mercredi 15 juillet 2020

Les Canaux du Mitan

Un roman d'Alex Nikolavitch, publié chez les Moutons électriques.

Présentation de l'éditeur :
Une fiction hantée de magies inconnues, alternant lumières et ténèbres.
Le Mitan, vaste plaine couturée de canaux, creusés en des temps immémoriaux, et que les colons parcourent désormais sur de lentes péniches tirée par des chevaux. C'est sur l'une d'entre elles qu'embarque le jeune Gabriel, attiré par son côté exotique : peuplée de phénomènes de foire, elle lui permet d'échapper à un quotidien morose.
Mais quels sont les esprits qui hantent les anciens tertres, tout au bout de la plaine ? Pourquoi, depuis des siècles, condottières et capitaine viennent-ils se perdre dans le Mitan ? Et surtout, à quoi bon maintenir les anciennes traditions des bateleurs-bateliers, quand la civilisation apporte de nouvelles règles ?
Gazogènes, héliographes, canaux, chevaux et grandes plaines : un autre monde.
Quand on lit de la SFFF depuis aussi longtemps que moi, on devient mauvais public. Ce n’est ni du snobisme ni de la mauvaise volonté. On ne se laisse plus vraiment surprendre, c’est comme ça. Cela n’empêche pas de noter quel travail a fourni l’auteur, mais on apprécie de moins en moins lire, ce qui est désolant. Avec Les Canaux du Mitan, j’ai retrouvé un enthousiasme et une joie de lire qui je n’avais plus ressentis depuis tellement longtemps ! J’ai savouré cette lecture originale et intelligente, d’autant qu’Alex Nikolavitch a un très beau style.
Les Canaux du Mitan est un roman chorale dans lequel chaque partie ou presque est centrée sur un personnage différent mais dont l’histoire converge vers une seule quête : les secrets du bateau carnaval. Car si l’on s’attache au destin de certains personnages en particulier, c’est l’essence-même du bateau, sa fonction, qui est au cœur de ce fabuleux récit.
Gabriel est le premier personnage que l’on rencontre. Il nous raconte l’ennuie dans son petit village du Mitan, l’absence de perspective d’avenir et le rêve d’une vie qui, si elle n’est plus grandiose, serait au moins la somme de ses propres choix. Et ainsi Gabriel, qui n’est encore qu’un adolescent, décide de s’embarquer sur le bateau carnaval, fasciné qu’il est par les artistes qui vivent à son bord et leur vie itinérante. Et je me suis passionnée pour son apprentissage, sa façon de faire sa place dans ce petit monde. Quand il a fallu le quitter, la coupure n’en a été que plus abrupte. Gabriel m’a manqué et je voulais le retrouver, savoir ce qu’il advenait de lui. D’un autre côté, cela m’a permis de m’identifier plus encore au personnage suivant : Suzanne, amie d’enfance de Gabriel, tourmentée par le besoin de savoir ce qui lui est arrivé. Nous avions une quête commune et, en tant que personnage, elle est tout aussi intéressante. C’est qu’elle est intelligente, Suzanne, et beaucoup plus pragmatique que Gabriel. Quand lui ne rêvait que de partir et n’était fort que de sa bonne volonté, elle s’est montrée plus réfléchie. Suzanne n’a pas renié ses racines, mais elle a pris son envol et sait se sentir chez elle dans le Mitan comme ailleurs. Elle est devenue prévôt itinérant, elle ne se soucie que de justice et d’équité et toute femme qu’elle est dans un corps de métier plutôt masculin, elle sait imposer le respect. J’ai adoré suivre ce personnage en particulier, mais tous ceux qui prêtent leur voix, même si c’est parfois indirectement, et leurs sentiments à ce récit sont importants. Chacun représente une pièce d’un puzzle étonnant que l’on voit se dessiner avec fascination. 
L’auteur nous conte le Mitan et ses canaux, sa vieille magie et ses étendues sauvages, ses bateleurs et ses traditions que ronge petit à petit une modernité aux bénéfices ambigus. C’est un roman en mouvement perpétuel, que ce soit le long des canaux ou dans les villes, on voit se dessiner ce monde sous la plume d’Alex Nikolavitch, on rencontre ses peuples, on démêle petit à petit l’écheveau de ses mythes. Tout cela dans l’ombre fantomatique du bateau carnaval et de ses occupants. Cela donne au récit un aspect que l’on pourrait presque qualifier d’anthropologique.
Ce fut un réel plaisir de naviguer dans cet univers et surtout de découvrir ses légendes et sa magie, ainsi que leurs échos.
Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre en tournant la première page, même en ayant lu le résumé de l’éditeur, et c’est très bien comme ça. Il faut laisser ce roman vous surprendre et vous emporter.

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