Je vais cette fois vous parler de quatre nouvelles, toujours dans la collection micro des éditions Walrus.
Elles m'ont été envoyées dans le cadre du JLNN, je remercie donc les éditions Walrus et Lune.
D'ailleurs, vous pouvez lire l'avis de cette dernière sur 1888 et En Adon je puise mes forces sur son blog.
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1888 de Céline Etcheberry
1888 nous entraîne dans le sillage de Jack l’éventreur. Présenté ici comme un dandy glacial, Jack n’a qu’une seule obsession : le temps. Rythmés par sa précieuse montre à gousset, ses crimes semblent lui apporter plus que la satisfaction de ses instincts de tueur.
La montre est, dans cette nouvelle, une entité à part entière, menaçante, intéressante dans ses tic-tacs comme dans ses silences inquiétants. Jack est-il tout simplement fou ou cette montre a-t-elle un réel pouvoir ?
On est ici dans le fantastique, car le doute demeure pour qui le souhaite. Cependant, si ambiguïté il y a, l’auteur exploite néanmoins très bien son idée et les meurtres, ici à rebours, de ce célèbre tueur. En peu de mots, elle nous plonge dans son récit. Sa façon de traiter le sujet est originale et j’ai beaucoup aimé son style.
Ce fut pour moi une excellente lecture, riche en suspense et émotions. La chute m’a laissée un peu perplexe et je ne l’ai pas trop appréciée, mais c’est bien mon seul regret.
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En Adon je puise mes forces de Dominique Lémuri
Dans la quiétude d’une tombe, Elthya, une jeune prêtresse, veille aux derniers sacrements qui aideront son défunt roi à passer de l’autre côté. Cependant, son rituel est sur le point d’être perturbé par deux créatures pour le moins étranges.
C’est la rencontre de deux mondes en total décalage, celui d’Elthya et de ses dieux avec celui de Vjlir, policier extraterrestre à la poursuite d’un prisonnier évadé. Or, ce chef de la pègre interstellaire ne compte pas se laisser attraper aussi facilement. Ce n’est toutefois pas vraiment le contraste entre les deux civilisations ou le potentiel comique de la situation que l’auteur a choisi d’exploiter. Cependant, le récit n’en est que plus original selon moi.
Ce mélange de SF et de mythologie m’a plu et si je suis restée un peu en-dehors de la réflexion philosophique qui l’accompagne (surtout à cause de l’aspect religieux de l’affaire en fait, même s’il y a moult façons de voir les choses), j’ai néanmoins apprécié l’idée et elle m’a donné du grain à moudre.
C’est un très bon texte, bien pensé, agréable à lire. Les débuts rocambolesques y amènent un peu d’humour pour contrebalancer la réflexion et l’équilibre entre les deux se fait.
J’ai beaucoup aimé cette lecture.
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Hérésie minérale de Stéphane Desienne
Des quatre textes présentés dans ce billet, celui-ci est mon préféré.
Je me suis vraiment passionnée pour cette histoire qui mêle science et religion afin de poser d’intéressantes questions sur la notion d’intelligence, de vie et de communauté. La problématique, ainsi que la façon dont elle est traitée, m’a beaucoup plu et est évidemment la raison majeure qui m’a fait aimer ce texte. Cependant, je l’ai de surcroît trouvé très bien écrit. J’ai apprécié la façon dont sont amenées les révélations au fur et à mesure, ce suspense maintenu sans pour autant frustrer le lecteur, et le rythme que cela apporte au récit.
Dès les premières lignes, nous comprenons que nous nous trouvons au cœur d’un procès, mais un procès ecclésiastique et même inquisitorial, ce qui a son importance. Le père Franck comparait et c’est son témoignage que nous invite à suivre l’auteur. Or, il semblerait que ce procès soit bien plus important pour l’humanité tout entière qu’une simple affaire d’église.
La prégnance de la religion, mais aussi l’aspect mercantile du voyage spatial et de notre société de consommation sont au centre de cette réflexion.
Le père Franck évoque un voyage dans l’espace et surtout une découverte importante, d’un point de vue scientifique, mais aussi humain. Les responsabilités qui pèsent sur lui m’ont touchée, son combat m’a émue. J’ai lu ce texte avec une certaine fébrilité et c’est au final un vrai coup de cœur.
J’ai tout aimé dans cette nouvelle, l’intrigue en elle-même, qui est prenante, la problématique abordée, le style… J’ai juste le regret de ne pouvoir qu’extrapoler sur ce que va engendrer la décision qui est prise à la fin.
Je vous invite de tout cœur à découvrir cette nouvelle.
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Anastasis d'Aude Cenga
Laisse-moi entrer, murmure la voix à l’oreille de Lodrick alors que celui-ci se trouve dans une situation désespérée. C’est là le début de l’histoire et de ce qui va, à jamais, changer cet homme, mais aussi son entourage.
En lisant le résumé de l’éditeur, j’ai tout de suite deviné de quelle créature il s’agissait, cependant, même si ça me paraît évident et que l’auteur nous le dévoile dans les premières lignes, je préfère vous en laisser la surprise.
Pour autant, c’est dans les ambitions de ladite créature que tient toute la singularité du récit. On ne la croise pas souvent, il faut le dire, et jamais, en tout cas, je ne l’avais vue traitée de la sorte. Ça ne pouvait qu’éveiller mon intérêt.
C’est original, prenant, mais également assez gore, potentiellement perturbant et très malsain. Âmes sensibles s’abstenir, même si le sujet justifie toute cette violence. J’avoue que je ne suis pas cliente, mais ça ne m’a pas non plus traumatisée.
Cette nouvelle est taillée dans le vif (si j’ose dire avec une telle intrigue) et s’il y a bien un début, la fin reste très ouverte. Ça ne me dérange pas, j’aime bien la façon abrupte dont elle se termine, mais certains, qui apprécient les nouvelles plus structurées, pourront se sentir frustrés.
Ça reste un texte à lire pour les amateurs du genre. Les férus de zombies, même s’il ne s’agit pas de ces créatures-ci, pourront aussi y trouver leur compte.
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