jeudi 20 novembre 2025

Quand vient la sorcière

 Un roman de T. Kingfisher, publié chez Verso.


Quand Cordelia déçoit sa mère, celle-ci l’emprisonne dans son corps et la force à obéir. Qui a déjà expérimenté une paralysie du sommeil ne peut que trembler à cette idée. Le début du roman est d’ailleurs très évocateur à ce sujet. Cependant, malgré tout l’effroi que lui inspire sa génitrice, Cordelia n’a pas la moindre idée de ce dont celle-ci est vraiment capable.
Quand vient la sorcière est un roman subtil, tout en manigances et faux-semblants. Il tient un peu du conte, un chouia de l’horreur, mais aussi des intrigues sociales chères à Jane Austen. Imaginez une intrigante voulant se marier avec un petit propriétaire terrien — usant de charmes aussi bien que de charme — une sorcière impitoyable, cruelle et déterminée. Il s’agit d’Evangeline, la mère de Cordelia, et sa fille ne sait comment l’arrêter. Pas plus que ne le sait Hester, la sœur du Squire qui est la proie d’Evangeline.
Ce roman est lent, favorisant la réflexion ainsi que la plongée en profondeur dans la psyché des personnages. Bien sûr Evangeline est odieuse, voire effrayante, mais elle est une excellente représentation de la mère abusive. Elle fait parfois froid dans le dos. Cordelia, aussi naïve soit-elle au début, grandit au cours de cette histoire, mais les autres personnages ne sont pas en reste. J’ai particulièrement aimé la sémillante Penelope. Et bien sûr il y a Hester, deuxième personnage principal qui partage la place centrale avec Cordelia.
T. Kingfisher a l’originalité de mettre au cœur du récit deux personnages féminin aux âges inhabituels pour des héroïnes. Hester a 51 ans et Cordelia 14. Or, nous savons tous qu’une héroïne a entre 16 et 29 ans, selon le type de roman. Un personnage en dehors de cette tranche d’âge se voit relégué au second plan. Au-delà de l’audace de ce choix, cela apporte réellement un plus récit. J’ai beaucoup aimé Hester, femme pragmatique et réfléchie. Elle sait louvoyer, mener ses batailles en silence et utiliser des armes simples, à sa portée. Elle n’en est pas moins courageuse, mais elle ne fonce pas tête baissée si elle peut l’éviter. Elle sait également s’entourer des bonnes personnes et il est difficile de ne pas aimer ces personnages. Ils sont tous un peu des héros ordinaires et c’est ce qui les rend si attachants.
Quand vient la sorcière est un très bon roman, mais qui demande de la patience. Il se déroule comme une pelote, il prend son temps, peut-être un peu trop parfois. Cela ajoute en réalisme, mais attend-on d’un conte qu’il soit réaliste ? Cela étant dit, je suis une grande amatrice de contes, surtout revisités, et j’aime les personnages intelligents. Même si je me suis prise à espérer parfois que l’intrigue avance plus vite, j’ai beaucoup apprécié le temps passé avec ce roman.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire