Un roman de Richard Milward, publié chez Asphalte éditions.
La jolie Georgie aime deux choses : les bonbecs et son petit ami Bobby. Bobby l'Artiste aime deux choses : Georgie et peindre sous l'influence de drogues psychédéliques que lui refourgue son voisin Johnny. Johnny le dealer de service aime deux choses : le porno et sa petite amie Ellen. Ellen la chômeuse professionnelle aime deux choses : Johnny et faire l'amour, mais pas avec Johnny, parce qu'il ne sait vraiment pas s'y prendre. Tout ce petit monde se croise, trinque et fait la fête à Peach House, une tour HLM de Middlesbrough, au nord de l'Angleterre. Jusqu'au jour où les toiles de Bobby sont repérées par une galerie branchée de Londres. L'harmonie apparente de Peach House y survivra-t-elle ?
La première excentricité notable à propos de ce roman c’est qu’il est composé d’un seul et même paragraphe qui fait dans les trois cents pages. Cela devrait déjà suffire à vous donner un peu l’idée de ce qu’est l’esprit de ce livre.
L’histoire est très visuelle, toujours en mouvement. Si elle s’attarde parfois dans les soubresauts nerveux des délires de certains personnages, ils sont vite balayés par d’autres pistes à suivre. On passe d’un protagoniste à l’autre au gré de leurs rencontres ou d’associations d’idées, comme si une caméra les suivait en traveling, s’accrochait aux pas de l’un, se laissait emporter au passage par un autre. Farfelue, tourbillonnant à la suite de ces personnages déjantés, l’histoire semble néanmoins suivre un fil invisible. Elle nous entraîne dans les rues d’une petite ville ouvrière du nord de l’Angleterre et, surtout, dans la tour HLM de Peach House où vivent nos personnages.
Ils sont tous plus barges et paumés les uns que les autres, mais cinq d’entre eux se détachent plus particulièrement du lot. Il y a Georgie la brave fille, pas très futée (que j’ai eu envie de claquer chaque fois qu’elle pensait ou parlait avec les mots d’une gamine de quatre ans) et son chéri Bobby l’artiste drogué jusqu’à la moelle, avec lui tout y passe, il vaporise du déodorant sur ses pulls sales et les renifle pour ne pas redescendre trop vite ou sniffe du nescafé quand il est trop en dèche pour se payer de l’ecstasy (Servietsky, sort de ce corps !). Il y a aussi Johnnie dealer occasionnel et psychopathe paranoïaque régulier, puis sa copine Ellen, la glandeuse professionnelle dont le sexe est le hobby principal. Et enfin il y a Alan, dit le salaud, qui est juste un raté de plus. Si son histoire est cousue de fil blanc, un peu comme toutes celles qui peuplent ce roman, elle n’en est pas moins touchante malgré les travers de cet homme. D’ailleurs, elle est peut-être la seule à vraiment susciter de la compassion.
Il y a dans cette histoire une belle brochette de tarés en tous genres, à qui on a envie de filer des claques pour leur remettre le cerveau à l’endroit. Ils peuvent nous laisser consternés, dépités ou mélancoliques, mais aussi nous faire rire. Autant vous le dire, on n’est pas sortis du pub avec cette bande de cinglés, mais le pire dans tout ça c’est qu’on finit par s’attacher à eux. Bobby en est l’exemple le plus flagrant. L’auteur le compare à un clébard et il n’a pas tort, on a envie de le secouer, puis on s’y habitue… C’est un chouette toutou au fond, il bave un peu, mais il est gentil… Et si la fin réservée aux deux couples n’est pas crédible pour trois sous, si naïve puisse-t-elle sembler dans son optimisme, on s’en fiche un peu parce qu’on les aime bien quand même.
Ça se laisse lire sans trop perdre le lecteur en route, même si l’insistance de l’auteur sur certains passages m’a parfois fait l’effet d’une craie crissant sur un tableau noir. Aussi curieux que cela puisse paraître avec tout ce que j’ai pu en dire, j’ai apprécié cette lecture atypique.
Le style est trash, assez brut, sans demi-mesure ou fioritures, s’adaptant à la pensée naïve ou basique des personnages. Ça ne semble pas voler très haut, mais c’est pourtant étudié. Même si je n’ai pu m’empêcher de me demander, l’idée étant en plus renforcée par l’effet que produit l’absence de paragraphes, si l’auteur n’avait pas écrit le tout d’une traite, une nuit après s’être savamment torché… Bobby accroche bien ses toiles n’importe comment pour s’en débarrasser et aller se murger… La spontanéité dans l’art n’est pas un mal et ce roman semble être un pied-de-nez à beaucoup de ce qui fait notre littérature contemporaine…
A noter qu’il y a à la fin du livre une playlist suggérée par l’auteur, exclusivité de la version française, avec le lien pour l’écouter sur le net. J’apprécie toujours ce genre de bonus et c’est d’autant plus appréciable que la musique a une part importante et significative dans cet ouvrage.
Je ne peux que vous encourager à vous faire votre propre opinion sur Block Party car elle ne peut être que très subjective et tranchée dans le cas présent, on aime ou on déteste.
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