Un roman de Katherine Arden, publié chez Denoël dans la collection Lunes d'encre.
Ma chronique du premier tome est par-là.
Présentation de l'éditeur :
La cour du grand-prince, à Moscou, est gangrenée par les luttes de pouvoir. Pendant ce temps, dans les campagnes, d'invisibles bandits incendient les villages, tuent les paysans et kidnappent les fillettes. Le prince Dimitri Ivanovitch n'a donc d'autre choix que de partir à leur recherche s'il ne veut pas que son peuple finisse par se rebeller. En chemin, sa troupe croise un mystérieux jeune homme chevauchant un cheval digne d'un noble seigneur. Le seul à reconnaître le garçon est un prêtre, Sacha. Et il ne peut révéler ce qu'il sait : le cavalier n'est autre que sa plus jeune sœur, qu'il a quittée il y a des années alors qu'elle n'était encore qu'une fillette, Vassia.
Ne lis pas cette chronique si tu n'as pas lu le premier tome.
À la fin de L’Ours et le Rossignol, nous avions laissé une Vassilissa pleurant son père au milieu des cendres de son enfance. Dans ce tome, il est temps pour elle de s’émanciper. Bien que les épreuves l’aient mûrie, elle reste une jeune fille de la campagne, qui a grandi dans un milieu protégé. Même si elle a enduré le froid et la faim, entre autres épreuves, son père et ses frères veillaient sur elle et la simplicité de la vie dans son village ne l’a pas préparée au monde, encore moins aux intrigues de la cour. Malgré tout ce qu’elle a pu subir, elle est toujours naïve, pleine d’idéaux et d’illusions, nourrie par les contes de son enfance où les cœurs vaillants sont récompensés et où les filles ont le droit d’être davantage que des épouses serviles.
Vassia n’aspire qu’à parcourir le monde sur le dos de Soloveï. Elle rêve d’aventure, d’héroïsme et de magie. Malheureusement, Vassia est bien moins prête qu’elle ne l’imagine et elle a beaucoup à apprendre sur la cruauté des hommes. Elle va devoir grandir encore, et très vite, pour gagner cette liberté qui lui fait tant envie. Et pour être en sécurité sur les routes, quoi de mieux que se déguiser en garçon ? Cependant, il se pourrait que son subterfuge joue contre elle. Vassia va se trouver en présence de son frère Sacha, devenu moine, et du grand-prince de Moscou, Dimitri Ivanovitch. Précipitée au cœur d’un nid de serpents sans y avoir été préparée, elle va devoir être sur ses gardes car si son secret est éventé, elle risque gros.
Ce tome est celui de l’apprentissage, des faux-semblants et des trahisons. Vassia a un grand cœur et des aspirations tout aussi grandes, mais elle se comporte comme une enfant gâtée parfois et ses inconséquences sont douloureuses aussi bien pour elle et les siens, qui vont devoir en payer le prix, que pour le lecteur qui a envie de la secouer. Cependant, on doit lui reconnaître qu’elle apprend de ses erreurs, qu’elle les assume aussi bien que toutes les conséquences de ses choix.
J’avais apprécié le premier tome, surtout pour son ambiance de conte, pour ses Tchiorti et les petits rituels qui accompagnent leur existence, mais je l’avais trouvé un peu lent. Dans celui-ci, le rythme est beaucoup plus soutenu, à part peut-être dans la première partie. En tout cas, je l’ai lu très vite et avec grand plaisir tant j’étais prise dans l’histoire. Les ennemis qu’affronte Vassia sont cette fois beaucoup plus retors. J’ai retrouvé dans ce roman la magie et les références aux contes qui me plaisent tant, bien que le récit soit plus axé sur l’aventure et l’action. Les êtres surnaturels qu’on appelle Tchiorti, tous ces lutins domestiques et créatures des bois qui font toute la richesse du folklore russe, se font encore trop discrets à mon goût, mais leurs interventions dans ce volume sont toujours utiles et surtout significatives. À tout prendre, je préfère cela à un usage plus fréquent mais plus anodin de leur présence et de leurs pouvoirs.
Ce tome est la parfaite continuation du précédent et j’ai été heureuse de voir Vassia y retrouver son frère, mais aussi sa sœur aînée. Outre le fait d’apprendre ce qu’ils sont devenus, on peut voir comment leurs relations vont évoluer à l’âge adulte. On rencontre aussi les enfants d’Olga et surtout sa fille aînée, Macha, un personnage prometteur. Tous gagnent en profondeur dans ce récit.
Ce roman est à la fois très féminin et féministe. Le précédent l’était déjà, mais il nous montrait surtout le monde du point de vue de Vassia qui était tout de même relativement libre, même pour une fille de la campagne. Celui-ci parle d’émancipation, de ce qu’est la féminité — ou de ce qu’on voudrait qu’elle soit — et de la difficulté pour les femmes, nobles aussi bien que paysannes, de vivre dans cette Russie médiévale qui est si rude pour elles. Des femmes cloîtrées dans leur terem aux gamines de la campagne enlevées par des brigands, il ne fait pas bon être une fille à cette époque. À travers toutes ces figures féminines, Vassia ainsi que la jeune Katia, Olga et Macha, mais également Tamara, la grand-mère des filles, et son étrange destinée, on peut voir différentes facettes de la féminité et les choix qui les accompagnent.
J’ai été particulièrement ravie d’en apprendre davantage sur Tamara et sur l’héritage des filles, même s’il reste encore des mystères à mettre au jour. Ce fut vraiment une excellente lecture.
Tout cela me donne très envie de lire la suite. Ça tombe bien, elle vient de sortir et c’est le dernier tome.
Défi Cortex, catégorie auteur d’Amérique du nord.