vendredi 16 mai 2014

Tag : poche ou grand format ?

Un tag que j'ai piqué chez Margaud, qui l'a elle-même piqué chez Florent.


1 Préfères-tu les poches ou les grands formats ?
J'aime les GF quand ce sont des "beaux" livres ou les ouvrages de mes auteurs préférés, sinon les poches me conviennent parfaitement.


2 Quels sont les points forts et faibles des poches ?
Points forts :
Ils sont légers, pratiques à emporter avec soi n'importe où, le prix est plus abordable (quand on lit des séries au long cours, c'est indispensable), ils sont pratiquement tous au même format et c'est donc facile à ranger, ça prend également beaucoup moins de place que des GF.
Points faibles :
La qualité de l'objet lui-même laisse parfois beaucoup à désirer (sachant que le prix, lui, ne cesse d'augmenter), on a du mal à lire certains poches une seule fois sans que les pages se détachent (oui Pocket, c'est de toi que je parle, même si j'admets que de ce côté il y a eu un peu de progrès), la police d'écriture est parfois vraiment petite et moi je lis pour me détendre, pas pour esquinter mes yeux déjà bien fatigués (Panini si tu m'entends, Le cercle des sorcières c'est super, mais faut une loupe intégrée...) Un autre point faible peut aussi être un point fort selon les goût de chacun : les poches sont très uniformes, donc ça fait bien dans une bibliothèque, mais pour en trouver un dans un monceau de poches identiques, bon courage. (Non je ne range pas par ordre alphabétique et je ne le ferai jamais.)


3 Quels sont les points forts et faibles des GF ?
Points forts :
Certains sont très beaux, c'est futile mais ça fait bien dans une bibliothèque, c'est beaucoup plus joli que les poches. C'est toujours plus facile de lire la police pour des gens qui ont des soucis de vue comme moi. La mise en page est souvent plus agréable et les livres plus solides.
Points faibles :
Ils prennent beaucoup de place. Ils sont lourds, difficilement transportables, chers, parfois trop aérés (oui j'aime le confort de lecture, mais faut pas abuser non plus), la qualité est de moins en moins de mise chez certains éditeurs.
Pour mon anniversaire, j'ai reçu de la part d'une amie l'intégrale de la Moïra (non pas celle à 10€, celle à 25), un GF aussi "mou" qu'un vieux catalogue... Je ne dis pas qu'il ne tiendra pas sur le long terme, ceci reste à voir, mais ça fait vraiment bizarre de voir un grand format plus souple que certains poches.


Comme le dit si bien Margaud, les points forts des poches sont les points faibles des GF, les points forts des GF sont les points faibles des poches.


4 Si tu avais le choix pour tes derniers livres tu prendrais 1 GF ou 2 poches ?
Deux poches évidemment.
Mais je n'ai pas forcément le choix. Malgré ma patience, certains titres sont voués à ne jamais sortir en version poche.


5 Quel sont les livres poches et GF que tu as préférés ?
Ma préférence va au texte lui-même et non au format qui n'est au final qu’accessoire, donc c'est assez difficile à dire. Sinon je vais empiéter sur la prochaine question en parlant de la qualité et de la beauté de l'objet. A dire vrai je ne vois pas trop l'intérêt. (Et j'ai un peu la flemme.)


6 Quelle maison d'édition préfères-tu pour les poches et pour les GF ? Pourquoi ?


Commençons par les GF :
- J'aime les éditions Midgard, surtout pour les écrits eux-mêmes, la mise en page me laissant parfois dubitative, sans parler des coquilles. Ceci dit, ils ont de belles couvertures et surtout de bon récits. C'est quand même ce dernier point qui compte le plus.
- Les moutons électriques font de très beaux GF, même pour les brochés. Par contre certains sont assez larges et donc moins maniables. J’aime beaucoup leurs ouvrages « de luxe », il n’y en a pas beaucoup dans ma bibliothèque, pour une question de budget, mais je n’hésite pas quand je peux me les offrir. Il n’y en a qu’un seul qui m’a déçue à ce jour. L’impression des images sur le type de papier employé n’était pas terrible.
- Les éditions du Riez ainsi que celles du chat noir offrent un format assez similaire, je n'ai pas vérifié, mais je pense qu'ils travaillent avec le même imprimeur. Je suis plus intéressée par le texte, toujours de qualité pour les ouvrages de ces éditeurs que j'ai pu lire, mais les livres eux-mêmes sont de bonne qualité. Le papier est épais, le prix raisonnable et les couvertures soignées.


Les poches :
- J'ai beaucoup de folio SF. C'est une collection que j'apprécie tout particulièrement pour la qualité des titres qu'ils reprennent. En outre, leurs prix sont relativement raisonnables par rapport à d'autres.
J’adorais les présence du futur et du fantastique de chez Denoël, j’ai notamment pas mal de Bradbury dans cette collection, c’est du poche de qualité, contenu et contenant.
- J'aime les éditions lokomodo pour l'originalité de leurs publications.
- Enfin Hélios, la collection poche des indés de l'imaginaire est vraiment prometteuse, par contre il y a du progrès à faire niveau typographie...


Et puis, un peu à part, il y a ActuSF, avec ses semi-formats et les éditions Dystopia qui publient de très bons livres.


7 Que penses-tu de la différence de prix entre les poches et les GF ?
Les deux augmentent sans cesse. Alors oui, faut ce qu'il faut, mais le prix des GF devient vraiment inabordable.
Les petites maisons font moins cher, alors on peut se poser des questions quand on voit chez d'autres éditeurs un livre qui coûte dans les 25€ et est très aéré. Sans parler de ceux qui les découpent en trois... De mon point de vue les livres en général sont trop chers. Mais que voulez-vous, c'est l'opinion d'une lectrice...


8 Quels livres GF et poches souhaites-tu le plus avoir ?
J'attends avec impatience la suite de Spiridons de Camille von Rosenschild et je l'achèterai en GF sans me plaindre du prix. Je me laisserai peut-être tenter également par Un éclat de givre d'Estelle Faye.
Pour ce qui est des poches j'avoue que là tout de suite je ne sais pas trop. Il y a bien la cinquième intégrale du Trône de fer, mais je ne sais pas si ça compte vraiment puisque ce sera un semi-format. Avec de la chance, je connaîtrai la fin de l'histoire avant mes 50 ans...


9 Dans ta bibliothèque as-tu plus de poches ou de GF ?
Ça doit être approximativement pareil, mais c'est assez difficile de juger comme ça. Il est hors de question que je compte.


10 De quelle maison d'édition voudrais-tu voir les livres sortir en poches ?
Toutes les maisons font plus ou moins du poche ou alors leurs livres sont repris par d'autres. Malheureusement j'ai tendance à vouloir ceux qui ne sortiront jamais en poches...
Spontanément, j'ai toutefois le nom de l'Atalante qui me vient. On ne trouve pas leurs livres en poches, à part le disque-monde, la compagnie noire et quelques rares ouvrages, dont deux séries abandonnées en cours de route pour ladite version poche. Ils ont plein de titres intéressants, mais faut le budget, surtout pour les séries. Il y a deux trilogies qui me tentent et une série à venir, sans compter quelques one-shot.

mercredi 7 mai 2014

La mort peut danser

Un roman de Jean-Marc Ligny, publié chez Gallimard dans la collection Folio SF.


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Irlande, 1181. Alors que sévit l’invasion anglo-normande, une sorcière est brûlée vive au sommet d’une falaise. Une sorcière aux yeux de l’Église, mais pour le peuple elle était Forgaill, leur poétesse, la prophétesse...
Irlande, 1981. Un couple de musiciens, Bran et Alyz, s’installe dans un manoir du XIIe siècle. Sous le nom de La Mort Peut Danser, ils donnent des concerts dont le succès va grandissant. Mais quelle puissance surnaturelle anime la voix d’Alyz, cette voix qui ouvre les esprits, qui semble venir d’un autre monde ?


Roman inspiré des légendes celtiques et des recherches musicales du groupe Dead Can Dance, riche des couleurs et de la beauté sauvage de l’Irlande, La mort peut danser renouvelle magistralement le thème de la possession.



C’est avec une joie certaine que j’ai appris que La mort peut danser, un roman de fantastique que j’ai moi-même connu dans l’excellente collection Présence du Futur des éditions Denoël allait être réédité chez Folio SF. D’ailleurs, le mois de mai 2014 est un peu celui de la musique chez cet éditeur car toutes les parutions de la collection y sont liées (je trouve ça trop cool). Mais revenons plutôt à La mort peut danser.
C’est avec ce roman-ci que j’ai connu les écrits de Jean-Marc Ligny, auteur habituellement plus porté sur la SF et qu’il fut un plaisir de découvrir par la suite dans son genre de prédilection.
Toutefois, il excelle également dans le fantastique et, en lectrice amatrice du genre, je me souviens encore avec émotion de La mort peut danser. Ce récit est d’une étrange poésie, s’y entremêlent des fils différents, une réalité largement romancée, inspirée par le groupe Dead can dance et particulièrement par sa chanteuse, Lisa Gerrard qui devient ici Aliz, chanteuse australienne ramenée en Irlande, pays d’origine de sa famille, par un soudain héritage.
L’Irlande va changer Alyz irrémédiablement, ou peut-être la révéler à elle-même, tout dépend de comment on comprend les évènements qui suivent. Mélange de réalité fantasmée, de mythologie et d’un fantastique diffus, La mort peut danser tresse deux histoires parallèles. Celle d’Aliz, artiste géniale, dont la musique et la voix sont une magie éthérée qui ne transparaît pas dans les enregistrements, puis celle de Forgaill, banfile et banfaith, c’est-à-dire poétesse et prophétesse, en apprentissage, à l’époque trouble où il ne fait pas bon suivre la voie druidique.
L’auteur a su insuffler à son récit une musicalité particulière qui rappelle vraiment Dead can dance et apporte une dimension plus complexe à la trame elle-même. D’ailleurs, de nombreuses références aux chansons du groupe sont présentes tout au long du roman, que ce soit dans les titres des chapitres, dans l’ambiance mise en place ou dans des éléments de l’intrigue.
Est-ce une histoire de possession, de réincarnation, ou tout simplement les vies parallèles de deux femmes qui, ayant vécu à plusieurs siècles d’intervalle se ressemblent un peu ? C’est là toute l’ambiguïté de La mort peut danser.
L’auteur a de plus effectué des recherches assez pointues sur le druidisme pour étoffer son roman. Je me souviens avoir lu, un peu à la même époque d’ailleurs, un essai de Christian J. Guyonvarc'h et avoir trouvé de nombreuses références à ce texte-là dans La mort peut danser.
Le mélange entre les mythes, le fantastique et la réalité romancée est parfaitement équilibré. C’est un roman très bien écrit, vaporeux, comme un rêve un peu agité entre deux sommeils. Cette étrangeté, dans le bon sens du terme, m’a marquée, et je me souviens encore avec affection de ce petit roman et de la magie trouble qu’il dégage, c’est pour cela que j’ai été heureuse de le savoir réédité et que je vous en parle aujourd’hui.
Les amateurs de fantastique, de druidisme, les gens qui aiment la musique de Dead can dance, les rêveurs invétérés apprécieront la magie de l’écriture comme celle du récit.

mardi 29 avril 2014

Pour l'honneur des Mérina

 Une nouvelle d'Alex Evans, publiée chez Voy'El dans la collection e-courts.

Présentation de l'éditeur :

Améyo, fille d’une famille de riches marchands tombée dans la misère, vivote entre une belle-mère alcoolique et deux belles-sœurs. Criblées de dettes, leur jugement tombe : elles doivent tout rembourser dans trois jours, ou bien elles seront vendues comme esclaves.

En désespoir de cause, la jeune fille décide d’invoquer le fantôme de son grand-père. Il pourra peut-être lui dire où se trouve la pieuvre des Mérina. Ce joyau perdu de la famille leur permettrait de payer tous leurs créanciers.

Sauf que ce n’est pas le bon grand-père qui apparaît...

Cette brève nouvelle fut d’une lecture très agréable. J’avais déjà pu apprécier la plume de l’auteur dans un autre texte court, La clé de l’eau (publié sous le nom d’Agnès Evans, dans la collection Micro de chez Walrus). J’ai retrouvé avec plaisir un style délicat et fluide qui, s’accordant à l’ambiance de l’histoire, renforce l’impression que l’on a de découvrir un conte. Pour autant, si le récit en a la saveur et la consistance, il évite toutefois de tomber dans les plus gros poncifs et travers de ce genre. Alors que le thème, celui d’une jeune fille orpheline et sans le sou devant faire face à l’adversité a été maintes fois rebattu, l’auteur a su donner malgré tout une certaine fraîcheur et de l’originalité à sa nouvelle.
Le texte est léger, prête à sourire parfois face aux déconvenues de l’héroïne, et se lit avec entrain. Alex Evans réussit en peu de mots à rendre Améyo, son personnage central, sympathique. La jeune fille, au début pleine de préjugés et d’idées reçues, mais néanmoins digne et fiable, va apprendre quelques vérités et se découvrir plus débrouillarde qu’elle l’aurait cru. La vie n’est clairement pas ce qu’elle pouvait en attendre et certaines choses qu’elle croyait sûres ou acquises vont se révéler sous un nouveau jour, mais est-ce pour autant un mal ?
On est quand même loin du conte de fée et c’est agréable d’en avoir l’essence sans la mièvrerie.
C’est une belle histoire, narrée avec art, qui parle de retrouver ses racines pour mieux se connaître soi-même et aussi, de manière plus triviale, de noblesse d’âme et d’à-propos. Les personnages sont attachants et c’est avec le regret qu’elle soit si courte que j’ai terminé cette lecture.
Comme tous les bons contes, bien que ce récit n’en soit pas tout à fait un, Pour l’honneur des Mérina s’adresse à un large public. Les jeunes comme les adultes y trouveront leur compte.

dimanche 27 avril 2014

Le Cortège des fous

Un "roman-recueil" de Jacques Fuentealba, publié chez Malpertuis en version papier et chez Walrus en numérique.

le cortege des fous - jacques fuentealba
Entre amnésie salvatrice et quête de l’identité et du pouvoir, des dieux déchus traversent les siècles, menant une guerre larvée contre le Ciel et l’Enfer. Certains ont choisi de faire cavalier seul, quelques-uns comme les Juges des Morts se sont aménagé des domaines à leur convenance, d’autres enfin dissimulent leurs activités au sein d’un cirque pour le moins étrange.
Des collines de la Grèce antique aux envoûtantes ruelles de Prague, de la Ville Lumière aux projecteurs d’Hollywood en passant par le cœur d’une tornade, une église reconvertie en boîte de nuit et une station de métro pas si désaffectée que ça, le cycle du Sunset Circus vous invite à suivre la décadence, les vicissitudes et hauts faits de ces survivants d’un autre âge.

Un roman flamboyant qui développe un univers de fantasy moderne habité par un panthéon baroque, et dont l’imagination mythologique évoque Neil Gaiman et Roger Zelazny.
Sommaire :
  • Étoile du matin, sombre destin
  • Sur les traces d’Arcimboldo
  • L’Avaleur de sabres
  • Être de taille
  • Rise and fall of Bianca Nera
  • Le cortège des fous
  • Araf
  • Dimanche, jour du Seigneur
Le Cortège des fous est un recueil de nouvelles que son auteur qualifie lui-même de « roman éclaté ». On ne saurait trouver meilleure façon de décrire cet ouvrage. Ces nouvelles, parmi lesquelles se trouve une novella, sont toutes liées entre elles et se suivent chronologiquement (il est important de le préciser car cela a une incidence sur la façon dont elles sont perçues). Elles s’inscrivent dans le cycle du Sunset Circus, univers cher à l’auteur et qu’il polit avec passion depuis longtemps.
Les histoires dans lesquelles il nous plonge sont pétries de mythologie. Ce monde est proche du nôtre, donc les récits oscillent entre fantastique et fantasy urbaine, dans une ambiance inimitable, à la fois trouble et poétique.
J’avais déjà lu ce recueil il y a quelques années et c’est avec un certain plaisir que j’ai retrouvé son atmosphère sombre et ses personnages que leurs origines mythiques et la vision qu’en donne l’auteur rendent à la fois très familiers et originaux. Pourtant, malgré une seconde lecture, je ne sais toujours pas comment faire passer toute la complexité de l’univers mis en place par Jacques Fuentealba.
Avant tout, il nous conte par touches plus ou moins sibyllines l’histoire d’un affrontement séculaire entre les religions polythéistes et la chrétienté. La première nouvelle Étoile du matin, sombre destin est en quelque sorte la genèse de tout le cycle du Sunset Circus, comment cette guerre s’est déclarée, ses enjeux, les implications de certains personnages et leurs allégeances.
Fuentealba nous offre un regard neuf sur toutes ces histoires que nous connaissons déjà et les bases qu’il pose ne sont pas dues au hasard mais à une savante construction, très logique et argumentée.
Ce que les anciens dieux, surtout ceux de la mythologie grecque mais aussi certains autres issus de divers panthéons, sont devenus est également un des enjeux importants de ce cycle. Ce recueil met en scène, de façon imagée, ce qu’on étudie en littérature comme étant l’opposition du mythos et du logos, mais je ne vais pas vous embêter avec ça. Retenons juste que les mythes étaient une expression de la vérité, pas en tant que récits s’étant déroulés, mais en tant que vision symbolique de cette vérité, d’où la naissance d’archétypes.
Ces dieux dont nous parle Fuentealba sont à la fois la résurgence de leurs propres mythologies, mais en outre de ces archétypes, de ce que l’on sait d’eux ainsi que de nos propres croyances. Ils sont figés dans l’expression de leur nature, mais s’y opposent parfois, et cela fait partie de toute la richesse de cet univers.
Les factions en présence se combattent rarement de front, cette croisade est menée en toute subtilité, avec ruse et sans manichéisme. En effet, les choses ne sont pas aussi simples qu’une opposition entre une ancienne religion et une nouvelle, les choix, allégeances et parfois trahisons des uns et des autres alimentent le conflit comme ils peuvent le freiner. C’est un combat tout en tensions, parfois figé dans le statu quo, mais toujours voué à reprendre.
Pour ce qui est de chaque texte plus précisément, il serait difficile de développer sans trop en dire, si ce n’est que tous mettent en scène des personnages très intéressants. Je suis moins sensible aux textes liés à Eurydice et Orphée, notamment Araf que l’on peut aussi lire dans la très bonne anthologie des Sombres romantiques produite par les éditions du Riez. Par contre, j’aurais peine à choisir ma préférée parmi les autres.
La novella Le cortège des fous est vraiment excellente car elle fait le pari de nous attacher à un personnage monstrueux par nature. On l’apprécie, on se range à son côté et on le soutient malgré tout. On approche sa nature monstrueuse et néfaste d’une autre manière et c’est sans doute au final le plus humain de tous ces anciens dieux. Cependant, au-delà de ça, ce texte réussit surtout le tour de force d’élever le paradoxe au rang de Mystère divin. C’est une histoire tourbillonnante, comme le Typhon. Le style s’adapte parfaitement au personnage. C’est le cas pour toutes les nouvelles du recueil, mais c’est particulièrement évident pour celle-ci.
De par sa construction même, Sur les traces d’Arcimboldo est un excellent texte, très prenant. On y retrouve les prémices de la série d’Émile Delcroix. Les mythes y croisent des légendes et des motifs littéraires, mais également l’Histoire. L’ambiance, surtout, a su me charmer.
Être de taille est une histoire aussi émouvante qu’intelligemment menée. Elle met en scène un Loki superbement réussi. Le personnage est fascinant en soi et l’interprétation qu’en fait Fuentealba est tout à fait digne de dieu rusé, elle montre qu’il peut se révéler plus nuancé qu’on le croit. Et le récit lui-même est passionnant.
L’avaleur de sabres est une nouvelle fort sympathique et celle-ci vous présentera mon personnage préféré, quoique j’aime aussi énormément son frère que vous rencontrerez plus tard dans le recueil. En tant que l’un des premiers textes de l’ouvrage, elle revient sur la naissance du Sunset Circus et la façon dont les dieux ont évolué.
Enfin le dernier récit et pas des moindres, Dimanche, jour du Seigneur, est très drôle et vous donnera envie de vous procurer très vite l’Antre du diable, où vous retrouverez l’un des personnages présents dans ce texte.
Le cortège des fous est un excellent recueil, atypique et pas forcément toujours facile d’accès, mais d’une grande qualité dans son fond comme sa forme. Fuentealba fait une utilisation très intéressante de la mythologie. Ces histoires recherchées, à l’ambiance floue et un peu désenchantée, sont contées avec finesse et poésie. Elles plairont aux lecteurs exigeants, amoureux de fantastique (bien que cela n’en soit pas vraiment) et surtout de mythologie.

D'autres lectures dans l'univers du Sunset Circus :
- Un roman : L'Antre du diable, également disponible chez Malpertuis.
Il existe aussi des nouvelles, je ne les connais sans doute pas toutes, cependant je peux toujours vous en conseiller deux :
- Chien de garde, en numérique chez Walrus et en papier dans l’anthologie Malpertuis I.
- En attendant… elle aussi disponible en numérique chez Walrus dans l’anthologie La boîte de Schrödinger – spéciale Halloween.
- Puis un peu à part, mais dans le même esprit, je vous conseille chaleureusement Émile Delcroix et l'ombre sur Paris.
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mardi 22 avril 2014

La plume de Quetzalcoatl

Un roman de Julien Pinson, publié chez Voy'El.


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la plume de Quetzalcoatl - Julien Pinson

Présentation de l'éditeur :
Après sept années passées au Nouveau Monde, le Pacifieur Impérial Arthorius revient à Rome avec, dans ses bagages, un colis bien embarrassant : une plume étrange qui jette le discrédit sur une des figures majeures de l’Empire Romain Millénaire : La Déesse Athéna, elle même.
Arthorius se trouve alors plongé, malgré lui, au centre des intrigues olympiennes dans une enquête qui le conduira jusqu’à la Frontière, au cœur des Montagnes Rocheuses.
Au fil de son voyage rien ne lui sera épargné, ni les courses poursuites avec les gangs de Néo Rhodes, ni les fusillades avec les tribus indiennes, pas même la compagnie de Dom, un faune vétéran de la légion, adepte du sarcasme à outrance.




La plume de Quetzalcoatl
est à la fois une uchronie mâtinée de steampunk, une fantasy mythique aux inspirations largement détournées, mais aussi un roman d’aventures, voire d’espionnage, un peu à la mode feuilletoniste. Et le mélange fonctionne plutôt bien.
Il semble impossible de déterminer avec certitude à quelle époque se passe cette histoire tant se mêlent des références très diverses. On rencontre par exemple un vieil homme qui porte la toge, mais également un chapeau melon, certains moyens de transport sont très modernes, parfois même futuristes, cependant ils en côtoient d’autres pour le moins archaïques. Le fait que la magie, d’une certaine façon, soit encore présente, concourt sûrement à retarder l’avancée dans certains domaines, alors qu’elle permet de faire un bond en avant dans d’autres.
Dans ce roman, les dieux, de toutes mythologies confondues, prennent part à la vie politique ou commerciale et les créatures mythiques et légendaires vivent parmi les humains. On se rend compte au fur et à mesure que plusieurs faits divergent dans les récits mythiques que l’on connaît qui sont évoqués, mais aussi dans tout ce qui concerne la partie historique qui n’est pas, comme on aurait pu le penser, complètement occultée. Cela va du petit détail comme un caducée à un seul serpent à la guerre de Troie elle-même. Ce sont ces divergences qui expliquent, avec plus ou moins de subtilité selon les cas, comment le monde a dévié.
Même si les dieux intervenaient auparavant dans les affaires humaines, il semblerait que c’est avec la guerre de Troie, à la fois fait historique et mythe fondateur dans ce roman, que l’uchronie a véritablement commencé. Cette guerre apparaît fort différente de celle que nous conte l’Iliade, ce qui peut laisser le lecteur perplexe. Je ne suis pas particulièrement enthousiaste face à cette version de l’histoire, c’est la partie de la réécriture mythologique qui m’a le plus gênée, mais elle sert réellement le roman. On ne nous explique pas tout non plus, néanmoins il est évident que c’est à la guerre de Troie qu’on doit la Convergence qui a fait s’incarner dans le monde des humains les créatures mythiques. Ce n’est pas vraiment un spoiler, ce n’est pas le fait le plus important du roman, mais je trouve que l’explication, aussi bien amenée soit-elle, intervient un peu tard dans le récit et aurait permis de mieux l’apprécier en étant dévoilée un peu avant.
Tout ce qui est mythique dans ce roman a vraiment été détourné, n’attendez pas de retrouver vos repères. La réécriture est harmonieuse, les différentes mythologies qui prennent part au récit se mêlent plutôt bien. Cependant, j’ai pour ma part préféré me concentrer sur l’intrigue elle-même que sur le background, même si je reconnais volontiers que l’auteur a fait preuve de beaucoup d’inventivité.
Dans ce roman, l’Empire romain a perduré et continué de s’étendre, malgré une résistance parfois tenace et de nombreux ennemis. Arthorius, le personnage principal, est un Pacifieur impérial, en d’autres termes un médiateur neutre, bien que mandaté par l’Empire. Son travail est de désamorcer les conflits entre les Natifs du Nouveau Monde et l’Empire ou les négociants du Comptoir international. Par un concours de circonstances, il se retrouve chargé d’une mission périlleuse, autant dans son exécution que dans ses implications politiques et comprend vite qu’il est pris au piège dans un vrai panier de crabes et qu’il aura du mal à en sortir vivant.
C’est le point de départ de notre histoire, mais celle-ci est sous-tendue par de nombreuses ramifications. L’ensemble est cohérent, inventif et très plaisant à découvrir malgré quelques petits bémols, comme par exemple de trop nombreuses coquilles.
Les personnages sont de loin le point fort de ce récit. Si le trait est un peu forcé parfois, ils sont néanmoins attachants, intéressants à voir évoluer et dynamiques. Le duo Arthorius et Dom fonctionne bien. Si le Pacifieur apparaît comme pondéré et rusé, son comparse Satyre apporte quant à lui un peu de piquant, avec son caractère bien particulier.
La plume de Quetzalcoatl est un peu dans l’esprit de la série Jean-Philippe Lasser, détective des dieux pour ceux qui connaissent, mais en moins barré.
C’est drôle, entraînant, plein de retournements de situations, et s’ils sont quelquefois un peu faciles ils marchent quand même étrangement bien. On se demande parfois où on va et pourquoi tant de détours, mais c’est divertissant, comme devrait l’être tout bon roman d’aventures et ça reste aussi bien mené et savoureux que logique. Bien qu’il s’agisse d’un one-shot, la fin reste ouverte et j’ai trouvé ça très bien.
A la fin de l’ouvrage, vous trouverez en plus d’un lexique et d’une table de conversion de mesures, un petit texte dans lequel l’auteur explique ses choix toponymiques, ce qui en soi est une très bonne initiative.

dimanche 20 avril 2014

La brigade des loups, Ep4

La brigade des loups est un feuilleton numérique de Lilian Peschet, publié dans la collection e-courts des éditions Voy’el.


Mes billets concernant les épisodes précédents :
Épisode 1
Épisode 2
Episode 3


La brigade des loups 4


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J’essaie toujours de ne pas spoiler, mais ce n’est pas forcément simple quand on en arrive au quatrième épisode d’un feuilleton. Alors, si vous n’avez pas lu les chapitres précédents (mais qu’attendez-vous ?), vous ne devriez pas lire ma chronique.


La brigade des loups est toujours un de mes feuilletons préférés, tout en intensité et en émotions. L’intrigue, complexe, est passionnante et prend tant de détours qu’on est précipité dans l’action au même titre que les personnages et qu’on ne peut deviner comment tout cela finira.
Cette fois le récit est centré sur Mikaï et Vasile, qui sont deux personnages que j’aime beaucoup, pour ne pas dire mes préférés. On en apprend un peu plus sur leur passé, sur la façon dont Mikaï s’est échappé du labo dans lequel il a servi de cobaye et sur la jeunesse de Vasile et ce qui l’a amené à devenir capitaine de brigade. C’est très intéressant et bien aussi de voir l’alpha prendre soudain un peu plus part à l’histoire.
Petit à petit, de nouveaux personnages s’insèrent dans l’histoire et je me demande si l’auteur leur laissera la parole ou si la narration sera réservée, comme cela semble logique, aux seuls membres de la brigade. Certains personnages absents de ce chapitre manquent beaucoup. Quand on voit ce qui arrive aux autres, on ne peut que s’inquiéter de leur sort. Je suis impatiente de savoir ce qui leur est arrivé.
Cet épisode m’a bouleversée et mise sur les nerfs. À mesure que feuilleton avance, la tension, déjà bien présente dans les premiers chapitres, ne cesse de s’accroître et la situation semble de plus en plus inextricable. L’espoir qui maintient les personnages en vie et leur laisse la volonté de combattre s’amenuise quant à lui, jusqu’à ne plus tenir qu’à un fil par moment. Or on s’attache à ces personnages malgré la dureté du récit et la froideur dont ils font quelquefois preuve. On veut les voir s’en tirer.
Le style lui-même est froid, on pourrait même parfois le qualifier de chirurgical tant il est précis et taille dans le vif. Il est parfaitement adapté aux narrateurs et à l’histoire. Les membres de la brigade sont pris dans l’action, d’où la concision du récit, pas de temps pour de grandes descriptions et de toute façon il n’y a pas lieu d’en faire, tout se vit dans l’instant. En outre, comme ils sont toujours en plein combat avec eux-mêmes, l’équilibre est difficile à maintenir entre leurs parts humaine et bestiale, d’où cette façon un peu mécanique de relater les événements. Face à l’horreur de leur situation, ils n’ont pas grand choix, ils doivent survivre, mais leur humanité n’en est que davantage mise en valeur.
Ils sont de plus en plus malmenés au fil des épisodes et cela devient quasiment douloureux de voir ça, pour peu qu’on ressente une certaine empathie à leur égard (et on n’arrive pas au quatrième épisode si ce n’est pas le cas). Il y a une grande barbarie dans ce feuilleton, sans pour autant que ce soit gore ou raconté de façon à devenir insoutenable. Cela participe à l’intensité du récit.
Ce feuilleton est toujours passionnant et j’ai hâte de pouvoir lire la suite et d’enfin connaître le dénouement, même si malheureusement ce n’est pas pour tout de suite.


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mercredi 16 avril 2014

Aya de Yopougon T1 et 2

Une BD de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie, publiée chez Gallimard jeunesse dans la collection Bayou.
Elle existe aussi en poche chez Folio.


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Parce que j’ai beaucoup aimé le premier volume d’une autre série de l’auteur, j’ai décidé de me pencher sur cette bande dessinée en six tomes.
Comme son titre l’indique, le personnage central se nomme Aya. C’est une jeune fille de 19 ans qui vit à Yopougon, quartier populaire d’Abidjan, à la toute fin des années 70. Si Aya est sérieuse et ne rêve que de continuer ses études pour devenir médecin, ses amies sont quant à elles un peu plus délurées et Aya se retrouve souvent, bien malgré elle, mêlée à leurs déboires amoureux, alors qu’elle a déjà fort affaire avec son père qui voudrait la marier avec le fils de son patron.
Au final, dans ces deux premiers tomes, Aya n’a pas un très grand rôle, néanmoins c’est elle qui centralise les différentes intrigues qui touchent ses proches. On fait ici la connaissance de ses deux meilleures amies, Adjoua et Bintou, de leurs familles respectives ainsi que de celle d’Aya, puis plus généralement des autres gens du quartier, les voisins, le patron du père d’Aya et sa famille, les dragueurs invétérés... Il y a beaucoup de personnages, mais on s’y retrouve assez vite car l’auteur sait s’y prendre pour nous présenter tout ce beau monde.
C’est une série sous forme de chronique, la vie quotidienne d’un quartier, d’adultes parfois un peu dépassés par les événements et de jeunes gens qui se cherchent, s’interrogent, ou pas, sur leur avenir, tombent amoureux et vivent leur vie en somme. C’est ce qui fait tout le charme de cette BD. C’est réaliste, mais optimiste, drôle et touchant. Les personnages sont très attachants, ce qui est pourtant assez difficile à rendre dans une BD et surtout pour un premier tome. On les suit avec plaisir et on a envie de savoir ce qui va leur arriver. Ils sont tous terriblement vivants et leurs traits de caractère, souvent très marqués, rendent particulièrement savoureuses leurs aventures tour à tour cocasses ou émouvantes. Ils sont indubitablement le point fort de cette série.
Il y a de l’humour et de la tendresse dans ces pages, c’est une BD à découvrir. Elle est publiée dans une collection dévolue aux adolescents, mais conviendra aussi bien à des adultes.
Le dessin ne m’a pas marquée outre mesure, ce n’est pas mon style de prédilection, mais il s’adapte bien à l’esprit et à l’ambiance de la série. C’est coloré, vibrant de joie de vivre, agréable tout en n’étant pas forcément très recherché, ça fait un peu carnet de croquis jetés vite fait alors qu’en fait ça demande du travail, c’est bien dans l’esprit désinvolte, bon enfant et optimiste, malgré les aléas de la vie, des intrigues mises en scène.
Autre point sympathique à préciser : à la fin de chaque tome se trouve une section bonus, avec des crayonnés, des recettes, des réflexions et anecdotes sur la façon de vivre en Côte d’Ivoire portées par la bouche des personnages et bien sûr l’indispensable lexique pour mieux comprendre les expressions qui jalonnent le récit.
Grâce à cette partie, vous apprendrez notamment comment faire une sauce arachide, recette que j’ai moi-même goûtée il y a longtemps et refait bien souvent depuis, à ma manière. C’est très, très bon. Vous verrez en outre la façon de nouer un pagne pour porter son bébé dans son dos, les traditions familiales lors des naissances, etc. C’est vraiment très sympa et ça aide à s’immerger dans cette culture ainsi que dans l’histoire. On sent la tendresse de l’auteur vis-à-vis de son pays et son envie de la partager.
Il existe un film d’animation qui porte sur l’histoire de ces deux premiers tomes et qui est vraiment fidèle à la BD en plus d’être très bien fait. Il est agréable à regarder, d’ailleurs je vous le conseille, vous passerez un bon moment en compagnie des personnages et serez facilement immergé dans l’esprit de la série dont il est imprégné. J’espère que la suite sera également mise en animation.
La BD est publiée en six volumes et semble terminée. Elle commence à sortir en poche à un prix très abordable. Les deux premiers tomes, que j’ai lus séparément, sont également disponibles en un seul volume en grand format depuis la sortie du film.
Il existe aussi un spin-off pour les plus jeunes, Akissi, dont le personnage principal est la petite sœur d’Aya. Quant à moi, je vais continuer de lire Aya de Yopougon parce que c’est vraiment très, très sympa et qu’il me tarde de voir ce que deviennent les personnages.