Un roman de Sabrina Calvo, publié chez Mnémos.
Présentation de l'éditeur :
XIXe siècle. Un poète assassin sème la terreur autour du monde, ses victimes sacrifiées aux cours d'horribles rituels floraux. Sur ses traces, Bertrand Lacejambe, un botaniste excentrique et son fidèle Fenby, elficologue amateur. Aux portes de la folie et de la magie, ils vont devoir braver les dangers de Féerie pour dévoiler la terrible menace que fait peser le Diadème sur nos rêves.
Délius, une chanson d'été nous plonge dans une fantasy victorienne étourdissante, dans un univers merveilleux et effroyable, au coeur d'une enquête délirante sur un ton souvent décalé.
Un mystérieux tueur, que la presse surnomme le fleuriste, abandonne sur son passage des cadavres et des fleurs. Une bande de bras cassés est à ses trousses, cependant, malgré toute la bonne volonté de ces gens, aucune piste valable ne se révèle. Ces fleurs inconnues que laisse le meurtrier les poussent à consulter un botaniste, l’excentrique Lacejambe qui saura peut-être démêler cette affaire.
Étrange roman que celui-ci. Délius, une chanson d’été est une histoire de fées, de musique et de meurtres... Ici, un botaniste est détective, un enfant possède une science féerique qui fait défaut à tous les autres et un assassin poursuit une quête obscure. Dans ce polar onirique, on se balade comme entre deux songes, à la lisière de la folie et de l’absurde. Le Merveilleux imprègne le récit. Un élan emporte le lecteur de scène en scène et la narration semble hachée au début alors que toutes ces pistes se télescopent. Des événements que l’on ne peut pas tout de suite relier, mais que l’on devine interdépendants, se succèdent et le récit nous ramène à chaque piste, chaque personnage, de plus en plus rapidement jusqu’à ce que tout s’éclaire et que les intrigues se rejoignent. Le roman forme en fait une spirale qui entraîne le lecteur en lui donnant l’impression de l’égarer, alors qu’il acquiert une conscience de plus en plus aiguë de là où l’on veut le conduire.
Pour faire une comparaison qui siérait à Lacejambe, ce roman tient plus du jardin à l’anglaise que de la forme française ordonnée et géométrique. On s’y perd volontiers, on découvre des secrets dans des recoins faussement laissés au hasard. Il est une expérience synesthésique où les sens se mélangent, on voit la musique, on sent les couleurs…
On est submergé par le nombre de personnages, entre autres un botaniste qui entend les fleurs, un compositeur qui voit les notes, un elficologue qui mélange rêve et réalité, le tueur et les gens qui le poursuivent, une jeune aristocrate à l’esprit acéré et même Arthur Conan Doyle. Fous, intrigants, lourdauds ou brillants et débonnaires ces personnages, qu’ils soient là tout du long ou fassent juste une apparition remarquée, volent en tous sens, comme attirés par une lumière dont on ne perçoit pas l’origine.
Lacejambe et Fenby, avatars de Sherlock et Watson sont deux personnages très intéressants. L’un obsédé par les plantes, l’autre par les fées, vous verrez qu’ils se sont bien trouvés et que leurs intérêts personnels ont plus en commun qu’il n’y paraît. Ils forment un duo attachant, la douceur de l’un contrebalance l’égocentrisme de l’autre. Le tueur, lui aussi, est un personnage fascinant, perdu, désespéré. On se surprend à tenter de le comprendre.
J’ai également apprécié les quelques apparitions de Doyle, qui ne sait pas qu’il est lié, même de loin, à un écho de son œuvre, de ce personnage qui a fait sa renommée mais qu’il déteste pourtant. Bien que présent par touches légères, l’écrivain a une grande importance dans ce roman.
Lire ce livre a été une aventure en soi, exaltante parfois, perturbante souvent. Il est difficile de savoir quoi en penser au final, quand ce qu’il en reste paraît si éthéré. Délius, une chanson d’été est un roman très poétique, tissé de la matière même des rêves. Il l’est également dans sa forme. Les épisodes s’entremêlent comme les tableaux d’un monde onirique, fantasque et merveilleux, ce qui laisse l’impression de l’avoir rêvé plutôt que lu.
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