vendredi 11 juillet 2014

Dans la dèche au royaume enchanté

Un roman de Cory Doctorow, publié dans la collection folio SF de chez Gallimard.


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"J'ai vécu assez longtemps pour voir le remède à la mort, assister à l'ascension de la Société Bitchun, apprendre dix langues étrangères, composer trois symphonies, réaliser mon rêve d'enfance d'habiter à Disney World et assister non seulement à la disparition du lieu de travail, mais du travail lui-même". Ainsi débute l'histoire de Julius, un jeune homme d'environ cent cinquante ans. Il a tout pour être heureux dans ce meilleur des mondes possibles, pourtant, sa vie va basculer, et l'utopie se transformer en enfer... Avec ce premier roman, Cory Doctorow fait preuve d'un grand talent et se révèle comme l'un des auteurs de science-fiction à suivre ces prochaines années. Dans la dèche au Royaume Enchanté est de ces œuvres denses et novatrices qui nous font prendre conscience que le futur, c'est déjà demain.



J’avais choisi ce petit roman comme livre à trimballer avec moi entre deux grands formats. Il me fallait un récit court et déjanté pour me distraire sans trop me détourner de mes lectures du soir. En ce qui concerne la distraction, j’ai été servie, mais au moment de reprendre le GF du soir, impossible de lâcher Dans la dèche au royaume enchanté. Ce fut une excellente surprise.
Le titre est marrant, c’est d’ailleurs lui qui m’a attirée en premier, et il correspond parfaitement à l’ambiance de ce roman. J’ai eu un peu de mal, au départ, à entrer dans l’histoire, je me demandais où j’étais tombée. Il faut dire que j’avais lu le résumé longtemps auparavant, il ne me restait donc qu’un vague souvenir de l’accroche et de ce qu’on m’avait dit de ce roman. Cependant, après quelques ajustements, le récit m’a emportée et j’ai adoré ça.
Le ton est vif, plein d’humour, mais pas pour autant dénué de réflexion. Dans une projection future de notre monde, la société Bitchun a trouvé comment vaincre la mort. Les cerveaux humains sont sauvegardés, puis restaurés dans des clones. Les gens sont connectés en permanence au réseau, gérant leurs corps selon leur bon vouloir, comme des machines. Ils contrôlent même leurs hormones…
Dans ce monde, l’argent a disparu, tout est une affaire de mérite et de réputation, c’est le taux de whuffie qui définit les privilèges de chacun et, pernicieusement, influe aussi sur l’attitude des gens les uns envers les autres. La façon dont ce système est construit est à mon sens plutôt géniale, même si je détesterais un monde de ce genre. Une idée très humaniste au départ finit souvent dévoyée… Enfin, dans le cas présent chacun se fera sa propre opinion.
Si le prologue se situe aux débuts de la société Bitchun, durant la rencontre de Julius et Dan, deux des personnages principaux, la suite nous emmène de nombreuses années plus tard, alors que Julius a passé le centenaire depuis un bail et que les réfractaires à la société Bitchun sont morts depuis longtemps, offrant à celle-ci le monopole.
L’histoire nous est contée par Julius lui-même, alors qu’il se trouve à un tournant de son existence, quand Dan resurgit dans sa vie. J’ai très vite ressenti une certaine empathie envers ce personnage, très humain, un peu trop gentil et idéaliste, mais qui se bat pour ses idées. Julius est bien intégré dans le système Bitchun mais va pourtant en venir à lutter pour préserver une part de passé, un peu de rêve à l’ancienne, face à la froideur des progrès techniques.
J’ai trouvé ce roman passionnant, l’intrigue policière est plutôt bonne, les ressorts politiques intéressants apportent leur dynamique à l’ensemble sans ennuyer le lecteur et le caractère d’anticipation du récit encourage une certaine réflexion. Ce roman pose les bonnes questions sur la modernité, les réseaux sociaux, le choix du changement, les valeurs, la protection du patrimoine et surtout quel en est le prix, puis comment, parfois, en voulant protéger un héritage chéri ou peut finir par le dénaturer soi-même.
Le nœud de l’intrigue est un peu prévisible, mais cela n’a pas dérangé ma lecture. Le fait d’avoir compris où l’on va ne gâche pas le voyage dans ce cas précis et je n’aurais pas voulu une autre trame tant c’est bien amené et construit. Ce fut une excellente lecture.

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