lundi 24 janvier 2011

Guerrière

Premier volume du diptyque des deux sœurs, de Marie Brennan, publié chez Éclipse.

Lorsqu'une sorcière naît, un double de son être est aussi créé. Pour que la sorcière vive et maîtrise ses pouvoirs, sa jumelle doit être sacrifiée. Telles sont les traditions. Telle est la loi.

Je n’en dirai pas davantage sur l’histoire car pour moi ces courtes phrases de présentation sont déjà trop et ce roman mérite qu’on ménage son suspense.
J’ai littéralement adoré ce récit. Ça faisait longtemps que je n’avais pas autant apprécié de la high fantasy. J’espère parvenir à partager en quelques mots l’enthousiasme qu’il a fait naître en moi.
L’histoire est tout bonnement excellente et vraiment bien construite. C’est original et inventif, tout en restant très cohérent. Je tiens beaucoup à la cohérence, tout comme à la vraisemblance, on peut bien me faire croire n’importe quoi tant qu’on garde une certaine logique, c’est ce qui me permet de m’immerger dans une histoire.
Et j’ai allègrement plongé dans celle-ci…
Elle est prenante, l’univers qu’elle décrit est complexe et riche de détails, mais l’auteur l’ébauche petit à petit, ce qui fait que le récit n’est jamais trop lourd, dans son fond comme dans sa forme. Il y a bien quelques petites longueurs dans la première partie, ou plutôt des moments d’attente, devrais-je dire, mais rien d’insurmontable. Ça ne m’a pas dérangée car d’une part je ne suis pas une fanatique de l’action non-stop et d’autre part parce que c’est très bien écrit et vraiment agréable de découvrir au fur et à mesure tous les aspects de ce monde, la hiérarchie des sorcières et leurs croyances, le fonctionnement des écoles de chasseurs et du clergé, en autres choses… J’ai vraiment adoré cet univers tout en nuances et tellement complet. Cependant les amateurs d’action pourront se sentir un peu frustrés par le premier tiers du roman. Cela dit, ça s’arrange bien ensuite.
On peut se sentir un peu étourdit au début par ce nouvel univers, mais cela passe assez vite (30 à 50 pages). Il y a un glossaire à la fin de l’ouvrage, mais je l’ai trouvé d’une utilité toute relative car s’il est appréciable d’y voir décryptés tous les titres honorifiques des sorcières (bien qu’il ne soit pas vraiment nécessaire de les connaître tous pour apprécier la lecture et comprendre l’histoire) ainsi que les spécialités des écoles de chasseurs et la correspondance horaires des carillons, il y aussi beaucoup de termes et de noms dont on aurait pu se passer et qui ne font que le rendre fouillis et perdre le lecteur en route… Je ne vois pas l’intérêt d’y ajouter des noms de personnages qui sont à peine évoqués ou croisés une seule fois par les héros…
Justement, parlons-en de nos personnages principaux… J’ai été très agréablement surprise par Miryo et Mirage et le sentiment qu’elles m’ont inspiré toutes deux me dit que l’auteur a vraiment bien fait son boulot. J’ai également apprécié Eclipse, Satomi, Eikyo et quelques autres. Tous les personnages de cette histoire sont de toute façon très travaillés, bien construits, intéressants et surtout très crédibles.
Le seul petit reproche que je pourrais faire, et encore ça ne m’a pas tant gênée que ça, c’est le foisonnement souvent inutile de détails concernant des personnages secondaires qui à part égarer un peu le lecteur n’apporte pas grand-chose à l’histoire. Mais ça ne m’a pas plus dérangée que cela…
Cette histoire m’a parlé pour bien des raisons, notamment pour ses concepts spirituels et philosophiques, mais elle est aussi très accessible pour les personnes qui ont d’autres principes ou qui ne veulent pas s’intéresser à cet aspect du récit. Elle a plusieurs niveaux de lecture et peut donc toucher plusieurs publics.
Le style en lui-même est excellent et maîtrisé, élégant, voire même poétique. L’auteur a réussi, malgré la densité de son récit et la complexité des concepts qui le sous-tendent, à créer une certaine harmonie, tout en finesse et clarté.
Il y a derrière cet ouvrage un travail vraiment brillant qui fait que j’ai hâte de lire la suite et que je conseille très vivement cette lecture.


Ce livre a été lu pour le club de lecture de Vampires & Sorcières.

C'est aussi le second livre de la catégorie imaginaire pur le défi ABFA et V&S 2011.

samedi 22 janvier 2011

Le livropathe

Une pièce de théâtre de Thierry Debroux, publiée chez Lansman.

Je ne peux pas appeler ce blog les carnets de lecture d'une livropathe sans rien écrire à propos de cette pièce de théâtre qui a marqué mon parcours de lectrice.
Tout lecteur passionné a de ces petites anecdotes qui lui rappellent pourquoi il aime tant les livres et qui lui démontrent à quel point ils le lui rendent bien. Le hasard est un très bon ami pour le lecteur et parfois il vous amène un de ces livres dont l'histoire se mêle à votre propre histoire... Quelquefois il a des choses à vous apprendre, mais le plus souvent il se contente d'engager avec vous une conversation étrange, tissée de symboles, de signes et de sensations, il est comme un écho partiel et lointain ou comme le reflet d'un miroir déformant. Quoi qu'il en soit, vous savez que son souvenir vous accompagnera longtemps, pour ne pas dire toujours.
C'est le titre de cet ouvrage-ci qui m'a attirée en premier. Il me parlait, me considérant depuis toujours comme une livropathe moi-même et usant de ce terme avec mes amies. Car, comme j'ai eu l'impression que le personnage le sous-entendait, livropathie et bibliophilie sont deux choses bien distinctes... Et il y a longtemps que j'ai appris où se trouvait la limite.
Théo, le livropathe de l'histoire, vit dans une immense bibliothèque, il est collectionneur, mais également, et surtout, lecteur, c'est le gardien de cet univers de papier qui bruisse de tant d'histoires différentes. Cependant Théo a un problème, il n'a jamais pris la peine de classer les livres, se fiant pour les retrouver à son odorat, car chacun a pour lui un parfum différent et parfaitement reconnaissable, facile à suivre à la trace  quand on le connaît, malgré le nombre impressionnant d'ouvrages. Seulement il a perdu son flaire à cause de la poussière et donc dû engager Ava pour l'aider à remettre bon ordre dans son royaume.
Étrange jeune femme que cette Ava, qui semble poursuivie par la mort, élève étonnante et sceptique chez qui Théo décèle le don de "sentir" les livres et à laquelle il va commencer à enseigner son art malgré sa réticence... Mais il y a ce livre interdit dans la vitrine, il y a cette précédente employée disparue sans prévenir ni laisser de traces et surtout il y a Victor qui promène sa mine maussade et ses répliques cyniques dans les allées en portant des accusations...
Qu'on la lise ou qu'on la voit jouée sur scène, cette pièce a de quoi fasciner ; une intrigue prenante et mystérieuse, un rien absurde, des personnages aux histoires respectives vraiment intéressantes... La dernière partie est plus difficile à cerner, tout comme elle est plus sombre, mais il y a un esprit vraiment très particulier dans cette pièce qui fait qu'on veut absolument savoir ce qui va advenir et qu'on songe encore au dénouement longtemps après.
Si elle m'a marquée à ce point c'est que j'y ai décelé des détails qui me parlaient sur les signes, les lecteurs, le hasard et les livres et aussi à cause de la synesthésie du personnage, mais au-delà de ces petits clins d'œil personnels, je crois qu'elle a de quoi plaire à tous les bibliophiles, les amateurs de théâtre, d'ambiances sombres et de bizarreries, les philosophes en herbes et bien d'autres encore pour peu qu'ils veuillent se montrer un peu curieux...

vendredi 7 janvier 2011

Llorona on the rocks

De Charlotte Bousquet.
Publié chez Argemmios.

« Les fées, c’est comme la Vierge de Guadalupe, j’ai cessé d’y croire à dix ans. Quand j’ai tué pour la première fois. » 
À Ciudad Juárez, des femmes sont assassinées. Pour le sexe. Pour le fun. Pour leurs organes, aussi. La routine. Sauf qu’une inconnue voilée de blanc apparaît, à chaque fois, près des cadavres. 
La Llorona. 
En pleine guerre des cartels, les Feds ont autre chose à faire que courir après une légende. Alors, ils ont fait appel à moi, Eva Vargas, la meilleure tueuse à gages et spirite du Mexique. Mais entre les fantômes du passé, les narcos et mon fichu cœur d’artichaut, il va falloir autre chose qu’un tequila blanco pour y arriver sans me brûler les ailes…

Décidément, Charlotte Bousquet arrivera toujours à m'étonner. Aucun de ses ouvrages ne ressemble à l'autre et son style, différent et semblable à la fois, toujours reconnaissable en tous cas, s'adapte à chaque nouvelle histoire comme si c'était elle qui était faite pour lui et non l'inverse.
Llorona on the rocks est un récit vif, sans complaisance. On nous promet du sang, du cynisme, de l'action et des fantômes, une histoire un peu entre James Bond et de la bonne fantasy urbaine. Et on ne nous floue pas, c'est le moins qu'on puisse dire.
Llorona est un thriller surprenant qui se lit très vite et qui donne plus l'impression de regarder un film (et même d'écouter sa bande-son) que de lire un livre, tout en gardant l'avantage littéraire de nous faire entrer dans les pensées des personnages.
L'action est bien dosée, haletante la plupart du temps, mais laissant à quelques moments d'attente, de rêve ou d'introspection l'opportunité de semer le trouble dans l'esprit du lecteur afin qu'il sache bien que jamais, jusqu'à la toute fin, le mystère n'est totalement éclairci ou l'histoire arrêtée et que tout peut encore se produire.
C'est un très bon livre, divertissant mais aussi instructif, il pousse à une certaine réflexion sur la condition des femmes. J'ai vraiment apprécié cette lecture, mais quelque chose que je ne saurais pas vraiment définir m'a empêchée de passer au stade supérieur et de réellement l'adorer. Est-ce parce qu'une grande partie de l'univers musical qui imprègne l'histoire m'est étranger ? Non, je ne le crois pas, j'ai aimé découvrir celui-ci. Est-ce que cela tient au personnage alors, dont les propensions à se la jouer et à s'écouter parler m'ont souvent agacée ? Je ne sais pas... Vers la fin j'appréciais Evelia, je lui pardonnais volontiers ces petits accrochages...
Peut-être aurais-je aimé que la mythologie et le folklore prennent une plus grande place dans cet ouvrage...
Cela dit, l'épilogue laisse présager du meilleur et si l'auteur a dans l'idée d'écrire un autre roman de ce genre, je le lirai sans aucun doute.
Enfin, une mention spéciale pour les annexes qui complètent agréablement le roman et dont j'ai apprécié la lecture. Il y a deux articles très intéressants, l'un sur les féminicides de Ciudad Juarez et l'autre sur Frida Kahlo, mais également la playlist de l'ouvrage et quelques recettes de boissons, idée originale et très sympathique.
Il y a en outre un glossaire, mais j'aurais préféré pour ma part des notes de bas de page à la place. Je n'aime pas interrompre ma lecture pour simplement chercher la signification exacte d'un mot d'argot... Ce qui me fait de surcroît penser que si, lisant l'espagnol, je n'ai pas été gênée que ne soient pas traduites les bribes de chansons qui jalonnent le texte, ce ne sera peut-être pas le cas de tout le monde... Oh, c'est assez facilement compréhensible je crois et pas vraiment nécessaire non plus de tout saisir, mais ces paroles participent à la création d'une certaine ambiance, c'est donc un peu dommage de passer à côté.


Ce livre entre dans la catégorie imaginaire pour le défi ABFA et V&S 2011.

dimanche 2 janvier 2011

Brida

De Paulo Coelho, publié chez Flammarion.

Brida, une jeune Irlandaise à la recherche de la Connaissance, s'intéresse depuis toujours aux différents aspects de la magie, mais elle aspire à quelque chose de plus. Sa quête l'amène à rencontrer des personnes d'une grande sagesse, qui lui font découvrir le monde spirituel: un mage habitant la forêt lui apprend à vaincre ses peurs et à croire en la bonté de l'univers; une magicienne lui explique comment danser au rythme du monde et invoquer la lune. Brida part alors à la rencontre de son destin. Parviendra-t-elle à réconcilier sa vie amoureuse et son désir de tout quitter pour devenir sorcière? Ce roman enchanté renoue avec des thèmes chers aux lecteurs de Paulo Coelho: le conteur y tisse un récit qui mêle amour, passion, mystère et spiritualité.

Ma dernière lecture de 2010... Que dire sinon que ce choix fut mal inspiré ?
En règle générale j'ignore les résumés qui souvent gâchent la lecture de l'ouvrage en dévoilant trop de secrets ou en trompant le lecteur... Celui de Brida, je l'ai survolé, en ne laissant pas trop les mots s'imprégner dans mon esprit, puis je me suis dit, pourquoi pas ? Ce que je peux en dire maintenant c'est que tout en n'étant pas inexact, puisqu'il qu'il raconte l'essentiel de l'histoire, il peut la faire paraître un brin plus intéressante qu'elle ne l'est vraiment... Oh, ce n'est pas que j'en attendais beaucoup... Je savais déjà que le style de Paulo Coelho n'est pas une merveille de finesse, mais il m'a semblé plus plat et plus lapidaire encore qu'avant. L'histoire en elle-même est tissée de platitudes, le psychologie des personnages m'a laissée perplexe et j'ai chaque fois peiné à reprendre ma lecture. Si je l'ai terminée c'est, mon espoir de voir la situation évoluer s'amenuisant de page en page, pour lire le récit de l'initiation de la jeune femme, par curiosité pour ce genre de sujet et aussi parce que je n'avais ni le temps ni la concentration nécessaire en ce tourbillonnant mois de décembre pour une lecture qui demandait plus d'implication.
Car il faut dire aussi que ce livre-ci se lit vite, les chapitres sont courts, la mise en page est aussi aérée qu'une piste d'aéroport et la taille de la police d'écriture immense... Quand on est migraineuse et qu'on souffre de troubles de la vision c'est parfois appréciable et je savais à quoi m'en tenir, mais une mise en page honnête aurait ôté au minimum 100 pages à ce roman qui en pèse 300... Je me dis qu'il doit en aller de même pour l'Alchimiste en grand format... C'est en version poche que j'ai lu ce dernier. Il avait au moins le mérite de contenir une histoire, qu'elle plaise ou non, qu'on accroche ou pas au côté mystique du récit. Dans Brida il n'y a pas d'histoire, pas vraiment, c'est décousu et sans intérêt, plat et commercial, en plus d'être mal écrit. Avec en prime un mysticisme de supérette... À éviter donc.

samedi 1 janvier 2011

Défi lecture 2011 d'ABFA et Vampires et Sorcières


C'est parti !!!
Cliquez sur le logo pour connaître les règles du jeu...
Et ici pour voir la liste de liens des billets de tous les participants.

J'ajouterai au fur et à mesure les titres des livres que j'ai choisis et lus pour le défi et les liens vers leurs critiques respectives.

Pour la catégorie Imaginaire (15/15) :
Llorona on the rocks de Charlotte Bousquet.
Guerrière de Marie Brennan.
Loup y es-tu ? d'Henri Courtade.
L'Héritière d'Owlon de Patrick S. Vast.
Traquée de Cassandra O'Donnell.
Rue Farfadet de Raphaël Albert.
Narcogénèse d'Anne Fakhouri.
Maîtresse du vent de Rachel Caine.
À travers le voile de Kat Richardson.
Masques de Patricia Briggs.
Rage de dents de Marika Gallman.
Absinthes et Démons d'Ambre Dubois.
La Vestale du Calix d'Anne Larue.
Éphémère T1, le Dernier Jardin de Lauren DeStefano.
Masky de Viviane Etrivert.

Pour la catégorie classiques (5/5) :
Un mort encombrant de Robert Louis Stevenson.
Les contes de la bécasse, Guy de Maupassant.
La Lettre Écarlate de Nathaniel Hawthorne.
Derrière le masque de Louisa May Alcott.
La bande de la belle Alliette d'Eugène Chavette.

Pour la catégorie BD et mangas (3/3) :
Baron : the cat returns d'Aoi Hiiragi.
Une longue route de Fumiyo Kouno.
La légende des Dames de Brocéliande de Sandrine Gestin.

Pour la catégorie Théâtre (1/1) :
La locandiera de Carlo Goldoni.

Le harlequin (1/1) :
La rose écarlate

Le livre bonus (1/1) :
Dans l’œil noir du corbeau de Sophie Loubière.

jeudi 30 décembre 2010

Les contes myalgiques II : les atouts du diable

De Nathalie Dau.
Aux éditions Griffe d'Encre.

Contes Myalgiques II : Les Atouts du Diable fait suite aux Contes Myalgiques I : Les Terres qui rêvent, le premier recueil de Nathalie Dau, lauréat du Prix Imaginales de la nouvelle en 2008. 
19 textes dont 13 inédits + 2 poèmes, pour 21 atouts. 
Quatrième de couverture : 
Dans les galeries du bassin houiller, le touffu des forêts sauvages et la noirceur des sentiments.
Dans la souffrance et puis les larmes, les cauchemars du quotidien, le désespoir, la solitude… et la peur qui pousse à le voir là où il ne s’est pas tenu. La rancœur qui l’invoque. La vengeance qui lui livre son dû.
Il rit, aussi, de la folie et de ses farces. Des illusions, des accidents, des maux. Du Mal.
Et il attend. Armé de ses atouts.
Sommaire :
  • Scartime
  • Païenne
  • Une petite pièce après l'autre
  • Global Punishing System
  • Knock Knock Knockin' on Hell's Door
  • Le Goût du miel
  • Solamente
  • Raven Party
  • War Seed
  • La Force du déni
  • La Peau du Diable
  • La Bouche
  • Pour Camille
  • Nouveau-né
  • Les Ailes de l'Anaconda
  • Pour qui sonne Clochette ?
  • Quand viendra l'Aube
  • Notre-Dame des Algues
  • Le Saut de l'Ange
  • Celle qui demeurait
  • Playlist
  • Conclusion : Textament
Du premier volume des contes myalgiques, je me souviens comme quelque chose de lumineux, même si bon nombre de ses contes étaient cruels. Ce second opus, lui, me fait penser à la face sombre de la même pièce. L'espoir s'y fait rare, diffus, il s'échappe si on le cherche et pour le percevoir il faut accepter de ne pas pouvoir en saisir la nature.
Il est difficile, très difficile de décrire ce que cette lecture m'a inspiré ou fait ressentir, autrement qu'en disant que ce fut un long et douloureux voyage, dérangeant par moment, mais toujours fascinant.
J'aime décidément le style de l'auteur, toujours fluide, délicat, musical et poétique, mais surtout cette inspiration qu'elle semble puiser si loin dans le temps, l'espace et la douleur.
Si Les Terres qui rêvent garderont ma préférence, parce que leur langage m'est sans doute plus familier, Les atouts du diable ont néanmoins été à la mesure de mon attente, ce qui en soi est déjà énorme car j'espérais beaucoup de cet ouvrage.
J'ai pourtant eu du mal, durant presque toute la première partie du recueil, à en comprendre la cohésion. C'est venu petit à petit, d'abord avec Le Goût du miel, puis plus pleinement avec Raven Party. Je crois que si j'ai très vite, et tout aussi brutalement, plongé dans cet univers sombre, mes sens ont mis un certain temps à retrouver leurs repères et donc à me permettre de percevoir de nouveau ce qui m'entourait.
En cela, j'ai retrouvé avec plaisir quatre nouvelles que je connaissais déjà et qui m'ont aidée, en se replaçant dans ce contexte alors que je les connaissais dans d'autres, à trouver la musique de se recueil, celle qui me permettrait de me laisser porter par la vague et de comprendre son mouvement, sa musique.
J'avais écrit un long billet décrivant mes sentiments à propos de chaque nouvelle, mais il s'est perdu au loin, sans doute au cours des jeux des gremlins... Ce n'est peut-être pas plus mal car c'est une lecture difficile à partager, désespérante et merveilleuse à la fois, ainsi vous retiendrez peut-être mon enthousiasme et pas mes bavardages....
Car je ne peux que vous conseiller ce livre, mais, en amie, vous suggérer d'attendre un moment où la tristesse, l'angoisse et le désespoir sont loin de vous pour en affronter la lecture.

vendredi 24 décembre 2010

Mystères et mauvais genres

Une anthologie dirigée par Elie Darco et publiée chez Sombres Rets.


Quatrième de couverture :
La porte se ferme, emprisonnant un pan de brume et l’odeur de la ville. Une silhouette s’avance entre les rayonnages, le pas vif, tous les sens aux aguets. Sa main glisse sur la tranche d’un livre dont elle se saisit avidement. Elle plonge entre les lignes à la rencontre… 
… d’un inspecteur qui côtoie la mort de près,
… de l’ambiance torride et dangereuse du Brésil,
… d’un desperado acculé par des chasseurs de prime,
… des lieux où règne la folie, la hantise et le vice,
… ou d’un fait divers à vous glacer les sangs. 
À la croisée des genres, entre enquêtes policières, aventures surnaturelles et énigmes de la science-fiction, cette anthologie s’adresse à tous les amateurs de frissons et de mystères.
Illustrations : Elie Darco
A noter qu'on pouvait voter pour choisir l'illustration de couverture. Si je ne démords pas du fait que Dernière la porte était beaucoup plus représentative pour cet ouvrage, la voleuse a quand même son charme. Les deux autres propositions sont devenues des illustrations intérieures double page en noir et blanc.

Table des matières :

Préface, Elie Darco.

Quand l'inconnu s'invite dans le quotidien...
Latombe, victime professionnelle de Guillaume Suzanne
Le Marchand de Secrets de P.R. Tohril
La mélodie du malheur de Michaël Moslonka
Les larmes du Poète de Gabriel Féraud
La flaque à côté de l’arrêt d’autobus de Christophe Nicolas

En quête de vérité...
Le corail d’Altawyris de Bruno Grange
En l’honneur d’Emily de Sébastien Ruche
La brigade des Enquêtranges de Lucie Chenu
Vade retro Satanas ! de Aurélie Wellenstein
L’inspecteur Bernère contre la mort de David Osmay
Pandémonium City de Anne Goulard

Ces témoignages qui font l'histoire...
L’âme damnée de Yeun de Arnaud Cabanne
Quinte Flush de Richard Mesplède
Samba Luna de Ombeline Duprat
Un homme fort de Cyril Carau

Notices bibliographiques.

Mon avis :
J'ai attendu cette anthologie avec une impatience grandissante au fil des mois et je n'ai vraiment pas été déçue.
Mystérieuses, certes, mais également intenses, effrayantes, drôles, fascinantes, grinçantes, passionnantes, bouleversantes, ces histoires m'ont capturée dans leurs rets, c'est certain. Il est rare d'aimer quasiment toutes les nouvelles d'une anthologie, surtout quand elle est a ce point diversifiée, ça a néanmoins été mon cas pour celle-ci. Et pas seulement parce que je suis définitivement une lectrice de mauvais genres...
A ce propos, j'ai beaucoup apprécié les théories que développe la préface.
Les textes sont donc d'une indubitable qualité, mais la composition intelligente et fluide de l'anthologie joue aussi. Les nouvelles s'enchaînent judicieusement, préparant le lecteur aux histoires suivantes, intensifiant l'angoisse quand il le faut, allégeant l'atmosphère au bon moment. Elles se mettent en valeur l'une l'autre et on ressent vraiment une cohésion à la lecture. C'est pour moi une des choses qui montre vraiment la qualité d'une anthologie.
Pour en revenir aux textes eux-mêmes, j'ai donc été, comme dit plus haut, très agréablement marquée par leur diversité.
Latombe, victime professionnelle ouvre le bal. Excellent choix que cette courte nouvelle, irrévérencieuse et amusante, pour commencer. Même si on sent venir le coup, on se laisse avoir par l'atmosphère baroque et le charisme du personnage.
A cette divertissante histoire succèdent deux beaucoup plus sombres.
La marchand de Secrets, histoire en deux temps dont j'ai adoré la forme qui intensifie le mystère, m'a offert un moment de lecture compulsive et fascinée. J'aurais aimé en savoir plus sur ce personnage cynique, voire cruel, même si j'admets que ça aurait gâché cette ambiance que j'ai tant appréciée et que ça n'aurait pas collé avec les impératifs formels de la nouvelle. Toute dénuée d'espoir qu'elle est, j'ai aimé cette histoire et elle m'a vraiment marquée.
La suivante, La mélodie du malheur, est une des plus effrayantes du recueil, ou plutôt "dérangeante", devrais-je dire. Pour moi, c'est de l'horreur dans toute la splendeur du genre, mais peut-être que les vrais amateurs d'horreur ne seront pas d'accord, n'en étant pas une moi-même j'ai peut-être une vision décalée de ce genre. En tous cas, il en faut beaucoup pour que ce type d'histoires me touche et là j'ai senti les mots ramper autour de moi. Ce n'est peut-être pas quelque chose que je choisirais de lire dans un autre cadre que celui d'une anthologie, mais ça a été un bon moment de lecture. C'est vraiment un excellent texte.
L'autre nouvelle "dérangeante" de l'anthologie, L’âme damnée de Yeun, est probablement plus angoissante, elle ne joue pas sur les mêmes peurs. Diablement bien écrit, c'est un des textes qui m'a le plus marquée. Je suis une amatrice de fantastique et ça en est dans le sens strict du terme, du fantastique de très grande qualité. Une bonne découverte car comme pour la nouvelle précédemment citée, le thème n'est pas un de ceux que je recherche habituellement.
Je suis me suis aussi beaucoup amusée avec cette anthologie... La brigade des Enquêtranges, dans laquelle deux détectives doivent résoudre le mystère qui entoure un meurtre "à l'ancienne" dans un monde ou d'ordinaire on retourne dans le passé pour éviter les crimes, a été une lecture très divertissante, même si j'ai trouvé cette nouvelle un peu courte. Elle aurait gagné à être plus développée, alors que là elle est plaisante sans être géniale.
L’inspecteur Bernère contre la mort, parodie grinçante, drôle, dégoûtante à souhait, est aussi un excellent texte, aussi léger que sombre. Qui a donc tué le zombie officiel du temple de Mortisse ? Et surtout qui va le remplacer... J'aime décidément bien l'écriture de David Osmay.
Les larmes du Poète et Vade retro Satanas ! sont deux histoire d'exorcisme aux personnages fascinants et charismatiques, aux intrigues passionnantes et pourtant parfaitement dissociables. La première est mystérieuse et poétique, délicieusement stylée, la seconde est plus ironique et met en scène un incube qui perturbe le quotidien de la maisonnée d'un aristocrate. Deux univers différents que j'ai adoré découvrir, j'aurais vraiment aimé en savoir plus sur ces personnages.
Le corail d’Altawyris est une de mes nouvelles préférées, un peu polar, un peu sf... Me plaire n'était pas évident avec un tel mélange, mais l'alchimie a fonctionné à merveille. Le détective privé, cliché juste ce qu'il faut, l'ambiance, le background, le corail et la plante méduse, j'ai tout aimé dans cette nouvelle, j'ai même gobé la théorie du personnage, c'est dire...
Pandémonium City est comme la précédente une enquête dans le sens classique du terme, si ce n'est que cette fois-ci elle se passe à la frontière du monde féerique et est menée par un nécromancien. C'est le personnage et l'univers qui font l'histoire, plus que le mystère en lui-même qui aurait pu être beaucoup plus complexe. C'est une histoire avec beaucoup de potentiel qui aurait gagné à devenir une novella et à être plus travaillée. J'ai vraiment adoré son ambiance et background.
Le style est un peu plus sec que dans d'autres textes de cette anthologie, mais il colle avec l'esprit du personnage et puis ça change un peu.
Revenons en arrière, vers une des nouvelles du début, un ovni parmi les autres... La flaque à côté de l’arrêt d’autobus est une nouvelle étonnante. J'aime beaucoup quand l'inexplicable et l'étrange s'invitent dans le quotidien par l'entremise de toutes petites choses des plus anodines. C'est de ce surgissement improbable que naissent les meilleures nouvelles de fantastique. Celle-ci est, en accord avec son propos, à la frontière du genre. Un moment d'incertain qui a vraiment sa place dans cette antho tout tranchant avec le reste.
Passons aux trois nouvelles que j'ai un peu moins appréciées... Eh oui, il en faut, et ça ne veut pas dire non plus que je les ai détestées. Quinte Flush, très bien écrite et racontée ne me marquera pourtant pas. C'est une histoire à la limite de l'onirique, bonne ambiance et personnage sympathique. Mais sans plus.
J'ai trouvé que la nouvelle En l’honneur d’Emily manquait quant à elle un peu trop de substance pour vraiment me plaire. En fait je l'ai trouvé longuette et même si la chute m'a démontrée à quel point l'histoire avait été habilement menée, ça ne m'a pas plus touchée que ça, mais j'admets volontiers que cette nouvelle-ci plaira sans doute beaucoup à un autre public que moi.
Enfin Samba Luna, dont j'ai apprécié l'histoire en elle-même, mais peu aimé le côté graveleux qui, même pour une telle intrigue, était à mon sens exagéré, de même, j'ai trouvé l'histoire un peu délayée.
Pour finir sur une bonne note et en plus en accord avec le sommaire de l'anthologie, parlons enfin d'Un homme fort qui est probablement la nouvelle qui m'a le plus touchée ou en tous cas celle qui a déclenché le plus d'empathie chez moi. J'ai vraiment eu l'impression de ressentir ce qu'un des personnages à ressenti à la fin de ce récit.
Je n'ai pas du tout, jusqu'à la toute fin, su où cette histoire, qui tranchait tellement avec les précédentes, allait me mener. Elle termine parfaitement ce recueil en ramenant le lecteur vers sa propre humanité.