dimanche 27 septembre 2015

Métaphysique du vampire, nouvelle édition

Un roman de Jeanne-A Debats, initialement publié chez Ad Astra et maintenant repris en papier et numérique par les éditions ActuSF.

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Présentation de l'éditeur :

“C'est mon travail de traquer les monstres. J'en ai connu beaucoup, brièvement. Ils étaient tous humains à la base."

Navarre, alias Raphaël, est un vampire vieux de plusieurs siècles, terriblement beau, joyeusement bisexuel et surtout un assassin redoutable à la solde du Vatican. Pour sa nouvelle mission, il est envoyé au Brésil sur les traces d’un ancien nazi. Mais, entre les divinités locales et la chaleur du Carnaval, la chasse ne s'annonce pas de tout repos... d'autant qu'il se retrouve accompagné d'un prêtre, au dogme laxiste, et d'une autre créature de la nuit, Dana, particulièrement attirante.
Rythmé, drôle, étonnant, osé... Dans la lignée de L'Héritière, Jeanne-A Debats, avec Métaphysique du vampire, réinvente le roman vampirique pour mieux nous faire s'interroger sur la notion d'humanité.

Jouant avec les codes de la science fiction et du fantastique, Jeanne-A Debats est désormais une voix importante des littératures de l’imaginaire en France. Son œuvre interpelle, distrait et fait réfléchir, avec toujours des personnages hauts en couleur, de La Vieille Anglaise et le continent à Plaguers en passant pour les plus jeunes par La Ballade de Trash. Cette édition contient en prime les nouvelles "Lance", "La Fontaine aux serpents" et "Ovogenèse du vampire".
Peut-être avez-vous déjà croisé Navarre au détour d’une anthologie, dans le roman L’Héritière également paru aux éditions ActuSF, ou même dans la précédente version de Métaphysique du vampire publiée chez Ad Astra. S’il est apparu dans de nombreuses nouvelles, Métaphysique du vampire est pour l’instant le seul roman dont il est le personnage central et l’intrigue se déroule à l’époque où il travaillait encore pour le Vatican en tant qu’espion et assassin.
« Pour vivre heureux et immortels, vivons stupides » telle est sa devise. Sauf qu’il n’est pas vraiment stupide, il essaie simplement de ne pas gamberger, ce qui n’est pas évident après cinq cents ans d’existence. En cela, il est un vampire très crédible et tranche avec ses congénères, à l’ère où ceux-ci tendent à devenir de plus en plus lisses et propres sur eux, aussi plats et froids que des photos de magazines. De roman en roman, ils se ressemblent tous, très loin du vampire d’origine qui symbolisait la transgression.
Je suis persuadée qu’on ne pourrait pas survivre tant de temps, avec un cerveau humain malgré tout, sans une certaine dose de dinguerie et qu’il n’y a pas d’autre moyen que d’apprendre à la gérer avec des manies, des troubles de l’attention ou une superficialité exagérée. C’est ce qui peut paradoxalement permettre de supporter toutes les informations qu’on engrange, ces nouvelles choses que l’on doit apprendre. Même le sommeil fait défaut à Navarre, son esprit ne se repose jamais, il y a là de quoi définitivement lâcher la rampe à la première occasion.
J’ai beaucoup aimé cette façon d’envisager le vampire et j’ai trouvé un certain intérêt à la manière dont l’auteur intègre les différents panthéons à sa mythologie personnelle, à la construction de son background et aux différentes magies présentes. Métaphysique du vampire est un roman d’urban fantasy sortant résolument de l’ordinaire, tenant en grande partie du polar à l’ancienne. Il faut dire que l’époque à laquelle se passe l’histoire se prête particulièrement à ce métissage des genres. Ce roman rappelle un peu James Bond, mais en prenant à contre-pied presque tout ce qui fait les aventures du personnage.
Comme Navarre est le narrateur, qu’il est relativement égocentrique et qu’en plus le roman est fort court, les personnages secondaires sont peu développés, mais pas laissés de côté. Ils sont présents juste ce qu’il faut. Bien évidemment, notre vampire est au centre de l’histoire et se révèle être un personnage attachant malgré son détestable caractère. Arrogant, un brin capricieux et puéril, égoïste et solitaire, il cache son humanité derrière ces défauts pour mieux survivre au temps qui passe. Il a une tendance prononcée à la digression et aux bavardages futiles qui nous font sentir qu’il se promène sur un fil ténu, pouvant basculer à tout moment, prisonnier de son propre esprit et parfois même de celui des autres, car Navarre a un don très spécial qui lui vaut autant d’ennuis que de facilités dans son travail. Il est en outre très lucide, peu complaisant envers lui-même comme envers autrui, ses défauts sont parfaitement assumés. Aussi cynique que sarcastique, son humour et sa gouaille le rendent très plaisant à suivre.
L’histoire en elle-même est excellente et bourrée d’action. Même si elle se révèle un peu prévisible, cela n’a guère d’importance car on se laisse très vite emporter et le tout est extrêmement bien construit. C’est un récit qui, sous des dehors de littérature de divertissement, donne à réfléchir, notamment sur les notions d’humanité et de monstruosité. Ce thème, qui revient souvent avec ce personnage, me touche particulièrement.
Du point de vue de la forme, la narration selon Navarre est aussi très intéressante et originale car l’histoire n’est pas découpée en chapitres et ne connaît que très peu d’interruptions. On la suit d’un bout à l’autre, comme ce vampire qui ne dort jamais réellement. Ça colle parfaitement avec le personnage, pour lui cette aventure dans son ensemble n’est qu’un court chapitre de plus dans sa très longue vie. En théorie, l’idée est vraiment très séduisante et je l’ai appréciée car elle renforce la crédibilité du récit, mais en pratique ce procédé peut se révéler étonnamment lourd à la lecture. J’ai peut-être ressenti les choses ainsi parce que j’étais fatiguée quand j’ai lu ce texte et donc sujette aux troubles de l’attention. Dans ces cas-là, les chapitres courts me donnent l’impression de me reposer, même si je lis autant et sans réelle interruption que je l’ai fait avec Métaphysique du vampire. Le fait que le roman soit court a donc été un avantage dans ce cas précis. Comme quoi, on s’attache parfois beaucoup aux détails… En tout cas, ça m’a permis de mieux comprendre la façon dont Navarre vivait cette fatigue mentale qui s’accumule.
Ambigu, égotique, d’une délicieuse mauvaise foi, ce vampire est un personnage aussi exaspérant que charismatique. Je l’apprécie pour cette conscience qu’il a d’être un monstre, sans s’apitoyer sur son sort. Il est nuancé, s’embarrasse peu de morale, et ses choix peuvent aussi bien se révéler nobles qu’égoïstes et mesquins. En un mot, ce monstre ordinaire est très humain.

Avec cette nouvelle édition au sein de la collection poche des Indés de l’imaginaire, on perd certes la jolie couverture de Rozenn qui ornait l’ancienne version, mais on gagne trois excellentes nouvelles publiées au préalable dans des revues et anthologies.
Lance dépoussière avec verve et humour les récits classiques de dragons et princesses. Elle allie joyeusement légende arthurienne, troubles européens du début du XXe siècle et des thèmes restés malheureusement très actuels. Ce fut une lecture très distrayante.
Dans Ovogenèse du vampire, on retrouve, entre autres, un personnage présent dans L’Héritière (l’un de mes préférés, je l’avoue, ce qui ne fait qu’attiser mon envie de lire la suite) et c’est l’occasion pour Navarre de faire un petit voyage dans le temps. Ce texte relativement court est néanmoins très plaisant.
Enfin, c’est dans l’espace que Navarre devra exercer ses talents d’enquêteur. La Fontaine aux serpents, aux implications riches et complexes, est mon texte préféré.
Il est toujours difficile d’évoquer des nouvelles, de trouver les mots justes sans trop en dire. Quoi qu’il en soit, celles-ci valent le détour.
Cependant, ces découvertes ou relectures m’amènent à une interrogation. Malgré mon goût de la traque et ma joie quand j’en découvre une au hasard d’une anthologie, je me pose quand même la question : à quand un recueil de toutes les nouvelles concernant Navarre ?

Si vous avez aimé L’Héritière, je sais que vous ne manquerez pas cet ouvrage. Sinon, pour peu que vous cherchiez un roman d’urban fantasy qui sort de l’ordinaire, foncez chez votre libraire vous procurer Métaphysique du vampire qui, j’en suis certaine, vous offrira un très bon moment de lecture. Il peut se lire comme un stand-alone, mais vous donnera sans doute envie d’en savoir beaucoup plus sur son énigmatique narrateur.

2 commentaires:

  1. Et bien non ! J'ai rencontré Navarre justement dans ce roman-ci (huhu). J'ai beaucoup apprécié le récit, l'intrigue et la vision du vampire. C'est une réussite à mes yeux :) Comme j'ai la version d'Ad Astra - couverture de Rozenn, je ne connais pas ces nouvelles.

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    1. Navarre est mon vampire "contemporain" préféré (bon, avec Herfauges en fait, mais on reste dans le même univers). Il est charismatique sans avoir ce côté policé qui devient monnaie courante. Si tu veux lire les nouvelles : Lance est dispo dans l'anthologie Lancelot, Ovogénèse du vampire dans Mythologica 3 et La fontaine aux serpents dans Utopiales 2013.

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