mercredi 21 décembre 2022

Bons baisers de New York

Un roman d'Iris Visser, publié en numérique chez Kobo Originals.

Les autres tomes de la série :


Bons baisers de New York fait parti d’une série, trois volumes pour l’instant, dont les tomes peuvent se lire indépendamment. Iris Visser propose des comédies romantiques modernes, légères et pleines d’humour. On se laisse facilement emporter dans ses histoires, qui ne sont jamais tape-à- l’œil ni trop dramatiques. On est là pour s’amuser, pas pour pleurer. On peut croire en ses personnages et en leurs réactions car elle n’en fait pas des êtres parfaits ou caricaturaux.
Cette romance est idéale à lire pendant les fêtes car elle se déroule en partie durant cette période et je dois dire que, des trois, c’est ma préférée.
Emma travaille dans l’événementiel et elle a une manie : quand les silences deviennent gênants, elle se met à jacasser. Cela lui vaut d’être envoyée à New York pour un an, parce qu’elle n’a pas su dire non, et si son voyage en avion, assise à côté d’un gars qui tire la tronche, donne le ton de son séjour, elle est plutôt mal barrée…
J’ai beaucoup aimé Emma. C’est une fille sympathique, un peu maladroite mais sans que ça devienne exaspérant. Elle accumule les galères, sinon ce ne serait pas drôle, mais si elle s’en sort ce n‘est pas par enchantement ; elle sait utiliser son cerveau. On s’attache à Emma, on veut la voir réussir dans son travail comme dans ses amours. Et je dois dire que le gars sur lequel elle va jeter son dévolu n’est pas mal du tout...
Iris Visser ne force jamais sur les clichés quand elle en use et même si elle saupoudre souvent ses écrits de rivalité féminine, elle ne prend pas plaisir à noircir le tableau. Dans ses romans, les personnages finissent toujours par exposer leurs griefs et régler avec intelligence leurs problèmes, ce qui est assez rare dans ce type de littérature pour être signalé. J’ai apprécié que cette histoire, aussi focalisée soit-elle sur les amours d’Emma, prenne le temps de développer ses amitiés et sa vie à New York. Suivre la jeune femme dans ses pérégrinations a été un vrai plaisir, d’autant que puisqu’elle arrive à New York en septembre, on vit avec elle les fêtes et les traditions liées à l’automne et l’hiver.
L’autrice a aussi glissé dans ce roman quelques clins d’œil aux autres tomes de la série et on croise même brièvement les deux personnages de Bons baisers de Londres, ce que j’ai beaucoup apprécié.
Je ne suis pas férue de comédies romantiques, mais si Iris Visser en écrit d’autres, je serai au rendez-vous. Si vous avez envie de récits feel good et romantiques, je vous recommande cette série.


mercredi 14 décembre 2022

Le Scénar

Un roman de Philippe Pratx, publié aux éditions L'Harmattan.



Théo et Léo ont trouvé un scénario sur une clé USB oubliée. Vous savez ce que c’est, ils ont trouvé la clé abandonnée sur un ordi, alors ils ont regardé pour voir si son ou sa propriétaire n’avait pas laissé ses coordonnées dedans, mais il n’y avait que le scénar, non signé. Ils ont laissé la clé, après avoir imprimé l’ouvrage, mus par la curiosité et bien décidés à percer ce mystère. Qui mieux que Lola, leur amie étudiante en cinéma, pourrait les accompagner dans leur enquête ?
Toutefois Théo, Léo et Lola ne devraient peut-être pas prendre leurs aises, car qui dit qu’ils sont les personnages principaux ? Ceux du scénar, Olivier — pétri de rêves communistes mais aussi de fierté identitaire — et Alena — distante et néanmoins bouillonnante de sensations, de sentiments, de pensées qu’elle ne parvient pas toujours à exprimer — ainsi que tous ceux qui gravitent autour d’eux ont une nette tendance à voler la vedette à ces personnages du roman un peu plats cherchant à les analyser, en quête du moindre indice. Et puis il y a cet agaçant narrateur qui semble vouloir nous embrouiller sans cesse avec des réflexions plus ou moins creuses et digressives. Le narrateur, c’est un peu toutes ces personnes qui croient opportun de vous tirer de votre lecture. Parce que c’est connu, un lecteur est en attente que la vie le rappelle. Ou le plus souvent en attente qu’on l’ennuie avec des palabres qu’on croit plus intéressantes que n’importe quel livre… Et il palabre ce narrateur, c’est sûr, mais qui est-il en fait ? Est-il l’auteur ? Du livre ou du scénario ? Est-il vraiment omniscient, voire omnipotent, ou juste un personnage mégalomane ? Cache-t-il des vérités sous des couches et des couches de mots qui parfois captent votre attention pour mieux vous engourdir l’esprit trois paragraphes plus loin ? Et n’oublions pas — même si ce serait difficile — le scénar lui-même, personnage à part entière. Un scènar qui ne semble pas vouloir choisir son genre, qui intrigue, qui accroche, plus que l’histoire qui se tisse autour de sa découverte.
J’ai aimé le mystère nimbant le scénario, cette mise en abyme permanente et ces strates, ces personnages difficiles à cerner. J’aime qu’on m’égare. Cependant, la narration, avec ces digressions permanentes, qui ne m’ont pas toujours semblé naturelles, n’a eu de cesse de me repousser hors de l’histoire. S’emmêlent des considérations sur l’écriture, sur la vie, sur le cinéma, sur la psyché humaine, la musique et tant d’autres sujets, que l’on trouve soit intéressantes, soit pontifiantes ou déplacées selon l’humeur et le stade de la lecture. L’auteur se moque de nous et de nos attentes, ce qui est plutôt une bonne chose, mais la finalité de tout cela reste absconse.
Je pense être une lectrice attentive, et pondérée, peu encline à absorber et ressentir sans avoir intellectualisé d’abord. Notez que ce n’est pas forcément une bonne chose et que j’en suis consciente. Les récits à tiroirs ne me perturbent pas, les digressions non plus. En fait, plus on cherche à m’égarer, plus je tends à regarder autour de moi pour trouver les contours de l’illusion et sortir du cadre afin de mieux observer le tableau. Mais là, j’avoue qu’à un moment, j’ai juste laissé glisser parce que je n’en pouvais plus des monologues du narrateur. Je n’y ai pas trouvé de sens, mais après tout on n’a jamais dit qu’il devait y en avoir un, même si on voudrait nous le faire croire.
Le scénar lui-même, qui tourne et vire sans cesse, comme s’il cherchait à définir sa propre nature au fil du voyage, un peu comme nous au fil de la vie en fait, m’a offert la partie la plus plaisante de la promenade. Pour moi, il avait surtout la saveur des nouvelles de Fantastique que j’ai toujours affectionnées et il l’a gardé jusqu’à la fin. Les multiples interruptions n’ont jamais vraiment réussi à m’en détourner. À côté de ça Lola, les jumeaux et tous les personnages qui gravitaient autour avaient la pâleur de didascalies plutôt que l’épaisseur d’une histoire secondaire.
Ce qui est signifiant, ce qui ne l’est pas, les digressions diverses, les coïncidences, grossières ou subtiles, et les mcguffins, tout se mélange et ce n’est pas important au final. Ce roman est un récit à niveaux plus qu’à tiroirs, différents niveaux de lecture, qu’on veuille ou non les explorer. On l’aime, ou pas, et je l’ai aimé, même si je ne l’ai pas toujours compris. À vous de voir si vous trouverez votre chemin dans ce labyrinthe.

jeudi 3 novembre 2022

Quand la vie s'en mêle T2 : Valentine

Un roman de Lucie Castel, publié en numérique chez Kobo Originals.


Présentation de l'éditeur :

Suivez cette fois les pas de Valentine dans ce deuxième tome de la trilogie Quand la vie s’en mêle, par Lucie Castel. Après avoir décidé de couper les ponts avec sa famille, Valentine se lance dans une formation de guide touristique à Paris. À l’obtention de son diplôme, elle postule auprès du célèbre château des Deux Sources de la petite ville de Luserne, d’où elle est originaire. C’est Louis, le châtelain, patriarche fatigué et solitaire, qui l’embauche pour mettre en œuvre une idée qu’il a depuis longtemps : ouvrir le château au public dans l’espoir d’éponger les dettes accumulées par sa famille. Laquelle est farouchement opposée à ce changement… Alors que Valentine se jette corps et âme dans ce projet colossal, elle est rejointe par Gabriel, fils unique de Louis, un homme hautain et glacial. La collaboration entre Valentine, tombée amoureuse de l’édifice et qui veut à tout prix le sauver, et Gabriel, qui ne pense qu’à le vendre et à couper définitivement les ponts avec sa famille, fait des étincelles. Mais événements étranges et problèmes se multiplient au sein du château, poussant Valentine et Gabriel à mettre leurs divergences de côté pour résoudre le mystère de l’origine de ces attaques.

En suivant Adèle dans le premier tome, j’ai découvert une petite ville, avec ses défauts et ses qualités, mais surtout des personnages dont en a très envie de connaître les histoires. Je me suis donc replongée avec plaisir dans cette ambiance qui m’est, en tant que fille du Sud, assez familière, avec ses bons comme ses mauvais côtés. Dans les petites villes, tout le monde connaît tout le monde et souvent parler d’autrui est une distraction comme une autre… Aussi Luserne, bien que fictive, semble très réaliste. J’ai apprécié de la voir en hiver cette fois, avec les fêtes de fin d’année en bonus. Ce genre d’endroits très touristiques offre un tout autre visage hors saison, j’en sais quelque chose, et le changement d’ambiance est parfaitement décrit. Je me suis tout de suite sentie chez moi.
Ce deuxième tome est consacré à Valentine, qui essaie très fort d’assurer les fondations d’une nouvelle vie chèrement acquise. J’ai une certaine tendresse pour elle, cependant je conçois qu’elle puisse paraître assez antipathique de prime abord, surtout dans le premier tome. Toutefois, Valentine se bat contre cette part d’elle-même avec une telle opiniâtreté qu’elle en devient touchante. Dans ce volume, on apprend à mieux la connaître, on voit se dessiner ses cicatrices, mais aussi ses espoirs. Derrière le sarcasme qu’elle manie en permanence, derrière les affres de la maladie, se cache une amie loyale et une jeune femme pleine de rêves qu’elle ose à peine effleurer du bout des doigts. Sa toute récente liberté l’a laissé pleine de détermination mais aussi un peu chancelante. Personnage tout en contradictions, Valentine est à la fois très forte et très fragile. C’est ce qui fait tout son charme et qui la rend si réelle.
Même si ce roman est celui de Valentine, ses camarades ne sont pas laissés de côté. J’ai retrouvé avec plaisir Adèle, Ed, Nicolas et Jazz. C’est sympa de les voir évoluer, même si cela reste en arrière plan. On dirait bien qu’Adèle a apporté un vent de changement avec elle dans ce petit groupe au sein duquel elle a pris racine. Ils ne sont plus figés, subissant tous les aléas de la vie, mais sont bien décidés à se construire une existence qui leur ressemble. Il est un peu frustrant de ne pas en voir davantage à leur sujet.
Il faut dire que ce roman se lit très vite et on ne s’ennuie jamais, même si on voit tout venir de très loin. Les clichés se ramasse à la pelle, mais ce n’est pas bien grave car l’autrice sait rendre son histoire plaisante d’un bout à l’autre. Je serais bien en peine de trouver un genre dans lequel le classer, si ce n’est « feel good ». Prenez une petite ville du Sud en hiver, une bande de copains, un soupçon de romance et un paquet d’ennuis, vous obtiendrez quelque chose d’assez approchant du noyau de ce récit.
J’ai bien aimé l’histoire de fond : une guéguerre entre aristos de campagne et ce château qui s’écroule de partout, comme la famille qu’il abrite, mais qu’on essaie de réhabiliter. Je ne suis pas une fan de secrets de famille, mais tout le folklore inventé autour de ces deux maisonnées est assez amusant. La romance est discrète, juste ce qu’il faut de sucre pour adoucir l’histoire, et les personnages sont attachants. Que demander de plus ? C’est le roman pas prise de tête parfait pour un jour de pluie près de la cheminée. Ce tome s’est révélé meilleur que le précédent et je lirai sans aucun doute la suite.


vendredi 12 août 2022

Bons baisers de Londres

Un roman d'Iris Visser, publié uniquement en numérique chez Kobo Originals.

Présentation de l'éditeur :

C'est la veille du Nouvel An quand Hannah surprend son petit ami dans l’arrière-cuisine avec une serveuse déguisée en paon. Confrontée à ce nouvel échec, elle ne peut s'empêcher de perdre tout espoir en l'amour. Pour couronner le tout, la voilà obligée de rejoindre son horrible patron, le PDG d'un grand magasin, pour un voyage d'affaires de deux semaines à Londres. La nouvelle succursale ne fonctionne pas comme elle le devrait, et ils sont donc obligés d'intervenir avec l'aide d'une agence marketing.

Une fois sur place, subir l’effervescence des magasins de la ville se préparant pour le jour le plus romantique de l'année – la Saint-Valentin - s'avère être le dernier des soucis d'Hannah. Le fait que son patron révèle un côté de lui plus doux qu’elle ne le pensait et que la femme de l'agence de marketing lui semble très familière sont bien plus troublants.
Hannah semble tout avoir pour être heureuse. Elle a un bon boulot, même si son patron a mauvais caractère, et elle vient de s’installer avec son petit ami. Sauf qu’elle trouve ledit petit ami en train de s’ébattre avec une autre pendant le réveillon du nouvel an et que sa petite vie vole en éclats (enfin en plumes de perruche, ils sont à une soirée déguisée)…
J’ai récemment lu et apprécié Bons baisers d’Ibiza, aussi j’étais plutôt contente qu’on me propose un autre roman d’Iris Visser via le partenariat avec Kobo mis en place par Babelio.
Les deux histoires sont dans la même veine : des comédies romantiques modernes, pleines d’humour, mettant en scène des personnages attachants et crédibles. Bien que ces ouvrages soient présentés comme une série, ils n’ont que leur thème en commun et vous n’y retrouverez pas les mêmes personnages.
J’ai adoré Bons baisers de Londres. C’était drôle et rafraîchissant, le genre de roman qui se lit tout seul. Iris Visser sait utiliser les clichés à bon escient. Elle n’en abuse pas et les détourne sans cesse. Vous croyez qu’elle vous emmène sur une piste maintes fois empruntée et pourtant elle vous surprend au tournant. Soyons honnêtes, on aime tous un peu les clichés quand ils sont finement saupoudrés sur l’ensemble pour apporter juste une petite touche sucrée et réconfortante. C’est ce que vous expérimenterez en lisant ce roman.
L’autrice est aussi un peu taquine. J’ai vu dans ces pages une légère moquerie (sans mépris, attention) envers les codes du genre et en particulier les romances de bureau ainsi que les récits à la mode. Elle nous rappelle que le romantisme est une bonne chose, mais qu’il n’est jamais en vrai comme dans les livres et c’est ce qui rend son texte si attachant. On peut croire à cette histoire et à ces personnages.
Hannah a du caractère, si sa rupture l’a affectée et l’englue dans un cycle de déprime, elle essaie tout de même de s’en sortir malgré les rechutes récurrentes. Elle n’est pas parfaite, c’est juste une femme qui fait de son mieux. Elle a de l’humour aussi et c’est un plaisir de lire ses réflexions ainsi que ses bons mots.
Son homologue masculin a autant de charme qu’il se montre parfois exaspérant, ce qui le rend ambivalent mais humain. Lui aussi est loin d’être parfait. Il est caractériel, grincheux, coureur de jupons, mais également intelligent, attentif (quand il le veut bien) et pas misogyne pour deux sous malgré son côté séducteur. Je suis ravie de voir que ces derniers temps un type d’homme plus respectueux devient davantage courant dans les romances ; un peu de masculinité positive ne fait pas de mal.
Iris Visser nous offre une romance plus réaliste et plus féministe (oui, même quand vous aurez des doutes à ce sujet, faites-lui confiance). J’ai lu ce récit d’une traite et j’ai passé un excellent moment. Je lirai sans aucun doute le prochain roman de cette autrice.


mercredi 10 août 2022

S'organiser en cuisine avec Cléa

Un livre pratique de Cléa, avec des photos de Clémence Catz, publié chez Terre Vivante.



Il existe de nombreux livres de batchcooking, végé ou non. J’en ai essayé plusieurs et si la plupart offrent des recettes alléchantes et de bonnes idées de menus, ils ne sont pas réalistes quant au temps que vous devrez consacrer à la confection de vos repas. Au lieu de passer une matinée en cuisine vous y passerez votre dimanche, si ce n’est plus, et si vous n’avez pas l’esprit pratique par nature ou si vous avez un trouble de l’attention, je vous souhaite bien du courage. Tout le monde n’est pas fait pour suivre un programme millimétré (ou pour arriver à le concevoir) et ça ne devrait pas être problème. Jusqu’à maintenant je n’avais pas trouvé de conseils pertinents pour mieux m’organiser, parce que ce que je cherchais n’était pas un ouvrage qui me dirait bêtement quoi faire à quel moment mais comment le faire de manière optimale.
Cléa a bien compris les problèmes que tous ces livres de batchcooking passent sous silence et nous propose quelque chose de beaucoup plus complet, pratique et adaptable pour optimiser notre temps de cuisine selon nos besoins et notre mode de vie. L’idée est de passer moins de temps en cuisine grâce à une organisation plus intelligente et plus fluide, sans pour autant renoncer à manger des plats équilibrés et savoureux.
Vous trouverez dans ce livre différentes méthodes d’organisation. Vous pourrez en choisir une ou alterner selon vos envies ou les changements de votre emploi du temps. Je trouve épuisant de regrouper en un jour tout ce que je dois faire en semaine, mais si c’est votre truc, vous trouverez dans ce livre de bonnes astuces pour optimiser au mieux cette journée et pour choisir les plats que vous déclinerez afin qu’ils restent au top de leur saveur pour le jour où vous les servirez. Et si comme moi vous préférez un programme plus souple, Cléa a aussi des solutions qui pourraient vous convenir. J’aime beaucoup sa méthode des ricochets. On la pratique tous un peu, mais sans doute pas de manière aussi réfléchie et inventive. Ce livre m’a donné de bonnes idées pour réellement me faciliter la vie au quotidien.
Il n’offre pas que des méthodes d’organisation. Il y a bien sûr les recettes, simples mais savoureuses, variées, originales et appétissantes. Les ingrédients sont faciles à trouver et peu onéreux pour la plupart (c’est toujours une interrogation légitime quand on se trouve face à un livre de cuisine végétarienne ou végétale). Vous trouverez ici des recettes basiques ou rapides qui vous faciliteront la vie, des plats plus élaborés pour quand vous aurez le temps et l’envie, de très bonnes idées pour réinventer vos restes et des plats qui plairont à toute la famille.
C’est un livre de cuisine végétarienne, donc ces recettes emploient parfois des œufs et des produits laitiers, mais la plupart sont entièrement végétales. Il s’agit ici de composer des repas sains et bon marché, avec un bon apport en protéines végétales et vitamines, en consommant moins (ou pas du tout) de protéines animales.
Afin d’aider les néophytes, les premiers chapitres sont consacrés à la nutrition et ils sont vraiment complets. Ils offrent de bonnes bases, faciles à assimiler, en cuisine végétale. C’est un très bon guide pour débuter. Si comme moi vous êtes végétarien ou végétalien depuis longtemps vous n’aurez sans doute pas besoin de cette partie, mais elle pourrait quand même vous apprendre des trucs alors je vous conseille de ne pas la bouder.
Pour vous faciliter la vie, Cléa a inclus des tableaux pratiques et lisibles qui pourront vous servir au quotidien. Il y a aussi des index pour les recettes, un par ordre alphabétique et l’autre par ingrédient principal. Je suis particulièrement contente du deuxième qui révèle tout son intérêt dans la méthode des ricochets mais peut aussi aider quand on cherche l’inspiration.
Ce livre est instructif et bien construit, chacun pourra y trouver son bonheur selon ses besoins et ses contraintes. Il offre une vraie réflexion sur l’alimentation sans se montrer catégorique ou donneur de leçons. Il est là pour vous aider à faire les choses à votre manière. Il m’a aidée à repenser mon organisation mais aussi mon rapport à la cuisine et j’ai fait le plein de super idées pour varier mes menus. De tous les livres de batchcooking qui sont passés entre mes mains c’est mon préféré. Il est à la fois utile et inspirant.


vendredi 29 juillet 2022

Cemetery Boys

Un roman d'Aiden Thomas publié chez ActuSF dans la collection Naos.

Présentation de l'éditeur :

Parce que sa famille latinx a du mal à accepter son genre, Yadriel veut leur prouver à tous qu'il possède les pouvoirs d'invocation des hommes et non pas celui de guérir, comme les femmes. 

"Le visage de l’esprit était tordu par une grimace, ses doigts noués dans le tissu de son haut. Il portait un blouson en cuir noir avec un capuchon sur un t-shirt blanc, des jeans délavés et une paire de Converse.
« Ce n’est pas Miguel », essaya de chuchoter Maritza, mais elle n’avait jamais vraiment eu une voix faite pour ça. Yadriel gémit et se passa la main sur le visage. Du bon côté des choses, il avait invoqué un esprit pour de vrai. Du mauvais côté des choses, il n’avait pas invoqué le bon."

Un premier roman qui laisse sans voix ; véritable mélange d’authenticité et d’émotions. Aiden Thomas signe ici un titre à lire absolument, qui aborde des sujets lourds tels que l’acceptation des personnes LGBTQI+, le racisme, la colonisation...
Yadriel a grandi à Los Angeles dans une communauté latino-américaine d’apparence classique, mais en fait composée de brujx (c’est le mot neutre employé pour désigner des sorciers). Dans la communauté de Yadriel, les hommes guident les esprits des morts vers l’au-delà et les femmes guérissent les vivants. 
Yadriel est un garçon. Toutefois, il a été assigné fille à la naissance. Aussi se débat-il tous les jours avec les préjugés de sa famille qui l’aime mais peine souvent à accepter sa transition et ne pense pas qu’il puisse posséder les pouvoirs d’un garçon. Sa mère le soutenait, mais elle est décédée. Quant à son père, qui assume la fonction de chef des brujx, il lui refuse le droit au portaje, amulette traditionnelle (un poignard dans le cas d’un garçon) qui accompagne le statut de brujo ainsi que la cérémonie qui ferait de lui un jeune adulte et un membre actif de la communauté. Alors Yadriel n’a plus le choix, avant le Día de Muertos et le retour pour quelques jours des fantômes des brujx décédés, il doit prouver à tous qu’il possède les pouvoirs d’un brujo. Bien sûr tout ne va pas se passer comme prévu et le fantôme que Yadriel espérait libérer vers l’au-delà va se montrer récalcitrant. Être un brujo n’est pas qu’une question de pouvoir et Yadriel a beaucoup à apprendre.
Cemetery Boys est un joli roman, très lumineux, une enquête sur fond d’amitié, d’espoir et de traditions. Il est souvent difficile dans ce monde de faire accepter son identité, qu’il s‘agisse de son genre ou de son orientation sexuelle, surtout dans une famille religieuse, même si celle de Yadriel ne l’est pas au sens classique du terme. Ses proches ont beau l’aimer, ils le blessent souvent. Tout ce qu’il souhaite, c‘est qu’on lui donne sa chance.
Avec sa cousine Maritza, une végane qui refuse d’utiliser le sang pour guérir, et la version fantôme de Julian, un garçon de son lycée mort dans des circonstances mystérieuses, il forme un trio improbable mais attachant. On pourrait reprocher à ces personnages de manquer un peu de maturité, mais ils ont quinze ans et des tas de raisons de ne pas faire confiance aux adultes. Ils ont aussi des choses à prouver, je suppose, alors je peux regarder leurs erreurs avec indulgence. Ce sont des adolescents crédibles, pas des super-héros mais des jeunes qui font de leur mieux et on les aime pour cela.
J’ai apprécié toute la mythologie entourant les brujx, leurs croyances et leurs traditions. Ce n’est pas courant. Toutefois, c’est le développement des personnages que j’ai préféré. L’intrigue n’est pas très complexe et manque de finesse, mais ce défaut est compensé par la charge émotionnelle du récit et la sincérité que l’on sent chez les personnages. En outre, les adolescents trans ne sont pas légion dans la littérature YA et il est important de leur y faire une place, surtout avec des histoires signifiantes, telles que celle-ci.

mercredi 6 juillet 2022

Bons baisers d'Ibiza

Un roman d'Iris Visser, publié uniquement en numérique chez Kobo Originals.


Je vous épargne le résumé de l'éditeur qui en dit beaucoup trop.


Si Eva débarque à Ibiza en début d’été, c’est loin d’être pour prendre les vacances qu’elle mériterait pourtant. Appelée au secours par sa cousine, elle est venue pour mettre ses compétences au service de ses grands-parents. Surendettés, ces derniers pourraient bien perdre leur paillote et avec elle le travail de toute une vie. Leurs deux petites filles sont bien décidées à tout faire pour les sortir du pétrin, même si cela veut aussi dire apporter du changement.
Tout en étant une romance, ce récit est aussi celui d’une famille et cela le rend touchant. J’ai beaucoup aimé la relation entre les deux cousines, qui sont très différentes mais complémentaires. L’amitié, même si ce n’est pas le thème principal, a son importance dans ce roman et n’est pas un tissu de clichés. Je dois reconnaître que ça fait du bien car l’amitié, surtout féminine, est souvent traitée de manière très superficielle dans les romans. Mia et Eva se soutiennent en toutes circonstances et même quand l’une émet des doutes sur les choix de l’autre, elle le fait avec bienveillance.
La romance, en revanche, utilise quelques lieux communs, cependant l’autrice en use à bon escient et sans trop insister dessus. On sait bien sûr toujours où l’on va, mais le cheminement est agréable, en bonne compagnie. Eva et Elias sont des personnages vraisemblables et assez sympathiques, si ce n’est attachants. Leur histoire sonne juste. Eva est une fille intelligente, qui ne pleurniche pas sur son sort et qui ne passe pas son temps à douter d’elle pour le plaisir d’être rassurée, même si elle n’a pas non plus une confiance à toute épreuve. Quant à Elias, si quelques clichés cliquettent à ses basques comme des casseroles, il a le mérite de ne pas être le prototype du mâle toxique que l’on retrouve dans les romances bien trop souvent à mon goût. Cela seul suffit à me le rendre agréable, toutefois j’avoue que son background familial ne brille pas par son originalité.
J’ai apprécié que le récit se déroule à Ibiza, ça change de ce qui se fait habituellement. Bien sûr, ce n’est pas très dépaysant pour une méditerranéenne, mais je me suis un peu sentie comme à la maison, ça compense.
Ce fut une lecture très rafraîchissante et pleine d’humour, une jolie romance estivale légère et néanmoins bien écrite, idéale comme lecture de plage.


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mercredi 29 juin 2022

Ô Sisters

 Un roman de Cécile Roumiguière et Julia Billet, publié chez École des loisirs.

Présentation de l'éditeur : 
1974. Janig et Macha ont seize ans, les mêmes yeux pailletés d'or et les mêmes sourcils en bataille. Janig vit seule avec sa mère au milieu des vignes et s'ennuie dans son école de secrétariat. Macha étouffe dans son pensionnat de la Légion d'honneur et s'oppose à ses parents bourgeois. Elles sont deux, ne se connaissent pas et viennent d'apprendre qu'elles sont sœurs. Après leur avoir annoncé la nouvelle, Marthe, leur grand-mère, leur a proposé de la rejoindre au camp du Geai, une communauté hippie qu'elle a fondée en Bretagne. Chacune à sa façon, à pied, en train, en stop, en péniche, et même à cheval, Janig et Macha vont traverser la France pour découvrir le secret de leur naissance, se rencontrer et tester les liens du sang...
Ce roman fleure bon les années 70 et nous happe dès ses premières pages dans son ambiance très hippie et rock’n’roll. Je m’y suis plongée avec délice bien que trop jeune pour avoir connu cette période. Et à dire vrai Macha et Janig sont nées la même année que ma mère. Cela m’a fait sourire et m’a sans doute aidée à mieux les comprendre car j’ai retrouvé dans leurs vies respectives et dans la saveur de leur époque un peu de ce qui a forgé ma mère. Elle est toujours à sa manière une ado des années 70 comme j’en suis une des années 90, cela a construit les adultes que nous sommes devenues.
Janig et Macha sont sœurs, mais elles ne le savent pas. La première vit à Narbonne avec sa mère, vigneronne. Son père est mort durant la guerre d’Algérie, elle rêve de liberté et de musique plutôt que de l’avenir bien tranquille que lui prépare sa mère. La seconde vit à Paris. Issue d’une famille riche, elle est reléguée dans un pensionnat par une mère qui la tient d’une main de fer et un père qui l’adore mais est totalement soumis à son épouse. Si les deux filles sont en conflit avec leurs parents, elles ont de bonnes raisons, même si elles peuvent sembler un peu puériles au lecteur adulte. Elles sont proches du point de rupture alors quand arrive une lettre de leur grand-mère qui les appâte avec les miettes d’une grande révélation, les filles plaquent tout, chacune de son côté, pour partir en Bretagne retrouver cette grand-mère farfelue, matriarche d’un camp de hippies.
Je me suis laissé porter dans les pas de ces filles et je les ai tout de suite aimées. Elles oscillent entre l’adolescence et l’âge adulte, butées souvent, injustes parfois, mais pleines de rêves et d’espoirs, de doutes, d’angoisses et d’incompréhension ainsi que du besoin d’être acceptées et aimées. Elles se lancent dans cette quête identitaire avec fougue et panache, mais sans réfléchir, enchaînant les ennuis, les erreurs, mais aussi les rencontres providentielles. J’ai aimé leur façon de s’adapter, d’apprendre à se débrouiller malgré tout et de persister dans leur recherche de la vérité.
Leur récit est parsemé de chansons et de références littéraires, cela les rend encore plus vivantes et accessibles. Elles sont très attachantes et même si elles sont les filles d’un autre temps, on s’identifie facilement à elles. On veut dénouer avec elles le mystère de leur naissance.
Ce roman est avant tout une histoire de femmes, de filles, de mères, de sœurs. L’homme le plus important du récit en est aussi le grand absent. C’est d’ailleurs cela qui lui donne tout son intérêt. Les autres personnages masculins sont des satellites en orbite, perpétuellement de passage, familiers mais distants. Ils sont des intermittents dans la vie de toutes ces femmes. Amis, amants, frères, pères ou maris, aimés ou non ils semblent inconsistants, pas forcément parce qu’ils n’ont pas de caractère, mais parce qu’elles ne leur accordent pas tant d’importance que cela. Ce sont des hommes qui se taisent, majoritairement, par pudeur ou lâcheté, par amour ou par devoir. Ce qui ne veut pas dire que les femmes n’ont pas aussi leurs secrets et leur petit enfer personnel…
Les femmes de ce roman s’aiment mais se déchirent. Elles reproduisent des schémas familiaux ou se laissent influencer par les mœurs de leur époque, ou alors elles pensent bien faire, elles veulent un bel avenir pour leur progéniture, mais elles s’y prennent très mal. Marthe, la grand-mère, a bien compris que cette spirale devait se terminer avec Janig et Macha, mais elle n’est pas meilleure que les autres. Elle aussi a une histoire à démêler et des blessures à guérir.
J’ai aimé voir ces femmes couper tous les fils qui les entravaient, vider leurs cœurs de leurs secrets honteux, de leurs colères et de leurs querelles, se décider à avancer, conscientes du passé mais tournées vers le futur, décidées à ne plus reproduire les mêmes erreurs. Et puis, j’ai apprécié ce séjour au camp du geai, un peu hors du monde, avec tous ces personnages qui vivent à contre-courant. Ce fut une très bonne lecture, un récit prenant et intelligent qui est estampillé jeunesse mais peut plaire à tout âge.

Si vous avez aimé ce roman ou que ce billet a éveillé votre intérêt, je vous conseille la série Blue Cerise à laquelle a participé Cécile Roumiguière. C’est une série jeunesse comme il en faudrait plus.


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lundi 30 mai 2022

Anne d'Avonlea

Un roman de Lucy Maud Montgomery publié chez Monsieur Toussaint Louverture pour les versions papier et numérique, chez Audible pour la version audio lue par Lola Naymark.

Vous pouvez aussi consulter ma chronique du premier tome de la série : Anne de Green Gables.

Présentation de l'éditeur :

Avec ce deuxième roman, Lucy Maud Montgomery continue de déployer sous nos yeux fascinés l’univers enchanteur qu’elle a créé autour d’Anne Shirley, l’orpheline idéaliste aux yeux clairs et aux cheveux roux adoptée par erreur. 

Entre les amis de toujours, qu’on aime retrouver, et les nouveaux venus, si intéressants, entre les idées saugrenues qu’on ne peut museler, et le bon sens qui, désormais, pointe son nez, Anne nous entraîne dans les aléas de la vie douce et enchanteresse d’un village un peu hors du temps. 

À travers les joies et les peines qui font la trame du quotidien, le style si frais et poétique de Lucy Maud Montgomery porte la voix d’Anne dans les péripéties, les rêveries et les moments de tendresse. Après Green Gables, quel plaisir d’enfin découvrir Avonlea !
C’est toujours un plaisir de retrouver Anne Shirley et son imagination débordante. Ce tome est pour elle celui de la transition. Elle n’est pas encore prête à s’envoler du nid et se trouve à un âge charnière entre l’enfant et la femme. Bien qu’elle ait de nombreuses responsabilités d’adulte, dans son foyer ou dans son travail, elle doit encore grandir. Elle fait ses premiers pas en tant qu’institutrice dans son ancienne école et, si elle est bien jeune, elle n’en est pas moins responsable. Elle a conscience que certains de ses élèves ne sont rien moins que ses anciens camarades de classe.
La petite fille à l’imagination hyperactive est devenue une jeune fille sensée, toujours pleine d’idéaux et de rêves, toujours en quête de poésie dans les petites choses du quotidien, et c’est comme cela qu’on l’aime. Elle reste encline à se mettre dans des situations impossibles, mais elle assume ses erreurs et essaie de les réparer de son mieux. 
Dans ce volume, elle tente de se faire à sa nouvelle place dans la société, en tant que jeune institutrice mais aussi en tant que citoyenne en s’impliquant dans la vie du village avec ses camarades jeunes adultes. Ses amitiés évoluent. Elle rencontre de nouvelles personnes. Puis, surtout, elle doit trouver son équilibre entre la théorie et la pratique dans son école. Et ce ne sont pas forcément les enfants qui vont lui causer le plus de difficultés…
Certes, on peut avoir du mal avec les principes quelque peu vieillots — et bigots — délayés dans ce roman, mais il faut aussi le remettre dans son contexte. Je ne trouve pas cela gênant. Pour ma part, j’aime beaucoup les interactions d’Anne avec les enfants et la tendresse qui en émane. Il est clair qu’elle a à cœur de faire de son mieux et de leur apporter, outre l’instruction nécessaire, ce qu’elle peut de sa sensibilité et de sa joie de vivre. Elle veut avant tout en faire de futurs adultes heureux.
Cependant, ses petits élèves ne sont pas les seuls enfants dont elle doit s’occuper. Ce tome voit l’arrivée de Davy et Dora à Green Gables. J’aime moins les passages concernant les jumeaux, ils sont un peu caricaturaux, mais ils ont leur charme quand on apprécie les facéties enfantines.
J’avoue que ce tome n’est pas mon favori, même si certaines passages sont délicieux et semblent tout droit sortis de contes de fées. On y retrouve cette écriture douce et positive qui apaise l’âme et rend le monde un peu meilleur. J’ai un faible pour les rêveries de Paul, le jardin d’Hester et le merveilleux pavillon aux échos de Mademoiselle Lavendar.
J’ai pris grand plaisir à écouter ce roman. Lola Naymark est une bonne lectrice, même si elle donne parfois à Anne un air un peu halluciné. J’admets toutefois que le personnage est écrasant de gentillesse et de positivité, il peut être assez difficile de trouver le bon équilibre qui empêche l’enthousiasme et la joie de vivre de se changer en niaiserie. La lectrice a fait de son mieux, mais je n’ai eu de cesse de la comparer à Alison Wheeler, qui a narré le premier tome, et qui selon moi l’a fait avec brio. J’apprécie néanmoins le format et je vais continuer mon écoute avec le tome suivant. Cela reste une belle manière de découvrir ou redécouvrir cette série.

mardi 24 mai 2022

Eschatologie du vampire

Un recueil de Jeanne-A Debats publié chez ActuSF dans la collection Hélios.

Les autres ouvrages faisant partie du même cycle :
- Métaphysique du vampire (éditions Ad Astra)
- Métaphysique du vampire (version enrichie, éditions ActuSF)
Trilogie Testaments :

Présentation de l'éditeur :

Navarre est un vampire particulier. Beau, très beau, aimant les hommes comme les femmes, il est employé par l'Eglise pour traquer "Les Monstres" de son espèce. Un personnage attachant, enjoleur, puissant, complexe... que l'on retrouve dans cet ultime recueil de nouvelles, dans l'univers de la série Testament !
J’ai une grande tendresse pour la série Testaments, c’est un de mes cycles d’urban fantasy préférés. Mais, surtout, j’adore Navarre. Il est mon vampire favori toutes catégories confondues. Alors je me suis jetée sur ce recueil avec une certaine jubilation.
Je connaissais la plupart de ces nouvelles, parce que j’ai un faible pour les anthologies et une certaine tendance à traquer les textes de Jeanne-A Debats mais force est de constater qu’on apprécie davantage tous ces récits une fois réunis car il s’en dégage une cohérence qui les montre sous un nouveau jour. Les personnages se croisent et leurs actions ricochent d’une nouvelle à l’autre de manière souvent imprévisible. J’ai lu ou relu ces textes avec grand plaisir.
Dans ce recueil, la magie investit les villes, les cités, les pavillons et les rues, tous les endroits où on l’attend le moins. Et ce n’est pas juste un décor comme un autre. Si Debats ancre ses histoires dans un temps et un lieu précis, cela a toujours un sens. Pour autant, même s’il s’agit souvent de fantasy urbaine, ces récits se révèlent protéiformes.
Le mélange des genres participe en grande partie au charme de ce recueil et renouvelle sans cesse l’intérêt du lecteur. On passe du western à l’histoire de fantôme ou encore du polar parodique plein d’humour et de gouaille à la SF sous diverses formes. Il faut dire que Navarre est un personnage qui s’y prête bien, sa grande force en tant qu’immortel étant sa capacité d’adaptation. L’autrice en a toujours beaucoup joué. Cependant Navarre, bien que pivot de recueil, n’en est pas toujours le personnage principal. Et ce n’est pas un mal car il est très efficacement secondé par une galerie de personnages tous plus intéressants les uns que les autres.
J’apprécie en particulier Deborah et Alphonse qui sont tellement différents qu’ils vont parfaitement ensemble. J’adore retrouver ces personnages et plus j’en lis à leur sujet, plus je voudrais en lire.
Si vous avez aimé les jeux de pouvoirs qui agitent le Royaume dans la trilogie Testaments, sachez que vous les retrouverez ici, poussés parfois à leur extrême par des créatures désespérées de voir se déliter les derniers débris de leur empire. Debats a un don pour décrire les mondes finissants et les êtres qui s’y accrochent. C’est sombre, sale et cynique, cela met en lumière toutes les saloperies que ces sociétés ont permises ainsi que les failles et nuances de ces personnages, pourtant on s’accroche avec eux. Ce recueil est empli de prédateurs et ce ne sont pas forcément ceux dont la nature est la plus évidente qui sont les plus tordus. Debats tape sans remords là où ça fait le plus mal. Elle n’hésite pas à nous mettre face à ce que l’humanité peut produire de plus abject, que ce soit pour survivre ou par plaisir. Préparez-vous au pire pour entrevoir, de loin et dans la pénombre, le meilleur.
Mémorial est mon texte préféré. Tout d’abord, il met au jour une partie peu glorieuse de l’histoire de France dont il faut perpétuer le souvenir (d’autant plus en ces temps troublés), mais surtout il m’a prise à la gorge. Je me suis sentie très proche de Selima et j’ai tremblé pour elle. Ce récit a pesé lourd sur mon âme tout le temps de la lecture et même après. Ce texte est signifiant (je peine à trouver un autre mot pour le décrire). S’il a tout du récit classique de fantastique horrifique, cela sert avant tout son propos avec brio.
Bien sûr j’ai particulièrement apprécié les récits consacrés à Navarre, même si je les avais presque tous déjà lus, Toutefois l’un de ces textes a suscité quelques questions, en rapport avec la fin de Testaments, dont je n’ai pas trouvé la réponse. Enfin, ce n’est que la manifestation de mon esprit tortueux. J’espère que l’autrice n’en a pas fini avec mon vampire préféré.
Si vous ne connaissez pas Jeanne-A Debats, ce n’est peut-être pas l’ouvrage le plus accessible pour découvrir son travail, c’est cependant un grand recueil et je vous encourage à y revenir quand vous aurez lu Métaphysique du vampire ou Testaments. Et si vous la connaissez déjà, vous n’avez pas besoin de mon avis pour vous jeter sur le bijou de SFFF que constitue ce recueil.

lundi 23 mai 2022

La Tapisserie du Dragon-Thé

Une BD de Kay O'Neill, publiée chez Bliss Comics.

Mes chroniques des autres tomes :

Présentation de l'éditeur :

Près d'un an après avoir accepté de prendre soin de Ginseng, Greta n'arrive pas à aider le timide dragon-thé à surmonter son deuil. Alors qu'elle peine à fabriquer un objet assez spectaculaire pour impressionner un maître-forgeron en recherche d'un apprenti, elle se questionne sur la signification de son artisanat, et sur comment aider quelqu'un en deuil. Pendant ce temps, Minette reçoit un curieux paquet de la part du monastère où elle étudiait pour devenir prophétesse. Confuse à propos du but de sa vie, la timide Minette découvre que plus elle ouvre son cœur aux autres, plus elle comprend ce qu'il a toujours renfermé.
Dans ce tome, on reprend l’histoire à peu près où on l’avait laissée à la fin du Cercle du Dragon-Thé. Greta perfectionne toujours son art et tente d’accompagner Ginseng au cours du deuil de son ancienne gardienne. Quant à Minette, elle peine à retrouver son équilibre loin du monastère. Hesekiel et Erik veillent sur leur petit monde, dispensant sagesse et réconfort chacun à sa manière.
Quelle joie de retrouver ces personnages tant aimés ! On se sent comme de retour chez soi.
J’aime particulièrement Greta, si pleine de joie de vivre et de rêves, toujours prête à faire de son mieux dans son travail ou pour son entourage. Elle met beaucoup de cœur à aider son petit dragon, sans beaucoup de résultat, et son amie Minette en pleine crise existentielle. J’apprécie aussi son ambition et son perfectionnisme.
Ce tome est également l’occasion de retrouver Rinn qui a bien grandi et a repris le métier de ses parents. Iel voyage pour vendre ou troquer des plantes, des légumes et des fruits provenant des montagnes et en profite cette fois pour rendre visite à son oncle en compagnie de son ami Aedhan.
J’aime voir de nouveaux liens se nouer entre tous ces personnages et surtout les voir évoluer. Greta et Minette grandissent, leur amitié aussi, si forte qu’elle se passe souvent de mots alors qu’elles s’accompagnent l’une l’autre à travers les difficultés de la vie. Ce sont deux jeunes filles très émouvantes.
Greta veut passer au stade supérieur dans son apprentissage de la ferronnerie, mais il va lui falloir démontrer son talent et peut-être quitter cette famille élargie si précieuse pour elle. Minette, elle, évolue dans une bulle de craintes et de regrets qui menacent de l’engloutir. Comme Ginseng, elle a aussi un deuil à accomplir. Le deuil d’elle-même.
C’est un très beau tome, mélancolique parfois, mais toujours plein d’espoir. Il met en avant l’amitié, les liens de toutes sortes que l‘on crée avec nos proches et dont on ne soupçonne pas toujours la force, ainsi que le partage, qui se fait bien entendu souvent autour d’une théière. Mais le thème majeur est à mon sens l’importance de la transmission du savoir. Qu’il s’agisse des rituels de la cérémonie du thé qu’Hesekiel transmet à Minette, de la ferronnerie pour Greta, Fraida et Kleitos, des plantes sauvages comestibles et médicinales pour Rinn ou encore de la façon de bien s‘occuper des dragons-thé, on se rend compte de l’importance de la survie de toutes ces connaissances. Cette BD nous rappelle en outre de ne pas perdre le désir d’apprendre, de se renouveler et, surtout, le plaisir du partage en lui-même car c’est lui qui permet de tisser ce filet qui nous lie tous et retient entre ses mailles ce qui est réellement important.
Les souvenirs se propagent par le partage du thé, grâce à la magie des petits dragons, cela nous enseigne que ce sont les bons moments et les échanges entre les personnes qui tiennent les unes aux autres qui perpétuent la mémoire ainsi que le savoir et apportent le réconfort.
Les couleurs sont toujours magnifiques, les silences chargés d’émotion, et au fur et à mesure que l’on tourne les pages, on se sent envahi par un bien-être tranquille. Ces albums sont de petites merveilles.
À la fin de la BD se trouvent quelques textes qui expliquent l’origine des dragons-thé et d’autres faits intéressants à leur sujet. C’est un complément fort agréable à découvrir.
J’ai retrouvé avec délice les membres du Cercle et j’espère que Kay O’Neill nous régalera encore de belles histoires à leur propos. Je ne me lasserai jamais de cet univers et de ces personnages si attachants.


mardi 17 mai 2022

L"Armoire des robes oubliées

Un roman de Riikka Pulkkinen chez Albin Michel.


Je m’attendais à une histoire familiale, trois générations de femmes se retrouvant alors que leur doyenne est en train de mourir et partageant des souvenirs, dévoilant des secrets. Ce n’est pas vraiment ce que j’ai trouvé dans ce roman. Cela en fait partie, mais demeure très secondaire. Cependant il est juste de préciser que je ne lis jamais entièrement les résumés de quatrième de couverture et que je n’ai pas choisi ce roman, on me l’a offert il y a des années. Je suis donc seule responsable de mes attentes.
Cette histoire est plutôt celle d’un chagrin d’amour et d’une dépression.
L’écriture est poétique, bien qu’un peu convenue parfois dans ce qui se veut des phrases élégantes et pleines d’une sagesse pénétrante, peinture minutieuse de l’âme humaine, et qui m’ont plutôt parues tissées de lieux communs. Cela reste agréable dans une certaine mesure, au début. On se laisse porter, on observe les détails, on écoute des opinions assenées comme de grandes vérités et on finit par s’ennuyer, voire s’exaspérer du ton de maîtresse d’école d’un personnage infatué.
L’histoire, elle, est assez banale. Elsa va mourir. Elle exaspère sa fille unique en prenant les choses à la légère. Mais comment faire autrement quand il reste si peu de temps ?
Eleonoora, ladite fille s’inquiète pour tout, veut tout contrôler, et ses angoisses énervent son entourage qui ne veut pas comprendre que c’est la seule façon qu’elle a de supporter la perte à venir. 
Et il y a ses propre filles, Anna la dépressive, à qui porter une robe appartenant à quelqu’un d’autre suffit pour lui donner l’impression d’absorber les émotions de celle-ci sans la connaître, et Maria la pragmatique. Puis, dans l’ombre, il y a Eeva dont Anna trouve une robe dans l’armoire de sa grand-mère. Cette découverte va remuer pas mal de souvenirs, mais pas forcément ceux auxquels ont s’attend.
Ce qui aurait dû être une chorale de voix féminines est en fait un solo. Celui d’Anna qui a besoin de se défaire d’un chagrin persistant. Alors quand elle exhume un secret tout droit venu du passé de ses grands-parents, elle le monte en épingle et réinvente avec sa propre histoire.
Le secret en lui-même est d’une banalité désolante. C’est typiquement le genre d’histoires faciles que je déteste. On nous parle d’amour, mais cela sonne creux et on se rend bien compte que derrière tous ces grands mots et ces accès de lyrisme il n’y a que des gens qui s’ennuient, des pseudo-intellectuels trop oisifs pour leur propre bien.
En réalité, le destin d’Eeva n’intéresse pas Anna. C’est sa propre histoire qu’elle transpose, pour mieux expurger son chagrin — je devrais dire sa dépression. Anna imagine la vie d’Eeva et se la raconte à la première personne. Elle aménage le tout au fur et à mesure qu’elle apprend des choses, avec un luxe de détails perturbant. Je ne dévoile aucun point clé du récit. On s’aperçoit de cela tout de suite. Anna a l’habitude d’inventer des histoires aux gens ; c’est un jeu venu de l’enfance. Elle les brosse dans le détail, jusqu’à leurs goûts culinaires ou leur façon de froncer les sourcils, comme si elle était finement observatrice — on sent l’influence des grands-parents, l’un peintre et l’autre psychologue — alors que ce ne sont que des envolées créatives et non de réelles observations. On peut déceler des fixations dans ces inventions (quel est donc son problème avec le mardi soir ?). Anna est entièrement tournée vers elle-même. Les portraits mentaux qu’elle esquisse lui permettent de mettre à distance sa douleur. En faisant vivre les événements à d’autres, elle les accepte. Ses délires quasi schizophréniques sont un peu pénibles à suivre, mais surtout malsains. Pas tant parce qu’elle invente — certaines personnes gèrent mieux les événements traumatiques en les transposant qu’en les racontant tels quels —, mais parce qu’elle utilise des gens réels — réels dans le roman s’entend — et ravive de vieilles blessures parmi les membres de sa famille à un moment très difficile de leur vie. Le procédé est puérile, égoïste et narcissique. Cela est d’autant plus frustrant que la réaction du personnage sur lequel le secret est susceptible de faire le plus grand impact est à peine effleurée.
Je n’ai pas si souvent que ça l’occasion de découvrir de la littérature finlandaise et même si je n’ai pas choisi ce livre et que je ne me serais pas dirigée vers lui de moi-même, je l’ai ouvert avec intérêt et curiosité. J’apprécie les récits familiaux, à petite dose, et les explorations psychologiques. Malgré cela, je suis passée totalement à côté de cette histoire. Je dirais même que je l’ai détestée. Je l’ai trouvée soporifique et d’une insondable vacuité. Même la couleur locale n’a pas réussi à me distraire de cette logorrhée thérapeutique.

vendredi 13 mai 2022

Meurtres et muffins aux myrtilles - Les enquêtes d'Hannah Swensen T3

Un roman de Joanne Fluke, publié chez Le Cherche Midi pour la version papier et Audible pour la version audio. Celle-ci est lue par Flora Brunier.


Présentation de l'éditeur :

Eden Lake est sur le point de célébrer son premier carnaval d'hiver. Au menu ? Sports de glace, activités pour les enfants et, bien évidemment, les délicieuses pâtisseries du Cookie Jar, amoureusement préparées par la charmante Hannah Swensen. Cerise sur le muffin, Connie MacIntyre, vedette d'une célèbre émission de cuisine, doit venir signer son livre. Toute la ville est sur le pont - même la mère d'Hannah, qui passe généralement son temps à essayer de la marier. Mais quand Connie MacIntyre est retrouvée morte dans la boutique d'Hannah, cette dernière ne va pas résister très longtemps à son envie de mener une enquête qui va s'avérer pleine de rebondissements.

Une énigme à résoudre, un déluge de sucreries et de nouvelles recettes de pâtisserie, criminellement délicieuses, à faire chez vous. Que demander de mieux pour passer l'hiver ?

Hannah Swensen est de retour pour le Carnaval d’hiver de Lake Eden. Au programme : concours de bonhommes de neige, concours de pêche, reconstitution historique, séance de dédicace de la star très caractérielle d’une émission culinaire et un petit meurtre histoire de s’occuper entre les différents jeux organisés par la mairie.
Ce volume est pour l’instant mon préféré de la série, non que l’enquête soit trépidante, mais l’ambiance du carnaval est sympa et il fait la part belle aux relations entre les personnages. J’aime beaucoup la façon dont évolue la relation entre Andrea et Hannah et l’ambiance de leur petite ville. C’est le genre de roman qu’on lit pour l’ambiance plus que pour son intrigue. Bien sûr, Joanne Fluke force souvent le trait, mais je suis plus tolérante à ce genre de défaut dans les cosy mysteries que pour n’importe quel autre genre.
Les amours d’Hannah sont le point noir du tableau, ça en devient embarrassant tant ça n’a aucun sens. Il n’y a aucune évolution et on a vraiment l’impression que l’autrice se sent obligée de bidouiller un semblant de romance. Peut-être craint-elle qu’on s’imagine qu’Hannah n’est pas séduisante (sans doute parce qu’elle passe son temps à se rabaisser). Cependant, comme dans le tome précédent, ça ne prend pas beaucoup de place alors on fait avec. Et, de la même manière, on oublie les « fillers », ces inévitables répétitions d’un tome à l’autre qui lui font gagner des pages.
Tout est toujours extrêmement accommodant dans cette intrigue. Les gens confient des secrets à Hannah comme un rien (pile au bon moment) et elle s’imagine avoir une grande capacité de déduction alors que c’est le hasard qui joue pour elle. Et je ne parle même pas des personnes qui se trouvent comme par enchantement en relation alors qu’il y avait peu de chances qu’elles se rencontrent un jour. Mais quelle importance ? C’est un roman sans prétention qui n’essaie pas de se faire passer pour ce qu’il n’est pas. Il est très distrayant à écouter et ne demande pas une grande attention, toutefois je ne sais pas si cela aurait le même effet en lecture, je crois que je serais tentée de sauter des pages.
C’est une série sympathique si on arrive à s’attacher aux personnages, sans prise de tête et avec des recettes en prime. Pour l’instant, ça me va.

mardi 10 mai 2022

Le Festival du Dragon-Thé

 Une BD de Kay O'Neill, publiée chez Bliss Comics.

Vous pouvez aussi consulter mon avis sur Le Cercle du Dragon-Thé.

Présentation de l'éditeur :

Rinn a grandi entourée de dragons-thé dans son village, mais tomber face à un véritable dragon est tout autre chose ! Elle rencontre Aedhan, un jeune dragon qui avait été envoyé pour protéger le village. Mais Aedhan s'est endormi dans la forêt il y a quatre-vingt ans... Avec l'aide d'Erik, l'oncle de Rinn, et de son compagnon Hesekiel, ils vont tous enquêter sur les mystères de ce sommeil enchanté. Mais Rinn souhaite surtout aider Aedhan à accepter le fait qu'il ne pourra pas rattraper le temps perdu...

Je vous ai déjà parlé du Cercle du Dragon-Thé, une BD destinée à un jeune public, mais pouvant être appréciée par les rêveurs de tous âges, dont je suis tombée amoureuse dès les premières pages. Le Festival du Dragon-Thé en est une sorte de préquelle. On y retrouve Hesekiel et Erik du temps de leur jeunesse, mais toujours accompagnés de leurs petits dragons. Ils ne sont cependant pas les personnages principaux.
Rinn vit dans un village isolé en montagne, auprès de sa grand-mère et de sa sœur. Iel veut devenir cuisinier-e, mais se rend surtout utile en cueillant des denrées dans la forêt pour tous les habitants de sa communauté. En cherchant des champignons, iel va découvrir une créature endormie.
J’ai adoré ce bel album plein de douceur et de positivité. C’est une ode au partage, à l’ouverture d’esprit et à la compréhension mutuelle, à l’acceptation de soi autant que des autres. Dans le village de Rinn, les gens s’entraident. Ils n’ont pas grand-chose, mais le partagent volontiers. Ils ont aussi une façon bien à eux de veiller sur les dragons-thé qui ici ne sont pas attachés spécifiquement à une personne mais à tout le village.
J’ai été très touchée par le parcours d’Aedhan et de Rinn, qui s’aident l’un l’autre à accepter l’un sa vie et l’autre son talent naturel. C’est raconté aussi bien que montré, avec poésie et délicatesse.
Les illustrations sont colorées et vibrantes d’une énergie revigorante. On se sent mieux, apaisé je dirais, après cette lecture.
Cette BD est en outre très inclusive. On a bien sûr un personnage non-binaire, comme vous l’aurez compris, mais l’auteurice sensibilise également ses lecteurices à l’usage de la langue des signes. On trouve à la fin de l’ouvrage des références pour aller plus loin dans la compréhension de cette langue et de la culture qui l’accompagne.
Si vous aimez le thé, les dragons et les belles histoires, que vous avez besoin d’un peu de tendresse dans ce monde angoissant, plongez dans cet univers chaleureux et bienveillant sans hésitation.

lundi 18 avril 2022

Quand la vie s'en mêle T1 : Adèle

Un roman de Lucie Castel, publié en numérique chez Kobo Originals.

Présentation de l'éditeur :

Lorsque la grand-mère adorée d’Adèle décède, la jeune femme à l’esprit sarcastique et à la langue bien pendue est déterminée à respecter ses dernières volontés : quitter la demeure familiale et partir à l’aventure.

Une formation de jardinier-paysagiste plus tard, elle part pour Luserne, petite ville du sud, où se trouve Lucien Vidal, vieil homme acariâtre mais aussi et surtout premier grand amour de sa grand-mère. Grâce à lui, Adèle décroche un petit boulot pour s’occuper du jardin du cimetière communal.

Malgré la suspicion qu’elle suscite chez les habitants les plus conservateurs, elle se lie bientôt d’amitié avec un groupe de marginaux : un jeune facteur dont l’obésité menace son maintien en poste, une toiletteuse gothique et lesbienne, une ancienne reine du lycée anorexique et le jeune et séduisant croque-mort de la ville.

Mais l’ambiance se dégrade lorsqu’un corbeau placarde sur les tombes des lettres accusant des notables respectables des pires comportements. Commence alors une chasse aux sorcières qui accuse prioritairement les amis d’Adèle en raison de leurs différences…

Adèle, vingt-cinq ans, ne sait plus quoi faire de sa vie. Elle a perdu l’être qui lui était le plus cher au monde : sa grand-mère qui l’a élevée. Ce deuil lui semble d’autant plus insurmontable qu’elle s’était repliée sur elle-même, enfermée avec sa grand-mère pour profiter le plus possible du temps qu’il leur restait. Pendant dix ans, elle a tout juste vivoté et le peu d‘attaches qu’elle avait réussi à nouer en dehors de cette relation fusionnelle ne pèse pas bien lourd. Mais c’est sans compter les dernières volontés de Mahaut qui avait bien l’intention de sortir sa petite-fille de l’impasse, même malgré elle.
Alors, ça peut sembler cliché raconté comme ça, mais ça n’a pas d’importance, parce qu’on entre dans cette histoire avec une facilité déconcertante et un intérêt qui ne fait que croître au fil des pages. La jeune femme sarcastique et paumée que l’on rencontre au pire moment de sa vie est très attachante. Adèle est sympathique, elle aime le cinéma et les couleurs vives, elle se sent seule et cache ses failles sous beaucoup trop de sarcasme. Parce qu’elle est une fille lambda à laquelle on peut facilement s’identifier, elle ne semble que plus réelle. Elle se trouve désarmée face à la vie car sa grand-mère était le centre de son monde, mais ce n’est pas pour autant une petite chose fragile qui va pleurer sur son sort. Bien au contraire, elle décide de se focaliser sur la vie et d’être heureuse.
Ce roman est assez typique du genre feel good, avec un événement malheureux comme déclencheur d’une volonté de se reconstruire. Le début nous offre quelques réflexions sombres, mais très vraies, sur le cancer. Sachez toutefois, si c’est pour vous un sujet sensible, que c’est l’affaire de quelques pages. L’héroïne ne s’appesantit ni sur son deuil ni sur la maladie. Cependant, ce passage m’a marquée à cause de ses accents de vérité et de mon expérience personnelle sur le sujet. Je suppose que cela m’a aidée à entrer dans l’histoire, puisque j’y ai tout de suite cru.
Une fois les affres du deuil consumées, Adèle décide enfin de sortir de sa coquille et comme il faut bien commencer par quelque chose autant dévider la pelote de souvenirs que lui a laissée Mahaut, une pelote de regrets pour encourager sa petite-fille à ne pas commettre les mêmes erreurs.
Cette histoire est agréable à lire et pleine d’humour. Quand l’autrice emploie des clichés, ce qui arrive souvent, ils se fondent dans l’intrigue sans trop laisser de grumeaux. C’est le genre de clichés qu’on apprécie parce qu’on se sent comme à la maison, même si on lève de temps en temps les yeux au ciel juste par esprit de contradiction. L’ambiance d’une petite ville du Sud est parfaitement rendue, même si bien sûr les contours sont accentués car il faut bien assurer le spectacle.
J’ai passé un bon moment avec Adèle et ses amis. Cependant, j’ai relevé quelques incohérences, coquilles et cafouillages. Entre autres, il y a des contradictions dans l’histoire de certains personnages, une femme change de prénom en cours de route et pourquoi diable Adèle porte-t-elle le nom de jeune fille de sa grand-mère quand on sait que celle-ci s’est mariée ? Enfin, cela est ennuyeux mais pas bien grave. C’est le genre de roman sans prétention qu’on lit pour son ambiance solaire et pour voir les gentils triompher des aléas de l’existence. Dans cette optique, c’est une réussite.
Comme je suis curieuse d’en apprendre davantage sur les amis d’Adèle, je lirai sans doute la suite.


mardi 12 avril 2022

La Saison de la sorcière

Un roman de Roland C. Wagner publié chez les Moutons électriques et en version audio chez Voolume.


Présentation de l'éditeur :

Un ptérodactyle géant arrache la Tour Eiffel, des statues de Mao ravagent Pékin, un Godzilla dévaste le port de Yokohama …

Une vague d’attentats tout aussi déroutants qu’inexplicables ébranle les symboles de puissance des nations les plus industrialisées. L’Europe est particulièrement touchée par cette nouvelle forme de terrorisme à nulle autre pareille, qui fait usage de forces surnaturelles mais épargne les vies humaines. Pour les États-Unis, la lutte contre les « sorciers du tiers monde » devient presque une mission sacrée, qui justifie même une invasion de la France et d’une partie de l’Europe sous prétexte de « protéger » le Vieux Continent… C’est dans ce contexte que Fric, jeune zonard français fraîchement sorti de prison, doit entamer sa réinsertion…

Un roman court et impertinent, récompensé par les prix Rosny aîné et Bob Morane en 2004. Toujours engagé du côté du rêve et des opprimés contre les impérialismes et la bigoterie, Roland C. Wagner (1960-2012) a le culot de réinventer la fantasy urbaine en politique-fiction. Un livre choc qui, sous couvert d’un de ces récits déjantés et rock’n’roll dont Roland C. Wagner avait le secret, tend un cruel miroir aux dérives de nos sociétés du troisième millénaire, d’une complète actualité.
La magie existe. Enfin, c’est la seule explication possible à la vague d’attentats étranges (et pacifistes) que subissent l’Europe et l’Asie. En réaction, les États-Unis ont envoyé des troupes dans les pays touchés, qui sont du coup devenus des protectorats américains, et ont déclenché une grande campagne de recrutement (si l’on peut le dire ainsi) de mages afin de constituer une armée capable de neutraliser ces terroristes d’un genre nouveau.
Dans ce contexte troublé, Fric sort de prison et retrouve sa banlieue sous ébullition. Les soldats « Tazus » provoquent la hargne d’une partie de la population et de ses potes en particulier. Suite à un incident avec l’un de ces soldats, Fric se voit contraint de se planquer à l’adresse indiquée par un de ses compagnons de cellule et va y découvrir une communauté de hippies et de punks utopistes sur-équipée en matériel informatique. De là à savoir ce qu’ils fabriquent dans leur Enclave, c’est une autre affaire...
Pendant ce temps, la chasse aux sorcières fait rage et pour l’armée américaine il n’y a pas de demi-mesure, les personnes capturées sont avec elle ou… avec elle.
La narration se divise en deux. On suit tour à tour Fric et ses copains ou différents membres de l’armée à la recherche de l’arme ultime (et ils pourraient bien l’avoir trouvée). Cela donne un récit nerveux, plein de rebondissements et d’embardées, qui entraîne son lecteur/auditeur sans trop lui laisser le temps de reprendre son souffle.
Ce roman court et énergique est une sorte de conte moderne, engagé et chaotique qui se joue des codes. On notera que, comme dans les contes, quasiment personne n’a de prénom. Les Tazus et ceux qui gravitent autour sont désignés par leur fonction, alors que Fric et ses potes le sont par des surnoms. Les chevaliers de cette histoire sont de jeunes banlieusards d’âge indéterminé, les fées sont celles du réseau, le méchant dragon polycéphale est une grande puissance capitaliste et la sorcière… Vous verrez bien. 
J’ai beaucoup aimé ce récit. C’est barré, intelligent et drôle. L’auteur, tout en nous divertissant, nous amène à réfléchir. Ce roman nous parle d’impérialisme et d’ingérence, de terrorisme et de résistance, mais il nous montre aussi que parfois la frontière est floue entre ces termes. J’ai trouvé cela intéressant, bien que je pense qu’il y manque un peu de profondeur et que la réflexion sur le terrorisme, surtout, est trop sortie de son contexte. J’ai cependant beaucoup aimé l’Enclave et la façon de vivre des gens qui la peuplent, bien que cela semble beaucoup trop irréaliste à mes yeux. Ils paraissent d’autant plus sympathiques face au capitalisme éhonté affiché par les Tazus. L’auteur a grossi le trait, mais c’est aussi une caractéristique des contes.
La sortie en version audio de ce roman dont la première publication date de 2003 est une bonne occasion de le découvrir (ou redécouvrir). Le narrateur a fait un excellent travail. Certes, le roman est déjà prenant, mais il parvient à accroître encore davantage l’intérêt de l’auditeur grâce à l’enthousiasme qu’il déploie toujours au bon moment.
Les thèmes abordés restent très actuels, bien que le contexte ait évolué depuis les attentats de 2001, et offrent toujours des pistes de réflexions intéressantes.