Un roman de Sally Thorne publié chez Harlequin.
Présentation de l'éditeur :
Le jour où Lucy rencontre son nouveau collègue, Joshua Templeman, elle n’en revient pas : il est à tomber ! Sauf qu’il ne lui faut pas plus de deux secondes pour découvrir qu’il est aussi froid, cynique, impitoyable… absolument détestable ! Alors, quand leurs chefs respectifs les mettent en concurrence pour une promotion, Lucy est prête à tout pour le battre. Car, si elle gagne, elle sera sa boss. S’il gagne… elle démissionnera. Autant dire qu’elle n’a pas le choix : elle doit gagner. Mais lorsque, un soir, dans l’ascenseur, ce traître de Josh l’embrasse fougueusement, elle est complètement déstabilisée. Se serait-elle trompée à son sujet depuis le début ? Ou est-ce une tactique de Josh pour lui faire perdre ses moyens ?
J’ai déjà lu une romance de Sally Thorne, Drague Interdite, qui ne m’a pas vraiment convaincue car l’infantilisation permanente du personnage principal féminin m’exaspérait. Cependant, comme les commentaires sur le net disaient combien Drague interdite était inférieur à son précédent roman, j’ai rangé le titre dans un coin de ma tête pour redonner une chance à cette autrice.
Meilleurs ennemis part sur un postulat on ne peut plus classique de la romance : deux personnages qui se détestent vont finir par tomber amoureux. Bien qu’elle soit rebattue, je n’ai rien contre cette approche. J’aime bien voir des personnages s’apprivoiser. En revanche, je ne pense pas, au contraire de l’autrice, que la haine et l’amour soient interchangeables, loin de là. Des gens peuvent apprendre à se connaître et aller au-delà de leurs désastreuses premières impressions ou maladresses, mais quand on va trop loin dans la mesquinerie, les coups bas et les injures ou que les sentiments changent d’un coup sans qu’on sache vraiment pourquoi, ça n’est plus crédible. Pire, ça devient ridicule.
Ici, nous avons Lucy et Josh, tous deux assistants de direction dans une maison d’édition. Si on en croit ce que raconte Lucy, ce sont eux qui font tout le boulot, pourtant ils semblent passer leurs journées à se provoquer et à jouer à des jeux débiles plutôt que de travailler. Par exemple, au début du roman, Josh imite Lucy, il reproduit chaque geste qu’elle fait… Oui, on est en maternelle. Ceci dit, ça semble idiot mais pas bien méchant. Cependant, on apprend que Josh se montre régulièrement méprisant et moqueur envers Lucy que tout le monde aime. D’ailleurs c’est ce qu’elle ne supporte pas. Tout le monde l’aime, bordel ! Alors pourquoi pas lui ? Parce que Lucy est charmante, il faut que ça rentre dans votre petite tête, l’autrice y tient. Même ses défauts sont des qualités. Faites avec !
Ce genre de niaiseries est un peu saoulant, néanmoins le problème majeur de cette romance est surtout l’incohérence. Ni les mots ni les actes ne semblent avoir de valeur pour Sally Thorne. Par exemple, on nous dit que Lucy est tout à fait apte à se défendre toute seule, on l’encense pour cela, pourtant elle se laisse marcher dessus tout au long du roman. Ses rares colères contre Josh sont suivies d’une capitulation. Au mieux elle pleure auprès de sa patronne parce que Josh l’a détruite. Oui, elle utilise bien ce mot. Ce n’est pas un terme anodin, pourtant il semble l’être dans ces pages.
Dans un paragraphe elle a peur de lui, vraiment peur (elle pense qu’il est capable de la tuer), le paragraphe suivant parce qu’il la coince dans l’ascenseur et lui roule la pelle de sa vie, elle est folle de lui. Et quand je dis folle… Une vraie junkie, soudain elle n’arrive plus à se passer de lui alors qu’il la dégoûtait. Elle rôde en bas de chez lui, s’accroche à lui comme un bébé koala (ce n’est pas une métaphore, elle fait vraiment ça) et elle a juste peur qu’il la largue. Là je ne comprends plus… Il suffit qu’un homme soit beau et embrasse bien pour qu’on lui pardonne tout ? Cinq minutes avant tu avais peur qu’il te frappe, cocotte !
Lucy est un personnage tout en contradictions, mais des contradictions qui ne veulent pas dire grand-chose. Elles sont là juste pour remplir les pages… Elle harcèle Josh pour l’accompagner à un événement et ensuite elle tente de se défiler, sans vraie raison d’un bout à l’autre de cette partie de l’intrigue. Ce personnage n’a aucune logique. Mais on s’en fout, c’est une femme, on sait qu’elles sont comme les chats...
Quant à lui, c’est un cliché sur pattes. Il est canon, il passe sa vie à faire du sport pour être bien foutu, mais justement le pauvre chéri n’est apprécié que pour son corps. Et puis il a des problèmes avec son père… Alors il n’a pas confiance en lui. Cela est censé justifier le fait qu’il agisse comme un connard. Mais en vrai c’est un pervers narcissique. Il passe ton temps à « éduquer » Lucy. Il lui montre combien son style de vie est merdique parce que lui est parfait en comparaison et qu’une femme ne sait pas vivre toute seule, genre ne serait-ce que s’alimenter correctement. Voilà, voilà…
C’est tout à fait normal de menacer les hommes avec qui elle parle et de lui arracher son téléphone des mains. C’est très romantique (non, ça ne l’est pas, c’est un comportement de taré qui ne doit pas être encouragé !) Je ne cherche pas à transformer les romances en essais féministes, mais personne ne voit le problème ?
Je sais bien que les romances ne sont pas connues pour leur valorisation de la femme, mais quand même, à partir du moment où elles se modernisent, ne peut-on espérer une petite évolution et au moins qu’on n’infantilise pas autant les femmes ? Je sais aussi qu’il y a bien pire dans la description d’une relation malsaine (hello dark romance, plaie de la société), mais c’est d’autant plus perturbant que la façon dont se comporte Josh est présentée comme normale et romantique alors qu’elle est dangereuse.
Sally Thorne a un vrai problème avec ses personnages féminins. Elle nous présente ces femmes comme étant indépendantes alors qu’elles sont tout le contraire. Il n’y a pas de mal à s’appuyer sur quelqu’un, qu’on soit une femme ou un homme d’ailleurs, mais ici cela franchit une limite de manière très insidieuse. C’est malsain et destructeur de normaliser ainsi ce qui n’est rien d’autre que de la maltraitance psychologique. Toutes les déclarations d’amour du monde n’y changeront rien.
Meilleurs ennemis a eu tant de succès qu’il est en cours d’adaptation cinématographique. Cela me laisse perplexe.