Un essai de Cathy Bernheim, publié aux éditions du Félin.
Présentation de l'éditeur :
Pendant deux siècles, on a imprimé, traduit, lu, adapté Frankenstein sans se préoccuper de l'existence de son auteure. Le nom de celle qui l'avait écrit à 16 ans, publié à 18 était pourtant là, sur la couverture, à portée de regard. Mais Mary Shelley semblait comme invisible. Bien que femme de lettres reconnue, elle est longtemps restée pour la postérité l'obscure épouse du grand poète romantique Percy B. Shelley. A pied, en malle-poste, en charrette, à dos d'âne ou de mule, par les fleuves ou par mer, elle a parcouru l'Europe avec lui en compagnie de leurs amis, femmes et hommes alliés dans la même recherche de beauté. Ce n'est pourtant pas son seul exploit. Dans son oeuvre novatrice, elle s'est dressée de toutes les forces de son esprit contre les idées mortifères d'une Angleterre en plein essor industriel qui cherchait à normaliser ses citoyens (et plus encore, ses citoyennes) comme des produits à perfectionner. Avec son intrépide sagesse, elle a entrevu les dangers d'une société s'adonnant sans repères ni limites à l'ivresse du progrès scientifique. Et elle a imaginé le destin du monstre que cette société allait produire. Un être anonyme, meurtrier, sentimental et raisonneur, poursuivi par la haine du savant fou qui l'avait mis au monde. Une histoire familière ? En effet, ce couple maudit hante toujours les cauchemars de nos contemporains. Du fond de ses temps éloignés, Mary Shelley nous lance un message qu'il est urgent de décrypter encore et encore.
L’année 2018 est le bicentenaire
de la première édition de Frankenstein ou
le Prométhée moderne, alors forcément les productions, tous médias
confondus, relative à l’autrice et son œuvre foisonnent.
Mary Shelley, Au-delà de Frankenstein se révèle davantage un essai
qu’une biographie. Cathy Bernheim y aborde toutes sortes de sujets au travers
du prisme de la vie de Mary Shelley et de la portée de son œuvre :
éducation des filles, notamment leur accès à des études scientifiques,
évolution de l’humanité et transhumanisme, etc. Les pistes sont variées et
traitées de manière intéressante, mais toujours très subjective. Elles vous
donneront toutefois l’occasion d’exercer, et peut-être de confronter, vos
propres réflexions à celles de l’autrice. Le parallèle établi entre l’époque de
Mary Shelley et la nôtre au travers des éléments biographiques a été mon
passage favori.
La première moitié de l’œuvre, la
partie biographique, explore les influences potentielles du vécu de Mary
Shelley dans la construction de son univers littéraire. Comment une jeune fille
à peine sortie de l’enfance en est-elle venue à imaginer un roman tel que
Frankenstein ?
Cette partie biographique
s’arrête à l’écriture de The Last Man,
ce que j’ai trouvé assez dommage. En effet, la vie de Mary auprès de Shelley a
fait l’objet de nombreuses études, écrits et autres commentaires, mais l’après
est toujours plus ou moins laissé de côté. Alors que dans son ouvrage Cathy Bernheim
nous répète à l’envi que Mary Shelley a toute sa vie été dans l’ombre, de ses
parents, de son mari, de son écrit le plus fameux… elle l’y cantonne aussi à sa
manière. Le « au-delà » du titre apparaît quelque peu abusif quand on
y songe, car Bernheim ne cesse de revenir à Frankenstein. Elle l’interprète
sous toutes les coutures. Le roman prend toute la place et n’en laisse que peu
à sa créatrice. Cela ne manque guère de profondeur et de réflexion, même si
évidemment une interprétation n’engage que celui qui la produit. Je trouve
néanmoins réducteur l’angle de vue adopté et la biographie trop succincte,
voire complaisante dans l’usage qui en est fait.
Observer la personnalité de Mary
Shelley à travers ses écrits n’offre au mieux qu’un reflet déformé car
assujetti non pas à des faits avérés, mais aux corrélations que l’on construit
entre des faits hypothétiques et une fiction. S’il est vrai qu’on met toujours
une part de soi dans ce que l’on écrit, c’est aussi très souvent ce qui vient
sous la pelle, au hasard de la vie et des lectures, qui permet aux auteurs de
construire, tel Victor Frankenstein, leur créature.
La deuxième partie de l’ouvrage est
organisée de façon thématique quand la première se contentait de suivre la
chronologie. Elle aborde toutes sortes de sujets, notamment l’influence pérenne
de Mary Shelley, toujours au travers de Frankenstein, sur les générations qui
lui ont succédé ou encore les progrès de la science.
L’autrice a adjoint des annexes à
son ouvrage. Le récapitulatif des liens de parenté, avec dates de naissance et
de décès, est très pratique. On y trouve aussi une chronologie qui va du siècle
de Mary Shelley au nôtre, regroupant à la fois des entrées relatives à la vie
et l’œuvre de celle-ci ainsi qu’à des événements majeurs de l‘histoire
mondiale. Enfin l’ouvrage se termine sur un lexique plus ou moins utile, je
trouve en effet les termes explicités assez communs, mais bon pourquoi
pas ?
La partie biographique n’est pas
aussi pointue que je l’espérais, néanmoins l’ouvrage demeure intéressant. Le
style de Cathy Bernheim est agréable, littéraire sans être exagérément pompeux.
Elle m’a donné envie de lire The Last Man,
mais aussi de redécouvrir Frankenstein dans sa version originale.