Un recueil de nouvelles de Neil Gaiman, publié chez Au Diable Vauvert.
Sommaire :- Lire les entrailles : un rondeau- Une introduction- Chevalerie- Nicholas était…- Le Prix- Le Troll sous le pont- Ne demandez rien au Diable- Le Bassin aux poissons et autres contes- La Route blanche- La Reine d'épées- Changements- La Fille des chouettes- La Spéciale des Shoggoths à l'ancienne- Virus- Cherchez la fille- Une fin du monde de plus- Alerte : animal à bout- On peut vous les faire au prix de gros- Une vie, meublée en Moorcock première manière- Couleurs froides- Le Balayeur de rêves- Corps étrangers- Sizain vampire- La Souris- Le Changement de mer- Le Jour où nous sommes allés voir la fin du monde- Vent du désert- Saveurs- Mignons à croquer- Les Mystères du meurtre- Neige, verre et pommes
Le titre de ce recueil fait référence aux illusionnistes dont les tours ont toujours fasciné Gaiman. Ils sont un thème récurrent dans son œuvre. Après tout, n’est-il pas lui-même un magicien ? Il gratte sous le vernis du quotidien, de la banalité et de l’évidence pour dévoiler l’étrange, le merveilleux ou encore le dérangeant qui se cachent dessous. Cela fait de lui un nouvelliste de génie, comme Ray Bradbury ou Lisa Tuttle, pour ne citer qu’eux.
Il faut du talent pour écrire un roman, mais c’est dans l’écriture de textes courts qu’on voit le génie d’un auteur. Gaiman parvient toujours à nous faire regarder le monde d’un œil différent. Ses textes me nourrissent et entretiennent mon imagination. Il me rappelle toujours de changer d’angle de vue.
C’est aussi pour cela que j’aime particulièrement lire ses introductions. Gaiman y parle toujours de la naissance des textes qu’il présente et je trouve passionnant d’en apprendre à chaque fois davantage sur la façon dont naissent ses histoires. En outre, l’introduction de ce recueil compte une nouvelle dont j’aime beaucoup le thème, bien que le texte lui-même m’ait toujours laissée circonspecte. Sans offense pour cet auteur qui est l’un de mes préférés depuis plus de vingt ans, c’est bien un texte écrit par un homme…
Je le confesse, de tous ses recueils, celui-ci n’est pas mon favori. Il compte néanmoins certains textes que j’adore que je relis toujours avec grand plaisir.
Miroirs et Fumée est le plus ancien recueil de Gaiman paru en français et il n’a pas vieilli. Il propose des textes très variés. Comme à son habitude, Gaiman ne s’attache pas à un seul genre. L’on peut ainsi lire dans ce recueil du merveilleux, du fantastique — parfois horrifique à tendance lovcraftienne ou plus classique — aussi bien que de la science fiction, de la poésie ou encore des contes — réécrits ou originaux, modernisés ou transposés — et même de la littérature blanche.
Mon texte préféré, d’ailleurs, qui bien qu’il ne soit pas le plus connu ni ne culmine parmi ceux qu’aiment à évoquer régulièrement les fans, pourrait aisément être assimilé à de la littérature générale. Il s’agit du Bassin aux poissons et autres contes, qui représente, à mon sens, un peu tout ce qui fait l’imaginaire de Gaiman, l’élégance de son écriture, la profondeur de sa réflexion. Ce texte est un chef-d’œuvre trop méconnu à mon goût.
Cependant je comprends qu’il puisse être éclipsé par d’autres récits qui semblent plus marquants de prime abord. De fait, ce recueil compte, et ce n’est pas pour rien, certains des textes les plus connus de Gaiman. Parmi ceux-ci se trouve Chevalerie, et j’avoue ressentir moi-même une grande tendresse pour cette nouvelle. Elle semble toujours tellement… familière. En vérité, elle sonne juste et représente un peu tout ce que j’aime en matière de nouvelles et dans le genre fantastique, même si on parlerait davantage de réalisme magique pour qualifier ce texte. Chevalerie, c’est le surgissement du merveilleux et de l’insolite dans le quotidien, la magie dans la banalité et la banalité devenue magique.
Je ne peux manquer de mentionner également Le Troll sous le pont, autre texte très connu et un peu dans la même veine. L’histoire m’a toujours semblé très classique. Cependant je l’aime bien aussi, mais j’ai du mal avec les personnages antipathiques tels que le narrateur et c’est le style que préfère dans ce texte, surtout au début. La peinture que Gaiman fait de l’enfance est toujours très parlante pour moi et l’est particulièrement dans ce récit.
Neige, verre et pommes est la troisième nouvelle la plus emblématique du recueil et elle fait partie de mes favorites. Je vous disais plus haut combien Gaiman aimait regarder les choses, et vous les montrer aussi, sous un autre angle. Il aime aussi les réécritures de contes. Il allie les deux dans cette nouvelle écrite du point de vue de la belle-mère de Blanche-Neige. Ce texte est superbe d’un bout à l’autre.
Parmi ses nouvelles inspirées de contes, on trouve aussi La Route blanche, mélange des contes de Barbe bleue et de Mr Fox. Mais il ne faut pas oublier le titre du recueil et jamais trop se fier à ce que nous conte l’auteur…
Si j’aime les contes, je suis aussi une avide lectrice de fantastique. Les textes d’inspiration lovcraftienne ne sont pas du tout ma tasse de thé, mais heureusement on trouve aussi entre ces pages du fantastique plus traditionnel. J’aime beaucoup Le Prix, qui maintenant que j’y songe a sans doute aussi un petit relent de conte. D’autres textes se trouvent un peu entre les deux, notamment Le Balayeur de rêves ou encore Nicholas était... Deux textes aussi courts que marquants que j’ai toujours trouvés très inspirés. Très classique et subtil, La Reine d’épées appartient également à ce genre qui m’est cher et fait écho, encore une fois, aux illusionnistes et au titre du recueil. Vous pourrez lire d’autres récits fantastiques entre ces pages. Certains vous toucheront plus que d’autres, mais ces lectures vous feront toujours vous interroger, chercher le vrai du faux. Elles vous choqueront parfois, vous laisserons un sentiment bizarre de malaise, mais nourrirons toujours votre réflexion.
Parmi les quelques textes relevant d’autres genres, j’ai été marquée par Mignons à croquer, une fiction spéculative grinçante d’autant plus dérangeante qu’elle est plausible. On trouve de la bonne SF dans ce recueil.
Miroirs et Fumée ne peut laisser aucun lecteur indifférent. Je vous invite à découvrir tous ces textes ainsi que ceux que je n’ai pas cités, à les faire vôtres, à les rêver, à chercher le mécanisme qui fait le tour ou à préférer en ignorer les ficelles pour mieux le savourer. Faites à votre guise. Je suis persuadée que vous ne serez pas déçus.