Un roman de Lorenzo Lunar, publié chez Asphalte éditions.
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« Puchy a toujours dit que le quartier était un monstre. Je l'ai entendu dire tant de fois que j'ai fini par me l'imaginer moi-même ainsi : une pieuvre pourvue d'un million de tentacules. »
Léo Martin est depuis peu commissaire de quartier à Santa Clara, ville de province cubaine. Sa routine : faire face aux business illégaux, aux règlements de comptes et aux coups tordus des petites frappes du coin. Léo enquête sur une contrebande de lunettes de soleil quand un jeune homme se fait assassiner. Quels sont les liens entre ces deux affaires ? Les amis et collègues de Léo sont-ils tous irréprochables ?
Dans La vie est un tango, c'est tout un quartier qui prend vie, peuplé de rumeurs et de faux-semblants.
Avec ce récit, entre le polar et le roman de société, Lorenzo Lunar nous emmène à Cuba, précisément dans la ville de Santa Clara, au cœur d’un quartier défavorisé.
Léo Martin est flic, il a grandi dans ce quartier et il en connaît les habitants, sait déchiffrer leurs attitudes, lire entre les lignes. Les petits trafics du coin n’ont aucun secret pour lui, mais c’est peut-être là que le bât blesse. Quand on croit tout savoir, on passe parfois à côté de choses importantes.
Tout commence avec un fait anodin, un trafic de lunettes de soleil, rien de plus banal en ces temps de crise. Cependant les choses, vous vous en doutez, ne vont pas en rester là. Au cours de son enquête, Léo nous entraîne à la découverte du quartier et de ses règles tacites, des gens qu’il côtoie au quotidien et de la société dans laquelle il évolue.
Si vous lisez ce livre pour son aspect polar, vous serez sans doute un peu déçus car l’enquête en elle-même est assez rapide et linéaire, le roman ne fait après tout que dans les 160 pages. Par contre, si vous êtes intéressés par l’aspect social de cette histoire, vous en aurez pour votre argent. Léo est un gars un peu désabusé, qui dépeint sans fard le monde qui est le sien, l’hypocrisie de sa société et la misère qui l’entoure.
Il peut se révéler un personnage aussi sympathique qu’agaçant. Son problème majeur, c’est qu’il semble résigné et même s’il essaie parfois de lutter à sa manière, il donne toujours l’impression d’avoir perdu d’avance. À force, cela devient exaspérant. Il geint beaucoup, se perd dans le fil de ses souvenirs, mais ne fait rien pour changer les choses. Il vit son métier comme un sacerdoce, mais ça lui sert aussi d’excuse pour ne pas reprendre sa vie en main. Néanmoins, il a aussi ses bons côtés.
Le style, quant à lui, s’adapte bien au propos. Il est sec, un peu tranchant, il ressemble à Léo. En lisant ce livre on ressent la chaleur, la brûlure du rhum et le rythme, entre le présent et les souvenirs du narrateur, s’accorde parfaitement au tango. Le phraser peut sembler un peu répétitif pour les français qui ont, ou sont censés avoir, la hantise de la répétition, mais on sent derrière cela la musicalité de l’espagnol qui permet plus facilement ces effets de style et en fait quelque chose de poétique et de lancinant. Ceci dit, c’est peut-être parce que je le parle que je le ressens ainsi, derrière la traduction, mais je pense que l’auteur a vraiment voulu imprégner son histoire d’une mélodie.
Je crois par contre n’avoir jamais lu autant de fois le mot pute en si peu de pages, sans parler du reste. Je ne suis pas particulièrement choquée par ce langage, mais autant de vulgarité devient très vite lassante.
Ce que je retiendrai de cet roman, c’est en priorité son aspect social. Il m’a été un peu difficile d’entrer dans l’histoire au début, Léo m’a parfois exaspérée, mais j’ai aussi appris des choses sur la société cubaine.
À noter qu’il y a à la fin de l’ouvrage, sur le rabat de la couverture, une playlist composée par l’auteur pour l’édition française ainsi que le lien qui permet d’écouter celle-ci en ligne. C’est une initiative des éditions Asphalte que j’apprécie toujours autant.