Un roman de Riikka Pulkkinen chez Albin Michel.
Je m’attendais à une histoire familiale, trois générations de femmes se retrouvant alors que leur doyenne est en train de mourir et partageant des souvenirs, dévoilant des secrets. Ce n’est pas vraiment ce que j’ai trouvé dans ce roman. Cela en fait partie, mais demeure très secondaire. Cependant il est juste de préciser que je ne lis jamais entièrement les résumés de quatrième de couverture et que je n’ai pas choisi ce roman, on me l’a offert il y a des années. Je suis donc seule responsable de mes attentes.
Cette histoire est plutôt celle d’un chagrin d’amour et d’une dépression.
L’écriture est poétique, bien qu’un peu convenue parfois dans ce qui se veut des phrases élégantes et pleines d’une sagesse pénétrante, peinture minutieuse de l’âme humaine, et qui m’ont plutôt parues tissées de lieux communs. Cela reste agréable dans une certaine mesure, au début. On se laisse porter, on observe les détails, on écoute des opinions assenées comme de grandes vérités et on finit par s’ennuyer, voire s’exaspérer du ton de maîtresse d’école d’un personnage infatué.
L’histoire, elle, est assez banale. Elsa va mourir. Elle exaspère sa fille unique en prenant les choses à la légère. Mais comment faire autrement quand il reste si peu de temps ?
Eleonoora, ladite fille s’inquiète pour tout, veut tout contrôler, et ses angoisses énervent son entourage qui ne veut pas comprendre que c’est la seule façon qu’elle a de supporter la perte à venir.
Et il y a ses propre filles, Anna la dépressive, à qui porter une robe appartenant à quelqu’un d’autre suffit pour lui donner l’impression d’absorber les émotions de celle-ci sans la connaître, et Maria la pragmatique. Puis, dans l’ombre, il y a Eeva dont Anna trouve une robe dans l’armoire de sa grand-mère. Cette découverte va remuer pas mal de souvenirs, mais pas forcément ceux auxquels ont s’attend.
Ce qui aurait dû être une chorale de voix féminines est en fait un solo. Celui d’Anna qui a besoin de se défaire d’un chagrin persistant. Alors quand elle exhume un secret tout droit venu du passé de ses grands-parents, elle le monte en épingle et réinvente avec sa propre histoire.
Le secret en lui-même est d’une banalité désolante. C’est typiquement le genre d’histoires faciles que je déteste. On nous parle d’amour, mais cela sonne creux et on se rend bien compte que derrière tous ces grands mots et ces accès de lyrisme il n’y a que des gens qui s’ennuient, des pseudo-intellectuels trop oisifs pour leur propre bien.
En réalité, le destin d’Eeva n’intéresse pas Anna. C’est sa propre histoire qu’elle transpose, pour mieux expurger son chagrin — je devrais dire sa dépression. Anna imagine la vie d’Eeva et se la raconte à la première personne. Elle aménage le tout au fur et à mesure qu’elle apprend des choses, avec un luxe de détails perturbant. Je ne dévoile aucun point clé du récit. On s’aperçoit de cela tout de suite. Anna a l’habitude d’inventer des histoires aux gens ; c’est un jeu venu de l’enfance. Elle les brosse dans le détail, jusqu’à leurs goûts culinaires ou leur façon de froncer les sourcils, comme si elle était finement observatrice — on sent l’influence des grands-parents, l’un peintre et l’autre psychologue — alors que ce ne sont que des envolées créatives et non de réelles observations. On peut déceler des fixations dans ces inventions (quel est donc son problème avec le mardi soir ?). Anna est entièrement tournée vers elle-même. Les portraits mentaux qu’elle esquisse lui permettent de mettre à distance sa douleur. En faisant vivre les événements à d’autres, elle les accepte. Ses délires quasi schizophréniques sont un peu pénibles à suivre, mais surtout malsains. Pas tant parce qu’elle invente — certaines personnes gèrent mieux les événements traumatiques en les transposant qu’en les racontant tels quels —, mais parce qu’elle utilise des gens réels — réels dans le roman s’entend — et ravive de vieilles blessures parmi les membres de sa famille à un moment très difficile de leur vie. Le procédé est puérile, égoïste et narcissique. Cela est d’autant plus frustrant que la réaction du personnage sur lequel le secret est susceptible de faire le plus grand impact est à peine effleurée.
Je n’ai pas si souvent que ça l’occasion de découvrir de la littérature finlandaise et même si je n’ai pas choisi ce livre et que je ne me serais pas dirigée vers lui de moi-même, je l’ai ouvert avec intérêt et curiosité. J’apprécie les récits familiaux, à petite dose, et les explorations psychologiques. Malgré cela, je suis passée totalement à côté de cette histoire. Je dirais même que je l’ai détestée. Je l’ai trouvée soporifique et d’une insondable vacuité. Même la couleur locale n’a pas réussi à me distraire de cette logorrhée thérapeutique.
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