lundi 9 juin 2014

Le stage infernal, Ep2

L’auteur (ouais enfin disons plutôt la nana qui écrit cette histoire et qui adore parler d’elle à la troisième personne) s’excuse humblement auprès des êtres mythiques dont elle a utilisé les noms, ainsi qu’auprès de toutes les créatures infernales.
Toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé est évidemment fortuite et indépendante de la volonté de l’auteur. Sauf en ce qui concerne un certain lutin tout de vert vêtu.


***


Une petite balade sur le fleuve, comme ça de bon matin, ce n’est pas si mal… Et puis ça me donne le temps à la fois de me remettre de mon bain de foule et de me préparer à affronter le reste de la journée.
Le travail que je fais dans les bureaux infernaux ne demande pas beaucoup d’efforts, c’est censé, à l’origine, être du secrétariat de base, des trucs abrutissants comme tenir les registres à jour, reclasser les archives pour rien (parce que c’était déjà fait. Mais, on ne sait pourquoi, elles semblent être régies par une forme de chaos perpétuel, une force invisible semble les déranger à loisir) et des trucs comme vérifier que les délais de peine sont respectés. Je sors rarement de ce bureau. À part pour quelques corvées détestables, c’est plutôt tranquille.
Accueillir les visiteurs, même s’ils sont rares, ou encore remplir les fiches de nouveaux arrivants, ce n’était vraiment pas mon truc, trop de monde, même ici, après tout c’est l’été. Les effectifs sont censés être doublés pour cette période, mais tu parles, réduction de budget, tout le monde se barre en vacances, Hadès est furieux parce que les affaires marchent mal et belle-maman l’exaspère…
Enfin, ce qu’on attend de nous n’est tout de même pas très compliqué, ce qui vaut mieux quand on connaît ma principale collègue : Chimère. La prochaine fois je ne me ferai pas avoir et je m’arrangerai, comme tous les autres, pour ne pas choisir les mêmes horaires. Disons que quand on rencontre Chimère pour la première fois, elle ne paraît pas vraiment sympathique et plus on passe de temps avec elle, plus ça se confirme… Elle est plutôt du genre grincheux et c’est un euphémisme. Ce n’est pas non plus le travail qui l’épuise, elle passe ses journées à limer les crochets des serpents qui lui servent de cheveux. D’un autre côté, je ne vais pas m’en plaindre, ces bestioles sont aussi agressives que le reste de sa personne…
Notre supérieur hiérarchique est censé être Hermès. Je dis « censé », parce qu’on ne le voit pas souvent le lascar… Cela dit, quand il vient, il nous apporte toujours des chocolats… Façon très élégante de nous faire oublier qu’il est payé à ne rien faire. Mais je suis tout de même ravie de travailler avec lui, nous sommes de vieux amis. Que de soirées mémorables passées avec lui et Diony…
Et puis, sachant qu’Hadès loue une partie du Tartare aux chrétiens dont les enfers sont en perpétuelle expansion alors que les nôtres régressent, je n’ai pas à me plaindre et je remercie tous les jours la Déesse de travailler avec un flemmard et une emmerdeuse plutôt qu’avec… Hum, ici les murs ont des oreilles, on va se le faire sous forme de devinette, ça commence par un S. et ça rime avec moisi… Je me le dis tous les jours : il y a vraiment pire comme boulot.


***


Un grognement en guise de bonjour, un café et une boîte de chocolats plus tard, je passe en mode travail, capacité de conversation minimale et amabilité digne d’une perceptrice… J’en suis toujours à recopier des dossiers qui n’ont pas besoin de l’être… Ma foi, ce sont les enfers pour tout le monde et autant prendre de l’avance, je me paierai des vacances quand je serai morte et de toutes façons je n’ai rien d’autre à faire…
Ou pas, car voici revenir le futur pape. Oh, ne riez pas, il a toutes les qualifications requises… Entre autres choses : il est têtu, moralisateur, persuadé de détenir la vérité unique et n’a pas de goût particulier pour la gente féminine.
Il arrive, tout sourire, dans un froufrou de plumes parfaitement entretenues, encore une qualité papale : on voit que le gars va rarement au charbon. Hum, faudrait vraiment que j’apprenne à ne pas utiliser certaines images par ici…
Peut-être que si je fais semblant d’être très occupée il passera son chemin, au besoin je pourrais lui dire qu’il m’incite à paresser. Un péché capital, ça devrait suffire à lui faire peur… Ou bien alors…
Humhum, toussotement agaçant, il s’est planté devant mon bureau. Faire semblant de rien…
Mais il réitère, une fois, deux fois. Je soupire…
— J’en veux pas.
— Pardon ?
— Bien, excuse-toi d’avance, tu as raison, je suis d’humeur miséricordieuse. Par contre, je ne sais pas ce que t’as à vendre, mais j’en veux pas.
Petit rire cristallin très agaçant.
— Oh, je n’ai rien à vendre, j’ai eu une promotion.
— Que Dieu te bénisse, tu vas travailler dans le cercle arctique ?
Je peux rêver…
— Mais non ! Je deviens ton ange gardien !
J’ai dû mal comprendre. Ou alors les cantiques lui sont montés au cerveau… Ne pas se démonter, ne pas vomir la café que je viens d’avaler… J’ai réussi à ne pas tomber de ma chaise, c’est déjà pas mal. Il doit tenter de me piéger, le perfide.
— J’ai déjà un ange gardien.
— Je le remplace, il est parti en vacances, va savoir pourquoi, on l’a mis au repos. Il avait de ces cernes…
Lutter contre la crise de panique, tenter de le dissuader, mais comment ?
— Mais… Il va revenir, hein ?
Je suis pitoyable… Vraiment lamentable… Mamaaaaaaaaan !
— Oh, mais bien sûr !
Léger soulagement, je calcule déjà combien de temps je vais devoir me coltiner le blondinet… Méfiante, je lui demande :
— Et… Tu sais quand ?
Autre rire cristallin, je vais l’étrangler…
— Dans quelques siècles, le temps de bien se remettre.
Hiiiii, ces immortels… Aucun sens de la mesure ! Après la crise de panique, vient la colère… Un autre péché capital, je suis bien partie dans la vie.
— Mais… C’est impossible ! Pas de remplaçant en cours de route, comme ça ! Que devient le suivi ?! Comment voulez-vous que je m’améliore si mon ange gardien m’abandonne lâchement ?!
Et le voilà qui prend son petit ton paternaliste…
— Tu vois trop facilement le mauvais côté des choses… Il ne te t’abandonne pas. Et puis ne t’en fais pas, il m’a laissé plein d’instructions. J’ai au moins trois classeurs remplis de fiches te concernant. Je crois que ça ne peut te faire que du bien de changer d’ange un moment, vraiment.
Ai-je décelé du sarcasme dans ces paroles doucereuses ? Il commence déjà… Autant tenter ma dernière carte.
— Non, sincèrement, ça ne va pas aller, nous n’avons vraiment pas la même notion de la religion toi et moi.
Et le dieu des roublards de s’en mêler derechef… Lui aussi dans le genre boulet… Le pire c’est que ce n’est pas par nature, non, c’est juste que ça l’amuse…
— Les anges ne sont pas forcément chrétiens. Si ?
— Pas forcément en effet, mais lui si, Glorfindel est bien un crétin convaincu, ça je peux te le dire.
— Tu as vraiment des problèmes avec les mots, d’abord je ne m’appelle pas Glorfindel et ensuite c’est chrétien, pas crétin.
— Lapsus révélateur… Rajoute Hermès en ricanant.
— En fait, je voulais bien dire crétin, mais l’un n’exclut pas l’autre dans son cas…
Regard outré de l’ange, froissement de plumes mécontent.
— Toi ma petite tu démarres mal !
— Et qu’est-ce que tu vas faire ? Demander à Gabriel de me fouetter ?
Quoique, entre adultes consentants ça peut être intéressant…
— Je suis ton ange gardien, je t’entends penser !
— Va le lui répéter, ça lui rappellera des souvenirs…
Nouveau ricanement d’Hermès, regard blasé de Chimère, et l’ange qui fait des signes de croix frénétiques…
Je le savais qu’elle allait être longue cette fichue journée…


À suivre…

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