dimanche 20 juillet 2014

Rémiges de cendre

Une nouvelle de Julien Chatillon-Fauchez, publiée en numérique dans la collection e-courts de chez Voy'el.


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L'univers est un lieu étrange, et Atarashi Hiroshima l'une de ses composantes. Planète dévastée par un hiver nucléaire, elle est morte pour toute vie depuis des siècles. Seules ses richesses minières attirent désormais les prospecteurs, qui font fi des radiations.


Pourtant, dans le silence ouaté des cendres irradiées, Atarashi Hiroshima préserve une confidence de l'univers.



Sur Atarashi Hiroshima, une planète figée dans un hiver nucléaire, une femme mène des recherches pour le compte d’une grande compagnie minière, jusqu’à son accident. Hallucination ou réalité, il lui semble faire alors une découverte hors du commun.
Il se dégage de ce court et poétique récit de planet op une beauté tranquille et sereine, cotonneuse, hors du temps. C’est presque magique. D’une certaine façon, son aspect apaisant m’a fait penser à Clamatlice de Vanessa Terral, mais en plus éthéré. J’ai aussi songé à l’excellent recueil Sanshôdô de Jean Millemann.
J’ai beaucoup apprécié ce texte très japonisant, dans lequel, pour qui sait contempler, la beauté, l’équilibre et le divin se révèlent au cœur d’un milieu tout ce qu’il y a de plus hostile. La communion de la narratrice avec cette planète oubliée, détruite par la folie humaine, est magnifique et rejaillit par empathie sur le lecteur, lui laissant un sentiment de paix une fois la dernière phrase lue.


Pour vous faire une idée, lisez également la chronique de Lune.


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vendredi 18 juillet 2014

Jéricho, Ladainian Abernaker Ep5

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À l'équinoxe de printemps, tous les dix ans, arrive le jour de Jéricho, le moment où tout vampire doit se nourrir abondement pour ne pas perdre en puissance. Ladainian, organisé, suit un plan bien rodé : il profite des guerres de gang pour passer inaperçu durant cette période délicate. Mais cette année, le Duc a décidé de gérer lui-même les festivités, mettant en péril la machine bien huilée du vieux vampire. Une erreur qui fera date dans l'histoire des vampires de Chicago.



Ce n’est pas dimanche, mais j’ai déjà un billet de prévu pour le JLNND et je n’ai pas pu résister au charme légendaire de Ladainian Abernaker. Oui, je suis fan, j’assume. Donc, aussitôt parue sa dernière aventure a été chargée sur ma liseuse et lue dans la foulée.
Cette fois-ci Lydie Blaizot nous en apprend un peu plus sur les traditions de ses vampires, ce qui est très intéressant. J’apprécie toujours autant le fait que le héros soit un vampire « à l’ancienne ». Cette série ne fait que se bonifier avec le temps, nous offrant des intrigues de plus en plus complexes et dévoilant petit à petit tout son potentiel ainsi que la richesse de son background.
Dans cette nouvelle histoire, Abernaker laisse libre cours à son talent pour la manipulation et c’est un vrai plaisir de suivre ce vieux vampire tout ce qu’il y a de plus retors. Malheureusement, j’ai toujours le même problème avec ses aventures : elles se lisent bien trop vite !
L’indépendance des épisodes est réellement un grand point fort de cette série. Vous pouvez commencer par n’importe lequel, vous aurez de toute façon envie de lire les autres.
Par contre le soin apporté à la relecture n’est pas fameux. On trouve de grossières coquilles dans cette nouvelle, qu’il s’agisse d’erreurs de vocabulaire (serrait à la place de serait ou bon à la place de bond, pour ne citer que les deux exemples qui m’ont le plus marquée) ou d’une inversion, à un moment donné, du nom des gangs (là j’ai quand même sérieusement grincé des dents). Sans compter que les notes ne sont pas liées. Ça me laisse dubitative, même si j’ai beaucoup apprécié ma lecture.


Ajout du 19 juillet :
Le fichier a été corrigé par l'éditeur que je ne peux que remercier pour une telle réactivité.

mercredi 16 juillet 2014

Bookcrossing Trône de fer, les photos !

Un billet qui s'est fait attendre, certes, mais je suis toujours à temps.


Début juin je vous annonçais avoir cinq exemplaires du premier volume de la série de livres de George R. R. Martin à déposer en Corse.
J'ai adoré participer à cet événement et j'avais donc envie de vous montrer les photos des lieux que j'avais choisis.
J'aurais aimé savoir qui a eu la chance de trouver ces livres, mais ce ne fut pas toujours le cas. J'espère seulement que les personnes qui les ont "ramassés" apprécieront leur lecture.


Premier livre déposé le 5 juin à Corte :


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Il a été trouvé par une de mes collègues de travail. Il faut dire que c'est juste à côté de nos locaux.

Deuxième livre déposé le 13 juin à Corte :


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Troisième livre déposé le 14 juin à l'Île Rousse :


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Celui-ci a été trouvé deux jours plus tard par une personne qui suit la page de Vampires et Sorcières et qui nous a gentiment laissé un mot pour nous prévenir.


Quatrième livre déposé le 17 juin à Ajaccio :


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Cinquième livre déposé le 27 juin à Corte :


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dimanche 13 juillet 2014

La plus belle qui soit

Une nouvelle numérique de Cindy Van Wilder.


Tout d’abord je me dois de remercier l’auteur qui nous offre très gentiment cette nouvelle. Rendez-vous sur son blog pour vous la procurer.


La plus belle qui soit est un court récit vampirique qui pastiche intelligemment une célèbre scène de Cyrano de Bergerac.
Je suis tombée amoureuse de la pièce d’Edmond Rostand il y a longtemps maintenant et c’est, de mon point de vue, l’une des plus belles au monde. Tout est dans cette pièce. La lire ou la voir sur scène me bouleverse toujours autant, or je ne suis pas vraiment d’une nature émotive…
Tout cela pour dire que je suis de fait assez difficile pour tout ce qui concerne Cyrano, qu’il s’agisse de pastiche ou d’inspiration au sens plus large. J’ai donc dû, pour essayer d’apprécier cette nouvelle à sa juste valeur, tenter de mettre un peu de côté le culte que je voue à cette pièce de théâtre. Et j’ai réussi.
La plus belle qui soit, si elle a un peu égratigné mon cœur de fan au passage, m’a néanmoins offert un très bon moment de lecture. Le sujet est bien trouvé et superbement mis en scène. J’apprécie toujours autant le style très fluide de l’auteur et ai de plus en plus honte de faire attendre Les Outrepasseurs dans mal pile à lire.
Cela m’a également donné envie de relire Cyrano de Bergerac, que je vous conseille ardemment si vous ne l’avez déjà lue, ainsi que les écrits du vrai Cyrano, notamment Les états ou empires de la lune et du soleil, très modernes pour leur époque.


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vendredi 11 juillet 2014

Dans la dèche au royaume enchanté

Un roman de Cory Doctorow, publié dans la collection folio SF de chez Gallimard.


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"J'ai vécu assez longtemps pour voir le remède à la mort, assister à l'ascension de la Société Bitchun, apprendre dix langues étrangères, composer trois symphonies, réaliser mon rêve d'enfance d'habiter à Disney World et assister non seulement à la disparition du lieu de travail, mais du travail lui-même". Ainsi débute l'histoire de Julius, un jeune homme d'environ cent cinquante ans. Il a tout pour être heureux dans ce meilleur des mondes possibles, pourtant, sa vie va basculer, et l'utopie se transformer en enfer... Avec ce premier roman, Cory Doctorow fait preuve d'un grand talent et se révèle comme l'un des auteurs de science-fiction à suivre ces prochaines années. Dans la dèche au Royaume Enchanté est de ces œuvres denses et novatrices qui nous font prendre conscience que le futur, c'est déjà demain.



J’avais choisi ce petit roman comme livre à trimballer avec moi entre deux grands formats. Il me fallait un récit court et déjanté pour me distraire sans trop me détourner de mes lectures du soir. En ce qui concerne la distraction, j’ai été servie, mais au moment de reprendre le GF du soir, impossible de lâcher Dans la dèche au royaume enchanté. Ce fut une excellente surprise.
Le titre est marrant, c’est d’ailleurs lui qui m’a attirée en premier, et il correspond parfaitement à l’ambiance de ce roman. J’ai eu un peu de mal, au départ, à entrer dans l’histoire, je me demandais où j’étais tombée. Il faut dire que j’avais lu le résumé longtemps auparavant, il ne me restait donc qu’un vague souvenir de l’accroche et de ce qu’on m’avait dit de ce roman. Cependant, après quelques ajustements, le récit m’a emportée et j’ai adoré ça.
Le ton est vif, plein d’humour, mais pas pour autant dénué de réflexion. Dans une projection future de notre monde, la société Bitchun a trouvé comment vaincre la mort. Les cerveaux humains sont sauvegardés, puis restaurés dans des clones. Les gens sont connectés en permanence au réseau, gérant leurs corps selon leur bon vouloir, comme des machines. Ils contrôlent même leurs hormones…
Dans ce monde, l’argent a disparu, tout est une affaire de mérite et de réputation, c’est le taux de whuffie qui définit les privilèges de chacun et, pernicieusement, influe aussi sur l’attitude des gens les uns envers les autres. La façon dont ce système est construit est à mon sens plutôt géniale, même si je détesterais un monde de ce genre. Une idée très humaniste au départ finit souvent dévoyée… Enfin, dans le cas présent chacun se fera sa propre opinion.
Si le prologue se situe aux débuts de la société Bitchun, durant la rencontre de Julius et Dan, deux des personnages principaux, la suite nous emmène de nombreuses années plus tard, alors que Julius a passé le centenaire depuis un bail et que les réfractaires à la société Bitchun sont morts depuis longtemps, offrant à celle-ci le monopole.
L’histoire nous est contée par Julius lui-même, alors qu’il se trouve à un tournant de son existence, quand Dan resurgit dans sa vie. J’ai très vite ressenti une certaine empathie envers ce personnage, très humain, un peu trop gentil et idéaliste, mais qui se bat pour ses idées. Julius est bien intégré dans le système Bitchun mais va pourtant en venir à lutter pour préserver une part de passé, un peu de rêve à l’ancienne, face à la froideur des progrès techniques.
J’ai trouvé ce roman passionnant, l’intrigue policière est plutôt bonne, les ressorts politiques intéressants apportent leur dynamique à l’ensemble sans ennuyer le lecteur et le caractère d’anticipation du récit encourage une certaine réflexion. Ce roman pose les bonnes questions sur la modernité, les réseaux sociaux, le choix du changement, les valeurs, la protection du patrimoine et surtout quel en est le prix, puis comment, parfois, en voulant protéger un héritage chéri ou peut finir par le dénaturer soi-même.
Le nœud de l’intrigue est un peu prévisible, mais cela n’a pas dérangé ma lecture. Le fait d’avoir compris où l’on va ne gâche pas le voyage dans ce cas précis et je n’aurais pas voulu une autre trame tant c’est bien amené et construit. Ce fut une excellente lecture.

mardi 8 juillet 2014

Suis-je une lectrice éclectique ?

(Je suis très pour l'écléctisme même si j'aime pas trop le sport.)


J'ai piqué ce test sur le blog Une blonde et ses livres, qui l'a piqué à Tan, qui l'a piqué chez PKJ (comme ça vous savez tout).


Voici le principe :


30 nouvelles questions qui détermineront si vous êtes ou non un lecteur éclectique ! Attention, pour ce test, chaque réponse doit être différente ! Le même livre ne peut pas correspondre à deux questions.
Possédez-vous dans votre bibliothèque :


1) un roman de fantasy : La dernière licorne de Peter S. Beagle.


2) un roman contemporain : L'Odeur de Radhika Jha.


3) un roman considéré comme un classique de la littérature française : Notre-Dame de Paris de Victor Hugo.


4) un roman considéré comme un classique de la littérature britannique : Les Mystères d'Udolphe d'Ann Radcliffe.


5) un roman considéré comme un classique de la littérature américaine : La lettre écarlate de Nathaniel Hawthorne.


6) une romance : Les trois princes T1, Puritaine et catin d'Elizabeth Hoyt (clin d'oeil à Chani).


7) un roman de bit-lit :
7a) Un roman d'urban fantasy : Neverwhere de Neil Gaiman.
7b) une romance paranormale : La punition d'Adam Black de Karen Marie Moning.


8) un roman de science fiction : L'intégrale du cycle de Lanmeur T1, Les Contacteurs de Christian Léourier (trois merveilleux romans pour le prix d'un).


9) une dystopie : Le meilleur des mondes d'Aldous Huxley.


10) une uchronie : Le baron noir T1, L'ombre du maître espion d'Olivier Gechter.


11) un roman steampunk : Confessions d'un automate mangeur d'opium de Fabrice Colin et Mathieu Gaborit.


12) un roman fantastique : Trois pépins du fruit des morts de Mélanie Fazi.


13) un roman de chick-lit : Les confessions d'une accro du shopping de Sophie Kinsella.


14) un roman d’horreur : La forteresse noire de Francis Paul Wilson.


15) un roman young adult : Une fille comme ça de Sara Zarr.


16) un roman pour enfant : Peter Pan de James Matthew Barrie.


17) un conte : Contes pour les enfants et la maison des frères Grimm.


18) de la poésie : Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire.


19) du théâtre : Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand.


20) un roman publié au XVIIIe siècle : Manon Lescaut de l'abbé Prévost.


21) un roman publié cette année : Il neige sur Encelade d'Olivier Moyano.


22) un livre écrit pendant l’antiquité : L'âne d'or ou les métamorphoses d'Apulée.


23) un roman épistolaire : Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows.


24) un thriller ou policier : L'inconnu du Nord-Express de Patricia Highsmith.


25) un livre de non fiction : Introduction à la littérature fantastique de Tzvetan Todorov.


26) une biographie ou autobiographie : Aliénor d'Aquitaine de Régine Pernoud.


27) une nouvelle ou un recueil de nouvelles : Masques de femmes d'Elie Darco et Cyril Carau.


28) une BD ou un manga ou un comics : Fables de Bill Willingham.


29) un roman très populaire : Harry Potter à l'école des sorciers de J.K. Rowling.


30) un roman quasi inconnu : Fin de siècle d'Estelle Valls de Gomis.


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Ce que nous disent les résultats :
De 0 à 5 points : A la vue de votre bibliothèque, on peut facilement repérer votre genre de livres préféré. De là à dire que vous n’aimez rien d’autre ? Pas sûr !


De 6 à 15 : Vous avez de la diversité sur vos étagères, mais ne nous mentons pas, vous avez aussi vos petites préférences !


De 16 à 25 : Vous êtes un touche à tout, vous aimez varier les plaisirs niveau lecture, ce qui se reflète parfaitement dans votre bibliothèque.


de 26 à 30 : Vous êtes soit une librairie, soit une bibliothèque, soit un lecteur avec des goûts très éclectiques, prêt à tout lire ! Félicitations !

dimanche 6 juillet 2014

Le stage infernal, Episode final

Je me suis planquée derrière un bosquet pour fumer à mon aise pendant que Cerbère arrose tous les piliers de la grande arène. Evidemment aux Enfers on se fiche pas mal des lois anti-tabac, mais ça n’est pas le cas de l’ange et je ne veux surtout pas qu’il me retrouve.
J’ai profité d’une altercation pour le semer, j’en suis assez contente. Allez, une autre bouffée de nicotine, de goudron et autres substances dégoûtantes, puis je vous raconte…


*Nous prions nos aimables lecteurs de faire un petit effort d’imagination supplémentaire. L’auteur n’a plus d’effet flash-back en réserve. Nous serons réapprovisionnés dans une petite quinzaine (et ce sera du bon, Hermès l’a promis.). En attendant veuillez redresser le dossier de votre siège et si vraiment votre imagination ne suit pas, notre hôtesse vous amènera un baquet d’eau tiède. Plongez-y la tête les yeux ouverts, l’effet flash-back devrait suivre.
Merci de votre coopération.*


Après avoir nourrit l’Hydre, nous sommes retournés à la grande arène. Comme à leurs habitudes Rumple jactait, L’ange humpfait et le chien pissait… Ce fut passionnant. On en avait bien pour deux bonnes heures d’attente devant l’entrée. Mais on ne travaille pas aux Enfers sans avoir une âme de resquilleuse…
Bon en fait j’exagère un peu… On a juste dû louvoyer au milieu des touristes pour se frayer un chemin jusqu’à l’entrée des stars, j’ai sorti une ou deux fois mon laisser-passer (on n’est pas une créature infernale, même à mi-temps, si on n’abuse pas de ses privilèges) et ensuite, les relations aidant, j’ai obtenu des places dans la loge royale…
Pour cela on a dû passer devant Médusine et c’est là que les choses ont un peu dérapé…
Médusine est une amie de longue date, elle est assez sympa pour une créature infernale, même si le fait qu’on l’ait mise à l’entrée des stars parce qu’elle « présente bien » la rend un peu grincheuse… Faut savoir que Médusine est à moitié serpente, du moins pendant ses heures de boulot… (C’est une longue histoire…) L’office du tourisme local (parce qu’étant donné qu’on a de moins en moins d’âmes à surveiller faut bien rentabiliser nos locaux) a trouvé bien marrant de la mettre dans une grande vasque remplie d’eau où elle doit faire claquer sa queue pour amuser, et accessoirement éclabousser, le visiteur de marque en mal de folklore…
Entre ceux qui lui font des propositions crades et les débiles qui s’amusent à lancer des pièces dans la vasque (et qui en profitent pour faire un vœu) en guise de pourboire, je comprends que la Médusine soit de sale humeur…
En tous cas, Rumple a apprécié la rencontre… En louchant consciencieusement sur une partie de son anatomie qui n’était pas sa queue, il lui a dit :
— C’est un incroyable honneur de vous rencontrer Mélusine. J’ai écrit un livre sur vous.
Écrit, mouais… C’est un point de vue. Traduit, écrit, quelle différence, n’est-ce pas ?
— C’est MéDusine, pas Mélusine, Médusine avec D comme « démembrer ».
Je me suis éloignée juste à temps pour éviter d’être trempée. Par contre le mouvement d’humeur de Médusine n’a pas gêné Rumple qui continuait de loucher. Il se foutait pas mal de son prénom, comme de tout le reste d’ailleurs, à part peut-être de la queue…
Et l’ange de demander :
— Pourquoi vous portez des lunettes ?
Autre mouvement d’humeur, le sol est détrempé, va y avoir du boulot pour les âmes damnées qui font le ménage… Cela dit, je la comprends, expliquer mille fois dans la journée qu’on porte des lunettes parce qu’on peut pétrifier les gens d’un simple regard, c’est lassant, surtout quand on n’a pas le droit de les enlever malgré les pulsions… Cela dit avec Rumple, pas besoin d’ôter ses lunettes, tant qu’elle ne remet pas le haut, le nabot ne va pas bouger…
C’est alors, pendant que Médusine expliquait plus ou moins patiemment cette histoire de lunettes qu’il s’est passé un truc… L’ange, qui contrairement à Rumple n’avait regardé que le visage de l’ouvreuse, intrigué qu’il était par ses lunettes de soleil, a baissé les yeux. Il a dégluti, une, deux, trois fois… s’est quasiment étranglé, est devenu rouge et s’est mis à gueuler en la pointant du doigt qu’elle était une succube, une hérétique, une sorcière, une traînée, une démone, etc. Enfin des tas de trucs qu’on conseille aux gars dans son genre de brûler en place publique…
Sur quoi Médusine s’est énervée, parce que supporter des pervers et des crétins toute la journée c’est une chose, mais en plus se faire insulter par un emplumé c’était la goutte d’eau qui faisait déborder la vasque, dans laquelle elle a d’ailleurs tenté de le noyer quand, très lâchement (et en ricanant) je me suis éclipsée pendant que Rumple les mitraillait de photos qu’on retrouvera certainement sur son blog…
J’ai retrouvé le chien à l’entrée, me suis cachée et j’ai sorti mes clopes.


*Chers lecteurs, nous allons encore abuser de votre bonne volonté, mais il est temps de mettre fin à l’effet flash-back, veuillez néanmoins garder vos ceintures attachées jusqu’à l’arrêt complet du texte, merci.*


Finalement la journée semble prendre un meilleur tour…


***


J’ai pas vraiment compris ce qui m’arrivait…
Je flânais tranquillement le long du mur de la section chrétienne, j’envisageais d’aller faire un tour au palais, quand il est sorti de nulle-part en gueulant comme un porcelet.
C’était le touriste fraîchement décédé du matin. Il m’a percutée, a voulu se relever, s’est pris les pieds dans la lanière de sa sandale et m’est retombé dessus. C’est là qu’ils ont déboulé. Une bande d’anges déchus de sale humeur. Et moi je me suis retrouvée, malgré mes protestations, dans les bureaux de la sécurité. Et encore, je ne m’y suis pas retrouvée toute seule, sinon j’aurais peut-être eu une chance de m’en tirer plus vite…
J’ai bien essayé de leur montrer mon sauf-conduit, mais il était taché, thé, café, ou un truc du genre… Je n’ai jamais été particulièrement soigneuse, surtout depuis que je bosse ici. Et ils n’ont rien voulu savoir.
En glanant par-ci par-là quelques infos, j’ai appris que le touriste, qui avait certainement dû agacer Gabriel, avait été puni plus sévèrement que prévu, mais qu’il s’était enfui. On se demande comment un gars si con a pu réussir ce coup de maître. Enfin moi je me le demande, parce que ceux de la sécurité eux ne se posent pas la question, ils pensent juste que je l’ai aidé, comme si je n’avais que ça à faire… En plus moi je suis allergique aux beaufs, c’est bien connu. Pourquoi l’aurais-je aidé à s’enfuir ?
Et si c’était tout… Mais non ma bonne dame, car là-bas j’ai retrouvé Rumple et ce crétin a gueulé en me voyant :
— Ah, Saveria, il était temps que vous arriviez, ces abrutis ne veulent rien comprendre !
Visiblement lui non plus n’avait pas trop compris l’affaire. Je n’ai rien contre le port de menottes en certaines occasions, mais franchement si j’étais venue pour le délivrer, je me serais abstenue d’en porter, surtout vu la tronche de ceux qui m’escortaient…
Du coup ils ont décidé que nous étions complices et nous ont accusés de terrorisme et de crime contre la chrétienté, rien que ça…
De toute façon c’est bien connu que les chrétiens ne peuvent pas blairer ceux qui bossent aux enfers grecs. Bon je n’aurais peut-être pas dû le leur dire, mais j’étais énervée… Et puis ils ne nous laissaient rien expliquer aussi… C’est pas parce qu’ils sous-louent une partie de nos enfers qu’ils vont commander ! Et ça non plus ils n’ont pas aimé se l’entendre dire… Jamais je n’apprendrai à la fermer…
Non mais franchement, si notre intention avait été de porter un coup fatal à l’organisation chrétienne en commençant par les enfers, est-ce que je me serais contentée de libérer une âme et Rumple de…
Ouais, bon, laissez-moi vous raconter ça autrement.
Après avoir profité du spectacle et s’être plus ou moins fait jeter de l’arène pour diverses raisons (une insignifiante histoire de fauche de nourriture, d’après ce qu’on m’a dit plus tard. Rumple a pour principe de ne jamais payer ce qu’il mange et vu comme il est gras, il s’en sort bien en général…), Rumple a pensé qu’il était temps de déjeuner… Et il n’a rien trouvé de mieux que de s’installer devant un des brasiers infernaux et d’en faire baisser le feu pour y faire griller son repas…
Il s’est fait alpaguer par les gardes et les a traités de racistes… Il prétendait faire griller du ficatellu (m’est avis qu’il n’en a jamais vu de sa vie, de toutes façons il ne sait même pas prononcer le mot. On pourrait même parier qu’il s’agissait plutôt de merguez… La fameuse nourriture volée ? Sans aucun doute…). Il l’a d’ailleurs redit durant notre interrogatoire en précisant d’un ton véhément :
— C’est ethnique ! Vous n’avez aucun respect !
Si je n’étais pas dans une situation si fichtrement embêtante, ça me ferait presque rire… Cela dit, j’ai intérêt de m’abstenir cette fois, parce qu’ils seraient bien capables de m’envoyer nettoyer la grotte de l’Hydre et quand on sait ce qu’elle bouffe…
— Vous vous foutez de nous ? A répondu un des anges.
Ils étaient deux, un petit nerveux qui n’arrêtait pas de gigoter et un grand endormi.
Moi je n’ai rien dit, mais je n’étais pas loin de penser la même chose… Cela étant, je n’allais pas apporter de l’eau à leur moulin en disant que peu importait ce qu’il avait voulu griller… Après tout si le coup du racisme pouvait marcher et ne serait-ce que les déstabiliser un peu…
Pendant un moment ça a semblé être le cas, puis le petit s’est énervé.
Je lui ai alors demandé où étaient les gardiens de brasiers quand Rumple avait fait baisser le feu, parce qu’après tout les surveiller c’est leur boulot et ils ont dû être absents un sacré moment… Il a commencé à balbutier une histoire de pause syndicale imprévue et de partie de pétanque, puis il s’est repris et a sautillé en nous pointant du doigt et en nous traitant de débauchés… C’est peut-être un cousin de Glorfindel… Dommage que j’oublie toujours son vrai prénom, pour cette fois il aurait peut-être pu servir…
Et l’ange a continué de déblatérer sur le fait qu’il n’avait jamais vu pareils anarchistes… J’ai alors appris qu’il avait pris ses petits renseignements sur nous… Ils n’ont vraiment que ça à foutre…
Il a raconté que Rumple avait jeté son string à la foule et couru à poil dans l’arène (mais ça n’est pas pour ça qu’il s’en est fait jeter, car comme je l’ai fait remarquer à l’ange, il ne serait pas le premier…)
— Y a allusion a gueulé le petit en sautillant toujours et en me montrant du doigt, y a allusion, on ne se moque pas de nos dirigeants !
Franchement j’aurais dû me taire, parce qu’il a décidé de passer à mon cas…
Paraît qu’on m’aurait vu dealer près du fleuve… Me suis contentée de filer des clopes à Diony, pas vraiment en échange du petit flacon qu’il m’a donné, mais ça peut prêter à confusion… Paraît aussi que je dois avoir une âme terriblement dévoyée pour ne même pas avoir un ange-gardien à mes côtés… Le connaissant ce n’est peut-être pas faux, parce que ceux qui me l’ont refilé ont vraiment dû vouloir me punir… Paraît aussi que je n’avais rien à faire en dehors des bureaux pendant mes heures de travail et que mon alibi ne valait rien…
En bref, il avait décidé que j’étais coupable.
Et ce salaud d’ange semblait sérieusement jubiler. Il était tout excité. Au bout d’un moment il a fini par balancer ses notes et demander à l’autre qui était de garde.
L’autre a répondu que c’était Gabriel et le petit a commencé à ricaner et à nous expliquer avec emphase qui est l’archange Gabriel…
Parce qu’avec lui on allait moins rigoler, nous a-t-il dit. Hérétiques que nous étions…
Il ne doit pas le connaître comme je le connais, faut croire…
Sûr qu’il devait être content que ce soit Gabriel, parce que, voyez-vous, la plupart des archanges sont des… bon, allez, soyons francs, les archanges sont des branleurs. Faut pas se faire d’illusions, contrairement à ce que raconte la légende populaire, archange c’est de la gnognote dans la hiérarchie divine, un peu comme être ministre de l’écologie, voyez ? Faut pas oublier qu’il y a neuf chœurs angéliques et sept qui sont supérieurs aux archanges… Bon, après faut aussi relativiser parce que les autres n’en foutent pas lourd non plus, du travail de bureau pour les cinq chœurs suivants et acte de présence au paradis pour les deux autres, et vas-y que je ronfle sur un nuage, vas-y que je me gratte la lyre en écoutant des psaumes, chantés la plupart du temps par le chœur bénévole des Vertus…
Les seuls à bosser, même s’ils le font souvent assez mal, ce sont les anges. On ne leur a pas expliqué qu’aider les mortels ne signifiait pas non plus ne jamais leur lâcher les basques. Au moins faut le reconnaître, y a de l’effort et puis il n’y a pas que des anges-gardiens… Enfin, on leur refile toutes les basses-besognes et on les casse consciencieusement, c’est vrai qu’il y a de quoi devenir frustré à force… Ces deux-là nous le prouvent. L’un aimerait être ailleurs, l’autre doit souvent regretter de ne pas avoir chuté avec Lucifer et ses copains, avant de se flageller pour avoir eu de si mauvaises pensées… Et je ne parle même pas du cas Glorfindel qui à lui tout seul ferait la fortune d’un nombre honorable de psys… Et le bonheur d’un certain nombre de théologiens peut-être.
Mais les archanges dans tout ça ? Ben ils supervisent les anges… Métier passionnant au demeurant. Ils s’occupent aussi du purgatoire et un peu des enfers, en partenariat avec les ducs infernaux…
Maintenant, de vous à moi, faut aussi savoir une chose, la plupart des archanges sont des pistonnés dont on n’a pas voulu au paradis avec ces empaffés de chérubins et de séraphins pour des raisons propres à chacun d’entre eux. Raphaël, par exemple, c’est l’excité de service, je l’ai rencontré dans une soirée, c’est le genre à porter la toge officielle, mais à mettre des colliers de chien couverts de strass comme bracelets, voyez ? Dilettante, anarchiste et tout ce qui s’ensuit… Pensez donc que Dieu ne voulait pas voir sa gueule au Paradis, neveux de Saint Pierre ou pas…
Et je ne vous parle même pas d’Uriel qui passe son temps à méditer à poil sur la plage pour ouvrir ses chakras et qui essaie de vous faire croire que ce qu’il cultive dans sa serre c’est de la verveine…
Évidemment à côté de tout ce ramassis de dilettantes, Gabriel passe pour l’archétype même du juge austère, une main de fer dans un gant de fer… J’aurais des choses à dire à ce sujet et sur ce que ça peut cacher d’ailleurs…
J’en étais là de mes considérations quand l’autre ange, le grand, sans doute fatigué d’écouter piailler son collègue est entré avec Gabriel. Je ne l’avais même pas vu partir…
L’exalté non plus d’ailleurs, parce qu’en les entendant entrer il a fait un tel bond qu’il s’est cogné la tête au plafond et pourtant il partait de bas… Il a commencé sa petite séance de léchage de bottes, entrecoupée d’explications sur nos soi-disant crimes, tandis que le regard naturellement noir de Gabriel, qui était passé quelques secondes par la phase consternée en nous apercevant, redevenait parfaitement noir.
— Vous m’avez dérangé pour… ça.
L’excité de service aurait pu se faire mal en tombant de cul par terre, s’il ne tombait pas déjà de si bas. (Sa petite taille deviendrait-elle une obsession ? Je crois qu’il me rappelle un président, c’est peut-être ça…)
Il a bien essayé de balbutier quelques explications supplémentaires sur notre terrible crime contre la chrétienté, mais Gabriel a secoué la tête et est parti. Rumple et moi n’avons pas demandé notre reste. Enfin… Rumple a quand même demandé à l’ange endormi s’il pouvait garder les menottes en souvenir…
J’ai croisé le regard, toujours aussi noir, de Gabriel dans le couloir, et il semblait me dire « toi t’as pas intérêt de me refaire un coup de ce genre. » C’est que ça prend du temps de se construire une réputation comme la sienne… Si on devait passer l’éponge sur chaque incartade des nanas par qui on se fait fouetter de temps en temps…
Enfin, pendant tout le trajet de retour j’ai dû écouter Rumple se vanter de nous avoir sortis de là avec son histoire de racisme et ses nombreuses relations dans les sphères angéliques…
Comme il était déjà tard j’ai récupéré mes affaires au bureau et attendu la navette pour rentrer.
En fumant ma clope sur le quai je songeais à appeler Gabriel en rentrant, pas pour le remercier mais plutôt pour lui rappeler qu’il a oublié son fouet chez-moi… Je pourrais peut-être lui suggérer de venir le récupérer… La journée a été longue…
J’allais poser le pied dans la barque quand j’ai entendu hurler mon nom d’une voix aiguë.
— Saraaaa, Saaaaaraaaaaaaaaaaa !!!
Je ne me suis pas retournée, je suis montée dans la barque pour qu’elle démarre et seulement ensuite j’ai jeté un coup d’œil à Glorfindel qui courait vers moi, cheveux en pétard et toge déchirée laissant voir des marques de griffures qui à mon avis ne résultaient pas d’une bagarre avec Médusine, elle tient trop à ses ongles…
J’ai haussé les épaules, du style « désolée, je ne peux rien faire, la navette part automatiquement. » Je l’ai regardé devenir une minuscule petite tache blonde et furieuse dans l’obscurité du quai, puis j’ai cherché mon portable.
Pfou, c’est vrai qu’elle a été longue cette journée…

mercredi 2 juillet 2014

PAL de vacances

J'ai l'impression de ne jamais avoir aussi peu lu que durant ce premier semestre 2014. J'ai pourtant des livres très prometteurs dans ma PAL, mais la fatigue et le manque de temps ne me facilitent pas les choses.
Heureusement, mes vacances se profilent à l'horizon et, même si je n'aurai certainement pas la possibilité de lire tout ce que je veux (faut bien garder un semblant de vie sociale) je compte bien en profiter si mes yeux acceptent de suivre. L'été est toujours un moment un peu délicat pour eux.
Mais je suis optimiste et me suis donc concocté une petite liste.


Les livres que je vais lire en priorité :


Morwenna de Jo Walton.
Celui-ci il me le fallait. J’ai très hâte de pouvoir m'y plonger.


Les Rêveurs de l’Irgendwo, intégrale du cycle de Lanmeur t3 de Christian Léourier
Dans ma PAL depuis sa sortie… Je devais profiter de mes vacances estivales de 2013 pour le lire et il est encore là, à me tendre les pages. J’attendais un moment de tranquillité d’esprit et de disponibilité pour en profiter au maximum.
J’espère que cette année ça ira mieux.


Le goût des cendres de Maëlig Duval
J’ai eu un grand coup de cœur pour L’après-dieux, j’espère qu’il en sera de même pour ce roman-ci.


Ceux qui traînent dans la PAL depuis trop longtemps alors que j’ai très envie de les lire :
- The ocean at the end of the lane de Neil Gaiman
- Porcelaine d’Estelle Faye
- Les outrepasseurs t1 de Cindy Van Wilder
- L’anthologie Ghost stories


Quelques derniers arrivés qui font envie :
- Bel Ange, Le baron noir t2 d’Olivier Gechter
- Fées, weed et guillotines de Karim Berrouka
- Folies, anthologie des artistes fous


Un peu de numérique pour les jours où mes yeux feront des caprices :
- Sainte Marie des ombres t1 de Sophie Dabat
- Les marcheurs de brume de Sophie Fischer
- Le cahier d'histoires de Cécile G. Cortes
- Initiation, Chroniques de Bonfire t1 d'Imogen Rose

mardi 1 juillet 2014

La ballade de Bobby Long

Un roman de Ronald Everett Capps, publié aux Éditions Rue Fromentin.


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la ballade de bobby long




Bobby Long et Byron Burns se connaissent depuis toujours. Ils ont partagé les fêtes insouciantes de la jeunesse et les coups durs de l'âge adulte. Installés avec leur amie Lorraine à la Nouvelle-Orléans, ils laissent filer les journées , en parlant de livres, de femmes et en vidant des verres de vodka orange dès le petit déjeuner.
Quand Lorraine meurt subitement, Hanna, sa fille âgée de 17 ans, débarque chez les deux hommes. Elle bouleverse leur quotidien par sa franchise, sa jeunesse mais aussi par la résignation et le cynisme de sa génération. La cohabitation est houleuse mais Bobby et Byron décident de lui prouver qu'aucune vie n'est jouée à 17 ans.



Comment trouver les mots justes pour parler de cet étrange roman ?
Mon avis n’a cessé d’osciller au rythme de cette histoire, elle-même toute en circonvolutions. Et au final je crois que si je ne l’ai ni aimée ni détestée, il est clair qu’elle ne m’a pas laissée indifférente pour autant.
Tout commence avec trois paumés qui décident de vivre ensemble dans une chambre d’hôtel miteuse à la Nouvelle-Orléans. Ils semblent de prime abord aussi louches que sympathiques, puis, petit à petit, ils font pitié et agacent.
Lorraine est une gentille fille, mais totalement déconnectée de la réalité. Tant qu’elle peut s’empiffrer toute la journée et s’évader dans son petit monde quand la vie la déconcerte un peu trop, tout va bien. Les deux hommes sont par contre nettement plus horripilants.
Byron, le plus modéré du trio, est Issu d’un milieu aisé, ancien professeur de littérature, c’est à se demander comment il a atterri là… Se jugeant trop intelligent, comme son pote Bobby d’ailleurs, il pense que son amour pour les femmes, l’alcool et la littérature est responsable de sa déchéance. Au fond on ne peut pas lui donner tout à fait tort à ce sujet.
Le dernier membre de ce petit groupe n’est autre que le très bavard (et aussi très lourd) Bobby Long. Le plus taré de tous. Il parle sans arrêt, aime raconter des saloperies aux gamins qui croisent son chemin… Mais de temps en temps, il y a comme des éclats de poésie qui émanent d’un coup de sa personne, pour mieux s’évanouir ensuite dans le graveleux.
J’avoue avoir particulièrement détesté Bobby qu’on nous présente comme un homme extrêmement intelligent, mais justement très immature émotionnellement en contrepartie. Il est assez déstabilisant, égoïste, narcissique au dernier degré, franchement crade, et rien dans son comportement ne tend à le rendre sympathique, du moins à mon sens.
La vie d’alcolos de tout ce petit monde va être bouleversée par la disparition de Lorraine et par l’arrivée de sa fille Hanna, tout aussi paumée, mais pour la bonne raison qu’elle n’a pas eu toutes ses chances dans la vie, contrairement aux deux hommes. Alors, dans un moment de grand égarement (à moitié pour la sauter, à moitié par affection pour Lorraine), ils lui proposent de la prendre en charge, décidant qu’elle a encore toute la vie devant elle et qu’elle ne doit pas la gâcher. Ils sont persuadés de pouvoir l’aider à reprendre ses études.
C’est en gros le premier tiers du roman, celui que la quatrième de couverture nous dévoile, ce n’est donc pas vraiment un spoiler. L’idée, dans cette première partie, est de comprendre qui sont ces marginaux et de voir comment ils vivent. Leur quotidien est, de fait, assez hallucinant.
Ce récit est glauque, poisseux, crade, assez absurde, mais aussi étrangement poétique et émouvant parfois. J’avoue avoir été plus séduite par la partie dans laquelle apparaît Hanna et plus spécifiquement par le dernier tiers de l’histoire. La jeune fille, une vraie ado, très réaliste, apporte au roman une certaine fraîcheur par sa jeunesse, mais aussi une vision plus aiguisée du monde dans lequel elle évolue, en comparaison de ses compagnons toujours saouls comme des barriques. Elle est légère et capricieuse, mais aussi intelligente, drôle, attachante. Elle peut faire ressortir le meilleur comme le pire de Bobby et Byron.
Et l’histoire oscille donc ainsi, entre exaspération et émotion au fil des aventures de cet improbable trio. Hanna et son éducation deviennent la priorité des deux hommes, mais s’extirperont-ils vraiment du bourbier dans lequel ils se complaisent ?
J’ai ressenti très peu d’empathie envers ces personnages, censés être trop intelligents pour supporter ce monde, mais extrêmement lourds le plus souvent. L’auteur essaie sans doute de nous démontrer que la poésie contraste magnifiquement avec le sordide et qu’elle peut même s’y épanouir comme une fleur vénéneuse, cependant cela n’a pas bien marché avec moi. Ces types-là ont choisi leur vie de paumés, ils l’aiment ainsi, tant mieux pour eux. Je ne suis parvenue la plupart du temps qu’à voir deux gros dégueulasses obsédés, malgré toute leur culture et la gentillesse dont ils arrivent à faire preuve de temps en temps… Malheureusement, je crois que cette mauvaise image persistera plus dans mon souvenir que leurs bons côtés.
Au final, j’ai trouvé ce roman assez plat, que ce soit dans l’écriture, assez linéaire, ou dans le récit. J’ai bien conscience qu’il y avait quelque chose à voir et que je ne l’ai pas vu avec le bon regard. Tout embryon de poésie ou d’émotion, au lieu de se développer et de prendre forme dans mon esprit de lectrice s’est vite flétri face à la « glauquitude » de cette histoire et de ses personnages. Hanna et Byron, dans leurs meilleurs moments, rattrapent un peu l’ensemble, mais pas suffisamment pour me rendre cette lecture inoubliable.
Il existe un film, Love Song, adapté de ce roman. Je le regarderai peut-être, si l’occasion se présente.


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