Un roman de Vernor Vinge, publié au Livre de Poche.
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Attention, si vous n'aimez pas trop en savoir avant de commencer une lecture, ne lisez pas le résumé de l'éditeur !
Ils voyagent dans le temps mais à sens unique, vers l'avenir, dans des bulles de stase qui leur permettent de franchir les siècles ou les millions d'années.
Ils ne sont plus que trois cents. Toute l'humanité, qui se cherche un nouveau pays d'années. Et lorsque Marta Korolev meurt, assassinée d'une façon étrange et effrayante, naufragée de la temporalité, ils savent qu'un assassin se cache parmi eux.
Que Wil Brierson, l'unique policier de la communauté doit démasquer.
Avant qu'il n'extermine le reste de l'espèce humaine...Vernor Vinge, l'un des meilleurs auteurs américains de science-fiction, vient d'obtenir le prix Hugo de l'an 2000 pour son roman A Deepness in the Sky. II l'avait déjà reçu en 1973 pour Un feu sur l'abîme, publié dans la même collection.
Dans La Captive du temps perdu, l’humanité est prise au piège de sa propre science, toute entière propulsée dans une fuite en avant. Elle survit tant bien que mal, avec les vestiges de sa technologie pour seul rempart, tentant de rassembler les derniers membres de l’espèce humaine et de les unir au-delà de leurs querelles pour se donner une meilleure chance de repartir dans la temporalité.
Vers le XXIe siècle, l’homme a maîtrisé la stase et évidemment fait un peu n’importe quoi avec. Certains s’en sont emparés pour fuir vers le futur, d’autres comme arme contre des personnes gênantes. C’est devenu pour eux la meilleure façon de faire un bond dans le temps, quel que soit leur motif de départ. La problématique est traitée de manière très intéressante et les théories de l’auteur m’ont captivée tout au long du roman.
Cependant, le problème majeur de ces voyageurs à sens unique n’est pas des moindres : l’humanité a mystérieusement disparu aux alentours du XXIIIe siècle et ils se sont trouvés piégés, certains sans ressources. Ceux qui l’ont pu sont retournés en stase en espérant du secours. Celui-ci est parfois venu sous la forme de Marta et Yelen Korolev, femmes aussi prévoyantes que dirigistes, qui essaient de sauver l’humanité en recueillant dans leur colonie tous les humains qu’elles peuvent trouver.
Ainsi se voient embarqués dans une même galère des humains venus des deux derniers siècles avant la mystérieuse extinction de leur espèce, devant faire face à leurs différences ou à leurs conflits passés, possédant une technologie avancée pour certains et qu’ils ne partagent pas forcément. Il est passionnant de voir confrontés ainsi et forcés de vivre ensemble des gens si différents et de découvrir cette histoire supposée des conflits mondiaux qui pourrait bien être la nôtre un jour.
On se pose beaucoup de questions au cours de cette lecture… Qu’est-il advenu de l’humanité ? Les survivants pourront-ils sauver leur espèce ? Et, surtout, qui menace la colonie dans l’ombre ?
J’ai adoré ce roman, à la fois mélange de polar et de science-fiction spéculative.
Bien sûr, il est un peu difficile d’accès au départ, quand tout se met en place et que l’on ne sait pas encore où l’auteur nous emmène. Cela fait beaucoup d’informations, assez hachées, et dont les enjeux restent obscurs un bon moment. C’est pour cela que j’ai insisté sur la situation de départ, même si en fait j’en ai très peu raconté. Je pense que si vous décidez de lire La Captive du temps perdu, mon petit résumé vous rendra bien service pour entrer dans l’histoire.
Si l’on fait preuve de patience avec ce récit qui se construit petit à petit, il devient très vite prenant car de nombreux mystères attendent d’être résolus. Pour les éclaircir, nous suivons Wil W. Brierson, ancien flic, expédié dans une bulle vers le futur par quelqu’un qu’il s’apprêtait à démasquer au cours d’une enquête. Vous levez les yeux au ciel, vous trouvez cela terriblement déjà-vu ? Rassurez-vous, c’est bien mieux que cela n’en a l’air. Brierson se trouve face à trois problèmes. Certes il y en a un qui occupe toute la colonie : savoir ce qui a provoqué l’extinction et si c’en est vraiment une, mais pour Brierson, le plus important est surtout de découvrir la personne qui l’a expédié vers le futur et qu’il sait se trouver parmi les rescapés. Cela en soi est source de tension et suffirait à l’occuper, cependant un meurtre, aussi habile qu’odieux, vient mettre en danger toute la colonie et c’est véritablement sur cette affaire-là qu’on lui demande de travailler. La situation dans laquelle s’est trouvé un personnage charismatique, le menant ainsi jusqu’à la mort, est le pivot du récit et, d’une certaine façon, touche aussi de très près Brierson.
J’ai beaucoup aimé le suivre dans ses enquêtes, surtout celle concernant le meurtre qui m’a véritablement entraînée dans l’histoire et fait tourner les pages plus vite. Cette affaire est particulièrement machiavélique et prend un peu le pas sur les autres, même si l’on continue de s’interroger sur le reste. Cela m’a plu de découvrir les théories des uns et des autres, mais surtout de me forger les miennes. L’auteur a très bien su rendre ce huis-clos temporel, étourdissant quand on réfléchit à toutes ses implications. Les personnages peuvent paraître traités de façon un peu superficielle car on entre rarement dans leurs pensées, néanmoins, je les ai trouvés fascinants et bien construits. Je me suis beaucoup attachée à certains : Wil, malgré sa dualité, Marta et sa force de caractère, Yelen qui tente de maintenir debout un château de cartes sans cesse près de l’effondrement et l’étrange Della, mais aussi les frères Dasgupta, que l’on voit pourtant si peu, et tant d’autres encore. Ce sont des personnages crédibles, très humains.
Imaginez ces quelques trois cents personnes, tout ce qui reste de l’humanité, captives des millions d’années après leur ère, ressentez leur solitude face à l’immensité de leur tâche alors qu’elles continuent, presque malgré elles, de fuir vers l’avant à la recherche d’une solution qui ne peut venir que d’elles-mêmes. D’une certaine façon, c’est très poétique et tragique tant cela nous montre à la fois la fragilité et la force de l’humanité.
J’ai échafaudé plein d’hypothèses au cours de ma lecture, sur toutes les questions que l’on peut se poser, mais surtout sur le meurtre car les indices, distillés au fur et à mesure, font indubitablement cogiter le lecteur. À la fin, il m’en restait deux, dont la bonne (l’autre étant le fruit de mon esprit paranoïaque, comme d’habitude). J’ai trouvé que les derniers chapitres s’essoufflaient un peu, mais ça reste un très, très bon roman et la conclusion, qui rappelle en quelque sorte les romans d’Agatha Christie, m’a beaucoup plu. Elle montre toute l’évolution des personnages suite à ces événements traumatisants. C’est une lecture que je recommande aux gens patients, qui aiment résoudre des énigmes en même temps que le personnage principal et apprécient une science-fiction qui pousse à la réflexion.
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