dimanche 3 juin 2012

Meurtre à Shakespeare

Lily Bard T1, de Charlaine Harris, publié chez J'ai Lu.

Résumé :
Je m'appelle Lily Bard et je mène une petite vie tranquille à Shakespeare, Arkansas, où je me suis installée pour oublier mon passé. Aujourd'hui, tout a changé. En rentrant, j'ai fait une macabre découverte : le cadavre de mon propriétaire. Après avoir paniqué et mis mes empreintes partout, je me suis éclipsée... Je n'ai plus le choix, il faut que je retrouve l'assassin avant que l'on ne vienne sortir les squelettes de mon placard...


Avant toute chose, parlons un peu de la couverture qui, de mon point de vue, n’est pas du tout adaptée au contenu de ce roman… Le crâne, la référence à Hamlet, il y a quelque chose de pourri dans la ville de Shakespeare, oui, bon, admettons que ça a un minimum de sens… Mais pour la subtilité, on repassera… Sans compter que, figurativement, on est vraiment à côté de la plaque, mais bref, passons…
Le fait est que je n’aurais jamais posé les yeux sur ce livre si l’avis de Lilie ne m’avait pas donné envie de le lire et s’il n’avait été de surcroît le livre du club de lecture de V&S pour le mois de mai.
Enfin, ne nous égarons pas… Comme le titre le laisse entendre, il s’agit d’un polar, mais il est en fait plus proche du roman de mœurs que du roman noir. Pour autant, l’enquête n’est pas inexistante, même si elle se déroule d’une manière un peu inhabituelle. L’intrigue tient la route, de petits indices, discrets, mais bien présents permettent au lecteur d’en arriver à ses propres conclusions sans qu’on lui mâche le travail. En soi, c’est bien pensé et plaisant à lire, mais je crois que les vrais fans de polars ne s’y retrouveront malheureusement pas. Et si vous découvrez l’identité du coupable trop tôt, vous risquez de vous ennuyer sérieusement, surtout sur la fin…
Si l’histoire me rappelle les romans de mœurs, c’est parce qu’elle s’attache surtout à décrire la vie dans une petite ville, apparences trompeuses, petites mesquineries quotidiennes et comportements humains, à travers le regard d’une personne qui voit tout ce que ses voisins peuvent cacher dans l’intimité de leurs foyers. Lily est femme de ménage, elle sait tout des manies de ses employeurs, de leur façon de vivre, des petits détails qui échappent même à leurs plus proches amis. Et Lily est observatrice, elle retient tout, même si elle ne souffle jamais mot à quiconque de ce qu’elle apprend ainsi. C’est ce pourquoi ses clients l’apprécient à sa juste valeur. Une femme de confiance, ça n’a pas de prix…
Elle analyse tout, mais n’est pas forcément très objective. Si la plupart des conclusions auxquelles elle arrive sont exactes, elles sont parfois si hâtives et péremptoires qu’elles pourraient aussi bien être erronées… Ainsi, Lily est un peu agaçante, surtout quand elle juge son prochain de la manière si peu amène qui est la sienne.
De prime abord, le personnage de Lily peut sembler particulièrement antipathique. Femme froide, voire revêche, attachée au moindre petit détail et plutôt paranoïaque, ce n’est que petit à petit qu’elle a pu gagner mon intérêt. Pourtant, on sent bien dès le début que son attitude est due à un traumatisme, que la distance qu’elle impose aux autres ou que sa manie de remarquer le moindre détail tient plus de l’instinct de protection que d’un caractère véritablement austère ou fouineur.
Charlaine Harris a su la rendre très réelle, très humaine derrière toute cette froideur et, surtout, très crédible. La lecture pourra peut-être sembler pénible à certaines personnes, avec les interminables listes de tout ce que Lily doit faire chez ses employeurs, ses spéculations parfois inutiles, ses petites tendances à juger les autres à l’emporte-pièce ou à passer du tout au rien, mais tout ceci a un sens quand on connaît l’histoire de cette femme. C’est ce qui fait que le propos de l’auteur semble si vrai.
J’ai apprécié que Charlaine Harris ne cherche pas à nous faire plaindre Lily. On peut éprouver de la compassion pour elle en apprenant ce qui lui est arrivé, bien entendu, mais jamais elle n’inspire la pitié. C’est admirable en soi, ça prouve que c’est bien écrit, réfléchi, et c’est ce qui m’a le plus touchée. Lily est une femme tenace et courageuse, c’est tout à son honneur, mais ce sont sa pudeur et sa dignité qui m’ont le plus marquée.
J’ai fini par l’apprécier et c’est heureux, car les personnages secondaires, tout en étant relativement intéressants, sont passablement caricaturaux, comme s’ils avaient manqué de travail, ce qui amoindrit un peu l’envergure du récit.
Le style est à la mesure du personnage principal, il est plutôt rugueux, très froid et sec (ciel, on croirait que je parle météo…) et quand on n’arrive pas à cohabiter avec le narrateur, la lecture devient toujours difficile. C’est le risque majeur de l’écriture à la première personne… Je me suis attachée à Lily et je l’ai comprise, mais je sais que certains lecteurs trouveront forcément sa compagnie pénible, alors je ne peux que les encourager à continuer leur lecture car je crois sincèrement que cette histoire en vaut la peine.
Il y a par contre quelques petits soucis avec la traduction. J’ai trouvé certaines phrases bizarres, parfois elles m’ont même donné l’impression d’avoir été traduites mot à mot, le choix de certains adjectifs m’a laissée perplexe et, surtout, il y a de très nombreuses fautes dans les noms de gens et de lieux. Alors, bien sûr, on peut se dire que Charlaine Harris a le don de donner des noms à coucher dehors à ses personnages, mais le moindre des soins qu’on peut apporter à une traduction est d’être sûr de ne pas écorcher les noms des personnages…
Je ne saurais pas vraiment dire ce qui m’a plu dans ce roman. Peut-être le fait que l’histoire de Lily semble si vraie, peut-être l’atmosphère pesante de cette petite ville qui cache tant de secrets ou l’enquête elle-même, simple mais efficace… Quoi que cela ait pu être, ça m’a fait dépasser la froideur de l’héroïne et ignorer l’ennui qui pointait quand même son museau de temps en temps.
Ce n’est pas le roman du siècle, ce n’est pas forcément non plus un bon polar, mais j’ai apprécié cette lecture et, si mon avis reste néanmoins un peu mitigé à son sujet, je sais que je lirai la suite en espérant qu’elle me convaincra davantage.

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