vous ne voulez vous attacher qu’à sa dimension épique, vous le pouvez aussi. Vous ne vous ennuierez pas une minute.
La Lumière des Ombres de Julie Guinebaud, mérite également une mention spéciale car non seulement elle parvient à faire quelque chose de mémorable avec un thème pourtant maintes et maintes fois réutilisé en SFFF, mais aussi parce qu’elle nous offre des personnages auxquels on parvient à s’attacher en peu de pages.
Enfin La Troisième Guerre des Feys, nouvelle qui conclut l’anthologie, est mon texte préféré. D’une part parce qu’étant par nature une pessimiste angoissée je préfère les textes plus surnaturels, d’autre part parce que j’ai adoré retourner à Mannaz et j’y serais volontiers restée plus longtemps. Comment ne pas avoir envie d’explorer la cité de toutes les magies ? Les personnages, en outre, sont tous intéressants. Cela donne envie de les connaître davantage. Je vous invite d’ailleurs à lire Ghost Hunter Show, autre nouvelle dans cet univers.
Tous aux abris est une très bonne anthologie. Vous y trouverez des textes profonds, contemplatifs ou déchaînés, pessimistes ou optimistes, drôles ou déprimants, le tout parfaitement agencé pour tirer au mieux parti de cette belle diversité.

mardi 27 juin 2023

Fantomatique road trip

Un roman de Mathilde Payen, publié chez Syros.

Présentation de l'éditeur :

Cet été-là, Ninon et June décident de s'éclipser en douce et de partir toutes les deux sur les routes de France. Leur moyen de locomotion ? Un vieux solex et une petite carriole rafistolée, équipée de quelques provisions, deux sacs de couchage, une seule tenue de rechange pour chacune... Leur objectif ? Profiter de l'instant présent, loin des parents, loin du lycée, en oubliant tout projet d'avenir. Elles ignorent encore qu'un troisième larron sera du voyage : le fantôme d'un adolescent de leur âge décédé dans les années 70, qui va les entraîner bien plus loin que prévu, jusqu'à Londres...

Ninon et June rêvent d’un été de liberté et d’aventures, loin de leurs parents, des interrogations sur leur futur et des contraintes. Alors, sur un coup de tête, elles décident de partir en solex avec pour guide un vieux livre annoté par son précédent propriétaire. Bien sûr, leurs parents ne sont pas au courant de ce projet un peu fou…
Ce récit, tout comme les préoccupations de ses protagonistes, semble intemporel.
Je me suis rappelé les étés pleins de promesses qui semblent s’étirer sans fin mais qu’on sait éphémères… La fin de l’adolescence est un peu pareille : on sait que tout va changer bientôt, c’est là, quelque part, en périphérie de la conscience, mais c’est comme l’été, on ne voit pas la bobine du temps se dévider, on n’a pas l’impression d’en profiter assez.
Je me suis presque tout de suite entichée de ces deux filles avec leurs espoirs et leur culture qui ressemble un peu plus à celle de mon époque qu’à celle qui les a vues naître. Si Ninon, avec son enthousiasmes et sa spontanéité, donne son élan et son énergie à cette histoire, June, elle, lui apporte sa sensibilité artistique. J’étais prête à les suivre dans leur périple, mais comme nous le savons tous : rien ne se passe jamais comme prévu. Un troisième personnage entre dans l’équation et les filles vont devoir s’adapter.
J’ai aimé cette histoire pendant sa première moitié, vraiment, j’étais à fond, que ce soit à propos des vacances freestyle ou même quand on bifurque vers le surnaturel. Cependant, le soufflé est retombé. La dynamique qui se met petit à petit en place entre les membres de ce trio m’a déplu. Les petites mesquineries, la jalousie mal placée et les amourettes à deux balles, très peu pour moi. Je veux bien croire aux fantômes le temps d’une lecture, mais je n’ai pas cru à ces personnages ni à leurs décisions et encore moins à leurs sentiments. Pourtant, tout était réuni pour m’offrir une belle lecture d’été.
June est la narratrice et comme on vit le voyage à travers ses notes et autres réflexions, il est plus facile de l’apprécier que sa camarade. Cependant, même en tâchant de rester objective, j’ai eu de plus en plus de mal à supporter Ninon au fil de la lecture. June a ses défauts, mais Ninon ne pense pas à grand-chose d’autre qu’elle même et fait peu de cas de ses amis. C’est le genre de choses que je ne pardonne pas.
Sur la fin, j’avais juste envie que ça se termine pour passer à autre chose. Triste contraste avec les premiers chapitres que j’ai dévorés dans un élan enthousiaste.
La fin douce-amère m’a un peu réconciliée avec ce roman, mais la magie s’était évaporée depuis trop de pages pour que je sorte de ma lecture avec une bonne impression. C’est dommage. Faites-vous votre propre idée, peut-être que ce roman saura vous séduire davantage que moi.


vendredi 23 juin 2023

L'enlèvement de Circé - Witch and God T2

Un roman de Liv Stone, en version audio chez Audiolib.
Lu par Charlotte Campana.


Présentation de l'éditeur :

La tension règne toujours parmi les dieux et les sorcières.

Véritable pilier de sa communauté, Circé n'a pas le temps de penser à sa vie sentimentale... et encore moins à Hermès, le dieu des voleurs, aussi insaisissable qu'irrésistible. Qu'importe ce baiser qu'ils ont échangé il y a quelques semaines. Hermès est l'un des Douze, le cercle des dieux les plus puissants de l'Olympe, et un flirt entre eux serait une très mauvaise idée.

Mais lorsque la jeune sorcière est prise d'une vive douleur à la poitrine, son âme se détache de son corps et elle assiste, impuissante, à sa propre mort. Stupéfaite, Circé se retrouve face à Hermès, chargé de la guider jusqu'au royaume d'Hadès et de Perséphone.

Commence alors un voyage sur le chemin brumeux et sombre des Enfers. Dans ce monde aussi surprenant qu'impitoyable, le dieu est le seul allié de Circé. Cette proximité ne fait que renforcer des sentiments que chacun voudrait garder secrets... en particulier dans un royaume où la loi interdit toute relation entre les vivants et les morts.

Les titres des romans qui composent cette série prêtent à sourire. Ils rappellent une longue tradition de romances kitsch et cela aurait pu m’encourager à passer mon chemin si je n’avais été attirée, sans trop d’espoir non plus, par les racines mythologiques du récit. J’avais été agréablement surprise à l’écoute d’Ella la promise. J’y avais trouvé une base mythologique solide et intelligemment développée. L’autrice a su s’inspirer des mythes en profondeur et leur apporter sa propre originalité tout en restant fidèle à leur esprit. Elle ne s’est pas contentée des histoires et personnages les plus connus, bien au contraire et a fourni un beau travail de ravaudage en élaborant son univers. Oui, j’ai écrit ravaudage car c’est l’image qui me semble appropriée. Imaginez un tissage ancien, usé par le temps et troué par les mites. Imaginez une personne avec une aiguille et du fil qui tente de combler les vides, de renforcer la trame aux endroits où elle est devenue trop fine et presque transparente, mais aussi de sublimer l’ouvrage. Certaines de ces réparations se fondent dans le tissu, presque invisibles, et d’autres sont volontairement ornementales afin de donner du caractère à l’ensemble. C’est ce qu’a fait Liv Stone et ce que j’ai aimé dans l’histoire d’Ella ainsi que dans celle de Circé.
Ce deuxième tome avait tout pour éveiller mon intérêt. J’étais plutôt enthousiaste à l’idée d’écouter cette suite, d’autant plus que le volume précédent se terminait sur une révélation très prometteuse, mais surtout j’avais vraiment envie de mieux connaître l’aînée des trois sœurs. Circée est puissante, pragmatique et déterminée, cependant cela ne l’empêche pas de douter, d’avoir des faiblesses et des regrets. Cela change beaucoup de la gentille Ella et j’avoue avoir préféré Circé. En tant que future guide de sa communauté, elle a beaucoup de responsabilités et s’interroge sans cesse à ce sujet. En outre, elle sait que la paix entre les sorcières et les dieux est fragile. Circé, comme le lecteur, brûle de voir les choses changer. Pour autant, tout n’est pas si simple et elle en a conscience.
J’ai aimé ce personnage, même si certains de ses choix (et sa méconnaissance d’une monde qui est pourtant le sien) m’ont parfois étonnée. Elle m’a beaucoup émue lors de certains passages, ce qui a aisément contrebalancé les quelques moments durant lesquels elle m’a fait lever les yeux au ciel. J’ai aimé la suivre et découvrir les Enfers à ses côtés. 
Son histoire d’amour ne m’a pas emballée plus que ça, même si son prétendant ne manque pas de charme.  J’ai aimé les personnages, mais pas vraiment la dynamique de leur relation. Ils badinent, ils se cherchent, et c’est plaisant, néanmoins j’ai eu du mal à croire à leur histoire, même si je voulais les voir ensemble. Enfin, Circé est très attachante et crédible, on veut qu’elle triomphe des aléas de l’existence et c’est le principal.
Avec elle on en apprend beaucoup sur son monde, sans que cela ne sonne comme une leçon d’histoire ou un guide touristique (ce que j’ai pu reprocher souvent à des romans SFFF). J’ai particulièrement apprécié la balade au cœur des Enfers qui nous montre bien l’étendue des connaissances de l’autrice en matière de mythologie grecque. 
Liv Stone a pris plus de liberté avec la mythologie dans ce tome, mais toujours avec avec intelligence. Cela n’est pas à l’avantage de certains personnages et c’est ce que j’ai trouvé intéressant. Elle ne les magnifie pas et laisse de l’ampleur à ce qui en a fait les archétypes que nous connaissons tous.
Je prévois d’écouter la suite dès que le besoin d’une lecture distrayante se fera sentir.

jeudi 15 juin 2023

Monsieur Apothéoz

Une BD de Julien Frey et Dawid, publiée chez Vents d'Ouest.



Chez les Apothéoz, on se plante toujours en beauté. C’est ce que pense Théo, le dernier de la lignée, au point qu’il est bien décidé à ne rien entreprendre pour ne rien rater. De toute façon sa fin sera exceptionnellement navrante, il en a la certitude. 
Alors qu’il nous conte les déboires de ses ancêtres, on se rend bien compte qu’il a des raisons de broyer du noir, mais de là à croire en une malédiction familiale… Malgré sa morosité et son attitude placide, Théo est un personnage attachant qu’on voudrait voir se secouer pour enfin prendre sa vie en main. Il semble las de tout, passionné par rien, il n’a ni ambition ni rêve secret, à part peut-être le souvenir d’un amour de jeunesse qu’il n’a pas osé concrétiser. Ce n’est pas un mauvais gars, mais il se contente de vivoter.
En général, je déteste ce genre de personnages qui se laisse vivre en chouinant par intermittence, pourtant j’ai aimé Théo. Il n’en fait jamais trop, même quand il se plaint. On pourrait le croire ennuyeux, cependant il n’en est rien. J’ai aimé le suivre et apprendre à le connaître. En peu de pages, on s’en fait un ami. Un ami un peu relou, mais ce n’est pas grave. On peut même s’identifier, en partie, à sa peur d’avancer dans la vie, même en sachant que ses craintes sont ridicules car personne n’a une vie parfaite. 
Cette BD, avec son charme désuet et ses personnages en roue libre, nous rappelle que la réussite s’appuie sur des échecs, que la vie est de toute façon une succession de mésaventures et qu’au final peu importe si on se plante, le tout est de continuer car on n’en a qu’une. Cette histoire n’est pas pour autant un parangon d’optimisme. Elle est pétrie d’humour grinçant et de petits arrangements avec soi-même. L’échec fait partie de la vie, la réussite peut n’être qu’une façade et ce n’est pas grave. Ce qui importe est le voyage, pas la destination, car tout a une fin. Nos personnages ont choisi de se laisser porter, à tort ou à raison. Néanmoins, on peut toujours changer de cap si on se décide, mais à quel prix ?
J’ai bien aimé cette lecture. Les personnages et leurs failles, Théo bien sûr, mais aussi Camille et Pépin, sont sympathiques malgré (ou grâce à) leurs très gros défauts. La dynamique qui se met en place entre eux est intéressante. Ils ne se tirent pas vers le haut, mais se poussent tout de même vers l’avant, et c’est déjà ça.
Et surtout, j’ai adoré les dessins. Ils donnent une ambiance un peu vieillotte à l’histoire, bien qu’elle ne le soit pas. Leurs tons chauds atténuent la morosité du récit mais pas la nostalgie qu’ils dégagent.
Ce fut une belle découverte.


tous les livres sur Babelio.com

lundi 17 avril 2023

Le Silence des carillons

Un roman d'Édouard H. Blaes, publié chez ActuSF.


Tinkleham est un vestige du vieux monde, une ville sous globe bien qu’elle soit entourée de brume et non de verre, assiégée par les spectres qui désagrègent tout être humain qu’ils touchent. La population de cette ville et de la campagne qui l’environne ne survit que grâce au Beffroi. Sur la plateforme, des mages se relaient pour chanter, accompagnés de cloches et de carillons, afin de repousser les spectres sans relâche. Cela fait bien longtemps que les gens ont oublié la chaleur du soleil et à quoi ressemblait le monde d’avant. Tout ce qui leur en reste vient des livres.
Ermeline a dix-huit ans, vit en bordure et entretient depuis toujours le rêve de devenir la plus grande magicienne qu’aura connu le Beffroi, quoi qu’il puisse lui en coûter.
Qui est Ermeline Mainterre ? La question rythme notre lecture et de toutes les personnes pouvant se la poser, lecteur compris, c’est Ermeline elle-même la plus acharnée à trouver une réponse. Elle est ambitieuse, à n’en pas douter, mais a-t-elle réellement les moyens de ses ambitions ? Et si elle réussit, que fera-t-elle du pouvoir ?
Il faut toujours prendre garde à ce que l’on souhaite.
Ermeline est égocentrique, susceptible, envieuse, naïve au début et un peu puérile aussi. Elle est loin de l’héroïne qu’on rencontre souvent dans un roman de fantasy. Elle n’est pas une élue, même si elle croit qu’elle aimerait en être une. De prime abord, elle n’est pas sympathique et le récit avançant elle l'est encore moins. Pourtant, je l’ai appréciée. Cela peut sembler étrange et je me doute que ce n’est pas une opinion populaire parmi les lecteurs. En plus d’être focalisée sur elle-même et de manquer d’empathie, Ermeline peut se montrer assez pénible quand elle ressasse (ce qui se révèle être l’une de ses activités préférées). Si je l’ai aimée, je crois, c’est justement pour tous ses défauts. Elle n’est pas quelqu’un de bien, tout en n’étant pas foncièrement mauvaise non plus. Elle veut juste survivre et si elle est amenée à devenir une héroïne, ce sera forcément discutable. Ermeline est loin d’avoir le profil d’une sauveuse aimée de tous, animée par le goût du sacrifice et la compassion. Elle est une pragmatique et elle doit vivre avec ses choix, ses petites et ses grandes lâchetés. Elle doit avancer ou perdre la raison. Pour tout cela, elle est plus humaine et réaliste que la grande majorité des héroïnes de fantasy que j’ai pu croiser.
Le Silence des carillons est un roman sombre, tissé des sentiments les moins glorieux qui animent l’humanité. On y fait des choix par défaut, on s’arrange avec la vérité, avec la peur et avec sa conscience. Est-ce que seule importe la survie ? En vaut-elle la peine passé un certain point ? Cette lecture m’aura fait me poser de nombreuses questions.
La magie que nous décrit l’auteur, entre chant et métaphore océanique, m’a beaucoup plu. Ça me parlait et j’ai aimé le début du roman, apprendre ce monde, apprendre Ermeline, apprendre le Beffroi surtout, ce labyrinthe de faux-semblants, d’illusions et de secrets. J’aurais toutefois souhaité en apprendre davantage sur la nature de cette magie et sur son lien avec les spectres. De manière générale, j’aurais voulu plus d’informations concernant les origines de Tinkleham, mais je comprends bien que ce n’était pas le propos.
Dans la première moitié du roman, j’ai surtout été motivée par la découverte de l’univers et des personnages et j’admets avoir un peu décroché quand l’histoire s’est centrée sur la jalousie et un triangle amoureux peu engageant. Certaines rivalités poussent les êtres à donner le meilleur d’eux-mêmes, celle qui couve sous l’amitié fragile entre Justine et Ermeline est délétère. En outre, elle n’apporte pas grand-chose à l’histoire, si ce n’est démontrer qu’Ermeline semble vouée à entretenir des relations malsaines, ou à tout le moins déséquilibrées.
La deuxième partie en revanche m’a fascinée. L’histoire devient plus sombre, plus sale, les enjeux sont importants et l’intrigue se précipite vers un dénouement dont on sait qu’il sera douloureux. On se demande juste à quel point.
Pendant son apprentissage, Ermeline se posait de bonnes questions, dont certaines à haute portée philosophique, même si elle ne se montrait pas toujours très empressée à leur trouver des réponses. C’est à nous, lecteurs, qu’il incombe de le faire. Ce n’est pas un mal, mais j’aurais aimé davantage de matière, pouvoir voir plus loin. 
Enfermer une cité après une catastrophe, peu importe l’origine de celle-ci, est un postulat classique, bien que davantage en SF qu’en fantasy, c’est grâce à son personnage principal que ce roman tire son épingle du jeu, mais il est aussi sa plus grande faiblesse. Pas parce qu’Ermeline est antipathique, mais parce qu’elle nous prive d’informations complémentaires et surtout de cet « après » dont j’étais très curieuse. L’épilogue sonne juste, toutefois il ne m’a pas suffit. Cette histoire recèle encore trop de mystères pour moi. J’ai apprécié ma lecture, cependant ma vision de cet univers est restée trop cloisonnée à mon goût.

jeudi 23 février 2023

Les Disparus du Clairedelune, La Passe-miroir T2

 Un roman de Christelle Dabos, publié chez Gallimard jeunesse.

Mon avis sur le T1.

Présentation de l'éditeur :

Fraîchement promue vice-conteuse, Ophélie découvre à ses dépens les haines et les complots qui couvent sous les plafonds dorés de la Citacielle. Dans cette situation toujours périlleuse, peut-elle seulement compter sur Thorn, son énigmatique fiancé ? Et que signifient les mystérieuses disparitions des personnalités influentes à la cour ? Ophélie se retrouve impliquée malgré elle dans une enquête qui l'entraînera au-delà des illusions du Pôle, au cœur d'une redoutable vérité.

Le premier tome de cette ambitieuse tétralogie m’avait laissé une impression mitigée. Le début m’avait intriguée, les derniers chapitres passionnée, mais le milieu du récit m’avait engluée dans l’attente. Les Fiancés de l’hiver m’avait semblé un long préambule à quelque chose qui, certes promettait d’être grandiose, mais prenait trop son temps à mon goût. Pourtant, cette série mérite bien toute notre patience. Le monde et l’intrigue créés par Christelle Dabos sont complexes et par conséquent s’épanouissent petit à petit. Ce qui peut vous sembler de l’ordre du détail sur le moment sera peut-être important plus tard. Cette lecture à la fois distrayante et exigeante demande de l’implication en plus d’un peu de patience, cependant, elle vous en récompensera amplement.
J’ai adoré Les Disparus du Clairdelune d’un bout à l’autre et j’aurais bien enchaîné avec le tome suivant si je n’avais été raisonnable. Même le léger mysticisme qui enrobe l’intrigue ne m’a pas découragée (ce qui n’est pas peu dire car j’ai ce genre de préoccupations en horreur).
L’arc principal avance beaucoup dans ce tome, surtout dans les derniers chapitres, et je n’en dirai pas un mot pour ne pas spoiler. De toute façon, c’est juste la cerise sur le gâteau tant le récit a de pistes à offrir. Les personnages évoluent de manière notable. Ophélie, bien sûr, reste au centre de l’histoire et après tout ce qu’elle a déjà traversé, elle n’est plus tout à fait la jeune fille timide et effacée qu’elle était sur Anima. J’ai aimé la voir s’affirmer. Ses relations avec son entourage sont de moins en moins superficielles, que ce soit avec Thorn ou avec sa propre famille. Ophélie avait tendance à se contenter de suivre le mouvement, voire à se laisser un peu marcher sur les pieds, cependant les leçons du Pôle ont porté leurs fruits. Ce tome est, de mon point de vue, celui où elle essaie d’acquérir son indépendance par tous les moyens, tout en protégeant les gens qu’elle aime, et je l’ai trouvée très touchante.
On apprend aussi à mieux connaître Thorn, personnage pour lequel j’ai beaucoup d’affection tant il est à la fois complexe et émouvant dernière sa façade glaciale. Christelle Dabos ne verse jamais dans la facilité et je lui en sais gré, ses personnages n’en sont que plus fascinants. J’ai aimé voir Thorn et Ophélie changer au contact l’un de l’autre, les voir considérer le monde d’un regard plus vaste et s’épauler même s’ils ne se comprennent pas toujours. J’ai aimé voir leurs familles respectives évoluer aussi par ricochet et en apprendre davantage sur certains de leurs membres, comme la mère de Thorn ou le grand-oncle adoré d’Ophélie.
Tout cela était passionnant, mais ne constituait en fait que le fond de l’intrigue, le cœur de celle-ci étant l’enquête qu’Ophélie se voit contrainte de mener. J’ai adoré suivre cette enquête, recueillir des indices petit à petit, en apprendre davantage au passage sur les différents pouvoirs familiaux et les autres Arches. Je suis restée rivée à mon bouquin du début à la fin tant je me suis impliquée dans ce récit. Je ressors de ma lecture extrêmement enthousiaste et avide de découvrir la suite.

vendredi 17 février 2023

Attention Spoiler

 Un roman d'Olivia Dade, publié chez Hauteville.


Marcus est beau et il le sait. S’il a pris l’habitude de jouer les abrutis auprès des journalistes, c’est pour qu’on lui fiche la paix. Pourtant, en secret, il écrit des fanfictions sur la série dont il joue l’un des personnages principaux. Afin de préserver l’image qu’il a mis tant de temps à construire, mais aussi selon les termes du contrat qui le lie à la production, il ne faut pas que cela se sache.
April est géologue. Elle écrit aussi des fanfictions, mais elle le cache pour des raisons différentes. Tout d’abord elle craint que cela lui fasse perdre son travail, ensuite elle n’a pas vraiment envie de dévoiler son physique à ses amis du fandom. Elle sépare donc ses deux vies avec application. Jusqu’au jour où elle décide qu’elle en a assez de se cacher et que ce n’est qu’une étape avant de, peut-être, pouvoir se rapprocher du gars avec qui elle échange sur le forum depuis longtemps et pour qui elle a le béguin.
Attention Spoiler est une romance sympathique qui se lit toute seule. Les personnages diffèrent de ceux que l’on rencontre habituellement dans ce type de romans et c’est appréciable. Marcus est un gars plutôt gentil et qui, pour un acteur, manque cruellement d’assurance. April est ronde et bien décidée à ce qu’on l’accepte comme elle est. Et quand je dis ronde, ce n’est pas juste une fille qui fait du 42 et qui en fait tout un drame, elle est obèse et elle a décidé que ça n’allait pas l’empêcher de vivre. En outre, elle ne maigrira pas d’un coup en trouvant le grand amour comme on veut souvent nous le faire croire dans les comédies romantiques. Pour couronner le tout, elle n’écrit pas des fanfics parce qu’elle n’a pas de vie, mais parce qu’elle aime ça. Elle adore son boulot, elle a de chouettes amis, dans sa vie l’amour serait juste la cerise sur le cupcake. Pour tout cela, ce n’est pas le genre de personnage qu’on croise tous les jours dans des romances et j’ai beaucoup aimé April.
À côté, Marcus est un peu fade. J’aurais voulu l’apprécier davantage parce que les personnages masculins dans les romances sont souvent toxiques et que ce n’est pas son cas, même s’il est très loin d’être parfait. Comment vous expliquer le problème ? Si vous regardez South Park c’est simple : Marcus est un clone de Principal PC. Et sinon… Je ne voudrais pas faire passer ce personnage pour plus niais qu’il n’est, mais c’est compliqué d’apprécier Marcus alors qu’il a de nombreuses qualités. Il n’est pas bête, cependant ce n’est pas non plus le couteau le plus affûté du tiroir et surtout il est politiquement correct en tout et tout le temps, même dans les moments les plus incongrus. C’est ennuyeux à la longue.
Marcus cache ses failles derrière son personnage public, il joue le rôle de celui qu’il appelle « le golden retriever bien propret » et en fait je n’ai pas vu grande différence avec l’homme qu’il est en réalité, si ce n’est qu’il est moins superficiel en vrai. C’est un bon gros toutou en adoration devant sa maîtresse. J’aurais aimé apprécier ce personnage, atypique en romance, mais il est trop complaisant. Ses rares défauts, ses faiblesses et ses petites lâchetés ne le rendent pas vraiment plus attachant.
April et Marcus ont tous deux des problèmes de confiance et une mauvaise image d’eux-mêmes, en grande partie à cause de leurs parents, et le parallèle entre leurs deux histoires est intéressant. C’est ce qui donne de la profondeur à leurs personnages ainsi que ce qui leur permet de trouver leur équilibre en tant que couple.
Ils sont mignons tous les deux et j’ai passé un moment plutôt agréable avec eux. Cependant je ne peux pas dire que c’est un roman inoubliable. Il n’est pas toujours bien écrit (ou bien traduit) et il souffre de quelques longueurs dues à des répétions.
Le récit est jalonné de résumés de fics ou de pitch de scénarios, de messages privés et autres petits textes qui le complètent bien. C’était une bonne idée et c’est plutôt amusant.
L’autrice a beaucoup d’humour et d’idées saugrenues, peut-être même trop. Les extraits de scénarios sont assez drôles, mais c’est à se dire que Marcus n’a joué que dans des bouses et je veux bien croire que certaines seraient tout à fait vendables, vu la médiocrité de ce qui passe parfois à l’heure actuelle.
Quant à la série qui a fait toute la gloire de notre personnage… Toute ressemblance avec Game of Thrones est pleinement assumée, toutefois si les références vous laissent de marbre, cela n’affectera pas votre lecture. De même, ladite série est aussi inspirée de l’Énéide, mais cela n’a pas grande incidence (et manque de finesse à mon goût d’amatrice de mythologie, bien que j’admette qu’on n’est pas là pour ça).
En tant que lectrice de fanfictions, j’ai apprécié de me retrouver dans ce petit monde que je connais si bien et je dois dire qu’Olivia Dade le décrit de manière très réaliste. Globalement c’est un microcosme plutôt sympa où les gens sont juste de grands gamins qui jouent avec des figurines et se lâchent souvent sans se prendre trop au sérieux, mais il y a aussi pas mal de poussière sous le tapis. Olivia Dade aborde par exemple la grossophobie, dans la vie de tous les jours bien sûr, mais aussi dans le fandom. Parce qu’il faut bien le reconnaître : elle y est présente, c’est même un ressort scénaristique facile pour rendre un personnage détestable au premier coup d’œil ou faire de l’humour à peu de frais. Et cela n’est pas propre à la fanfiction en particulier mais à la fiction en général.
Je me souviens avoir lu une fic il y a des années, vraiment chouette au début, bien écrite, intéressante. Et puis une blague merdique. Bon, on se dit que c’est un cas isolé, une maladresse, et on continue. Une autre blague moisie et encore une autre. Et puis un peu de transphobie en passant parce que l’autrice trouvait ça hilarant. C’est inacceptable. Sans chercher à devenir comme Marcus et Principal PC, il est bon de lutter contre des comportements inappropriés et des préjugés stupides qui pourrissent la vie des gens jusque dans leurs loisirs. Oui l’obésité est un problème de santé sérieux, non ce n’est pas en humiliant les gens qu’il sera réglé.
Olivia Dade aborde aussi des problèmes tels que la dyslexie et l’hyperactivité. Cela fait du bien de voir ces sujets traités dans un roman, parce que ça fait partie de la vie et que ça touche beaucoup de gens mais qu’on en trouve peu de représentations dans les médias, ou en tout cas pas de manière aussi naturelle.
Ce roman est le premier de ce qui est une trilogie (pour le moment). Les volumes suivants mettent en scène d’autres couples parmi les personnages secondaires. Le deuxième tome porte sur Alex, le meilleur ami de Marcus, et Lauren l’assistante qui lui sert de baby-sitter. Je ne sais pas si je lirai ce volume, je n’ai pas particulièrement apprécié la personnalité d’Alex et on sait peu de choses sur Lauren, mais je me laisserai peut-être tenter si j’ai envie d’une lecture drôle et sans prise de tête.