Un roman de Richelle Mead paru chez Bragelonne (il va sortir en poche fin août).
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Suite à l'échec de sa dernière mission quelques années auparavant, Justin March, enquêteur du Bureau de surveillance des sectes et cultes, s'est exilé au Panama où il a sombré dans les addictions qui l'ont toujours tourmenté. Mais à présent la République le rappelle à son service pour enquêter sur une série de meurtres rituels. Aidé dans sa tâche par une Prétorienne, Mae Koskinen, combattante invincible à la beauté surnaturelle, Justin va devoir affronter des forces bien plus redoutables qu'il ne l'imaginait. Car dans l'ombre, des puissances se regroupent, prêtes à reprendre le contrôle de ceux qu'ils ne considèrent que comme des pions sur leur échiquier.
Ce roman, assez consistant en ce qui concerne le background, m’a donné un peu de mal dans les premiers chapitres. Certains auteurs, quand ils créent un univers qui sort un peu de l’ordinaire, préfèrent marteler qu’expliquer. Je ne suis pas contre l’absence d’explications immédiates, je suis une lectrice patiente et j’aime découvrir petit à petit l’univers dans lequel m’emmène l’auteur. Par contre, je déteste qu’on me rabâche plusieurs fois une chose qui reste incompréhensible. C’est un peu ce que fait Richelle Mead dans ce début de roman, alors que je n’ai pas constaté cela dans ses autres séries. J’ai donc quelque peu peiné, au départ, à assimiler certains aspects de ce monde-là. Il m’a fallu alors stopper ma lecture pour me taper tout le glossaire, ce qui m’a profondément ennuyée, mais néanmoins éclairée.
J’ai conscience d’avoir un peu manqué de patience. Les premiers chapitres n’en sont pas moins longuets et hésitants, mais la suite mérite qu’on fasse un petit effort. L’auteur a su construire une très bonne intrigue sur plusieurs niveaux, qui se révèle prenante.
La trame est assez classique, mais mise en place dans un univers plutôt original. Je fais rarement cela, mais cette fois je vais me permettre de résumer un peu le contexte, sans spoiler l’intrigue elle-même, bien entendu. Cela aura au moins le mérite de vous aider à entrer un peu plus facilement dans l’histoire si celle-ci vous tente.
L’échiquier des dieux nous entraîne dans un monde futuriste qui a mis du temps à se relever d’un virus particulièrement dangereux pour l’humanité. Les pays les plus prospères, dont la RUNA qui occupe l’Amérique du Nord et l’AEO en Asie, sont gavés de technologie, contrairement aux autres, plus ou moins précaires que ce soit en ce qui concerne leur contexte politique et social ou leurs ressources. Ces pays moins développés sont appelés Provinces par les deux grandes puissances. Il y a là une pointe de mépris, d’autant que la RUNA montre des tendances à se prendre pour l’empire romain…
C’est grâce à une rigueur toute martiale et à des gouvernements particulièrement autoritaires que l’AEO et la RUNA ont tiré leur épingle du jeu lors du Déclin (la crise due au virus). La mainmise sur leurs populations respectives a gagné en subtilité avec le temps, mais le contrôle exercé sur les masses n’en est pas moins exacerbé. Il y a un fort contraste entre ces empires et les Provinces.
Pour résister au virus, la RUNA et l’AEO, qui refusent toujours les manipulations génétiques de peur de créer une nouvelle catastrophe sanitaire, ont privilégié le brassage des populations. Ces nations pensent également que les religions sont néfastes pour le peuple et que seul l’amour du pays doit prévaloir. Les religions sont admises, mais très strictement encadrées et, il faut le dire, plutôt malmenées par l’état. Tout est fait pour favoriser la cohésion nationale, comme par exemple le choix des prénoms des enfants (tous d’inspiration latine ou grecque).
Les patriciens, en opposition aux plébéiens qui se sont pliés aux nécessités du mélange ethnique, ont grâce à leur fortune contribué à la formation de la RUNA et ainsi gagné le droit de demeurer citoyens tout en gardant la possibilité de vivre dans des territoires leur appartenant et de se marier entre membres d’une même communauté ethnique. On trouve donc des concessions nordiques, celtes, ibériques, etc. dont les habitants tiennent à garder leurs particularités culturelles, mais surtout leur profil génétique malgré le virus qui cause des ravages dans leurs rangs.
Or, dans ce roman, nous suivons un plébéien, une patricienne et une jeune provinciale, ce qui apporte une grande diversité de points de vue.
Au début de cette histoire Mae, une prétorienne (un soldat d’élite aux capacités physiques renforcées par un implant) est envoyée en Province pour y retrouver le docteur Justin March, un ancien serviteur (ceux qui contrôlent les sectes religieuses en RUNA ; délivrant des autorisations pour les églises les moins dangereuses, traquant les autres).
Mae est la « sur-femme » de base, typique de cet auteur. Cependant ça marche toujours bien avec moi car Richelle Mead offre à ses super-héroïnes une dimension affective réelle, des sentiments, une certaine fragilité, et en fait souvent des protectrices acharnées de ceux qu’elles aiment. De glaciale, Mae devient irrémédiablement sympathique et très humaine au fil de la lecture.
Justin est quant à lui aussi agaçant qu’il peut se révéler charmant. C’est un personnage complexe, au moins autant que Mae, et j’ai apprécié son intelligence ainsi que sa vivacité d’esprit. Il y a une belle alchimie entre eux deux.
De même que pour son modèle d’héroïne, Mead a choisi un ressort courant dans ses séries : l’amour impossible. Comme c’est en général la seule alternative qu’on propose face au triangle amoureux, on va dire que ça me va, d’autant que j’aime bien ces deux-là. La relation trouble et en dents de scie qu’ils entretiennent apporte beaucoup au récit et ne manque pas de subtilité. Elle sonne vraie, contrairement à beaucoup de romans que j’ai pu lire récemment. On pourrait reprocher à l’auteur cette constance dans ses choix narratifs, mais il est indéniable qu’elle s’en sort admirablement.
Les personnages secondaires qui gravitent autour de Justin et Mae sont tout aussi attachants. Mead a créé une cohésion de groupe intéressante au niveau familial comme dans celui du travail et des amitiés.
Le récit est narré à la troisième personne, mais se focalise à chaque chapitre sur un personnage en particulier, que ce soit Mae, Justin ou Tessa, la jeune fille que celui-ci a pris sous son aile. L’auteur se libère ainsi de la contrainte qu’aurait posé une histoire à la première personne, qui mettrait de côté les sentiments et certains actes des autres personnages, tout en permettant à ceux-ci de s’exprimer quand même tour à tour, malgré un peu de distance.
Chacun a quelque chose de particulier à apporter au récit. Justin est très intelligent, il remarque ce que d’autres ne voient pas, il offre son point de vue de plébéien de basse extraction qui a réussi dans la vie. Mae est une patricienne et un soldat, elle est plus dans l’instinct et le ressenti. Elle montre l’autre face de la RUNA, celle d’une quasi-noblesse sur le déclin. Quant à Tessa, elle est tout aussi essentielle malgré les apparences. Elle apporte une vision extérieure de la RUNA et on peut s’identifier à elle au regard de ce que nous trouverons aberrant dans la façon de vivre de ces gens. Cependant on la trouvera aussi parfois très naïve. Tessa apporte une vraie fraîcheur et de l’équilibre au récit.
J’ai beaucoup apprécié de voir évoluer ces personnages ainsi que toutes leurs interactions. L’enquête est très intéressante et bien construite. Certains trouveront peut-être cet imbroglio religieux un peu lourd, surtout au début, mais il m’a plu. L’auteur connaît bien la mythologie et en joue. Les férus de mythes apprécieront l’usage de ceux-ci et les références, mais si vous ne chopez pas les clins d’œil au vol, ça n’est pas non plus trop grave.
Il y a bien quelques cafouillages qui laissent un peu perplexe. On nous dit par exemple à un moment qu’on ne trouve pas de drogues vraiment efficaces en RUNA et pourtant Justin (et même Mae dont l’implant assimile drogue et alcool pour en purger son organisme) arrive à se mettre la tête à l’envers. Vous me direz qu’interdire est une chose, empêcher en est une autre, mais en RUNA ou tout le monde est ultra-surveillé, je me demande comment cela peut être un problème, à moins bien sûr que ce ne soit voulu… Ceci dit, ce ne sont au final que des détails.
Après des débuts un peu laborieux, L’échiquier des dieux s’est révélé être une excellente surprise, un très bon bouquin pour se distraire. L’auteur dose savamment tous les aspects du récit, l’enquête, les révélations concernant le passé des personnages, leurs relations présentes, l’adaptation de Tessa. Cela donne corps à l’histoire, ça renforce sa cohérence en n’omettant aucun aspect de la vie des personnages. Ils n’en paraissent que plus réels et attachants.
J’ai déjà envie de lire la suite.
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Je suis d'accord avec toi, j'ai beaucoup aimé les deux premiers tomes, j'attends la suite avec impatience également. Je crois que Richelle Mead a un don pour construire des univers singuliers et des personnages attachants. C'est ce qui me plait tant chez elle. En revanche, chacune de ses séries démarre mollement mais, on s'habitue, on sait que ça vaut le coup de s'accrocher ! Ce sont ses histoires d'amour impossible que je trouve vraiment lassantes, Bien que le triangle amoureux dans Cygne Noir soit traité différemment, l'héroïne passant de l'un à l'autre, et de l'autre à l'un, etc. :o) Par contre, à mon sens, c'est de loin sa série la moins bonne.
RépondreSupprimerC'est vrai, elle a un goût prononcé pour les histoires d'amour impossibles. Je crois que c'est dans cygne noir que la vie amoureuse de l'héroïne m'a le plus saoulée. Malgré cela, dès qu'un de ses romans sort je vais quand même lire le résumé parce que, comme tu le soulignes, elle crée toujours des univers intéressants. Et j'aime beaucoup sa façon d'y entremêler des éléments mythologiques. Ceci dit, je n'ai toujours pas lu le t2 de l'ère des miracles. Va savoir pourquoi...
RépondreSupprimerLe T2 m'a beaucoup plu. Alors, je ne sais pas toi mais je trouve que ses séries valent le coup d'être lues d'une traite. Peut-être parce que leur début est toujours un peu mou. Mais je suis faible, je n'ai pas la patience d'attendre qu'elles les finissent, ni même qu'elles soient traduites en français. :)
RépondreSupprimerPas faux, c'est peut-être d'avoir trop attendu qui me fait traîner la patte. Je pensais que le 3 était toujours à l'état de projet, mais je vois qu'il est sorti en V.O. ! edit : Fausse joie. Mais aussi, croire wikipédia... Sinon, si tu ne connais pas déjà, tu devrais essayer Meg Corbyn, une série d'Anne Bishop. L'univers est très sympa et elle ne base pas son intrigue sur les amours de son héroïne.
RépondreSupprimerAh ! Je pensais aussi qu'il était sorti en anglais, pour les mêmes raisons (la version anglophone de Wikipédia est un peu plus fiable en principe) ^^' Elle vient de sortir un autre tome de Glittering court je crois, il y a des chances pour qu'elle se remette à l’Ère des Miracles prochainement. Merci pour la référence, j'ai les livres en plus. Ça me changera, j'ai lu trop de bit-lit ces derniers temps et je sature un peu avec les romances. Là je commence Morwenna dont tu as parlé. J'enchaînerai aves les G. Joyce et ensuite Meg Corbyn ^^
RépondreSupprimerAh, Morwenna ! C'est tout ou rien avec celui-ci. J'espère que ça te plaira.
RépondreSupprimerJ'en suis au premier tiers et j'aime beaucoup pour le moment. Le personnage a un côté asperger qui me rappelle des amies :)
RépondreSupprimerJe me suis moi-même assez reconnue en elle...
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