lundi 30 décembre 2024

Cursed : Contes et mythes revisités

Une anthologie, publiée chez 404 éditions.

Sommaire :

- Le Château maudit, Jane Yolen
- Rouge comme le sang, Blanche comme la neige, Christina Henry
- Le Pont du troll, Neil Gaiman
- À cet âge, Catriona Ward
- Écoute, Jen Williams
- Henry et la boîte en bois de serpent, M.R. Carey
- Peau, James Brogden
- Faith & Fred, Maureen F. McHugh
- La Malédiction de la fée noire, Karen Joy Fowler
- Wendy Darling, Christopher Golden
- Fée loup-garou contre vampire-zombie, Charlie Jane Anders
- Regarde dedans, Michael Marshall Smith
- Little Red, Adam Stemple & Jane Yolen
- Les Joyeuses Danseuses, Alison Littlewood
- Encore, Tim Lebbon
- La Fille qui venait de l'enfer, Margo Lanagan
- Nouveau millésime, Angela Slatter
- Haza et Ghani, Lilith Saintcrow
- Haine, Christopher Fowler
- L'Éveil du château, Jane Yolen

Des malédictions comme s’il en pleuvait !
J’adore les anthologies. D’une part elles permettent de découvrir des auteurs, d’autre part il y a souvent du Fantastique dans celles consacrées aux récits SFFF. Je parle du Fantastique à l’ancienne, mon genre de prédilection, et pas du fourre-tout qu’on essaie de faire de ce genre méconnu de nos jours. Bref, je suis toujours ravie de lire une anthologie, mais le risque est de tomber sur des textes très inégaux. C’est comme les papillotes, tu peux te délecter d’une délicieuse pâte de fruit ou grimacer devant un écœurant chocolat. C’est le jeu ma pov’ Lucette. Ici, le ratio entre pâtes de fruit et chocolats est plus que correct.
L’anthologie regroupe vingt textes : dix-huit nouvelles, deux poèmes. Je parlerai peu de ces derniers, aussitôt lus, aussitôt oubliés, cependant leur placement dans l’ouvrage était judicieux. Ces deux textes qui se répondent font office d’introduction et de conclusion. On entre et on sort du conte par leurs portes.
Tout ouvrage qui propose des réécritures de contes, en plus de son thème sur les malédictions, se doit d’avoir un récit inspiré de Blanche Neige, probablement l’un des contes les plus connus au monde. Cependant, ne vous y trompez pas, le conte de Christina Henry est un hybride et la fille au teint de porcelaine et aux cheveux noirs comme le jais n’est pas la seule à lui conférer son essence. J’ai beaucoup aimé ce conte, un rien classique, mais très agréable à lire.
Vient ensuite un texte de Neil Gaiman : Le Pont du troll qui est probablement sa nouvelle la plus connue avec Chivalry. Les deux ont fait le tour des anthologies… C’est un bon texte Fantastique, au symbolisme subtil, et si vous ne le connaissez pas c’est l’occasion de le lire.
À cet âge de Catriona Ward est un récit horrifique dans lequel le malaise se diffuse lentement. Son atmosphère d’étrangeté m’a beaucoup plu ; on y vogue comme en un rêve. Cependant, l’histoire se délite sur la fin et il a manqué quelque chose pour que cette nouvelle me semble aboutie. Je ne saurais dire quoi cependant.
Écoute de Jen Williams est un très bon texte, poétique, intelligent, qui a la saveur des contes et des mythes, tout en gardant sa propre originalité. Ce n’est pas la nouvelle qui m’a le plus enthousiasmée — question de goût — mais c’est une réussite.
Henry et la boîte en bois de serpent de M.R. Carey est un récit drôle et efficace qui se lit en deux temps trois mouvements. Il allège un peu cet ouvrage, malgré les thèmes philosophiques cachés sous sa généreuse couche d’humour.
Peau de James Brogden est un récit perturbant, un rien moralisateur sur les bords, mais qui ne manque pas d’intérêt. Comme pour la nouvelle de Ward, j’ai trouvé qu’il y manquait quelque chose.
Avec Faith & Fred de Maureen F. McHugh je suis arrivée sur un terrain familier. C’est du bon, très bon, Fantastique, qui nous promène entre deux mondes. Un rien d’horreur subtile, un parfum de merveilleux discordant et une bonne vieille malédiction donnent à ce récit sa profondeur ainsi que son originalité. J’ai beaucoup aimé. C’est pour moi l’un des meilleurs textes de cette anthologie.
La Malédiction de la fée noire, qui fait suite, m’a en revanche laissée un peu perplexe. Ce récit mêle songe et réalité dans un conte morcelé tel un miroir brisé. J’ai compris où voulait m’emmener l’autrice, mais cela ne m’a fait ni chaud ni froid, même si j’ai apprécié son style.
Dans Wendy Darling, Christopher Golden ne prend pas beaucoup de risques. Il utilise le sous-texte bien connu de Peter Pan pour nourrir les névroses d’une Wendy adulte qu’on ne peut que plaindre. Ce n’est pas mal écrit ni mal amené, mais ça manque cruellement d’originalité.
Heureusement, vient ensuite Fée loup-garou contre vampire-zombie de Charlie Jane Anders, une nouvelle rafraîchissante et énergique. J’aurais pu en lire encore des pages et des pages. C’est drôle, efficace et de la bonne Urban Fantasy. J’ai d’autant plus apprécié ce récit que sa légèreté fait du bien dans une anthologie aux textes et thèmes majoritairement sombres.
Regarde dedans est une nouvelle intéressante, du bon Fantastique, avec une fin ouverte, qui oscille un peu entre l’horreur et autre chose de plus diffus. J’aurais néanmoins aimée qu’elle soit davantage étoffée.
Little Red est l’un des textes les plus sérieux de cette anthologie, avec des séquences hallucinatoires ou rêvées, on ne sait pas trop, qui sont porteuses d’un fort symbolisme. C’est un récit perturbant — il est écrit pour l’être — qui parle d’abus et de troubles mentaux de manière pudique mais très dérangeante.
Les Joyeuses Danseuses d’Alison Littlewood est un autre récit Fantastique comme je les aime. Il a la saveur des contes et j’ai beaucoup apprécié l’escale aux îles Shetland ainsi que le symbolisme subtil caché entre les lignes.
Encore de Tim Lebbon ne m’a pas particulièrement plu. Le thème est du déjà-vu mais ce n’est pas tant ça le problème. Je n’ai pas réussi à m’intéresser au personnage que je ne trouve ni sympathique ni cohérent.
La Fille qui venait de l'enfer est probablement une nouvelle qui ne parlera pas à tout le monde. Un peu comme pour La Malédiction de la fée noire, on se retrouve dans un récit onirique où le symbole prévaut sur la logique. C’est un long rêve fiévreux, plein de détours, qui peut laisser perplexe. Pour ma part, je l’ai trouvé très intéressant et réfléchi. J’aimerais beaucoup relire cette autrice.
Nouveau millésime d’Angela Slatter se fait l’écho d’un conte très connu qui a toujours les faveurs des auteurs quand on leur commande des réécritures, mais elle y apporte sa propre originalité. Encore une fois, c’est un hybride entre deux contes dont je tairais les titres pour ne pas vous spoiler. C’est l’un des rares récits à l’époque moderne de cette anthologie, sans réel élément fantastique. Le texte est prenant, assez évident en soi, mais cela ne m’a pas posé problème car il est bien écrit. Peu importe qu’on connaisse déjà la destination si le voyage est agréable.
Cela faisait fort longtemps que je n’avais pas lu Lilith Saintcrow et je ne garde pas un souvenir impérissable de ses romans. Pourtant, sa nouvelle Haza et Ghani est l’un de mes textes préférés dans toute cette anthologie. Voilà un conte bien écrit ! Elle prend un peu de ci, un peu de ça, juste assez pour que le goût soit familier, et elle le jette dans son chaudron pour y concocter quelque chose de savoureux et de nouveau, qui pourtant résonne dans l’esprit du lecteur, lui rappelle des souvenirs tout en étant autre chose. J’ai adoré cette nouvelle.
Haine de Christopher Fowler n’était peut-être pas le meilleur texte pour clore cette anthologie (même s’il y a un poème ensuite). C’est un bon texte, dont la conclusion grinçante m’a plu, mais le tout est un peu facile pour nous parler du privilège de l’homme blanc fortuné. J’aurais préféré terminer ma lecture sur quelque chose d’un peu plus original et marquant.
En conclusion, je vous invite à lire cette anthologie qui recèle de très bons textes. Tous n’ont pas réussi à éveiller mon intérêt, mais c’est davantage une question de goût que de qualité. En lisant Cursed, vous ne perdrez pas votre temps et il y en a pour quasi tous les goûts dans les genres de l’imaginaire, du Conte à l’Horreur en passant par l’Urban, le Merveilleux et le Fantastique, il n’y a guère que la SF qui manque à l’appel.


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