jeudi 31 décembre 2020

Bilan 2020

Année faste s’il en est ! (Il fallait bien quelques compensations pour toutes les merdes que 2020 a apportées…) J’ai dépassé les cent lectures, ce qui n’était pas arrivé depuis plusieurs années, et ce n’est même pas grâce au confinement puisqu’il m’a au contraire coupé tout envie de lire pendant un bon moment.
J’ai lu beaucoup d’excellents livres, ce qui a sans doute contribué à me faire lire encore davantage. Je ne vais pas tous les citer. Je me contenterai de ceux qui ont le plus marqué mon esprit ou que je souhaite mettre davantage en lumière.

Mon grand coup de cœur de l’année est sans conteste La Mer sans Étoiles de Erin Morgenstern.
Si vous ne devez en retenir qu’un, que ce soit celui-ci car c’est un des meilleurs romans que j’ai pu lire de toute ma longue vie de lectrice.


Les Canaux du Mitan de Alex Nikolavitch a aussi été un grand coup de cœur. J’ai aimé cette histoire originale et complexe au parfum de légende.


J’ai aussi été ravie de pouvoir lire L’Héritage du rail, deuxième volume de la Dernière Geste de Morgan of Glencoe. Cette série est de plus en plus prometteuse.


Je suis également heureuse de pouvoir parler de trois recueils de nouvelles cette année.
Kabu Kabu de Nnedi Okorafor m’a séduite par la grande variété de ses textes et le talent de conteuse de son autrice.
J’ai redécouvert avec un immense plaisir la grande Lisa Tuttle avec ses Chambres inquiètes.
Et bien sûr je ne peux que citer Neil Gaiman, mon auteur préféré, avec son excellent Signal d’alerte.
Comme toujours, j’aimerais encourager tout ceux qui n’en ont pas l’habitude à lire des nouvelles. Ces trois recueils sont d’une grande qualité littéraire et ils devraient vous montrer toute la richesse et la finesse du format court.


Enfin, je vais terminer avec deux bandes-dessinées.
On a beaucoup parlé de Peau d’homme d'Hubert et Zanzim et ce à juste titre. De magnifiques dessins, une réflexion sur l’identité et la sexualité sous forme de conte philosophique et de l’humour font de cet album un incontournable de l’année.
Pour finir j’évoquerai Le Cercle du Dragon-Thé de Katie O'Neill, un très bel album pour la jeunesse qui parle d’amitié, de tolérance et… de dragons-thé. Les illustrations sont superbes et particulièrement les petits dragons. Tout amateur de thé adorera ces bestioles et c’est vraiment un ouvrage très positif.



Je vous souhaite par avance une bonne année 2021.
Je vous retrouverai bientôt avec de nouvelles lectures et, j’espère, d’autres coups de cœur.

mercredi 30 décembre 2020

Hilda - Saison 2 ♥


La série animée Hilda est adaptée d’une bande-dessinée. J’ai déjà dit sur ce blog tout le bien que je pense de cette géniale adaptation à la sortie de la première saison et comme je suis toujours en amour avec cette série, je vais récidiver.
Hilda est une petite fille qui aime beaucoup se mettre dans des situations impossibles. Elle vit à Trollbourg avec sa mère Johanna, Twig son renard-cerf, Alfur l’elfe et Tomtu le Nisse de la maison. Elle aime explorer la ville, aller à la rencontre de créatures magiques improbables et globalement mettre ses proches dans le pétrin, dont ses deux meilleurs amis : Frida et David.
Le plus intéressant dans cette série, outre les interactions entre les personnages qui se complexifient au fil des épisodes, consiste en la grande richesse et l’originalité de cet univers. Dans Hilda vous rencontrerez de minuscules elfes très procéduriers, des trolls qui se changent en pierre à la lumière du soleil, mais aussi des chats-ballons volants, une dragonne souffrant d’anxiété sociale, des souris dévoreuses d’âmes et des tas d’autres bizarreries. L’inspiration légendaire côtoie la magie douce dans des histoires parfois absurdes ou au moins décalées, mais toujours très significatives. C’est ce côté fantasque qui m’a séduite. Les petites histoires d’Hilda et ses amis sont comme des bonbons acidulés.
Hilda n’est pas le genre de séries dans lequel les aventures se succèdent sans cohérence. Il y a un arc global, les actions ont des conséquences, des personnages reviennent, tout cela donne du relief et de la complexité à l’histoire. La deuxième saison est la suite directe de la première et c’est un vrai plaisir de voir s’émanciper encore davantage les personnages secondaires. Ils ont bien montré dans la saison précédente qu’ils n’étaient pas les faire-valoir d’Hilda, mais c’est encore plus flagrant cette fois. Dans cette saison, chacun d’eux, même Johanna, a son moment. J’ai particulièrement apprécié de découvrir les origines de Twig et d’en apprendre davantage sur le passé de Kaisa, la bibliothécaire. Des personnages que l’on pensait anecdotiques prennent aussi de l’ampleur et cela est de bon augure pour la suite.
Hilda aussi évolue dans cette saison. On sait déjà qu’elle ne prend pas toujours en considération les limites des gens. On l’a déjà vu avec David, dont elle balaie toujours les craintes avec trop de légèreté. Cependant, ce trait de caractère assez égoïste s’accentue et elle va devoir en subir les conséquences. Sa relation avec sa mère, qui était déjà mise à mal par leur changement de vie, peine à retrouver son équilibre. Durant cette saison, Hilda va devoir s’intéresser davantage à son entourage si elle ne veut pas perdre ses proches, et apprendre à réfléchir avant d’agir ainsi qu’à assumer ses erreurs.
Mon coup de cœur pour cette série n’a fait que se confirmer avec ces nouveaux épisodes. La saison finit sur un cliffhanger ce qui présage une suite et c’est tant mieux car je doute de pouvoir me lasser des aventures d’Hilda et ses amis.

mardi 29 décembre 2020

De l'importance du poil de nez

 Un roman graphique de Noémie, publié chez Sarbacane.

Présentation de l'éditeur :
Elle a vingt ans, elle s'appelle Noémie.
Vibrante de vie et d'humour, elle tourbillonne entre ses amis et sa famille - car au Liban, la famille, c'est toute une affaire!
Rien n'empêchera Noémie d'être heureuse : ni ses amours compliquées, ni les méandres d'une société parfois labyrinbique ... ni son cancer ...
Parce que oui, il y a ça aussi.

Derrière ce titre farfelu se cache un roman graphique qui parle de sujets difficiles tels que le cancer et la dépression.
Noémie est à l’orée de sa vingtaine, elle vit au Liban, étudie aux Beaux-Arts, elle aime sortir et s’amuser. Et puis un jour sa peau commence à la démanger. De diagnostique en diagnostique, elle apprend qu’elle a un cancer. Cette BD raconte son histoire, ses hauts et ses bas, les soins, les angoisses et la famille, toujours présente pour la soutenir. Noémie raconte sans faux-semblants, qu’il s’agisse de ses moments de courage ou de désespoir, de colère ou d’acceptation. Elle parle de la maladie avec naturel et sincérité.
Les dessins sont précis, magnifiques, colorés et foisonnants. Le papier épais donne l’impression de feuilleter un carnet de croquis dans lequel une jeune femme aurait dessiné son journal intime. Cela renforce la sensation de proximité et l’empathie que l’on ressent à la lecture.
C’est un très bel ouvrage, très personnel mais qui pourra peut-être aider des gens qui passent par les mêmes épreuves difficiles que Noémie ou qui ne comprennent pas ce qui arrive à leur corps, des gens qui peut-être n’ont pas la chance d’avoir une famille telle que celle de Noémie pour prendre soin d’eux. Dans son malheur, elle a eu de la chance et j’ai trouvé ses proches très émouvants, même s’ils sont aussi envahissants. Il se dégage beaucoup d’émotions de cette histoire, mais au final c’est l’amour qu’on en retient.
Noémie parle de ce qu’elle a vécu, de sa guérison et de ce qui a suivi — car pour ce type de maladie la rémission est rarement une fin en soi — mais ses conclusions et surtout son interprétation n’appartiennent qu’à elle et ne doivent pas être prises comme une vérité absolue. Il s’agit juste de son expérience personnelle, de ses convictions et de sa façon de vivre son combat contre la maladie.
Ce fut une lecture fort émouvante et je, le répète, le travail graphique est superbe, très détaillé, et mérite tout autant votre attention que le récit.

dimanche 27 décembre 2020

Sherlock Holmes - anime


Sherlock Holmes est une série animée italo-japonaise de vingt-six épisodes réalisée par Kyousuke Mikuriya et Hayao Miyazaki.
Si vous étiez un enfant dans les années 80, vous n’avez pas pu manquer ce dessin animé dans lequel des animaux anthropomorphes résolvent des crimes. Je crois bien qu’il a été mon premier contact avec l’univers de Sir Arthur Conan Doyle et source de mon affection pour Sherlock. Évidemment c’est bien loin du personnage d’origine, mais j’aimais bien ce Sherlock renard et son acolyte scottish terrier (ça leur va tellement bien, même si l’amitié entre un renard et un terrier est hautement improbable) quand j’étais petite. Alors je me suis dit que j’allais le revoir pour le challenge madeleine de Proust.
La série a vieilli, on ne va pas se mentir, et ce n’est pas non plus d’une grande profondeur. Il y a beaucoup plus de poursuites en voiture que d’intrigue et c’est assez répétitif. Certains épisodes sont quasiment les clones d’autres, mais l’animation peut se révéler très jolie par moment et pour l’époque. Les références aux livres de Doyle sont rares et galvaudées. Néanmoins, je l’ai revue avec plaisir et nostalgie.
Cela m’a aussi permis de remarquer une chose. Je savais déjà que la série avait été dirigée par Miyazaki, mais si vous faites bien attention vous verrez que le costume de Sherlock ressemble beaucoup à celui de la statue du chat Baron dans Si tu tends l’oreille. Il y a de petites similarités entre ces deux personnages.
Les méchants de l‘histoire sont assez pathétiques. J’aimais bien les mimiques de Moriarty à l’époque et je les apprécie toujours. Il est sans doute le personnage le plus expressif. Ses idées farfelues et ses inventions un rien steampunk sont le sel de la série qui est bien fade par ailleurs. J’ai sans doute plus compatis à ses malheurs qu’autre chose...
Revoir cette série m’a rappelé mon enfance et c’était fort agréable, mais en terme de qualité narrative, j’ai conscience que ce n’est pas ce qui se fait de mieux. Je suis étonnée de constater que je me rappelais de certaines choses avec une grande acuité et que j’en avais totalement occultée d’autres.

lundi 21 décembre 2020

La Nuit des labyrinthes

 Un roman de Sabrina Calvo, publié chez Mnémos.

Mon avis sur Délius, une chanson d'été, premier volume de la série.

Présentation de l'éditeur :
Après avoir déjoué la folie de Délius, Bertrand Lacejambe, botaniste, et son fidèle secrétaire B. Fenby se retrouvent à Marseille en 1905. En ce soir de Noël, on inaugure le pont transbordeur, on se passionne pour un nouveau sport pédestre, on boit... Dans une ambiance tropicale d'espions et de palmiers, ils vont pourtant faire face au plus terrible des périls. Perdus dans un dédale urbain aux occultes secrets, de soirées mondaines en scènes de panique, ils devront élucider la troublante disparition de la plus banale espèce florale et démêler l'écheveau d'une monstrueuse imposture, réminiscence de la tragique commune dont la cité phocéenne paya jadis le prix...

Étrange roman que celui-ci, qui commence comme une banale enquête un soir de réveillon et se termine en  fantasmagorie échevelée où se mêlent folie et ésotérisme.
Nous retrouvons Lacejambe et Fenby, huit ans après les événements de Délius, une chanson d’été. Profondément traumatisés par leur rencontre avec le fleuriste et tout ce qui en a découlé, ils vivent en reclus mais se sont pour un soir décidés à répondre à une invitation. Au chevet d’une vieille connaissance, Lacejambe se voit investi d’une mission qui pourrait soit lui rappeler l’homme qu’il était autrefois, soit le perdre définitivement. À la poursuite d’une fleur, nos compères nous entraînent dans un nouvel imbroglio hallucinatoire dans les rues de Marseille. 
On rencontre entre ces pages des personnages historiques, des francs-maçons, des anarchistes et des fleurs, bien sûr. Mais qui est qui ? Vous retrouverez dans ce roman la même ambiance onirique que dans Délius, peut-être bien un peu plus dense encore. Peu à peu l’enquête devient course erratique dans laquelle la proie et le chasseur changent sans cesse de rôle. Vous vous égarerez, c’est certain, dans ce roman qui porte si bien son titre. L’Histoire se mêle aux souvenirs des personnages, le vrai dans le faux, le faux dans le vrai, jusqu’à ce que le lecteur, absorbé et ballotté de toutes parts, perde le sens et ne sache plus où il se trouve ni s’il va vers l’anéantissement ou le salut. 
J’ai oscillé entre les passages où mon attention était à son maximum et ceux où je lisais en étant ailleurs tant le récit m’égarait. Au final, une fois digéré, je crois que j’ai apprécié le symbolisme de ce roman, ou devrais-je dire de ce délire hallucinatoire aux multiples strates. Cependant, ce n’est pas une lecture aisée ni complaisante. Elle ne conviendra pas à tout le monde. Pour entrer dans cet univers, il faut accepter de se perdre — pour peut-être mieux se retrouver — et de ne pas tout comprendre. Pour tout dire, je ne sais pas trop quoi en penser.

vendredi 11 décembre 2020

Terreur à Smoke Hollow

Un roman de Katherine Arden, publié chez PKJ.


Ollie a onze ans. Elle est intelligente et sportive. Elle aime lire, même si elle déplore que les filles n'aient que des rôles très secondaires dans beaucoup des romans d'aventures qu'elle affectionne. Elle a aussi des préjugés idiots, mais c'est parce que c'est plus facile pour elle de s’imaginer que les autres ne valent pas la peine d’être connus. Ollie ne veut surtout pas s'attacher. Toutefois, derrière ce mauvais caractère et ces faux airs supérieurs, il y a une fille au grand cœur qui ne se remet pas d'une tragédie. 
En se rendant à son coin préféré à la fin des cours, elle croise une femme très perturbée qui s'apprête à jeter un livre dans la rivière. Celle-ci tient un discours incohérent, limite effrayant, mais Ollie n'a qu'une idée en tête : sauver le livre. Et elle y parvient. Elle s’enfuit avec ce petit livre noir, au titre sobre et mystérieux de Recoins. L’histoire qu’elle va y lire est des plus bizarres. Peut-être, d’ailleurs, est-elle plus qu’une simple histoire.
Je connaissais Katherine Arden pour sa belle trilogie de fantasy russe. J’apprécie son écriture poétique, ses personnages au caractère bien trempé et la façon dont elle puise dans les légendes pour donner corps à ses récits. De fait, Terreur à Smoke Hollow, bien que typé jeunesse, m’a tout de suite intriguée. 
Bien écrit, intelligent, profondément enraciné dans de vielles légendes tout en restant très moderne, Terreur à Smoke Hollow est aussi le genre de livres effrayants que j’aimais lire pendant les vacances quand j’avais l’âge des personnages. L’effroi et l’aventure sont parfaitement dosés et donnent un récit qu’on n’a jamais envie de lâcher.
Pourtant, l’intrigue de base est très classique. En outre, nous connaissons tous au moins une ou deux légendes sur la Chasse sauvage, sur les sacrifices liés aux récoltes ou sur les pactes. Dans ce roman, il y a un peu de tout cela en fond, mais traité de manière originale et personnelle. Cette intrigue m’a beaucoup plu et les jeunes personnages sont construits avec finesse, ils sortent du cadre dans lequel leurs camarades voudraient les maintenir.
Terreur à Smoke Hollow est le livre jeunesse parfait à lire durant Halloween. Le titre original est à la fois moins sensationnel et plus évocateur : Small Spaces, comme le petit livre noir que sauve Ollie. Je déplore qu’il ait perdu ce petit côté mystérieux à la traduction. Il résume bien l‘ambiance sombre de cette histoire.
Il existe un deuxième tome, Dead Voices, pas encore sorti en français, et un troisième est prévu pour 2021. Je retrouverai avec plaisir les personnages dans de nouvelles aventures.

lundi 7 décembre 2020

Premier Souffle, Les Énigmes de l'aube T1

 Un roman de Thomas C. Durand, publié chez ActuSF.

Présentation de l'éditeur :

« Bonjour, c'est ici pour apprendre la magie ? »

Anyelle a un don. Un sacré don même ! Elle peut renforcer la magie de ceux qu'elle touche. Mais pour maîtriser cette aptitude et apprendre, elle doit quitter la forêt qui l'a vue naître... La voilà en route, joyeuse, insouciante et un peu maladroite pour une école prestigieuse de magie... qui n'aime malheureusement pour elle, ni les filles ni les pauvres...

Avec ce premier roman d'une série hilarante, Thomas C. Durand, cofondateur de la chaîne YouTube La Tronche en biais, nous offre un récit de fantasy humoristique de haute volée et une héroïne très attachante.
Anyelle a neuf ans. Elle vit dans une maison-arbre au cœur d’une forêt avec son père Elliort et sa belle-mère Cynora. Elle a une vie tranquille, qui ressemble toutefois à un début assez classique pour un conte de fée. On s’attend presque à ce que ses parents l’abandonnent quelque part... Mais non, ce sont de bons parents.
Elliort est un antibûcheron. Dans ce monde où les gens possèdent des dons souvent étranges et pas toujours utiles, il a celui de faire repousser les arbres et c’est pour lui une lutte sans fin contre les bûcherons du roi qui déforestent sans états d’âme ni réflexion. Et c’est ce combat acharné qui va déclencher notre histoire.
La petite Anyelle possède elle aussi un don qui en s’éveillant va causer de nombreux problème. Son père n’a pas le choix, il doit la conduire à l’École des Magies Utiles et Laborieuses pour qu’elle apprenne à maîtriser son pouvoir. Problème : Anyelle est une fille. Et on ne lui avait jamais dit que cela pouvait être un problème, alors pensez bien qu’elle n’entend pas laisser de vieux mages décider de ce qu’elle a, ou n’a pas, le droit de faire.
En lisant Premier Souffle, on pense bien sûr au Disque-monde de Pratchett et surtout à La Huitième Fille — excellent roman, qui parle lui aussi de sexisme et que je vous conseille si vous ne l’avez déjà lu — mais aussi à Harry Potter — tout en contrepoint — ou à l’absurdité et l’humour de Xanth. Par bien des aspects, Premier Souffle rappelle un roman initiatique de fantasy tout ce qu’il y a de plus typique. L’auteur use et abuse des clichés, mais pour mieux les tourner en dérision et brosser au passage une satire sociale des plus acerbes. En établissant des parallèles, tantôt évidents, tantôt subtils, Thomas C. Durand critique avec autant d’ironie que d’à-propos les travers de notre monde, de la lutte de classes au sexisme, en passant par la sur-exploitation des ressources, l’éthique scientifique ou les injustices en tous genres. Il fait cela avec humour, cynisme et détachement, mais c’est le genre d‘humour qu’on aime ou pas. Si j’apprécie le sarcasme et l’ironie, je goûte moins l’absurde, et il ne faut pas non plus que ça devienne trop lourd. Ce livre ne dépasse pas mes limites, néanmoins je sais qu’il ne plaira pas à tout le monde.
En outre, j’ai trouvé le récit un peu mou. L’auteur a beaucoup plus travaillé son monde que son intrigue. Il a créé d’intéressantes analogies, écrit de superbes descriptions qui permettent au lecteur d’admirer ses paysages comme s’il se trouvait devant eux, mais la scolarité d’Anyelle et son apprentissage, qui sont censés être au centre du récit, apparaissent sans relief et répétitifs. C’est une spirale sans fin dans laquelle l’enfant rechigne, puis finit par se décider, et se voit toujours opposé le même argument. Je sais bien que c’est logique, mais cela n’en devient pas moins lassant à force. Anyelle est un personnage sympathique, toutefois on ne peut pas vraiment dire qu’elle est attachante. Elle peut devenir exaspérante quand elle joue les idiotes et cela n’aide pas. J’ai donc oscillé entre les passages qui éveillaient mon intérêt et ceux qui l’émoussaient. Cependant, ce roman reste une très bonne distraction et je lirai sans doute la suite car il pose des questions dont j’ai envie de connaître la réponse. 

mardi 10 novembre 2020

Stitches and Witches, The Vampire Knitting Club T2

Un roman de Nancy Warren, publié chez Ambleside Publishing et en audio chez Audible.

Mon avis sur le premier tome.


Lucy se fait petit à petit à sa nouvelle vie, entre sa boutique et ses vampires accros au tricot. Elle apprend la magie, mais cela lui semble aussi laborieux que le tricot. Au début de ce roman, elle fait la connaissance de Gerald Pettigrew, un vieil homme badin et charmeur, qui entre dans sa boutique avec une requête tout à fait singulière. Dans sa jeunesse, Gerald courtisait l’une des sœurs Watt, les voisines de Lucy, amies de toujours de sa grand-mère, et il souhaite renouer avec elle. Lucy va naturellement l’y encourager, séduite par l’idée de voir une ancienne flamme se raviver. Poussée par la curiosité, elle va vouloir constater par elle-même l’évolution de cette romance. Et c’est là que les ennuis commencent…
J’aime bien cette série de cozy mysteries. L’ambiance est agréable et apaisante, une parfaite lecture doudou au coin du feu. J’ai retrouvé les personnages avec plaisir, même si je trouve toujours qu’ils manquent un peu de consistance.
En ce qui concerne l’intrigue, ce tome m’a paru beaucoup mieux construit que le précédent. Il ressemble un peu à une partie de Cluedo ; l’un des protagonistes en fait d’ailleurs la remarque. Plusieurs personnages se trouvent dans une pièce, ils ne font pas vraiment attention les uns aux autres et… l’un d’entre eux meurt subitement. Qui l’a tué et pourquoi ? D’autant que tous ces gens, qui semblent n’entretenir aucun rapport avec la victime, cachent peut-être quelques secrets.
Lucy et les vampires mènent l’enquête et l’on recueille les indices avec eux, suivant chaque piste, apprenant à connaître chaque suspect. C’est sympathique, assez bien amené, mais pas non plus époustouflant. Il est plaisant d’apprendre l’histoire de chacun au fur et à mesure, cependant l’identité du coupable et ses motivations se dessinent aisément dans l’esprit du lecteur.
J’ai opté pour la version audio et, si au départ mes écoutes étaient sporadiques, elles se sont rallongées à mesure que je suis entrée dans l’histoire. Sarah Zimmerman est une bonne lectrice, expressive et au débit fluide. J’ai d’autant plus apprécié le roman que je l’ai trouvé très agréable à écouter. Je vais rester sur ce format pour la suite de la série. Ce fut un bon moment de détente.

vendredi 6 novembre 2020

Gris Présages, Meg Corbyn T3

Un roman d'Anne Bishop, publié chez Milady.

Lettres Écarlates, Meg Corbyn T1
Volée noire, Meg Corbyn T2


Présentation de l'éditeur :

Depuis que les Autres ont libéré les cassandra sangue de l’esclavage, les fragiles prophétesses du sang courent un grave danger. Simon Wolfgard, chef des terra indigene de l’Enclos de Lakeside, n’a d’autre choix que de faire appel à Meg Corbyn. En effet, les entailles de la jeune femme révèlent d’étranges visions qui sont pour Simon le seul espoir de mettre un terme au conflit. Son sacrifice est nécessaire, car l’ombre de la guerre s’étend de l’autre côté́ de l’Atlantik, et les conspirations d’un groupuscule extrémiste menacent de la propager à Thaisia...

J’ai retrouvé avec plaisir Meg et les autres habitants de l’Enclos de Lakeside. Je me suis même demandé pourquoi j’ai attendu si longtemps avant de lire ce tome, d’autant qu’une fois la première page tournée, j’ai eu beaucoup de mal à le lâcher.
Lire Anne Bishop est toujours agréable. Sa façon de raconter y est pour beaucoup, bien sûr, mais surtout elle sait gérer ses différentes intrigues de manière à garder l’attention du lecteur. Chaque tome possède son arc de base, en plus de petites circonvolutions secondaires, mais toutes servent le plan global de la pentalogie dont ce troisième volume est le pivot.
Si j’apprécie les séries — quand le nombre de volumes est raisonnable comme c’est le cas pour celle-ci — c’est avant tout pour avoir le plaisir de voir les personnages évoluer. En cela, je ne suis pas déçue, même si les relations entre eux stagnent un peu plus dans ce tome. Les efforts que font les Autres et les humains pour se comprendre, malgré la peur et la défiance, forment un intéressant contraste avec la situation globale du continent. La guerre couve toujours, comme des braises attisées par des humains avides de pouvoir. Des étincelles, lancées par-ci par-là, pourraient bien déclencher un incendie dévastateur. Malgré les progrès de ses habitants, l’Enclos est un bien faible rempart entre la haine des humains et la vindicte des Autres.
L’aspect politique du récit est intéressant, d’autant que l’autrice, sans ménager ses personnages, les a rendus réactifs et intelligents. Parfois ils doivent parer au plus pressé, mais en règle général ils ne se comportent pas comme des oisillons tombés du nid. Ils comprennent vite et ils agissent, ne laissant jamais le lecteur dans l’expectative pour des centaines de pages.
Ce tome est cependant un peu moins vif que les précédents. Il arrive que l’autrice insiste lourdement sur certains points, ce qu’elle ne faisait pas avant. Cela concerne surtout les intrigues secondaires et en premier lieu sa description de la relation entre Meg et Simon. Elle piétine un peu, car ils ont du mal à se comprendre malgré leurs efforts, et certaines scènes se font écho de manière un peu trop récurrente à mon goût. Il faut dire aussi que je me fiche un peu de leur petite histoire ; je n’ai pas vraiment envie qu’ils deviennent plus que des amis. Enfin, ces atermoiements ne sont pas trop dérangeants. La répétition qui m’a vraiment gênée concerne les Aînés. Chaque fois que l’autrice en parle, c’est pour dire peu ou prou la même chose qui tient en quelques mots. Cela sonne comme une petite phrase musicale censée augmenter la tension dans un vieux film d’épouvante… Au bout de deux ou trois fois c’est bon, je crois qu’on a compris, si tu n’as rien à ajouter sur le sujet, va de l’avant…
Les méchants de l’histoire sont aussi un peu caricaturaux. Ils auraient gagné a être un peu plus intelligents et nuancés. À mon sens, il y avait matière. Le lecteur est d’emblée du côté des Autres, c’est normal vu la façon dont ils nous sont présentés face à des humains qui font un peu n’importe quoi et s’oppressent les uns les autres. Pourtant, on pourrait aussi comprendre le point de vue inverse, si Anne Bishop avait pris la peine de ne pas simplement faire des membres du HAT des gens haineux, intéressés par le pouvoir et le profit. Les humains ont raison de craindre les Autres qui contrôlent ce monde et le développement des différents points de vue aurait pu donner une histoire bien plus profonde. L’opposition entre ces espèces est beaucoup trop manichéenne à mon goût. Néanmoins, je dois admettre que l’histoire reste prenante, même sous cette forme un rien simpliste.
Ce tome est donc axé sur la politique du continent et sur les relations entre les membres de l’Enclos et la meute humaine de Meg en contrepoint. On en apprend davantage sur Burke et Monty, ce qui est appréciable. Mais ce sont quelques passages, comme égarés entre les pages, qui ont vraiment capté mon attention. Ils portent sur la vie en dehors de l’Institution d’une autre Cassandra Sangue, une ancienne camarade de Meg. J’ai trouvé le personnage touchant. Il est plus facile de l’appréhender avec ce qu’on a appris sur les prophétesses dans le tome précédent. J’espère qu’elle aura un rôle plus prépondérant dans la suite. Meg aussi avance à sa façon dans la découverte de sa nature, autant pour elle-même qu pour aider ses semblables, et j’ai hâte de voir ce qu’elle en fera.
Malgré les redondances et la facilité de certains choix scénaristiques, ce fut une très bonne lecture. J’avais envie de lire la suite à peine le roman terminé. Cette fois je n’attendrai pas aussi longtemps pour le faire.

mercredi 4 novembre 2020

Sous la lumière d'Hélios

 Un roman de Dominique Lémuri, publié chez Armada éditions.

Présentation de l'éditeur :

2420. Eltanis, planète synchrone en orbite autour de Gliese 581, à vingt années-lumière de la Terre. Une colonie humaine de quelques milliers d’âmes s’y est établie et accueille un nouveau contingent de pionniers. Parmi eux, Clara MacQueen, une jeune télépathe au lourd secret, qui devra se battre pour survivre.

Quels mystères ce monde recèle-t-il sous son crépuscule permanent ? Quelles étranges formes de vie, dangereuses et envahissantes, croiseront la route de Clara ?
Et surtout, qu’est le Vood ?

Pour le découvrir, embarquez pour Eltanis !

Pour avoir voulu sauver sa mère des hommes venus racketter ses parents, Clara est devenue une cible mouvante. Sa seule façon de survivre est de quitter la Terre avec un premier contingent de colons. Plus que le fait de rendre service aux parents de la jeune fille, qui ont travaillé pour la mission spatiale, ce sont les nanoéléments de Clara qui en font une recrue de choix et lui assurent une place à bord. Elle embarque donc, sans savoir si cela sauvera ses parents, pour se réveiller trois siècles plus tard dans un système solaire étranger et découvrir que d’autres colons, partis plus tard, ont profité d’avancées technologiques qui leur ont permis d’arriver plus vite et de fonder une société dans laquelle il va falloir se fondre.
J’ai l’impression de n’avoir plus lu de planet opera depuis très longtemps et renouer avec le genre par le biais de ce roman, autant récit d’aventures que de science fiction, fut un plaisir. Sous la lumière d’Hélios conte à la fois l’histoire d’une femme qui se construit malgré les traumatismes et celle d’une humanité déracinée qui cherche sa place sur une nouvelle planète. Plus qu’un récit de colonisation, c’est un roman d‘apprentissage.
Le départ de Clara a été brutal, entre la violence de l’attaque qu’elle a subie et de sa propre riposte, puis le déchirement de la séparation d’avec ses parents, elle est encore à vif. Elle n’a pas choisi de partir et se retrouve sur une autre planète, élément d’un équipage dont tous les membres se connaissent déjà pour avoir été entraînés ensemble. En outre on attend de Clara qu’elle use d’un pouvoir qu’elle considère avec méfiance. A-t-elle encore la possibilité de faire ses propres choix et de construire son avenir ?
Ce roman est très prenant. Composé de quatre parties que l’on peut comparer à différents épisodes, il est très visuel et pourrait se décliner en série télévisée tant ses multiples arcs s’y prêtent. Il ne laisse pas au lecteur le temps de s’ennuyer. Les aventures de Clara ne manquent pas de rebondissements. Avec elle, on apprend à connaître Eltanis et les différents peuples qui l’habitent, la jeune femme se trouvant vite, de par sa nature et les circonstances, à la croisée entre ces peuples. Elle a des liens avec tous, mais pourtant n’appartient pleinement à aucun d’entre eux. J’ai aimé la voir évoluer et se battre pour son indépendance sans pour autant oublier ceux qui lui sont chers.
L’autrice a beaucoup travaillé ses personnages, refusant de les laisser tomber dans les clichés. Ils sont intelligents, intéressants, et malgré leurs opinions divergentes et les différences culturelles qui ont été creusées par le temps ou la façon de vivre, ils savent qu’ils doivent coopérer pour survivre. C’est cela, aux antipodes de ce qui se fait en général (parce que les oppositions sont censées apporter une dynamique plus virulente), qui m’a le plus séduite dans cette histoire. L’autrice gère son scénario de manière originale. C’est de la SF positive qui donne de l’espoir. Pour autant, les problèmes ne disparaissent pas d’un claquement de doigts, mais les gens peuvent apprendre à s’entraider même s’ils veulent vivre de manière différente. Cette notion est vitale de nos jours.
J’ai aussi été très intéressée par la façon dont chaque peuple appréhende son futur sur cette planète. Les sociétés qu’ils ont formées sont toutes intéressantes à décortiquer. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaise vision, juste différentes façons de s’adapter et de comprendre son environnement. Ce qui nous rassemble est précieux, mais ce qui nous différencie mérite d’être partagé.
Le roman est enrichi d’un portfolio. Le lecteur peut ainsi admirer les portraits des personnages, quelques vues d’Eltanis et découvrir les engins spatiaux dans lesquels se déplacent les personnages. Cela permet de s’immerger encore davantage dans l’histoire.
Sous la lumière d’Hélios est un bon roman, plein de suspense et d’action, avec lequel j’ai passé un excellent moment.

Catégorie hors système solaire

lundi 2 novembre 2020

Scrops !

 Un roman de Maëlig Duval, publié chez Gephyre éditions.

Présentation de l'éditeur :

Aux tréfonds de la galaxie, sur l’artificielle Physis, quelques milliers d’humains vivent selon les sages préceptes du Grand Puckman, fondateur de leur colonie. Depuis des générations, ils se félicitent de l’harmonie ainsi créée avec leur planète-fille.
Mais quand disparaît Madeline, qui savourait jusque-là une retraite tranquille auprès de son second mari, un complotiste répète à qui veut l’entendre qu’elle a été mangée par les scrops.
Les scrops ? Ces adorables boules de poils, meilleurs amis des enfants, au bec tout doux et aux petits cris attendrissants ?
Non, impossible. Physis, planète si adorable, avec son herbe bleue et ses poulets de compagnie, ne peut les avoir créés pour faire du mal, n’est-ce pas ?

Tout commence avec un homme aussi riche que déterminé, rêvant de domestiquer une planète, et des gens assez fous pour le suivre à travers l’espace vers une destination que seuls leurs descendants atteindront. Physis, la planète-fille, est modelée avec patience et espoir pour devenir leur nouvel habitat. Cependant s’est-on demandé si elle était d’accord pour les recevoir ?
Scrops ! est un roman de science fiction et un conte philosophique dans lequel une douce dinguerie enrobe des concepts plus profonds. On y suit d’abord cette petite portion d’humanité dans sa quête interstellaire, puis on se rappelle que ce ne sont toujours que des humains en les voyant évoluer à titre individuel. 
La science laisse place au quotidien et l’utopie de Puckman devient banale tandis que les gens vivent leur petit train-train. C’est l’après qui compte, ce que deviennent les héros dans leur vie de tous les jours.
Tout d’abord il y a Madeline, la première mère, celle dont la pugnacité a permis aux humains de s’établir sur Physis. Mais que serait Madeline sans sa fille ? Il n’est de première mère sans premier enfant et comment ne pas compatir avec la pauvre Geneviève sur laquelle ont pesé tant d’espoirs toute sa vie durant ? Leur relation compliquée est au centre du récit, bien plus que les scrops ou la vie sur une autre planète car malgré l’environnement étrange dans lequel elles évoluent, elles restent humaines et donc proches de nous. Pour moi, cette histoire est aussi celle de la parentalité, Madeline et Geneviève, mais également Physis et ses créateurs, des filles qui veulent s’affranchir du joug de leur mère et devenir maîtresses de leur avenir. Le parallèle entre les deux est évident.
Et puis il y a l’entourage de ces femmes, mari aimant, voisine fouineuse, original désœuvré et amant transi… Leurs réactions ne sont pas toujours évidentes, mais tous sont des personnages intéressants justement grâce à leur logique particulière, à la fois étrangère et voisine de notre logique terrienne. C’est comme un léger décalage, amusant parfois, portant à réflexion souvent car par contraste il est plus saisissant. J’ai aimé Sab en particulier, dont les défauts autant que les qualités font tout l’intérêt. Ce personnage, qui tourne autour du récit tel un satellite, avec sa vision à la fois plus acérée sur certains points et réduite sur tout le reste, apporte beaucoup à l’histoire.
Scrops ! est un roman court au style vif et plaisant. Il manie l’humour avec désinvolture, tout en gardant une pointe de suspense. Il nous parle d’altérite et d’adaptation. Jusqu’à quel point est-il acceptable de transformer le monde ? Et pourquoi certains en auraient la possibilité quand on la refuse à d’autres ? Qui définit le modèle sur lequel s’établit la norme ? D’ailleurs que devient la norme sur un autre monde ? Sous des dehors sympathiques et farfelus, ce roman pose de nombreuses questions qui alimentent la réflexion longtemps après avoir tourné la dernière page.

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mercredi 14 octobre 2020

Le Cercle du Dragon-Thé

Une BD de Katie O'Neill, publiée chez Bliss Comics.

Présentation de l'éditeur :
Greta, apprentie forgeronne, découvre une petite créature perdue sur la place du marché. En ramenant le dragon-thé chez lui, elle va rencontrer les deux propriétaires du salon de thé : Hesekiel et Erik. Ces derniers vont alors l'initier k l'art délicat du soin des dragons-thé. Tandis qu'elle se lit d'amitié avec eux et avec la timide Minette, Greta va découvrir l'étendue de cet art et comment les dragons-thé enrichissent leurs vies. Un conte de fées envoûtant autour de Greta et de sa découverte du monde enchanteur des dragons-thé.
Greta est une jeune fille enjouée et sympathique qui vit dans un monde magique peuplé de magnifiques créatures. Elle-même a du sang de gobelin. Elle apprend la ferronnerie avec sa mère qui est une forgeronne d’exception. Greta aussi est douée, elle a même noué un pacte avec Brick, une petite créature du feu qui la suit partout.
Un jour, Greta découvre un petit dragon aux prises avec des canidés affamés. N’écoutant que son bon cœur, elle va mettre tout le monde d’accord à la manière douce. En venant au secours de cette petite créature si délicate, elle va découvrir le monde fabuleux des dragons-thé.
Cette BD est d’une beauté, d’une harmonie et d’une douceur incroyables. C’est de la choupitude en paillettes et non ce n’est pas niais du tout, promis. 
Les dessins sont magnifiques et chaleureux, les couleurs douces et vives à la fois. C’est de toute beauté et le texte est à la mesure des illustrations. Greta est un personnage très attachant et les gens qu’elle rencontre le sont tout autant. Ce fut un plaisir de découvrir avec elle l’univers des dragons-thé et les histoires des personnes qui en prennent soin.
Cette histoire met en avant l’amitié, le partage du savoir et la préservation de celui-ci, la générosité et l’amour du thé. Elle est aussi positive qu’inclusive et j’ai été ravie de découvrir la diversité des personnages qu’elle met en scène. En outre, les dragons-thé sont d’adorables créatures. L’autrice leur a donné une apparence en adéquation avec le thé qu’ils personnifient et c’est juste parfait.
La BD est découpée en cinq chapitres courts, soit quatre saisons et l’épilogue. En assez peu de pages, elle offre néanmoins une histoire consistante et subtile. À la fin vous trouverez un guide des dragons-thé qui donne des précisions aussi bien sur les différentes espèces que sur la façon de s’en occuper. Ça donne envie d’en avoir un...
Le seul défaut de cette BD est qu’elle m’a parue trop courte. Je n’avais pas envie de quitter ces merveilleux personnages. Par chance, c’est le premier volume d’une série et le deuxième est beaucoup plus long. Je vais me jeter dessus. 
Même les adultes, pour peu qu’ils soient amateurs de thé et aiment les belles choses, adoreront cette lecture. Je vous invite à découvrir ce très bel ouvrage et à le partager avec vos enfants ou ceux de votre entourage. 


Défi Cortex catégorie Océanie

lundi 12 octobre 2020

La Femme intérieure

 Un roman de Helen Phillips, publié aux éditions Cherche midi.


Il est fort dommage que le résumé de l’éditeur dévoile un point clé de l’intrigue alors que la découverte intervient tard dans le roman. Savoir à quoi on doit s’attendre amoindrit l’angoisse et l’incompréhension qui font la force de cette histoire. Cependant, comment parler de l’ambiguïté de ce récit sans dévoiler ce pivot ? Je vais faire de mon mieux pour ne pas trop en dire tout en vous expliquant pourquoi ce roman est si particulier.
Molly est paléobotaniste et elle travaille sur un site étrange, une ancienne station service où les fossiles floraux abondent. Les plantes que ses collègues et elles trouvent dans la fosse sont des spécimens inconnus. Mais il n’y a pas que des plantes dans la fosse… Molly y découvre des objets qui semblent anodins. Pourtant, si on leur porte un minimum d’attention, on se rend compte que quelque chose cloche.
Et dans la vie de Molly aussi, quelque chose cloche. Depuis la naissance de ses enfants, elle perd parfois le fil. Elle entend ou voit des choses qui ne sont pas là et a besoin de se raccrocher à quelque chose de concret, ou quelqu’un comme son mari. Celui-ci la rassure, lui dit que c’est le manque de sommeil, la fatigue liée aux sollicitations permanentes de deux jeunes enfants. Et il a peut-être raison.
Mon avis sur ce roman est aussi ambigu que l’histoire qu’il raconte, au demeurant fort bien. J’ai adoré la première moitié et j’ai enchaîné les pages avec fascination. Même en sachant ce qui allait arriver parce que j’avais lu la quatrième de couverture, j’étais prise dans l’histoire. Les chapitres courts renforcent l’impression d’urgence et de malaise qui imprègne le récit. Les intrigues psychologiques marchent bien avec moi. En outre, ce roman est très bien écrit. Puis est arrivée la deuxième moitié et j’ai peiné à achever cette lecture. Je n’en voyais plus la fin. Certes l’ambiance est pesante, mais c’est surtout l’aspect répétitif des événements, l’impression de ne pas savoir où j’allais et de finir embourbée dans une histoire qui se délitait qui m’ont plombée.
La narration à deux vitesses, décalée comme en écho, de la première moitié ne m’a pas égarée, au contraire, j’ai trouvé qu’elle ajoutait à l’ambiguïté du personnage et donnait de l’élan à l’histoire. En revanche, bien qu’elle soit parfois fragmentée, la deuxième moitié devient plus linéaire, plus lourde, mais aussi encore plus sombre. À mesure que le malaise s’enlisait, mon intérêt est retombé comme un soufflé. J’ai eu trop de mal à comprendre les agissements et les choix de Molly. L’autrice m’a perdue à un croisement et j’en suis la première désolée car ce roman possède un très grand potentiel.
C’est peut-être à cause de la façon dont Helen Phillips a exploité son idée que cela n’a pas pris avec moi. J’ai bien compris qu’elle souhaitait faire de sa réflexion sur la maternité le point focal de l’histoire, mais à mon sens elle a ignoré quelque chose d’important. La faille n’est au final qu’un prétexte à l’uchronie personnelle (alors pourquoi lui avoir donné tant d’importance ?) et ladite uchronie s’égare. Elle perd de sa subtilité pour gagner en narcissisme et on perd de vue son message. Je n’ai plus vraiment su où l’autrice voulait nous emmener, ce qui a nuit à sa véritable cible : décrire l’ambivalence de la maternité. Cela aurait pu ne pas me déranger, je n’ai pas besoin de tout savoir ni de tout comprendre, mais ça l’a fait.
La fin m’a déçue. Je pense avoir saisi l’essence de ce roman, mais pas sa conclusion. Dans la deuxième moitié, le propos n’a cessé de se diluer jusqu’à ce que tout cela perde son sens à mes yeux et aucune loupiote ne s’est allumée dans les dernières pages pour m’éclairer.
Pourtant, ce roman reste une réflexion fascinante sur la maternité, sur ses joies et ses désespoirs, sur l’animalité qui se cache sous le vernis de la civilisation, sur l’écrasante responsabilité qui s’abat sur vous quand vous devenez parent. C’est une lecture très déstabilisante, qui vous donnera sans doute des bouffées d’angoisses. Moi qui ne suis pas mère, je l’ai pourtant ressentie assez violemment et pour être honnête je ne sais pas comment j’aurais réussi à l’encaisser si j’avais des enfants. Si un roman peut vous enlever l’envie d’enfanter, c‘est bien celui-ci… Cependant, il a aussi des choses à nous apprendre sur notre nature profonde.

Découvrez aussi l'avis de Lune sur ce roman.


Défi Cortex catégorie uchronie

vendredi 9 octobre 2020

Signal d'alerte

 Un recueil de nouvelles de Neil Gaiman, publié chez Au Diable Vauvert.

Présentation de l'éditeur :

« Il est des choses qui nous perturbent, des mots ou des idées qui surgissent sous nos pas comme des trappes, nous précipitant de notre monde de sécurité et de bon sens en un lieu beaucoup plus sombre et moins accueillant. » C'est là le chemin que Neil Gaiman nous propose d'arpenter à travers ces vingt-quatre nouvelles, contes et poèmes, en s'affranchissant des genres pour ne garder que la substantifique moelle d'un imaginaire tour à tour sombre ou flamboyant. 

Sommaire :

- Introduction
- Monter un siège
- Un labyrinthe lunaire
- Le Problème avec Cassandra
- Au fond de la mer sans soleil
- « La vérité est une caverne dans les Montagnes noires... »
- Ma dernière logeuse
- Un récit d'aventure
- Orange
- Un calendrier de contes
- L'Affaire de la mort et du miel
- L'Homme qui a oublié Ray Bradbury
- Jérusalem
- Clic-Clac, le sac qui claque
- Une invocation d'incuriosité
- « Et pleurer, à l'instar d'Alexandre »
- Nulle heure pile
- Perles et diamants : un conte de fées
- Le Retour du mince duc blanc
- Terminaisons féminines
- Un respect des convenances
- La Dormeuse et le rouet
- Ouvrage de sorcière
- En Relig Odhráin
- Le Dogue noir

Neil Gaiman a la place d’honneur dans le panthéon de mes auteurs préférés — enfin, en guise de temple, j’ai plutôt érigé une grande bibliothèque confortable dans laquelle des gens qui ne savent pas trop ce qu’ils font là parlent de littérature en mangeant des gâteaux et buvant du thé. Enfin bref.
Un roman de Gaiman est toujours pour moi un grand événement, mais un recueil de nouvelles… Je n’ai pas de mot pour décrire la sensation de joie et d’anticipation que je ressens avant de tourner la première page d’un de ses recueils. J’aime les nouvelles et j’adore les siennes. J’aime le fait qu’il leur écrive toujours des introductions pleines de petites anecdotes intéressantes sur la naissance ou la construction de ces textes. J’aime lire des nouvelles inédites et redécouvrir celles qui ont déjà croisé mon chemin.
Lire Neil Gaiman est l’une des joies de mon existence. Non, je n’exagère pas.
À l’instar de ses autres recueils, Signal d’alerte est un petit chef-d’œuvre. Les textes pourraient sembler d’une étonnante diversité pour qui ne connaît pas cet auteur touche-à-tout. Cela va du fantastique le plus subtil à la science fiction, en passant par l’horreur, la poésie, la fantasy et l’humour décalé. C’est aussi pour l’immensité de son imaginaire que l’on aime Gaiman. Avec lui, on ne sait jamais à quoi s’attendre.
Ce recueil est composé de textes inventifs et foisonnants qui s‘enroulent autour de votre esprit, vous font réfléchir et vous inspirent. Certains sont déjà bien connus. Je pense en particulier à La Dormeuse et le rouet, dont il existe une magnifique édition illustrée en anglais comme en français. J’en profite pour attirer votre attention sur le fait que le titre original parle d’un fuseau, de même que le conte, et qu’un rouet n’a rien à faire là, mais bon, passons. Il s’agit d’un très beau texte, très féministe. Gaiman aime jouer sur les apparences et la matière des contes, ce qu’il fait toujours fort bien. Un respect des convenances, texte qui fait écho à la Dormeuse, m’a d’ailleurs beaucoup plu.
Vous connaissez sans doute aussi Le Dogue noir, une novella qui se situe dans l’univers de American Gods et dont les éditions Au Diable Vauvert nous ont offert une très belle édition reliée. J’ai une affection particulière pour ce texte, son ambiance mélancolique, sa valeur initiatique et la présence d’Ombre bien sûr, un personnage auquel je suis très attachée. J’aime quand Gaiman nous emmène dans des petits villages qui semblent tranquilles mais qui se révèlent riches de secrets.
Je vous ai aussi beaucoup parlé sur ce blog de « La vérité est une caverne dans les Montagnes noires... », notamment pour son adaptation en feuilleton radiophonique, et c’est toujours pour moi un plaisir de relire cette magnifique histoire d’amour et de vengeance que je connais presque par cœur depuis le temps. Je ne m’en lasserai jamais.
Pour Gaiman, une histoire peut se cacher derrière de tous petits riens et il nous invite à les débusquer avec lui. Par exemple, vous êtes-vous déjà demandé où sont donc passées ces voitures volantes qu’on nous a tant promis ? Vous aurez la réponse en lisant « Et pleurer, à l'instar d'Alexandre », un texte aussi amusant que bien pensé.
Dans ce recueil vous pourrez aussi trembler devant Clic-Clac, le sac qui claque, une nouvelle qui semble avoir traumatisé pas mal de lecteurs anglophones. Quant à moi, j’apprécie beaucoup ce genre de récits à l’ambiance sombre dans lesquels l’effroi se distille petit à petit. Je me suis sentie plus mal à l’aise face à Terminaisons féminines, beaucoup plus effrayant à mon sens par son sujet autant que son réalisme.
Cependant, comme je vous le disais, on trouve de tout dans ce recueil, même de la poésie. Ouvrage de sorcière, un texte empreint de magie et de mélancolie, est selon moi un des plus beaux poèmes de Gaiman et une des merveilles de ce recueil. Puis j’ai aussi apprécié des récits humoristiques comme Orange, dont la forme un peu particulière renforce l’incongruité, ou encore le déconcertant Un récit d'aventure, à la fois si drôle et si… frustrant ? J’ai aussi aimé des nouvelles plus sombres comme Un labyrinthe lunaire, qui recèle un symbolisme fort. C’est toujours un plaisir de découvrir des endroits insolites avec Gaiman. Et bien sûr, en bonne amatrice de fantastique, l’ambigüité de certains récits comme Le Problème avec Cassandra n’a pu que me séduire. C’est la subtile part de banalité qui fait la grande qualité du fantastique de Gaiman.
L'Homme qui a oublié Ray Bradbury, qui est en soi un magnifique hommage, mérite aussi qu’on s’y attarde, pour sa portée philosophique et la finesse de son style. Je connaissais ce texte pour avoir entendu Gaiman le lire et je le trouve toujours aussi merveilleux dans sa traduction.
Les amateurs de Sherlock Holmes apprécieront sans doute L'Affaire de la mort et du miel, nouvelle dans laquelle on retrouve le célèbre détective. Étant férue d’apiculture, j’avais une autre bonne raison d’aimer ce texte.
Enfin je terminerai en évoque le Calendrier de contes, un défi que l’auteur s’est lancé, avec l’aide des internautes, et qui m’a beaucoup inspirée à titre personnel. Certains de ces textes sont des pépites.
Signal d’alerte est un très beau recueil, bien représentatif de l’imaginaire de son auteur et de la variété de son œuvre. Il est en outre très stimulant, comme du concentré de créativité en flacon. Vous y trouverez de quoi rêver et nourrir votre esprit.


Défi Cortex catégorie Europe septentrionale

mercredi 7 octobre 2020

Les Naissances fantômes, L'enfant du cimetière T3

 Un roman jeunesse de Pierre Brulhet, publié chez Séma.

Les Naissances fantômes est la suite directe de Catacombes Ville. Nous retrouvons donc Yoann et Ora pile où nous les avons laissés. Alors qu’ils se croient une fois de plus sortis d’affaire, un spectre vient les prévenir d’une bataille prochaine contre Owen Black et ses sbires. Toutefois, il ne s’agit pas de n’importe quel spectre…
Ce roman ouvre le temps des adieux et des réponses. On sent que Yoann aspire à une vie de famille tranquille, avoir un deuxième enfant, supporter Mme Boyle sans trop faire attention à ses piques… Sa complicité avec sa fille n’a jamais été aussi forte. On retrouve autour de lui tous les personnages que l’on connaît déjà, dont l’antipathique belle-mère qui est toujours aussi acariâtre et dirigiste. Si ses amis fantômes participent aussi à l’histoire, ils sont davantage en retrait.
Dans cet ultime tome, Yoann recueille les dernières pièces du puzzle de son identité, cela contribue à boucler la boucle et à le faire se sentir en paix avec lui-même. Il est temps de revenir à la source, à tous points de vue. Durant son dernier combat Yoann doit interagir autant avec les fantômes que les vivants pour mettre ses ennemis hors d’état de nuire une bonne fois pour toute. Cela marque la fin de son aventure avec les esprits alors qu’il est enfin ancré dans le monde des vivants et prêt à aller de l’avant. C’est un joli symbole.
Ce dernier volume est plus glauque que les précédents et il fera frissonner vos chérubins. Cependant, il est aussi porteur d’espoir en l’avenir et axé sur la famille. Il offre une bonne conclusion à cette trilogie.

lundi 5 octobre 2020

Au-delà des lumières, Ana l'étoilée 4

Un roman d'Ophélie Bruneau publié aux éditions du Chat Noir.

Présentation de l'éditeur :

Accepter de travailler pour des vampires, c'est fait. Me fâcher avec Jayesh juste avant de traverser la Manche, c'est fait. Sentir le contrat foireux à plein nez, ça commence. Plus la lumière est vive, plus profondes sont les ombres. C'est dire la noirceur des ténèbres de Paris, quand rien ne va comme prévu et qu'il me faut ramper sous terre à la recherche d'un miracle. Mais le piège ne s'est pas refermé sur n'importe qui. Je suis Ana, née avec une étoile dans la peau, et j'en ai plus qu'assez d'avoir peur. Il est temps d'en finir.

Cette chronique ne contient pas de spoilers, ni sur ce tome ni sur les précédents.

Comme ses prédécesseurs, ce roman est court et plein d’énergie. Ophélie Bruneau nous offre une fantasy urbaine contemporaine dans laquelle il est facile de s’immerger. Les aventures d’Ana sont toujours très visuelles. On pourrait aisément en faire des films ou une série télévisée. Ce tome ne déroge pas à la règle, entre courses poursuites et lutte acharnée pour survivre. Ana ne sait plus où donner de la tête ni qui est son véritable ennemi (ou en tout cas le plus dangereux).
J’aime toujours autant les changements de décor dont nous gratifie l’autrice. Cela change de ce qui se fait d’habitude dans la fantasy urbaine. Un petit tour d’Europe ne fait pas de mal et cette escale parisienne nous fait faire un petit détour par les catacombes que j’ai apprécié.
Ophélie Bruneau a beaucoup travaillé son personnage. Il est plaisant de constater que l’expérience acquise par Ana dans ses aventures antérieures n’est pas perdue et qu’il y a une réelle continuité dans les événements. La tête brûlée qu’était Ana dans le premier tome a beaucoup mûri, cependant, elle reste encore assez naïve parfois. Sans doute perturbée par ses problèmes personnels, elle ne voit pas toujours les signes qui clignotent autour d’elle ou peine à les interpréter. C’est un peu agaçant, mais on la connaît si bien depuis le temps qu’on le lui pardonne vite. Comment ne pas s’impliquer dans ses péripéties quand on a parcouru tant de chemin, et qu’on en a vu des vertes et des pas mûres au passage, en compagnie de ce personnage si attachant ? Malgré les épreuves, elle reste fidèle à elle-même et c’est aussi pour cela qu’on l’aime.
Je vous le dis à chaque fois que je parle de cette série : j’ai une grande affection pour ce personnage. Toute sorcière qu’elle est, on peut s’identifier à elle. Ses préoccupations sont celles de toutes les jeunes femmes, avec des fantômes en bonus. Elle est une figure atypique dans le genre. Son job n’est pas de sauver le monde, mais d’aider les âmes des défunts qui s’accrochent et peuvent devenir dangereuses à trouver le repos. Elle ne court pas après le danger, cependant elle ne fuit pas non plus en ne pensant qu’à elle s’il se présente. Elle n’est ni une potiche ni une damoiselle en détresse qui attend qu’on vienne la sauver. Malgré ses pouvoirs elle reste humaine, faillible, mesurée. Elle fait de son mieux et ne résout pas les problèmes en claquant des doigts. Loin d’être parfaite, elle n’en est qu’un modèle plus positif. Pour tout cela, elle est devenue une de mes sorcières littéraires préférées.
La représentation de la femme dans la fantasy a beaucoup progressé ces dernières années et Ana en est un bon exemple. Elle apporte vraiment quelque chose de singulier au paysage de la SFFF et aux romans de sorcières.
Je suis certaine que si j’ai tant tardé à lire ce roman, que j’avais pourtant précommandé pour l’avoir dès sa sortie, c’est que je n’avais pas envie que ce soit le dernier. J’aime cette série et je voudrais plus de sorcières comme Ana. Des sorcières modernes, dont la vie oscille entre normalité et bizarreries inhérentes à leurs dons.
J’ai quitté Ana à regret et ce n’est pas une mauvaise chose. J’apprécie en général que les séries aient un début et une fin sans que l’auteur nous emmène jusqu’à l’écœurement. Pourtant je crois qu’il y aurait eu encore bien des choses à raconter dans celle-ci. Avec toutes ces questions en suspens, le personnage continuera à vivre dans mon imagination.

mardi 29 septembre 2020

The Vampire Knitting Club T1

Un roman de Nancy Warren, chez Ambleside Publishing en version papier.
En numérique seulement en format kindle, avec un prix très avantageux pour le bundle des trois premiers tomes.
En audio chez Audible.

Lucy Swift a 27 ans et se trouve à un tournant de son existence. Elle a quitté son petit-ami volage, elle a perdu son travail et après un été passé sur un chantier de fouilles avec ses parents qui sont archéologues elle décide de trouver refuge chez sa grand-mère qui vit à Oxford où elle tient une boutique de laine. Lucy espère y faire le point tout en se laissant dorloter par mamie. Bien sûr cela ne va pas se passer comme elle l’entend et suite à un événement aussi inattendu que tragique, elle va devoir gérer la boutique de sa grand-mère. Or, si Lucy l’a souvent aidée dans sa jeunesse, elle ne sait pas du tout tricoter… Qui plus est, la situation lui semble étrange. Plein de petites choses ne collent pas.
The Vampire Knitting Club est un roman agréable. Je n’en attendais pas grand-chose. Je suis partie dans l’idée que ce serait distrayant et ce fut le cas. J’aime les histoires de sorcières, le tricot et les cozy mysteries, moins les vampires, mais ceux-là sont sympathiques. J’ai passé un bon moment avec cette histoire, cependant elle a quand même quelques défauts.
L’intrigue n’est pas très complexe. Elle est assez linéaire et on a envie de secouer Lucy quand elle oublie de poser des questions évidentes. Toutefois, il faut reconnaître que la pauvre a beaucoup de révélations à assimiler. On comprend très vite ce qui se passe et les révélations arrivent peut-être un peu lentement, mais ce n’est pas bien grave car on lit ce genre de romans pour l’ambiance plus que le suspense. On s’attache à Lucy et aux autres, puis on se laisse porter.
J’ai davantage été gênée par la magie, trop tape-à-l’œil à mon goût, que par le manque de relief de certains personnages. J’aime que les systèmes magiques mis en place par les auteurs aient une certaine logique et là c’est plutôt brouillon. Je verrai bien comment ça évolue.
Il n’y a pas de romance dans ce tome, mais on sent venir l’inévitable triangle amoureux… J’espère que je me trompe car les atermoiements ont tendance à me taper sur les nerfs.
Pour finir, je me dois d’ajouter que ce roman n’est pas traduit en français et je doute que ça arrive. Je pense connaître toutes les personnes francophones qu’un récit avec du tricot, des vampires et des sorcières pourrait intéresser… Il est assez accessible cependant.
Je lirai la suite, ce sera parfait pour me détendre entre deux pavés.

mercredi 23 septembre 2020

La femme au manteau violet

 Un roman de Clarisse Sabard, en papier et numérique chez Charleston, en audio chez Audible.

Présentation de l'éditeur :

2018. La vie de Jo vole en éclats suite à ce qui ne semblait être qu'un banal accident sans gravité ; pourtant, un scanner révèle qu'un anévrisme risque de se rompre à tout moment. Le neurologue lui laisse le choix : elle peut être opérée, mais les risques sont importants. Persuadée qu'elle va mourir, Jo se réfugie chez Victor, son grand-père.

Ce dernier va lui montrer un pendentif qu'il a reçu d'Angleterre quelques années plus tôt, avec pour seule explication ce mot griffonné sur une feuille : "De la part de Charlotte, qui n'a jamais oublié Gabriel. Ce souvenir vous revient de droit".

Victor lui révèle que Gabriel était son frère aîné, décédé lorsqu'il était enfant. Jo décide de se rendre à Ilfracombe, dans le Devonshire, afin d'aider son grand-père à résoudre ce mystère, et surtout, de réfléchir à la décision qu'elle doit prendre...

1929. Charlotte et son mari, Émile, quittent leur vignoble d'Épernay pour un voyage d'affaires à New York. Sur place, la jeune femme s'éprend de Ryan, un mystérieux homme d'affaires. Lorsqu'il se rend compte de cette trahison, Émile entre dans une rage folle, la frappe et la laisse pour morte. À son réveil, Charlotte se rend compte que son mari est parti ; pire, il lui a pris tous ses papiers. Elle est effondrée : son fils de dix-huit mois, Gabriel, est resté en France, et sans papiers, elle ne peut pas le rejoindre... 

J’écoute les livres de Clarisse Sabard quand j’ai envie qu’on me raconte une histoire sympa et positive, sans prise de tête. Cela me permet de faire d’autres choses en même temps, comme tricoter (je ne suis pas vieille !). Bref. Ses romans sont toujours basés sur une formule identique : une jeune femme un peu paumée se plonge dans le passé, qu’il s’agisse de son histoire familiale ou celle de quelqu’un d’autre, et trouve en se confrontant à ces révélations la force de reprendre sa vie en main. L’autrice alterne les chapitres à l’époque contemporaine, avec une ambiance feel good et romantique, et ceux qui en général se passent durant la première moitié du XXe siècle, avec leurs drames, coups du sort et personnages qui ne se laissent jamais abattre. Un peu cliché, je vous l’accorde, mais quand c’est bien fait, ça marche.
Sauf que là ça n’a pas marché. Pas du tout.
Entendons-nous bien, j’attendais juste quelque chose de distrayant et j’étais tout à fait prête à passer sur les bons sentiments un peu trop sucrés et les clichés à deux balles dans la mesure du raisonnable. Or, on a de loin dépassé le raisonnable avec des phrases toutes faites toutes les deux pages et des personnages insupportables. 
Ici nous avons Jo, la trentaine, qui découvre qu’elle peut mourir d’un jour à l’autre d’un anévrisme. Elle doit décider si elle veut se faire opérer ou non. Alors son grand-père ne trouve pas mieux que de l’envoyer en Angleterre déterrer un secret de famille, soit l’histoire de Charlotte, brutalement séparée de son bébé dans les années 30 par un mari violent et jaloux.
D’ordinaire, je préfère la partie contemporaine de ces romans, qui a un petit côté amusant alors que celle concernant le passé reste assez plate. Elle me fait souvent l’effet d’un compte-rendu manquant de profondeur et de sentiment. Cette fois ça a été l’inverse. J’ai apprécié Charlotte, même si au bout d’un moment tant de coups du sort tuent la vraisemblance. Enfin, allez, admettons. En revanche, pour ce qui est de Jo, de sa puérilité sans limite et de sa meilleure amie exaspérante, je crois n’avoir jamais rien lu (enfin écouté dans ce cas) d’aussi pénible. Rien dans cette histoire n’est crédible, même en faisant de très gros efforts (et c’est une personne qui a lu toute sa vie des romans dont la seule explication tient sur le « ta gueule c’est magique » bien pratique de la fantasy qui vous dit ça…)
Le récit est cousu de fil blanc et lardé de leçons de vie creuses. Cela donne des phrases comme : si cette épreuve te tombe dessus, c’est que tu as en toi la force de l’encaisser. Vous savez comment on appelle ce genre de réflexion ? Du positivisme toxique.
Ce roman m’a tapé sur les nerfs d’un bout à l’autre. S’il n’avait été en audiolivre, je n’aurais même pas pris la peine de le terminer.
La lectrice ne m’a pas aidée à apprécier davantage cette histoire. Angélique Heller a une jolie voix (selon mes critères très subjectifs), cependant son interprétation manquait de naturel et cela n’a fait que renforcer l’impression de superficialité que m’ont donné les personnages.