Un roman de Sophie Loubière, publié chez Le cherche-midi, collection néo.
C'est en écoutant l'auteur parler de son livre au cours de
la conférence sur le fantastique des dernières Imaginales, que j'ai eu envie de lire son bouquin. Disons que son histoire me parlait. De fait, certains aspects n'ont pas démenti cette impression, mais au final je n'ai pas aimé ce roman, il avait un parfum de "trop" (trop de coïncidences qui n'en sont pas même en-dehors de l'histoire principale, trop d'évidences, trop de psychologie de magazines féminins, trop de blabla et trop de tout un tas de choses qui, disons-le franchement, m'ont gonflée.) Cette histoire manquait cruellement de subtilité et de surcroît le style d'écriture m'a un peu déplut. Rien à quoi s'accrocher en somme, j'ai mis des plombes à le finir et je me suis entêtée pour rien, tout était prévisible...
La quatrième de couv' nous promet un polar psychologique et culinaire... De la psycho ça il y en a, c'est certain, qui manque grandement de subtilité, qui teinte chaque mouvement des personnages, de ce qu'ils boivent ou mangent au nombre de fois qu'ils pissent (et ne croyez pas que j'exagère, vous seriez surpris de l'intérêt tout particulier qu'ils portent à leur vessie, estomac et intestin... Enfin surtout une...) Mais la partie polar... Mouais bof... Tout était si évident... Parce que c'était logique, bien sûr, mais quand même... L'enquête est de fait très secondaire, au centre de l'histoire tout en étant un prétexte à celle-ci, elle reste succincte et enrobée de beaucoup d'autres choses... Une visite de San Francisco, des courses interminables, un peu de badinage, mais surtout l'analyse psychologique de deux cas désespérés.
Et j'avais envie d'un vrai polar, l'idée que l'art culinaire y soit très présent me plaisait, le point de départ de l'histoire aussi. Il faut croire que les ingrédients étaient trop mal dosés pour le coup...
Mais je m'avance un peu trop vite, j'aurais dû d'abord vous faire un rapide topo sur les personnages et leur histoire pour que vous puissiez suivre toutes mes pénibles récriminations (oui, je sais que je suis pénible).
Je vais vous demander un petit effort d'imagination.
*Fondu enchaîné.*
Anne vient d'avoir quarante ans, elle a méticuleusement gâché sa vie dans les grandes lignes comme les moindres détails.
Boulimique, collectionnant les troubles obsessionnels compulsifs, elle est désespérément seule... Elle est pourtant séduisante et réussit professionnellement, elle présente une émission de cuisine populaire sur une chaîne câblée...
Elle a en fait consciencieusement bousillé sa vie sentimentale, obsédée par le souvenir d'un amour de jeunesse et est encore traumatisée par la mort de sa mère, le désintérêt de son père et une certaine culpabilité d'être elle encore encore en vie...
Elle noie sa solitude dans les coups d'un soir et la gestion de son transit intestinal...
Mais ce n'est pas tout, bien sûr, Anne est vraiment un cas...
Bill, lui, est un inspecteur à la retraite qui dans le concours de la vie la plus pitoyable est au coude à coude avec Anne. Là où celle-ci jongle avec ses troubles alimentaires et comportementaux, lui a choisi l'alcool et la violence... Traumatisé lui aussi par la mort d'un de ses parents et obsédé par les circonstances de cet événement, lui aussi désespérément seul puisqu'il a bousillé son mariage et qu'il persiste à pleurnicher sur son sort en attendant de la seule de ses enfants qui daigne encore lui parler une absolution totale de ses péchés que la pauvre ne peut pas lui donner.
Moins avenant qu'Anne, il a opté pour la compagnie tarifée... Il y a des désavantages à être un homme, n'est-ce pas ?
Un peu le même genre tous les deux en somme, ils étaient faits pour se rencontrer... D'autant plus que Bill est féru de cuisine et suit avec passion l'émission d'Anne, d'autant plus qu'une vieille affaire les relie sans qu'ils le sachent et qu'à cause de cela Anne va avoir un service à lui demander...
Car Bill est l'inspecteur qui a enquêté sur la mort de l'amour de jeunesse d'Anne et qu'il a bâclé l'affaire... Elle sait qu'il y a quelque chose qui cloche, elle veut la vérité, elle veut pouvoir faire son deuil...
Alors Bill, qui depuis des années se retrouve seul pour le réveillon à cause de ses excès d'alcool et de ses réactions imprévisibles, va accepter en échange de l'aide d'Anne et de sa compagnie.
Mais c'est sans compter les corbeaux du passé qui ont bien l'intention de se joindre au festin...
*Fondu au noir*
Parlons donc un peu du style, maintenant que vous voyez l'ambiance et que vous savez où vous avez mis les pattes. Plutôt sec et analytique, il oscille entre le lapidaire, le descriptif minutieux à outrance (il n'y a pas qu'Anne qui a des troubles compulsifs, hein ?) et le ronflant. Un peu guindé parfois, il ne dépasse néanmoins pas la limite et on peut lui reconnaître une certaine élégance, même si elle n'est que fugace. J'ai peiné à m'accrocher, cette façon de raconter donnait l'impression de s'écouter parler, d'énumérer sans cesse toute sortes de choses... Je voulais un roman, pas une liste de listes ou l'inventaire d'un huissier. Mais je suis un peu injuste, il y a eu quelques passages et tournures de phrases intéressants. Et puis certains traits de l'écriture, cristallisation des souvenirs, répétitions ou même ces fichues énumérations faisaient en quelque sorte partie de l'histoire et de son ambiance, caractérisaient ses personnages. Cependant, ça ne change rien au fait que je me suis profondément ennuyée. Je n'ai pas aimé les personnages, donc l'écriture qui leur ressemble m'a laissée froide. Je n'aime pas les gens qui s'enlise dans ce qu'ils ont de plus pitoyable et c'est le cas de ces deux-là. Si au final j'ai gardé un peu de sympathie pour Bill, sa compagne m'a brillé les nerfs. Mais là aussi je suis un peu injuste avec elle, seulement je le suis en toute conscience...
Le livre est divisé en cinq parties, Mise en bouche, l'entrée, le plat, le dessert et l'addition.
La première compte une centaine de pages (ce qui équivaut quasiment à un tiers du roman !) et c'est dans la seconde que commence vraiment l'action. Celle-ci est très lente à se mettre en place. Une centaine de pages avant de vraiment entrer dans le vif du sujet pour un polar qui en compte dans les 350, c'est trop. Pas que je sois contre l'installation minutieuse d'un récit, mais de mon point de vue un polar doit être vif. Dans celui-ci, l'affaire est vite réglée, juste un prétexte vous disais-je...
Vraisemblablement l'auteur et moi ne sommes pas d'accord sur l'importance des différentes étapes d'un repas. Si l'impression que l'on garde de celui-ci est en règle générale surtout tributaire du dessert parce qu'il clôt le festin, je suis d'avis que le plat principal n'en est pas moins le pivot et que ce dernier ne doit manquer ni de consistance, ni de saveur. Ce n'est pas avec un interminable apéritif ou un dessert saturé de sucre qu'on contente le genre de lectrice que je suis.
Les chapitres sont alternés, renforçant l'effet miroir entre les personnages. Même une fois qu'ils se sont enfin rencontrés l'alternance persiste, avec plus de subtilité il est vrai et cela je l'ai apprécié.
Tout semble faire partie du même délire dans ce roman, tout se recoupe, tout est lié. Je peux apprécier ce choix, j'aime que tout ait un sens, mais encore une fois, dans le cas présent, c'est trop pour moi...
Je ne peux pas dire que l'écriture est mauvaise, même si je suis un peu plus mitigée en ce qui concerne l'histoire, c'est seulement que ça ne m'a pas plu et que je n'arrive à voir que cela.
"Une Bridget Jones française et un misanthrope américain amateur de bonne chère plongés dans une enquête passionnante", nous promet la quatrième de couv'. Je n'aurais pas acheté ce livre si j'avais lu cette phrase, ce qui aurait été une bonne chose, même si au final la comparaison est tout à fait hors de propos...
Si vous attendez un polar, comme moi, ou une romance piquante mâtinée de polar, comme vous le promet cette accroche, passez votre chemin. Par contre si vous voulez un roman qui "psychanalyse" deux personnages exaspérants tant ils sont pitoyables, alors là vous avez tapé juste.
Je suis sévère, mais surtout parce que je suis déçue et j'en suis la première désolée car j'ai surtout raté ma rencontre avec cette histoire. Je ne doute pas que d'autres puissent mieux apprécier que moi les attraits de ce roman car contrairement à ce que j'ai pu écrire il n'en est pas dénué. J'espère donc ne pas vous avoir totalement dégoûtés.
Il plaira sans doute plus aux femmes, surtout si elles sont amatrices de psycho, de cuisine, de références à des vieux films, de jazz, et qu'elles ne recherchent pas une romance ou une intrigue policière trop marquées. J'aurais pu rentrer dans cette catégorie si on avait échangé la dose de psycho avec celle d'intrigue policière... Comme quoi l'écriture et la cuisine ça se rapproche, tout est une question de dosage des saveurs...
Mention spéciale pour les recettes à la fin. Ce n'est pas mon type de cuisine, (c'est trop sophistiqué pour m'intéresser, même si j'adore cuisiner), mais l'idée est là.
Ce roman sera donc mon livre bonus pour le challenge lecture d'ABFA et Vampires et Sorcières de 2011.