Un roman d'Anne Bishop, publié chez Milady.
Lettres Écarlates, Meg Corbyn T1
Volée noire, Meg Corbyn T2
Présentation de l'éditeur :
Depuis que les Autres ont libéré les cassandra sangue de l’esclavage, les fragiles prophétesses du sang courent un grave danger. Simon Wolfgard, chef des terra indigene de l’Enclos de Lakeside, n’a d’autre choix que de faire appel à Meg Corbyn. En effet, les entailles de la jeune femme révèlent d’étranges visions qui sont pour Simon le seul espoir de mettre un terme au conflit. Son sacrifice est nécessaire, car l’ombre de la guerre s’étend de l’autre côté́ de l’Atlantik, et les conspirations d’un groupuscule extrémiste menacent de la propager à Thaisia...
J’ai retrouvé avec plaisir Meg et les autres habitants de l’Enclos de Lakeside. Je me suis même demandé pourquoi j’ai attendu si longtemps avant de lire ce tome, d’autant qu’une fois la première page tournée, j’ai eu beaucoup de mal à le lâcher.
Lire Anne Bishop est toujours agréable. Sa façon de raconter y est pour beaucoup, bien sûr, mais surtout elle sait gérer ses différentes intrigues de manière à garder l’attention du lecteur. Chaque tome possède son arc de base, en plus de petites circonvolutions secondaires, mais toutes servent le plan global de la pentalogie dont ce troisième volume est le pivot.
Si j’apprécie les séries — quand le nombre de volumes est raisonnable comme c’est le cas pour celle-ci — c’est avant tout pour avoir le plaisir de voir les personnages évoluer. En cela, je ne suis pas déçue, même si les relations entre eux stagnent un peu plus dans ce tome. Les efforts que font les Autres et les humains pour se comprendre, malgré la peur et la défiance, forment un intéressant contraste avec la situation globale du continent. La guerre couve toujours, comme des braises attisées par des humains avides de pouvoir. Des étincelles, lancées par-ci par-là, pourraient bien déclencher un incendie dévastateur. Malgré les progrès de ses habitants, l’Enclos est un bien faible rempart entre la haine des humains et la vindicte des Autres.
L’aspect politique du récit est intéressant, d’autant que l’autrice, sans ménager ses personnages, les a rendus réactifs et intelligents. Parfois ils doivent parer au plus pressé, mais en règle général ils ne se comportent pas comme des oisillons tombés du nid. Ils comprennent vite et ils agissent, ne laissant jamais le lecteur dans l’expectative pour des centaines de pages.
Ce tome est cependant un peu moins vif que les précédents. Il arrive que l’autrice insiste lourdement sur certains points, ce qu’elle ne faisait pas avant. Cela concerne surtout les intrigues secondaires et en premier lieu sa description de la relation entre Meg et Simon. Elle piétine un peu, car ils ont du mal à se comprendre malgré leurs efforts, et certaines scènes se font écho de manière un peu trop récurrente à mon goût. Il faut dire aussi que je me fiche un peu de leur petite histoire ; je n’ai pas vraiment envie qu’ils deviennent plus que des amis. Enfin, ces atermoiements ne sont pas trop dérangeants. La répétition qui m’a vraiment gênée concerne les Aînés. Chaque fois que l’autrice en parle, c’est pour dire peu ou prou la même chose qui tient en quelques mots. Cela sonne comme une petite phrase musicale censée augmenter la tension dans un vieux film d’épouvante… Au bout de deux ou trois fois c’est bon, je crois qu’on a compris, si tu n’as rien à ajouter sur le sujet, va de l’avant…
Les méchants de l’histoire sont aussi un peu caricaturaux. Ils auraient gagné a être un peu plus intelligents et nuancés. À mon sens, il y avait matière. Le lecteur est d’emblée du côté des Autres, c’est normal vu la façon dont ils nous sont présentés face à des humains qui font un peu n’importe quoi et s’oppressent les uns les autres. Pourtant, on pourrait aussi comprendre le point de vue inverse, si Anne Bishop avait pris la peine de ne pas simplement faire des membres du HAT des gens haineux, intéressés par le pouvoir et le profit. Les humains ont raison de craindre les Autres qui contrôlent ce monde et le développement des différents points de vue aurait pu donner une histoire bien plus profonde. L’opposition entre ces espèces est beaucoup trop manichéenne à mon goût. Néanmoins, je dois admettre que l’histoire reste prenante, même sous cette forme un rien simpliste.
Ce tome est donc axé sur la politique du continent et sur les relations entre les membres de l’Enclos et la meute humaine de Meg en contrepoint. On en apprend davantage sur Burke et Monty, ce qui est appréciable. Mais ce sont quelques passages, comme égarés entre les pages, qui ont vraiment capté mon attention. Ils portent sur la vie en dehors de l’Institution d’une autre Cassandra Sangue, une ancienne camarade de Meg. J’ai trouvé le personnage touchant. Il est plus facile de l’appréhender avec ce qu’on a appris sur les prophétesses dans le tome précédent. J’espère qu’elle aura un rôle plus prépondérant dans la suite. Meg aussi avance à sa façon dans la découverte de sa nature, autant pour elle-même qu pour aider ses semblables, et j’ai hâte de voir ce qu’elle en fera.
Malgré les redondances et la facilité de certains choix scénaristiques, ce fut une très bonne lecture. J’avais envie de lire la suite à peine le roman terminé. Cette fois je n’attendrai pas aussi longtemps pour le faire.