lundi 26 février 2024

Bluebells Wood

 Une BD de Guillaume Sorel, publiée chez Glénat.


William est peintre. Il vit tel un naufragé volontaire à l’écart du monde dans une maison isolée au creux d’une crique avec pour seuls visiteurs son agent, qui tente de le pousser à sortir de sa réclusion, et une jeune modèle qu’il regarde à peine. William ne dessine et ne peint qu’Héléna, sa compagne dont on ne sait vraiment si elle est décédée ou si elle l’a juste quitté. Mais un jour l’étrange envahit l’existence solitaire de cet artiste submergé par les regrets sous la forme de créatures marines, dont une en particulier semble autant obsédée par lui qu’il l’est par Héléna.
Bluebells Wood offre une atmosphère étrange et tourmentée, un rien poisseuse. C’est de l’Effroi à la lisière du Fantastique (ou inversement selon la sensibilité de chacun) et cela m’a particulièrement rappelé les écrits d’Arthur Machen. Je préfère le Fantastique plus vaporeux, plus incertain encore, mais cet album est néanmoins un digne représentant du genre qui ravira les amateurs.
Dans l’antiquité, la mer était le domaine des morts même si paradoxalement toute vie vient d’elle. Elle symbolise aussi l’immensité et la perte de repères. Dans notre monde cartographié au millimètre, elle demeure nimbée de mystère. On peut toujours ignorer la science à dessein et rêver sans se forcer à ce qui pourrait se cacher au cœur de ses abysses.
L’océan appelle à l’introspection. Bluebells Wood est à sa façon une histoire de submersion intérieure, de deuil et de repères faussés, souvent les nôtres, où l’on navigue à vue avec le personnage.
Qu’est-ce qui est réel ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? L’histoire est assez classique mais cette version presque horrifique de La Petite Sirène se révèle un peu inconsistante. Le récit se fait de plus en plus onirique et saccadé au fil des pages et, pour moi, il manque de fluidité. Je n’ai pas été aidée par les dessins qui, tout en étant remarquablement exécutés, renforcent cette impression de désordre. C’est un mélange de contrastes forts et de ce que l’on pourrait presque qualifier d’impressionnisme que je trouve visuellement assez perturbant. Cependant j’ai conscience qu’il s’agit de la façon dont mon œil le perçoit, cette impression est particulièrement subjective dans mon cas. J’ai toutefois beaucoup aimé la texture que l’artiste a donné à ses dessins. Il a fait un travail magnifique sur cet album.
Je dois avouer que j’ai davantage apprécié les dessins et croquis du dossier final, quand mon esprit s’est libéré de l’histoire. Celle-ci ne me marquera pas outre mesure, mais le bon Fantastique se fait rare de nos jours et ça fait plaisir d’en voir en BD.

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