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vendredi 10 mai 2024

Et à la fin, ils meurent

Un essai écrit et illustré par Lou Lubie, publié chez Delcourt.


Et à la fin, ils meurent est un essai sous forme de BD. Vu le format, on pourrait se dire qu’il s’agit d’une introduction qui effleure le sujet de manière ludique. Oui mais non. Introduction ludique, certes, mais celle-ci est complète, documentée, réfléchie. On y découvre l’histoire des contes de fées ainsi que les gens et événements qui ont contribué à les façonner. Déjà, d’où vient l’appellation « contes de fées » alors que les bonnes dames n’y sont pas toujours représentées ? Lou Lubie nous l’explique et avec cela beaucoup d’autres subtilités de ce genre littéraire. Parce que oui, bien que profondément ancré dans l’oralité pendant plusieurs siècles, le conte est devenu un genre littéraire à part entière. Lou nous parle des gens qui l’ont codifié aussi bien que de ceux qui ont publié les premiers recueils.
Elle évoque les anciennes versions, plus trash, parfois même gore, des contes qui ont bercé notre enfance. Elle s’arrête parfois sur un conte pour le détailler. Elle le fait notamment avec La Barbe bleue ou encore Le Petit Chaperon rouge qui sont des contes particulièrement intéressants dans leur symbolisme.
Pour le premier, j’ai toujours préféré la version appelée L’Oiseau d’Ourdi et, comme elle est étrangement moins connue, je suis contente qu’elle soit mentionnée. Quant au second… Je dois à ma professeure de français de 6e de connaître la version la plus perturbante des mésaventures de la fillette en rouge et avec cela la base de mes connaissances de ce genre souvent jugé, à tort, niais et puéril.
Les contes sont un domaine d’étude passionnant, bien loin de l’image édulcorée que la plupart des gens en ont. Lou le sait et nous en dévoile toutes les facettes dans cet ouvrage remarquable par sa construction et son exhaustivité. 
Ce n’est pas un livre pour les enfants (encore que, je l’aurais lu sans sourciller à douze ans) mais il ravira les adultes. Sous son aspect humoristique, cet ouvrage est bien documenté, didactique et riche en informations diverses. Lou y analyse des contes, nous partage d’intéressantes réflexions et n’hésite jamais à remettre les récits dans leur contexte pour étayer son argumentation. Elle s’attache beaucoup aux détails, ce qui montre le soin et le sérieux avec lesquels elle a construit son essai.
Même en ayant au préalable de bonnes connaissances sur le sujet, j’ai appris des choses. Seule la fileuse en moi grommelle un peu car personne ne sait jamais faire la différence entre un fuseau et un rouet, sans parler des quenouilles, mais au moins il est précisé que c’est une écharde qui ensorcèle la jeune fille et pas une aiguille qui n’a rien à faire là.
J’aurais aussi aimé une mention pour Neil Gaiman, mais c’est la fangirl en moi qui parle. Si ce n’est déjà fait, lisez au moins Neige, verre et pommes, sa meilleure réécriture de conte à mon sens.
Mais revenons à Lou Lubie et à son passionnant ouvrage. Je n’ai pas encore parlé des dessins. Ils ont ici vocation à souligner le propos, sont souvent drôles, voire décalés et irrévérencieux. Grâce à eux, on ne risque pas d’oublier ce que l’on apprend dans ce livre. Ils lui apportent ce petit plus qui lui confère toute son originalité et en font un ouvrage qui complètera fièrement la collection de tout amateur de contes.
De manière drôle et concise, Lou Lubie nous offre une introduction très complète sur les contes. Elle n’a rien laissé de côté, pas même leur usage en psychanalyse. J’ai lu ce livre avec grand intérêt. J’ai appris des choses, m’en suis rappelées d’autres, et tout cela a nourri ma réflexion.

vendredi 29 décembre 2023

Miroirs et Fumée

Un recueil de nouvelles de Neil Gaiman, publié chez Au Diable Vauvert.


Sommaire :

- Lire les entrailles : un rondeau
- Une introduction 
- Chevalerie 
- Nicholas était… 
- Le Prix
- Le Troll sous le pont
- Ne demandez rien au Diable
- Le Bassin aux poissons et autres contes
- La Route blanche
- La Reine d'épées
- Changements
- La Fille des chouettes
- La Spéciale des Shoggoths à l'ancienne
- Virus
- Cherchez la fille
- Une fin du monde de plus
- Alerte : animal à bout
- On peut vous les faire au prix de gros
- Une vie, meublée en Moorcock première manière
- Couleurs froides
- Le Balayeur de rêves
- Corps étrangers
- Sizain vampire
- La Souris
- Le Changement de mer
- Le Jour où nous sommes allés voir la fin du monde
- Vent du désert
- Saveurs
- Mignons à croquer
- Les Mystères du meurtre
- Neige, verre et pommes

Le titre de ce recueil fait référence aux illusionnistes dont les tours ont toujours fasciné Gaiman. Ils sont un thème récurrent dans son œuvre. Après tout, n’est-il pas lui-même un magicien ? Il gratte sous le vernis du quotidien, de la banalité et de l’évidence pour dévoiler l’étrange, le merveilleux ou encore le dérangeant qui se cachent dessous. Cela fait de lui un nouvelliste de génie, comme Ray Bradbury ou Lisa Tuttle, pour ne citer qu’eux.
Il faut du talent pour écrire un roman, mais c’est dans l’écriture de textes courts qu’on voit le génie d’un auteur. Gaiman parvient toujours à nous faire regarder le monde d’un œil différent. Ses textes me nourrissent et entretiennent mon imagination. Il me rappelle toujours de changer d’angle de vue.
C’est aussi pour cela que j’aime particulièrement lire ses introductions. Gaiman y parle toujours de la naissance des textes qu’il présente et je trouve passionnant d’en apprendre à chaque fois davantage sur la façon dont naissent ses histoires. En outre, l’introduction de ce recueil compte une nouvelle dont j’aime beaucoup le thème, bien que le texte lui-même m’ait toujours laissée circonspecte. Sans offense pour cet auteur qui est l’un de mes préférés depuis plus de vingt ans, c’est bien un texte écrit par un homme…
Je le confesse, de tous ses recueils, celui-ci n’est pas mon favori. Il compte néanmoins certains textes que j’adore que je relis toujours avec grand plaisir.
Miroirs et Fumée est le plus ancien recueil de Gaiman paru en français et il n’a pas vieilli. Il propose des textes très variés. Comme à son habitude, Gaiman ne s’attache pas à un seul genre. L’on peut ainsi lire dans ce recueil du merveilleux, du fantastique — parfois horrifique à tendance lovcraftienne ou plus classique — aussi bien que de la science fiction, de la poésie ou encore des contes — réécrits ou originaux, modernisés ou transposés — et même de la littérature blanche.
Mon texte préféré, d’ailleurs, qui bien qu’il ne soit pas le plus connu ni ne culmine parmi ceux qu’aiment à évoquer régulièrement les fans, pourrait aisément être assimilé à de la littérature générale. Il s’agit du Bassin aux poissons et autres contes, qui représente, à mon sens, un peu tout ce qui fait l’imaginaire de Gaiman, l’élégance de son écriture, la profondeur de sa réflexion. Ce texte est un chef-d’œuvre trop méconnu à mon goût.
Cependant je comprends qu’il puisse être éclipsé par d’autres récits qui semblent plus marquants de prime abord. De fait, ce recueil compte, et ce n’est pas pour rien, certains des textes les plus connus de Gaiman. Parmi ceux-ci se trouve Chevalerie, et j’avoue ressentir moi-même une grande tendresse pour cette nouvelle. Elle semble toujours tellement… familière. En vérité, elle sonne juste et représente un peu tout ce que j’aime en matière de nouvelles et dans le genre fantastique, même si on parlerait davantage de réalisme magique pour qualifier ce texte. Chevalerie, c’est le surgissement du merveilleux et de l’insolite dans le quotidien, la magie dans la banalité et la banalité devenue magique.
Je ne peux manquer de mentionner également Le Troll sous le pont, autre texte très connu et un peu dans la même veine. L’histoire m’a toujours semblé très classique. Cependant je l’aime bien aussi, mais j’ai du mal avec les personnages antipathiques tels que le narrateur et c’est le style que préfère dans ce texte, surtout au début. La peinture que Gaiman fait de l’enfance est toujours très parlante pour moi et l’est particulièrement dans ce récit.
Neige, verre et pommes est la troisième nouvelle la plus emblématique du recueil et elle fait partie de mes favorites. Je vous disais plus haut combien Gaiman aimait regarder les choses, et vous les montrer aussi, sous un autre angle. Il aime aussi les réécritures de contes. Il allie les deux dans cette nouvelle écrite du point de vue de la belle-mère de Blanche-Neige. Ce texte est superbe d’un bout à l’autre.
Parmi ses nouvelles inspirées de contes, on trouve aussi La Route blanche, mélange des contes de Barbe bleue et de Mr Fox. Mais il ne faut pas oublier le titre du recueil et jamais trop se fier à ce que nous conte l’auteur…
Si j’aime les contes, je suis aussi une avide lectrice de fantastique. Les textes d’inspiration lovcraftienne ne sont pas du tout ma tasse de thé, mais heureusement on trouve aussi entre ces pages du fantastique plus traditionnel. J’aime beaucoup Le Prix, qui maintenant que j’y songe a sans doute aussi un petit relent de conte. D’autres textes se trouvent un peu entre les deux, notamment Le Balayeur de rêves ou encore Nicholas était... Deux textes aussi courts que marquants que j’ai toujours trouvés très inspirés. Très classique et subtil, La Reine d’épées appartient également à ce genre qui m’est cher et fait écho, encore une fois, aux illusionnistes et au titre du recueil. Vous pourrez lire d’autres récits fantastiques entre ces pages. Certains vous toucheront plus que d’autres, mais ces lectures vous feront toujours vous interroger, chercher le vrai du faux. Elles vous choqueront parfois, vous laisserons un sentiment bizarre de malaise, mais nourrirons toujours votre réflexion.
Parmi les quelques textes relevant d’autres genres, j’ai été marquée par Mignons à croquer, une fiction spéculative grinçante d’autant plus dérangeante qu’elle est plausible. On trouve de la bonne SF dans ce recueil.
Miroirs et Fumée ne peut laisser aucun lecteur indifférent. Je vous invite à découvrir tous ces textes ainsi que ceux que je n’ai pas cités, à les faire vôtres, à les rêver, à chercher le mécanisme qui fait le tour ou à préférer en ignorer les ficelles pour mieux le savourer. Faites à votre guise. Je suis persuadée que vous ne serez pas déçus.

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samedi 25 juillet 2020

Peau d'homme

Une BD d'Hubert et Zanzim, publiée chez Glénat.


Renaissance italienne, Bianca a tout pour être heureuse selon ses amies. Mais qu’est-ce que cela signifie pour l’époque ? Elle s’apprête à épouser Giovanni, le fils d’un riche marchand et ses parents tireront avantage de cette union. Les femmes ne sont ni plus ni moins que des marchandises et si Bianca peut s’estimer heureuse, c’est parce qu’elle va épouser le fils, qui est un peu plus vieux qu’elle, et non le père de celui-ci.
Élevée dans un cocon, Bianca est naïve mais pas stupide et elle a des idées qui désespèrent sa mère, comme de vouloir connaître son fiancé avant le mariage. Que ferait-elle de cette possibilité dans un monde où de toute façon les femmes n’ont pas le choix ? Elle le saura par l’entremise de sa marraine qui lui révèle un secret de famille bien gardé par des générations de femmes : elles possèdent une peau d’homme et en la revêtant, elle pourra se faire passer pour tel sans que nul ne soupçonne sa vraie nature.
À cette époque (même si cette BD n’a pas vocation à être pertinente d’un point de vue historique), les hommes et les femmes vivent dans des mondes diamétralement opposés et Bianca va découvrir une liberté enivrante ainsi que les joies de la sexualité dans la peau de Lorenzo, mais aussi qu’on ne force pas les sentiments...
Ce récit est celui d‘une émancipation, de la découverte de soi, du désir et des contraintes de genres imposées par la société, de l’épanouissement, en ce qui concerne la sexualité mais aussi la vie en général, malgré les barrières et les préjugés. C’est un conte qui parle d’amour sous diverses formes et du courage d’être soi malgré la pression sociale.
J’ai beaucoup aimé le personnage de Bianca, sa lutte contre l’hypocrisie, son envie de vivre sa vie comme elle l’entend et sa ténacité. Elle grandit beaucoup au cours de cette histoire, en acceptant sa nature, mais aussi celle des autres.
Derrière sa couverture en relief aux nervures bleu métallisé qui attire le regard, Peau d’homme est une très belle BD, pour les thèmes qu’elle évoque et son appel à la tolérance, mais aussi en tant qu’objet artistique. Les planches sont superbes et chatoyantes. J’ai particulièrement aimé les pleines pages avec leur foisonnement de détails qu’il s’agisse des débuts de chapitres enluminés ou des scènes évolutives. Cela rend le dessin très vivant. Je ne peux que vous conseiller cette lecture.

mercredi 22 juillet 2020

La Mer sans Étoiles

Un roman de Erin Morgenstern, publié chez Sonatine.

Présentation de l'éditeur :
" Aucune histoire ne s'achève jamais vraiment tant qu'elle continue à être racontée. "
Dans la bibliothèque de son université, Zachary Ezra Rawlins trouve un livre mystérieux, sans titre ni auteur. Découvrant avec stupéfaction qu'une scène de son enfance y est décrite, il décide d'en savoir davantage. C'est le début d'une quête qui le mènera à un étrange labyrinthe souterrain, sur les rives de la mer sans Étoiles. Un monde merveilleux fait de tunnels tortueux, de cités perdues et d'histoires à préserver, quel qu'en soit le prix...

Zachary a toujours aimé la lecture et depuis quelques temps il ne vit plus que dans les livres, le temps de guérir, car la vie s’est révélée décevante. Il est étudiant et il adore ce qu’il fait. Il a une seule amie proche et sa vie sociale avoisine le néant. Pour autant, c’est quelqu’un d’équilibré et de sympathique. Il ne cherche pas vraiment à s’enfermer. On se reconnaît facilement en lui. Il ne s’attend à rien de particulier, mais un jour il trouve le livre...
Un jeune homme tout ce qu’il y a de plus banal tombe sur un livre mystérieux dans une bibliothèque. Il le lit, il l’aime, il découvre un peu de son histoire à l’intérieur. Quel grand lecteur, a fortiori de fantasy ou de fantastique, peut rester insensible à cette simple accroche ? On a envie d’en savoir davantage et ce roman est tellement plus que cela.
La Mer sans Étoiles est de ces romans étranges qui, l’air de rien, vous capturent. On y pénètre comme en un labyrinthe composé d’histoires entrelacées, avec espoir, candeur ou circonspection, pour se rendre compte après quelques chapitres qu’on s’y est volontairement égaré et qu’on ne demande pas mieux que de s’y égarer davantage.
La narration éclatée peut surprendre et former une barrière dans les premiers chapitres. Des récits disparates foisonnent de toutes parts. Certains sont de brèves étoiles filantes et d’autres semblent voués à devenir des fils conducteurs. Pour moi qui me délecte de ce type de construction, c’est jubilatoire, mais je peux comprendre que ça ne convienne pas à tout le monde. Il faut être dans le bon état d’esprit pour plonger dans ce roman exigeant, accepter de lui donner toute son attention, toute sa patience, je dirais même qu’il faut faire acte de foi en le lisant. Il ne peut vous rendre que ce que vous lui donnerez. J’aime ces romans qui prennent autant qu’ils offrent, qui s’impriment à jamais dans la cartographie de votre imaginaire et hantent vos rêves. J’ai su presque immédiatement qu’il serait de ceux-là et que je pourrais le lire des centaines de fois sans m’en lasser.
La Mer sans Étoiles est un tissage complexe d’histoires qui ne semblent pas forcément liées de prime abord. On oscille sans cesse entre un onirisme flou et une réalité qui glisse inexorablement vers l’étrange. Vous lirez entre ces pages des extraits de journaux, des contes, des bribes de vie çà et là, en marge de ce qui semble être l’arc principal. Toutefois, ne vous y trompez pas, tout est lié, le moindre détail compte. Parfois vous remarquerez l’un de ces détails du coin de l’œil et vous serez fier de vous, parfois il s’envolera sans que vous le captiez et son importance vous sautera aux yeux bien plus tard, vous désarçonnant peut-être.
Toutes ces histoires enchâssées les unes dans les autres vous rappelleront peut-être des matriochkas, mais elles forment aussi ensemble les pièces d’un tangram, arrangées de maintes et maintes façons. Toujours semblables pour un résultat toujours différent. Au début, il me semblait qu’elles constituaient une spirale qui n’avait pour but que de m’attirer au centre et il y a aussi un peu de ça. Erin Morgenstern vous leurre dans une galerie de miroirs entre de nombreux reflets déformés. Elle vous donne l’impression de participer à l’histoire. C’est un merveilleux roman, écrit avec une virtuosité sans pareille.
Qui ne rêverait pas de se perdre dans cet univers à la consistance des songes ? Qui ne voudrait pas passer des portes peintes pour parcourir la mer sans étoiles et respirer l’air hanté auprès de ces personnages aussi singuliers qu’attachants ? J’ai suivi leurs aventures avec passion, fait des recoupements, posé des hypothèses et j’ai aimé ce livre comme cela m’est rarement arrivé dans ma longue vie de lectrice.
Dans cette ambiance feutrée, qui peut se révéler aussi intrigante et exaltante que dérangeante, je me suis sentie chez moi, un chez moi que je ne savais pas avoir. Une part de ce roman restera à jamais avec moi.
Zachary parle de moments signifiants, des moments qui vont tout changer dans la vie de quelqu’un, même si un œil extérieur peut parfois les juger anodins. La Mer sans Étoiles est un roman signifiant. J’ai eu la chance, dans ma vie de grande lectrice, de trouver quelques-uns de ces livres magiques qui vous accompagnent et continuent de vous nourrir tout le reste de votre existence. Les histoires de Erin Morgenstern ont résonné dans mon imaginaire et éveillé de nombreux échos. Une chose est sûre : je veux encore parcourir la mer sans étoiles et respirer l’air hanté.
Magnifiquement écrit, d’une élégance rare et d’un symbolisme riche, ce roman a été conçu pour les grands lecteurs et les rêveurs, les amateurs de jeux de pistes et les téméraires qui ne craignent pas de se perdre. C’est une petite merveille.

Défi Cortex catégorie Lieux souterrains ou sous-marins

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lundi 27 avril 2020

Ninu et la Mère des Vents

Un album pour enfants écrit par Francette Orsoni et illustré par Véronique Joffre, publié chez Syros.


Ce bel album très coloré revisite des motifs connus de l’univers du conte dans une jolie petite histoire pleine de douceur et de poésie. Elle met en avant de belles valeurs comme la ténacité, l’honnêteté et le partage. Dans cette histoire, il est important d’assumer ses fautes et de les réparer au mieux, mais sans culpabiliser à outrance le coupable.
Ninu est un petit garçon courageux qui part demander réparation à la Mère des Vents pour le saccage du champ de blé qui nourrit sa famille. En retour, il recevra un sac magique offrant du pain à volonté en attendant que le blé repousse, aidé par le Vent coupable.
Ce conte corse revisité — il s’inspire de l’un de ceux recueillis par Geneviève Massignon dans son anthologie des contes corses — a l’avantage de présenter aux enfants trois grands vents qui rythment les saisons sur l’île. La Mère des Vents, déesse tutélaire et bienveillante, est une figure positive garante d’équilibre. Le sac qu’elle offre à Ninu est un objet magique que l’on rencontre souvent dans les contes. Son pouvoir dépend d’une formule qui doit rester secrète et qui sera bien entendu éventée. Toutefois, Francette Orsoni a choisi une autre morale pour son conte que celles qui accompagnent d’ordinaire les récits de ce type. C’est une morale qui met en valeur une richesse immatérielle et une autre forme de partage.
C’est une bien belle histoire, une des préférées de mon filleul qui a aujourd’hui cinq ans.
Les illustrations sont superbes, rondes, tout en texture et couleurs vibrantes ou douces selon les pages.
Quelques formules magiques et chansonnettes en corse émaillent le texte, mais elles sont toujours suivies de leur traduction et, si cela vous intéresse, il y a la fin un petit guide de prononciation. Vous pouvez cependant tout à fait lire cette histoire à vos enfants sans être corsophone. Elle est destinée à un jeune public, je dirais entre trois et sept ans.

mardi 5 décembre 2017

Le Bois sans dessus dessous et autres histoires conthées

Un livre jeunesse écrit par Clémentine Ferry et illustré par Sanoe, publié aux éditions du Lumignon.

Vous pouvez consulter un extrait sur le site de l'éditeur.*

Le-Bois-Sans-Dessus-Dessous

Présentation de l'éditeur :

À travers dix contes, les héros du Bois Sans Dessus Dessous nous emmènent dans des aventures gourmandes. Loirs, hérissons, grenouilles, chauve-souris : tous ont en commun le thé, qui sert de fil rouge à travers leurs différentes histoires.Ces petites contes initiatiques bien ciselés abordent des thèmes aussi variés que le vivre ensemble, la timidité ou encore l’acceptation de soi.

Le Bois sans dessus dessous est un très joli recueil d’histoires pour enfants en grand format, abondamment illustré. Les contes animaliers ont toujours la côte. Cette ambiance campagnarde, fleurant la douceur de vivre, prônant des valeurs telles que l’amitié et la solidarité, a bercé mon enfance et sans doute la vôtre aussi. Le Bois sans dessus dessous est l’héritier de tous ces récits intemporels. Si vous avez grandi avec Pierre Lapin ou les personnages du Vent dans les saules, vous serez ravis de partager avec vos enfants cette délicieuse lecture qui les inspirera et éveillera en vous de bons souvenirs. Plus que le lieu — aussi magique et charmant soit-il — c’est le thé qui se trouve au centre de tous ces contes et cela de façon plus ou moins directe. J’ai apprécié ce lien si improbable et l’inventivité dont a fait preuve l’autrice pour garder ce thème tout en se renouvelant à chaque fois. Qu’il s’agisse de la culture des théiers ou de l’heure du goûter, il y a toujours une bonne raison d‘aimer le thé. Au fil des pages vous trouverez entre autres : un loir qui a le mal de l’air, une petite chouette qui veut devenir créatrice de thés, une chauve-souris timide et un blaireau à la vue déclinante. Si la plupart de ces histoires sont légères, comme celle de la petite souris cherchant le plus beau cadeau de mariage, d’autres sont douces-amères, comme celle des lapereaux perdant leur papa. Cela dit, le sujet est traité avec une grande délicatesse et passe un peu de baume sur les peines qu’il dépeint. Les récits sont courts, juste la bonne longueur pour une histoire du soir. Cependant, ils seront tout autant appréciés par les enfants qui commencent à bien lire tous seuls. La police et le contraste sont parfaits pour eux. Les illustrations sont magnifiques. Elles sont en noir et nuancées, façon crayonnés, ce qui ajoute à leur charme un peu old school. Elles fourmillent de détails et les enfants y passeront du temps avant d’en faire le tour. Le papier épais et de qualité leur rend parfaitement justice. J’apprécie qu’un tel soin soit apporté à un livre pour enfants. La plupart des animaux présents dans ces contes ont des noms de plantes ou d’arbres que l’on retrouve en fin d’ouvrage sous forme d’herbier avec des dessins et une description. C’est une excellente idée, aussi ludique qu’instructive, et qui peut encourager les enfants un peu récalcitrants à la découverte de la botanique. Le Bois sans dessus dessous est vraiment un très bel ouvrage à l’univers un peu fantasque et aux histoires pleines de douceur que je vous conseille chaleureusement.

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lundi 29 mai 2017

Légendes de Corse

Un recueil de Francette Orsoni, publié chez Nathan dans la collection Contes et Légendes.


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Présentation de l'éditeur :


Au bord d'une rivière, un jeune homme rêve d'amour en contemplant, à la dérobée, une fée qui peigne sa chevelure magnifique. Dans son atelier, un forgeron rusé et désintéressé trompe la Mort venue le chercher. Sous un orage terrible, un berger voit ses moutons transformés en rochers. En haut des montagnes, une pauvre jeune fille se met en route, fière et dure, pour rejoindre son riche fiancé... Figures tragiques et facéties du destin : écoutez, la Corse se laisse conter !



Sommaire :


- La bergère ligure
- Les jours prêtés
- Le comte Pazzu
- La fée du Rizzanese
- La Spusata
- Miseriu
- La pierre du Sarrasin
- le Mal de tête, le Point de congestion et la Mort
- Les quatre frères
- Petru Pà, le garçon qui répète sans comprendre
- Le diable et s*aint Martin
- Le Magu
- La légende des amandiers


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Ce recueil est composé de treize contes parmi les plus connus de Corse. J’en ai moi-même maintes fois entendus la grande majorité, avec plus ou moins de variations, au cours de mon existence. Étant donné que l’esprit de la collection Contes et Légendes est justement de présenter des contes régionaux typiques, on peut considérer que le but est atteint.
Dans ces pages, vous rencontrerez entre autres une fille au cœur de pierre, une fée mélusinienne, des sorcières, beaucoup de bergers et bien entendu Saint Martin, personnage récurrent dans nos histoires, faiseur de miracles à l’esprit vif et taquin. Vous apprendrez aussi pourquoi nous appelons les 2, 3 et 4 avril des jours prêtés ou comment les bergers ont appris à préparer le brocciu.
Peut-être certains textes vous sembleront-ils familiers. Les contes sont ainsi faits qu’ils reprennent souvent des thèmes communs de par le monde, c’est pour cela qu’ils parlent à l’imaginaire de chacun.
Il est possible que vous soyez également surpris de découvrir dans ces contes des personnages chrétiens bien loin de leur image originelle. C’est très corse, la religion étant chez nous assez présente mais imprégnée de paganisme et autres superstitions.
Francette Orsoni, conteuse de profession, appose également sa patte sur ces récits – elle aime bien les envolées lyriques. C’est une façon de conter comme une autre, pas ma préférée, mais qui ne dénature pas vraiment les histoires. Cependant, il faut garder à l’esprit que ce sont des adaptations, une vision très personnelle donc, comme elle l’écrit elle-même. Cette souplesse narrative est aussi ce qui fait la richesse des contes et légendes.
J’ai toutefois été un peu déçue par sa version du Comte Pazzu qui, je trouve, passe à côté du symbolisme de l’histoire en omettant des détails que je juge importants et en insistant sur d’autres qui le sont moins. De même, la fin de Miseriu m’a semblé légèrement bâclée et il est dommage que dans les joutes du diable et Saint Martin l’épisode du pont ait été oublié. Mais nous avons tous notre façon de voir les choses et le bagage émotionnel que véhiculent pour moi ces contes ne me rend pas forcément très objective…
Malgré ces quelques réserves, il s’agit d’un bon recueil si vous souhaitez découvrir des contes corses caractéristiques. Du point de vue du style, il est à réserver aux enfants qui sont déjà de bons lecteurs. Gardez également à l'esprit que certains textes sont assez sombres, ce n'est pas pour un très jeune public. La Pierre du Sarrasin, notamment, n’est pas du tout pour les enfants et ce n’est d’ailleurs pas vraiment un conte à proprement parler. C’était la première fois que je le lisais et je suis dubitative quant à sa place dans un tel recueil. Son seul mérite est, à mon sens, d’expliquer succinctement la tradition des vœux de compérage. Cela mis à part, aucun des récits que je connaissais ne m'a traumatisée quand j'étais petite et je suis d'avis que les enfants font la part des choses, toutefois je préfère prévenir les parents qui choisiront en connaissance de cause.

mercredi 1 février 2017

De Rouille et de Glace

Une nouvelle de Manon Bousquet, publiée chez Realities Inc.

Disponible en numérique à 0,99€.
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Sur une lointaine planète, un androïde raconte de vieux contes venus de la Terre à des orphelins de guerre de diverses origines. Mais l’histoire qu’il a choisie ce soir-là est bien triste et les enfants ne posent pas les questions auxquelles il s’attendait. Alors, pour leur remonter le moral, il décide de célébrer une ancienne fête terrienne tombée dans l’oubli, sans trop savoir de quelle manière s’y prendre…
Mais comment un androïde s’est-il trouvé à la tête de ce troupeau d’enfants dont personne ne semble vouloir ?
C’est une bien belle histoire que nous offre Manon Bousquet, un vrai conte de Noël dans la plus pure tradition du genre, avec une touche de modernité insufflée par le cadre et les valeurs de la science-fiction. Tous les ingrédients sont là : ambiance douce-amère mâtinée d’espoir, tendresse, le tintement de grelot des joies simples, des personnages touchants et solidaires… ainsi que de l’inventivité pour rafraîchir le tout.
J’ai été charmée par la douceur de cette nouvelle, par les questions qu’elle pose et les réponses qu’elle laisse à la discrétion du lecteur. Je vous la recommande.
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dimanche 8 mai 2016

L'oiseau bleu

Un conte de Marie-Catherine d'Aulnoy.

L'Oiseau bleu - Adrienne Ségur 
L'Oiseau bleu - Adrienne Ségur

Je suis tombée amoureuse des contes avant de savoir lire. On m’en a lu beaucoup, puis je me suis débrouillée toute seule. Contes classiques ou modernes, différentes traductions, adaptations plus ou moins réussies… Tout ce que je trouvais y passait et j’ai gardé cette affection particulière en grandissant. Des contes je suis allée aux mythes et des mythes à la SFFF… J’en ai même fait mon sujet d’étude. Toutes ces lectures ont fortement contribué à construire la femme que je suis aujourd’hui. Il est donc difficile de choisir un conte parmi la farandole de mes favoris pour le challenge SFFF et diversité. Le panel des possibilités se réduit un chouia si l’on exclut les contes modernes, comme je crois que c’est le cas. J’ai évoqué L’Oiseau bleu l’autre jour avec une amie, cela m’a donné envie de le relire. Je me suis dit que ça tombait bien… Or, c’était peut-être la fois de trop. Entendons-nous bien, c’est un très joli conte, mais la partie galante est assez longue et en ce moment je manque de patience avec les envolées lyriques et les serments d’amour éternel. Les contes de Marie-Catherine d’Aulnoy sont tissés de motifs très connus et souvent des réécritures de mythes ou d’autres contes. Ce sont des compositions florales arrangées avec goût, dans le plus pur style précieux. Le luxe y est très présent, mais on y critique aussi la coquetterie. Elle glorifie l’amour sincère, elle qui fut mariée contre son gré à un homme bien plus âgé. Elle se moque d’ailleurs très souvent des marieuses de la cour, la fée Soussio de L’Oiseau bleu en est un spécimen, bien que pas le plus ridicule qu’elle ait créé. Pour compenser l’attitude de ses méchants (qui ne sont pas toujours stupides), la conteuse accorde une grande importance aux vertus de ses héros. Dans le monde de Madame D’aulnoy, quand on est laid, mais qu’on a bon cœur, on devient beau et les mauvaises personnes sont punies à la fin. Que dire, ce sont des contes, même s’il y a quelques messages cachés, c’est dans leur nature d’être manichéens… Ici nous avons une belle princesse, aimée d’un roi tout aussi parfait qu’elle, une méchante belle-mère qui ne manque pas de suite dans les idées et son laideron de fille qui n’est malheureusement pas aussi fine qu’elle, une fée partiale et quelques mésaventures. Ce n’est pas original, mais ça reste agréable à lire. J’aime beaucoup le passage du début où la belle-mère séduit le roi. Je le trouve très bien écrit et on ressent la perfidie du personnage. J’ai été très marquée par une illustration d’Adrienne Ségur qui ornait la version que je lisais enfant, aussi je ne peux que la joindre à cette chronique tant elle est pour moi représentative du conte. L’Oiseau bleu est pour moi un incontournable des contes précieux alors, si vous ne le connaissez pas déjà, n’hésitez pas à le découvrir.

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Cette lecture compte pour le challenge SFFF et diversité dans la catégorie suivante : – Un conte que vous avez adoré étant enfant

mercredi 16 décembre 2015

The Truth is a Cave in the Black Mountains

The Truth is a Cave in the Black Mountains est une nouvelle de Neil Gaiman inspirée par un mythe venu des Hébrides.
Il existe une version illustrée par Eddie Campbell, mais on peut aussi la lire dans l’anthologie Stories ou dans le recueil Trigger Warning. Le texte intégral lu par l’auteur est disponible en audiobook, mais c’est du feuilleton radiophonique adapté par Karen Rose que je vais vous entretenir aujourd’hui.
Celui-ci a été diffusé en décembre sur BBC 4 dans l’émission Book at bedtime. Le feuilleton a été découpé en cinq épisodes d’environ quinze minute chacun. Cela nous donne pile la capacité d’un CD et j’espère que celui-ci sortira un jour.
Je n’ai pas encore lu le texte original, donc je ne peux juger de la façon dont la nouvelle a été adaptée et abrégée, mais j’ai pris grand plaisir suivre ces épisodes. Bill Paterson (Ned Gowan dans Outlander) prête sa voix au personnage et nous conte une histoire sombre, pleine de regrets, de colère et de secrets. Il est très agréable à écouter, j’apprécie son accent qui rend le texte particulièrement mélodieux. J’aime beaucoup les adaptations radiophoniques de la BBC qui ne sont jamais sur-jouées.
En écoutant cette nouvelle, j’ai eu l’impression de me retrouver en Écosse, de cheminer sous la pluie avec ces personnages qui ont chacun des choses à cacher. Cette histoire m’a touchée, j’en ai eu des frissons en écoutant le dernier épisode, mais j’aurais tôt fait de trop dévoiler l’intrigue si j’en disais davantage.
Écoutez-la, lisez-la et partez vous aussi à la recherche de la richesse… ou d’autre chose.
Le feuilleton est encore disponible pour une semaine sur le site de la BBC.

vendredi 20 mars 2015

La Belle et la Bête (2014)

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Je ne vais probablement pas me faire des amis parmi les romantiques qui pensent que La Belle et la Bête est un conte parlant d’amour qui transcende les apparences. Non… À la base, il s’agit d’un conte créé pour éduquer les jeunes filles et leur faire comprendre qu’un mariage de raison n’est peut-être si horrible que ça. Elles seront sans doute dégoûtées par le vieux mari riche que leur papa fauché a pu leur trouver, mais elles s’y habitueront et verront bien ses qualités avec le temps.
J’ai brisé un mythe, je pense avoir gagné ma journée. Et pourtant je vous assure, j’aime bien ce conte. Je l’ai lu ou vu sous diverses formes, certaines intelligemment construites, d’autres très mièvres, pourtant je ne m’en lasse pas. Et, même si son but de départ n’est pas très glorieux, il est aussi ce que l’on a voulu le faire devenir par la suite, à savoir qu’il nous pousse quand même vers moins de superficialité.
Pour cette fois je vais m’intéresser au film de Christophe Gans sorti en 2014.


Quand j’étais petite, j’avais, entre autres versions, un album illustré de La Belle et la Bête que le début de ce film m’a beaucoup rappelé. Cela m’a mise mal à l’aise jusqu’à ce que je le comprenne.
Puis, le film se détache progressivement de l’histoire originelle, ce qui me laisse plutôt mitigée. Visuellement, cela reste joli, un peu trop même. On a parfois l’impression que l’esthétique prime, que l’histoire n’est qu’accessoire et assujettie à la volonté de créer de belles images. Pour ma part, je pense que cela devrait être l’inverse.
Et cette obsession de l’esthétisme alourdit le tout car ce film est long, trèèèèès looooooong quand on passe beaucoup de temps à regarder Belle, affublée d’une de ses nombreuses robes de princesse, avancer dans des décors grandioses, avec des bestioles animées qui ne servent absolument à rien. Oui Belle, moi aussi j’aime mettre des robes de bal et me coiffer comme si j’allais me marier pour me promener dans la cambrousse… Je sais, c’est un conte de fée, il faut de jolies robes, mais bon, honnêtement, rendre le tout un peu moins superficiel n’aurait pas été un mal.
Cette Belle est fade et n’a pas vraiment de personnalité ; absolument toutes les émotions se valent sur le visage de Léa Seydoux. À aucun moment je n’ai ressenti de sympathie envers elle et, disons-le franchement, je me suis ennuyée pendant presque tout le film. L’adaptation en elle-même, avec ses variations, n’est pas transcendante. C’est une histoire que l’on connaît et qu’on aime ou pas telle qu’elle est, il est difficile de la réinventer et l’esthétique du film n’y suffit pas.
De plus, la Belle et la Bête m’ont semblé avoir, dans cette version, bien moins de profondeur que les personnages secondaires et leur relation n’est pas du tout exploitée. Belle ne tombe pas amoureuse de la bête, mais de l’homme que celle-ci a été, cela veut dire beaucoup de choses.
Visuellement c’est un joli film, assez longuet dans l’ensemble, manquant de personnalité. Je n’en retiendrai pas grand-chose, même si je ne regrette pas non plus de l’avoir vu.


Si vous souhaitez lire des réécritures de ce conte, je vous conseille La griffe et l’épine de Pierre-Alexandre Sicart, nouvelle présente dans l'excellente anthologie Contes de villes et de fusées dirigée par Lucie Chenu et publiée par Ad Astra, ainsi que Belle de Robin McKinley publié chez Mnémos mais qui doit sous peu ressortir en poche chez Pocket.


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Sur le fil, dernière chronique pour le Challenge Winter Mythic Fiction saison 2 !

mardi 10 mars 2015

Ella Enchanted / Ella au pays enchanté

Ella enchanted


Avant de parler du film, j’aimerais dire un mot sur le roman dont il est l’adaptation : Ella l’ensorcelée en français, qui est publié par L’école des loisirs. Il s’agit d’un excellent ouvrage qui peut être lu par des jeunes autant que des adultes, bien écrit, réfléchi, pas mièvre pour deux sous. Ma première lecture date d’une dizaine d’années au moins et je garde beaucoup d’affection pour cette belle histoire que je trouve très positive pour la gent féminine. L’intrigue s’inspire du conte de Cendrillon, que je n’affectionne guère car il a pour personnage central une jeune fille incapable de prendre son destin en main. Cendrillon subit les bonnes autant que les mauvaises choses qui lui arrivent. Ella l’ensorcelée nous offre une autre approche et une héroïne tout sauf fataliste. Si Ella se montre soumise, c’est qu’une fée lui a jeté un sort, pensant lui faire un beau cadeau (ou plutôt à ses proches…). Elle est forcée d’obéir dès qu’on lui donne un ordre, dût-il la mettre en péril. Elle se bat de toutes ses forces contre cela. C’est une jeune fille indépendante, intelligente, elle ne reste pas passive à attendre le prince qui la sauvera. Et, pourtant, prince il y aura…


Parce que j’ai aimé le roman et que la magie est encore présente quelques années plus tard, je n’étais pas tentée par l’idée de voir le film. J’avais peur qu’il gâche tout et, honnêtement, j’avais raison.
Cependant, ces derniers temps le roman m’est revenu en tête et je me suis dit que j’allais quand même essayer pour le Winter Mythic Challenge, après tout, peut-être serai-je agréablement surprise… Temps perdu, au final je ne sais même pas comment j’ai pu regarder ce film en entier.
Que dire ? Cela faisait longtemps que je n’avais rien vu d’aussi kitsch. Il reste peu de la trame du roman dans le scénario du film, si ce n’est le début, et même si je comprends la nécessité d’adapter un récit écrit pour une transmission plus visuelle, je m’interroge sur l’utilité de rajouter une intrigue secondaire (et les personnages qui vont avec) alors que l’on n’exploite pas vraiment la trame principale…
Mandy, la sage marraine d’Ella, devient une potiche, son père s’efface dans le décor, emportant avec lui une partie de la dynamique familiale complexe qui donne corps au récit, mais évidemment il n’en oublie pas de ramener à sa fille une méchante belle-mère et la progéniture dégénérée de celle-ci… Un peu trop dégénérée d’ailleurs. Et Ella se doit de se battre pour libérer des peuples opprimés qui n’ont rien à faire dans cette histoire…
L’humour est très lourd, il repose sur des anachronismes censément drôles et sur des acteurs qui sur-jouent un maximum, rendant ainsi l’histoire assez bêbête… La bande de filles décérébrées qui constitue le fan-club du prince m’a particulièrement écœurée.
Ce long-métrage ne nous offre qu’une héroïne insipide, un prince qui n’a rien de charmant, à part son nom, des méchants plus pathétiques les uns que les autres, une intrigue sur le racisme construite de bric et de broc et une fin particulièrement ridicule…
La morale de l’histoire, si belle dans le roman, devient complètement neuneu. Ce film amusera sans doute les très jeunes enfants grâce aux gags visuels, mais il ne vole vraiment pas haut, préférez-lui de loin le roman.


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mercredi 11 février 2015

Le Conte de la princesse Kaguya

le conte de la princesse kaguya

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Le Conte de la princesse Kaguya est un dessin animé comme on en fait peu, totalement à contre-courant de l’air du temps.
Les dessins sont épurés et, malgré tout, travaillés quand il le faut, ce qui leur confère une élégance et une grâce particulières. Tantôt ébauches, tantôt aussi évocateurs que des tableaux, ils se révèlent toujours extrêmement poétiques. La délicatesse du trait, la luminosité des couleurs ainsi que la douceur de l’ambiance musicale suffiraient à en faire un chef-d’œuvre, cependant l’histoire est également magnifique.
Le point de départ fort simple peut rappeler d’autres contes que nous connaissons bien dans notre vieille Europe, mais la ressemblance s’arrête là. Un coupeur de bambous trouve une petite fille magnifique dans une pousse et décide de l’élever comme une princesse. De jeune fille miniature, elle devient un vrai bébé, puis grandit de manière tout à fait sporadique, mais à chaque fois conséquente.
Le conte dont est adapté ce long métrage est un classique de la littérature japonaise, une histoire fondatrice dont j’avais déjà entendu parler, mais que je n’avais pas lue auparavant. Je ne peux donc pas juger la façon dont le conte a été interprété, cependant, j’ai apprécié ma découverte. Ce n’est peut-être pas la version la plus fidèle, toutefois je la trouve magnifique.
Une lumière singulière contrebalance la mélancolie qui se dégage du récit et rend le tout très humain. L’enfant est attachante, malgré un petit côté lunaire qui lui confère parfois une humeur changeante et donne donc naissance à des réactions étranges de sa part.
L’atmosphère de cette histoire m’a énormément plu, surtout de par son symbolisme. Je l’ai trouvée magique. Cet anime est selon moi une sorte de long poème sur la fragilité de la vie. C’est dans l’éphémère que l’on découvre la beauté, l’espoir et parfois aussi la force. Dans la sensibilité et les sentiments, même douloureux, réside toute la grandeur des êtres, humains ou non, qui s’inscrivent dans un cycle sans fin mais sont néanmoins mortels. Une existence courte, mais dotée de sensibilité, vaut mieux que l’immortalité sans émotions.
Pour autant, l’histoire est empreinte de nostalgie et, bien qu’elle m’ait apporté un certain réconfort dans un moment douloureux, elle m’a laissé une impression douce-amère. Je doute que les jeunes enfants puissent apprécier cet anime, mais son caractère intemporel séduira sans nul doute un public plus âgé et plus enclin à la contemplation.


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dimanche 1 février 2015

The Sleeper and the Spindle

Une nouvelle de Neil Gaiman, illustrée par Chris Riddell.

the sleeper and the spindle

A thrillingly reimagined fairy tale from the truly magical combination of author Neil Gaiman and illustrator Chris Riddell - weaving together a sort-of Snow White and an almost Sleeping Beauty with a thread of dark magic, which will hold readers spellbound from start to finish. On the eve of her wedding, a young queen sets out to rescue a princess from an enchantment. She casts aside her fine wedding clothes, takes her chain mail and her sword and follows her brave dwarf retainers into the tunnels under the mountain towards the sleeping kingdom. This queen will decide her own future - and the princess who needs rescuing is not quite what she seems. Twisting together the familiar and the new, this perfectly delicious, captivating and darkly funny tale shows its creators at the peak of their talents. Lavishly produced, packed with glorious Chris Riddell illustrations enhanced with metallic ink, this is a spectacular and magical gift.

The Sleeper and the Spindle, nouvelle récompensée par le prix Locus, est initialement parue dans l’anthologie Rags and Bones : new twists on timeless tales, dirigée par Melissa Marr et Tim Pratt. Elle a été rééditée par Bloomsbury sous une très belle forme, en hardcover et de surcroît abondamment illustrée par Chris Riddell. La version souple devrait sortir sous peu, mais je vous conseille vraiment le superbe hardcover qui d’ailleurs n’est pas beaucoup plus cher. Les illustrations sont magnifiques, en noir, blanc et doré, très détaillées. Elles apportent du cachet à cette nouvelle. L’objet-livre est très beau. Je ne suis pas fan des jaquettes en général, mais je trouve l’effet de celle-ci, en ébauches et transparences sur une couverture blanche et noire, très réussi. Comme son titre l’indique, ce conte revisité s’inspire de La Belle au bois dormant, mais pas seulement… Ce ne sera pas un spoiler si je vous dis qu’une autre princesse, que dis-je, une reine, va s’inviter dans ces pages et partir à l’aventure. J’imagine de plus que beaucoup ont entendu parler de cette nouvelle, non pour ce qu’elle conte réellement, mais en grande partie à cause du dessin de la scène du baiser qui semble avoir choqué pas mal de monde... Il en a été fait un tel foin que l’on a sorti cela de son contexte et oublié l’histoire qui allait avec. Je ne compte pas m’attarder sur le sujet, trouvant la véhémence de ces réactions particulièrement stupide… Sérieusement, remettons les choses à leur place, Thalie la lune et le soleil, texte dans lequel la jeune femme endormie est violée et réveillée par l’un des deux jumeaux qu’elle ne sait même pas avoir mis au monde, est une version de l’histoire révoltante. Par contre, une femme qui en embrasse une autre n’a rien de choquant ni de dérangeant. Et si vous pensez qu’en vous révélant cela je vous ai gâché la surprise, je vous rassure, il n’en est rien. Par bien des aspects, The Sleeper and the Spindle possède une intrigue prévisible, ce n’est pas non plus la plus grandiose nouvelle que Gaiman ait écrite, mais elle a ses petites originalités. Peut-être la percerez-vous trop tôt à jour, peut-être pas, mais vous apprécierez sûrement votre lecture et pas uniquement pour la beauté des illustrations. C’est une jolie réécriture, peut-être pas transcendante, mais moi qui n’ai jamais vraiment apprécié ce conte dans ses versions les plus connues, je le trouve mieux ainsi, plus proche de ce qu’est censé être un conte, plus cruel aussi. J’ai lu de nombreux commentaires sur la fin, mais aussi sur l’aspect féministe que l’on veut faire ressortir de cette histoire. Ne peut-on pas simplement la voir dans son entier au lieu de la détailler morceau par morceau ? Doit-on vraiment à tout prix y trouver une morale ? Chacun se fera sa propre opinion. La meilleure réécriture de La Belle au bois dormant que j’ai pu lire reste indubitablement Une histoire de désir de Delphine Imbert publiée dans l’anthologie Contes de villes et de fusées, éditée par Ad Astra. Si vous en avez l’occasion, ne vous privez pas de cette découverte.

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dimanche 7 décembre 2014

L'alchimiste de Khaim

Une nouvelle de Paolo Bacigalupi, publiée en format poche et en numérique aux éditions Au Diable Vauvert.


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L’alchimiste de Khaim est une courte nouvelle de fantasy qui rappelle beaucoup les fables et les contes. Dans ce monde, la magie existe mais est prohibée car elle favorise la pousse d’un roncier empoisonné, particulièrement résistant et volubile, qui envahit tout. Rien ne permet de s’en débarrasser, si on le brûle, les cosses éclatent et répandent des graines qui s’enracinent et se développent à grande vitesse. Un artisan, autrefois riche et aujourd’hui déchu, pratique la magie en secret pour soigner sa fille, alors qu’en parallèle il consume son existence dans la quête d’un moyen de détruire le roncier. Après de longues années de travail intensif, il touche au but, mais que feront les dignitaires de la cité de son invention ?
Je vous le disais, cela ressemble à un conte, ou une fable pour sa morale. C’est une histoire évidente, mais joliment racontée et la métaphore, aussi simple soit-elle, est bien trouvée. Elle peut s’appliquer à de nombreuses ressources que nous gaspillons et dont l’épuisement fatal nous fait avancer toujours plus vite vers notre chute.
L’alchimiste est un homme qui peut sembler égoïste au départ, effet renforcé par la scène qui nous le présente. Pourtant, en apprenant à le connaître, on se rend compte que derrière son orgueil se cache avant tout un humaniste, soucieux de sa patrie et de ses concitoyens. Il est émouvant et idéaliste dans sa quête désespérée contre le roncier, alors même qu’il se sent coupable de devoir utiliser la magie pour sauver sa fille quand d’autres, plus puissants, en usent pour nourrir leur folie des grandeurs. De fait, on sait d’avance qu’il risque quelques déconvenues, mais, comme lui, on espère, on veut avoir foi en l’humanité.
L’histoire est évidente, vous disais-je, mais peut aussi surprendre sur certains points. Elle m’a plu dans sa simplicité et la douceur de son écriture. En outre, je trouve qu’elle illustre bien le précepte « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Quant à savoir si l’alchimiste laissera son invention être dévoyée impunément, il vous faudra lire la nouvelle pour en avoir le cœur net.


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dimanche 15 septembre 2013

Corse, l'île des fées

Un ouvrage de Jean-Jacques Andreani, publié chez Albiana.


Corse, l'île des fées

Quatrième de couverture :
De la fée d'Ulmetu à l'enchantement de l'aigle... Elles sont douze les gracieuses fées de Corse qui invitent chacun à écouter leur histoire, souvent mystérieuse, aujourd'hui presque oubliée. Elles enchantent les rivières, les forêts, les montagnes et sont les gardiennes multiséculaires de la Nature. Rares sont ceux qui ont pu les rencontrer et connaître les bienfaits de leurs pouvoirs. Il ne faut pourtant pas grand-chose pour les voir... ouvrir grand ses yeux et ses oreilles et marcher à pas de loup. Elles en auront, alors, des histoires à vous raconter ! L'île et les territoires de l'imaginaire... La Corse est le berceau de traditions orales vivaces mettant en scène fées, ogres et autres personnages fantastiques. Originellement destinés à approcher par la parabole littéraire les secrets du monde, ces contes et légendes ouvrent les yeux sur l'indicible et le caché. Le présent ouvrage se propose de réinstaller ces personnages (les fées en l'occurrence) dans leurs lieux d'origines (vallée, rivière, etc.) et d'inviter les lecteurs à découvrir grâce à eux une Corse intime, vivante, réenchantée. Chaque conte est ainsi accompagné d'une description de la région et d'une carte. Il est donc en définitive un guide dont le fil rouge est la vie des fées de l'île.



Corse, l’île des fées est un recueil de contes au format un peu atypique. Il est aussi haut qu’une bande dessinée, mais sa largeur est à peu près équivalente à celle d’un grand format classique. Cela en fait un livre étroit et ne facilite pas la lecture. C’est toutefois un bel ouvrage, richement illustré par des photos, des dessins, des peintures, que ce soit en pleine page ou dans les marges.
Cet album d’une centaine de pages commence par un texte introductif qui nous présente les fées et la manière dont elles sont perçues en Corse. Agrémenté de citations issues de textes de référence, ce chapitre ne manque pas d’intérêt et éveille la curiosité du lecteur.
Viennent ensuite les contes. Enfin, je devrais plutôt dire les légendes, car elles sont rattachées à des lieux particuliers. Toutes sont écrites en français, sauf le premier texte qui est présent dans les deux langues. J’imagine que c’est parce que ce récit provient de la région de l’auteur et qu’il a dû vouloir l’inclure tel qu’on le lui racontait enfant.
Comme l’explique l’introduction, les légendes naissent souvent dans des lieux remarquables, aussi les fées leurs sont souvent associées. Sources, lacs, grottes ou fontaines font partie intégrante de ces histoires. Pour enrichir cet aspect, chaque conte est suivi d’un chapitre intitulé Promenade, nous présentant le décor de chaque histoire et ce qu’il y a à voir alentour, pour les rêveurs qui ont envie de partir sur les traces des fées corses ou simplement les curieux qui voudraient mieux connaître quelques lieux insolites et de beaux paysages, avec un peu d’histoire et de culture distillés au passage.
L’auteur y évoque par exemple la façon dont la glace était conservée et vendue, les eaux thermales, les chauves-souris, la récolte du liège et tant d’autres anecdotes ou spécificités relatives à la Corse. Evidemment celui qui s’intéresse à ces sujets devra chercher plus loin, mais l’entrée en matière, par le biais de la légende, est plutôt bonne.
Certains contes ont des traits communs. La fée étant associée à l’eau, on retrouve souvent une problématique liée à la sècheresse, mais ça n’empêche pas ces récits d’avoir leur part d’originalité et d’être plaisants à lire. J’en connaissais déjà une bonne partie, mais j’en ai découverts certains avec plaisir.
C’est un ouvrage fort bien construit, en plus d’être beau, et j’attends avec impatience celui qui portera sur les ogres.
A conseiller ou offrir aux amateurs de contes et de voyages, puis, évidemment, aux enfants qui apprécient toujours les contes.


Vous pouvez voir quelques pages pour vous faire une idée.

jeudi 30 décembre 2010

Les contes myalgiques II : les atouts du diable

De Nathalie Dau.
Aux éditions Griffe d'Encre.

Contes Myalgiques II : Les Atouts du Diable fait suite aux Contes Myalgiques I : Les Terres qui rêvent, le premier recueil de Nathalie Dau, lauréat du Prix Imaginales de la nouvelle en 2008. 
19 textes dont 13 inédits + 2 poèmes, pour 21 atouts. 
Quatrième de couverture : 
Dans les galeries du bassin houiller, le touffu des forêts sauvages et la noirceur des sentiments.
Dans la souffrance et puis les larmes, les cauchemars du quotidien, le désespoir, la solitude… et la peur qui pousse à le voir là où il ne s’est pas tenu. La rancœur qui l’invoque. La vengeance qui lui livre son dû.
Il rit, aussi, de la folie et de ses farces. Des illusions, des accidents, des maux. Du Mal.
Et il attend. Armé de ses atouts.
Sommaire :
  • Scartime
  • Païenne
  • Une petite pièce après l'autre
  • Global Punishing System
  • Knock Knock Knockin' on Hell's Door
  • Le Goût du miel
  • Solamente
  • Raven Party
  • War Seed
  • La Force du déni
  • La Peau du Diable
  • La Bouche
  • Pour Camille
  • Nouveau-né
  • Les Ailes de l'Anaconda
  • Pour qui sonne Clochette ?
  • Quand viendra l'Aube
  • Notre-Dame des Algues
  • Le Saut de l'Ange
  • Celle qui demeurait
  • Playlist
  • Conclusion : Textament
Du premier volume des contes myalgiques, je me souviens comme quelque chose de lumineux, même si bon nombre de ses contes étaient cruels. Ce second opus, lui, me fait penser à la face sombre de la même pièce. L'espoir s'y fait rare, diffus, il s'échappe si on le cherche et pour le percevoir il faut accepter de ne pas pouvoir en saisir la nature.
Il est difficile, très difficile de décrire ce que cette lecture m'a inspiré ou fait ressentir, autrement qu'en disant que ce fut un long et douloureux voyage, dérangeant par moment, mais toujours fascinant.
J'aime décidément le style de l'auteur, toujours fluide, délicat, musical et poétique, mais surtout cette inspiration qu'elle semble puiser si loin dans le temps, l'espace et la douleur.
Si Les Terres qui rêvent garderont ma préférence, parce que leur langage m'est sans doute plus familier, Les atouts du diable ont néanmoins été à la mesure de mon attente, ce qui en soi est déjà énorme car j'espérais beaucoup de cet ouvrage.
J'ai pourtant eu du mal, durant presque toute la première partie du recueil, à en comprendre la cohésion. C'est venu petit à petit, d'abord avec Le Goût du miel, puis plus pleinement avec Raven Party. Je crois que si j'ai très vite, et tout aussi brutalement, plongé dans cet univers sombre, mes sens ont mis un certain temps à retrouver leurs repères et donc à me permettre de percevoir de nouveau ce qui m'entourait.
En cela, j'ai retrouvé avec plaisir quatre nouvelles que je connaissais déjà et qui m'ont aidée, en se replaçant dans ce contexte alors que je les connaissais dans d'autres, à trouver la musique de se recueil, celle qui me permettrait de me laisser porter par la vague et de comprendre son mouvement, sa musique.
J'avais écrit un long billet décrivant mes sentiments à propos de chaque nouvelle, mais il s'est perdu au loin, sans doute au cours des jeux des gremlins... Ce n'est peut-être pas plus mal car c'est une lecture difficile à partager, désespérante et merveilleuse à la fois, ainsi vous retiendrez peut-être mon enthousiasme et pas mes bavardages....
Car je ne peux que vous conseiller ce livre, mais, en amie, vous suggérer d'attendre un moment où la tristesse, l'angoisse et le désespoir sont loin de vous pour en affronter la lecture.