mardi 14 février 2017

Une Étude en rose - Sherlock T1

Scénario de Stephen Moffat et Mark Gatiss, dessins de Jay. Publié chez Kurokawa.


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Présentation de l'éditeur :


Rapatrié d'Afghanistan à cause d'une blessure et de troubles psychologiques, le Dr. Watson retrouve un vieil ami de l'époque de la faculté de médecine qui lui présente son futur colocataire. D'un seul coup d'oeil, cette personne devine qu'il s'agit d'un médecin militaire de retour du Moyen-Orient, qu'un de ses proches est victime d'alcoolisme ou encore qu'il est suivi par un thérapeute. Le nom de ce colocataire ? Sherlock Holmes.



Grande fan de la série, j’étais curieuse de voir son adaptation en manga, mais je ne nourrissais pas non plus d’attentes extraordinaires. Le fait est que, peu ou prou, le manga est conforme à ce que je m’imaginais : une copie très rigoureuse d’Une étude en rose. N’espérez pas même un changement de point de vue.
Cet épisode se prête admirablement à l’adaptation, étant un des plus linéaires de la série. Cependant je me demande ce que cela va donner pour la suite qui l’est de moins en moins. Cette série est très visuelle, avec les difficultés et avantages que cela comporte pour une adaptation en manga, mais son rythme et ses intrigues à tiroirs risquent de constituer quelques obstacles supplémentaires dans l’élaboration des tomes suivants. Quoi qu’il en soit, ce tome nous offre une transposition très satisfaisante, si on excepte quelques petits accrocs de traduction.
Il y a eu un gros travail sur les personnages principaux qu’on reconnaît bien dans leurs expressions et même leur jeu d’acteur. Ce n’est par contre pas le cas des personnages secondaires. Je trouve cela dommage et pas uniquement pour une question de ressemblance physique. Si Sherlock et Watson sont évidemment l’intérêt principal de la série, les personnages secondaires en sont le sel. Malheureusement, ce support les prive de la profondeur qui est la leur dans la série.
De mon point de vue, c’est une lecture dispensable, un ouvrage pour les fans qui ont juste envie de retrouver leur série fétiche et d’admirer les dessins. Les éventuels lecteurs qui n’auraient pas vu la série y perdront en charme, mais apprécieront peut-être le scénario nerveux qui pousse à tourner les pages.

samedi 4 février 2017

Le Cercle des tricoteuses

Un roman de Ann Hood, publié chez City éditions.


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Mary a brutalement perdu sa fille et ne sait plus trop où elle en est. Alors qu’elle s’enlise dans la dépression, elle va suivre le conseil de sa mère, avec qui pourtant elle ne s’entend pas. Mary va apprendre à tricoter pour s’évader, pour tenir à distance les pensées qui tourbillonnent et les gens trop compatissants qui accentuent son mal-être. Ce roman parle de deuil, de dépression, mais aussi de reconstruction.
J’avais envie d’une lecture réconfortante, quelque chose de simple, de doux. Alors j’ai ouvert ce livre, parce que je suis une tricoteuse et que je pensais que cette histoire serait amusante et légère, reposante. Je lis rarement les quatrièmes de couverture… « Oh non », me suis-je dit alors qu’entamant le premier chapitre je tombai sur cette maman endeuillée. Je n’avais pas envie de lire l’histoire de Mary, pas envie de porter le poids de son chagrin de papier.
Pourquoi suis-je passée outre ? Je ne le sais pas trop moi-même. Peut-être parce que petit à petit je me suis sentie proche de Mary pour diverses raisons et que cela a perduré dans les premiers chapitres. Après, j’étais lancée…
La forme du récit rappelle un peu L’école des saveurs d’Erica Bauermeister. On découvre les personnages secondaires au fur et à mesure. Ce roman ressemble à un tissage dont Mary serait la chaîne. Sur sa propre histoire s’entrecroisent les fils de ses camarades du cercle de tricot. Ils sont la trame de l’ouvrage, lui apportent de la couleur, de la texture, une raison d’être, faisant ressortir ses propres peines en la confrontant aux leurs.
Disons-le franchement, ce Cercle des tricoteuses devrait plutôt s’appeler le cercle des dépressifs… Pas un des personnages n’est heureux. Tous portent le poids d’un deuil, d’un traumatisme ou la menace d’une épée de Damoclès. Si ce roman se lit très vite, il n’est pas de ceux que l’on ouvre pour se détendre. Les notes d’espoir se font rares. Je pense que j’ai continué ma lecture pour évacuer le mal-être de ces personnages et que leurs histoires ne me trottent pas plus longtemps en tête.
Je n’ai pas aimé la vision du tricot que dépeint l’auteur. Certes, tricoter à la chaîne aide à tenir à distance les pensées parasites, à s’apaiser, à s’organiser même, mais c’est tellement réducteur ! Tricoter peut être une thérapie, mais c’est également fun, créatif, valorisant. Contrairement à ce qui est dit entre ces pages, le produit fini a de l’importance. Il est la récompense de tant d’efforts…
Au-delà de cette considération très personnelle, les gros clichés bien patauds m’ont beaucoup agacée. Le récit en est truffé, c’est tellement poussé que cela en devient ridicule par moment. Et c’est dommage, vraiment, car cela dépare les bons côtés du roman.
De surcroît, ce texte est plein de défauts formels. Parfois les ellipses ne sont pas marquées par un saut de ligne. On est chez Mary qui discute avec son époux et elle se trouve d’un coup au cercle de tricot à observer ses camarades… Il y a en outre ce que je suppose être des erreurs de traduction, assez fréquentes chez cet éditeur (comme le problème des ellipses d’ailleurs). Pour citer quelques exemples, les pompons désignent en fait des franges, les mailles envers sont appelées points mousse, j’en passe et des meilleures… Ça ne dira rien aux personnes qui ne tricotent pas, mais ça prouve la piètre qualité du travail qui a été fait sur ce texte.
Malgré tout, j’ai trouvé touchants certains personnages quand d’autres m’ont laissée de glace. Probablement parce que leurs malheurs ont pincé quelques cordes sensibles. J’espérais une fin heureuse pour eux.
Ce roman a cela de réussi qu’il nous rappelle que derrière le succès, la perfection, mais aussi la froideur ou la bizarrerie, il y a nos drames invisibles, nos hantises, nos regrets… Il nous rappelle qu’il est plus facile parfois de tendre la main ou de se confier à des inconnus, mais surtout que les attitudes de façade sont trompeuses et qu’être en permanence dans le jugement d’autrui ne génère que davantage d’incompréhension et de souffrance.
Il y a du bon et du mauvais dans cette lecture. Elle ne me marquera pas. Pour autant, je ne regrette pas le temps que je lui ai consacré. À vous de vous faire votre opinion.

jeudi 2 février 2017

Les Papillons géomètres

Un roman de Christine Luce, publié chez les moutons électriques.


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Eve a disparu il y a cinq ans, sans laisser ni corps ni trace.


Enfuie avec un amant, d’après la police londonienne, mais morte selon l’époux inconsolable. En dépit de sa défiance, ce dernier a fait appel à une médium ; contre toute attente, Mademoiselle LaFay possède un réel talent pour joindre l’au-delà et réunit chaque année le couple pour un jour de félicité... sauf cette fois-ci : Eve n’apparaît pas.


En ces temps de misère et de richesse insolente dans la société victorienne, la vie après la mort attise les espoirs des scientifiques. Mary-Gaëtane LaFay et son amie Maisy, deux femmes audacieuses, affrontent leurs frayeurs pour résoudre un mystère entre deux mondes crépusculaires. De l’autre côté, l’Enquêteur poursuit le même dessein. La frontière qui les sépare est plus ténue qu’ils ne l’imaginaient, ce qui les unit, infiniment supérieur. L’affaire Blake révélera une énigme de la taille des univers.


Ayant déjà publié un roman jeunesse, Charlotte Caillou contre les Zénaïdes (chez Le Carnoplaste), Christine Luce livre ici une superbe fantasy spirite aussi trouble qu’un verre d’absinthe, comme une rencontre de Nerval avec Neil Gaiman.



Avec ces Papillons géomètres, Christine Luce nous offre une histoire de fantômes à la lueur des becs de gaz. Les brumes de l’après-vie se mêlent au fog londonien pour créer une ambiance délétère, lourde de mystère.
J’ai un faible pour les histoires de revenants et, à ma grande satisfaction, celle-ci se révèle plutôt atypique. Cet autre monde, une marche au-dessus du nôtre, est fascinant et les esprits qui y survivent obéissent à des règles que l’on découvre au fur et à mesure.
L’auteur a créé des personnages intelligents et sortant des carcans qu’il est plaisant de voir évoluer. Mary-Gaëtane est l’une d’entre eux. Elle est avant tout une femme pragmatique et indépendante. Elle vit avec une amie d’enfance, Maisy, métisse et un peu sorcière. Mary exerce le métier de médium. Si elle use parfois d’artifices pour abuser une clientèle qui ne demande pas mieux, son don est néanmoins réel et dangereux. C’est à cause de lui, et de son bon cœur, qu’elle va se retrouver mêlée à une double affaire de disparition : celle d’une jeune femme sans histoires et… du fantôme de celle-ci.
Tous les personnages qui gravitent autour de la médium se révèlent tout aussi complexes, mais c’est avec l’Enquêteur, fantôme en marge de ses pairs et réellement très intrigant, que Mary partage le premier rôle. Ils forment un duo aussi étrange et mal assorti qu’attachant. Leurs interactions rythment le roman, entre humour et révélations.
Le décor et l’ambiance sont parfaits, les personnages intéressants et le style recherché, malheureusement l’intrigue s’enlise un peu dans la seconde moitié. Rien de grave, cependant j’espérais un mystère un peu plus consistant. Au final, l’ensemble est un peu lent, sans que ce soit vraiment dérangeant, mais certaines pistes prometteuses restent inexploitées, ce qui est plus gênant. J’aurais souhaité en savoir beaucoup plus sur ces fantômes et les règles qui régissent leur société, sur la famille de Mary ainsi que sur l’Enquêteur dont on entrevoit tout juste le passé.
J’ai donc été un peu déçue par cette fin qui, après quelques longueurs et trop de promesses, semble trop vite expédiée. Les nombreuses questions demeurant en suspens laissent présager, du moins je l’espère, de nouvelles incursions dans cet univers. En tout cas, je retrouverais volontiers ces personnages.


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Découvrez également les avis de Boudicca et d'Elhyandra.

mercredi 1 février 2017

De Rouille et de Glace

Une nouvelle de Manon Bousquet, publiée chez Realities Inc.

Disponible en numérique à 0,99€.
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Sur une lointaine planète, un androïde raconte de vieux contes venus de la Terre à des orphelins de guerre de diverses origines. Mais l’histoire qu’il a choisie ce soir-là est bien triste et les enfants ne posent pas les questions auxquelles il s’attendait. Alors, pour leur remonter le moral, il décide de célébrer une ancienne fête terrienne tombée dans l’oubli, sans trop savoir de quelle manière s’y prendre…
Mais comment un androïde s’est-il trouvé à la tête de ce troupeau d’enfants dont personne ne semble vouloir ?
C’est une bien belle histoire que nous offre Manon Bousquet, un vrai conte de Noël dans la plus pure tradition du genre, avec une touche de modernité insufflée par le cadre et les valeurs de la science-fiction. Tous les ingrédients sont là : ambiance douce-amère mâtinée d’espoir, tendresse, le tintement de grelot des joies simples, des personnages touchants et solidaires… ainsi que de l’inventivité pour rafraîchir le tout.
J’ai été charmée par la douceur de cette nouvelle, par les questions qu’elle pose et les réponses qu’elle laisse à la discrétion du lecteur. Je vous la recommande.
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samedi 21 janvier 2017

Box Chakaiclub janvier 2017 – Happy Hygge Year

J’ai reçu ma dernière pochette Chakaiclub le 11 du mois. C’est toujours à peu près la même date. En plus d'avoir un bon rapport qualité prix, cette box est très ponctuelle. ;)


Hygge est le nouveau terme hype pour nous vendre quelque chose que tout le monde connaît, en nous faisant croire que c’est nouveau, un peu comme la vague « cocooning » des années 90.
C’est l’art du bonheur, le sentiment d’être bien qu’offrent les petites joies du quotidien, quelque chose d’indéfinissable paraît-il…
Attention, c'est une constatation, pas une critique. Je n’ai pas de problème avec le thème, ni même avec le fait de surfer sur la mode, mais bon, les modes passent, l’art de vivre demeure et je vous avoue que je n’ai pas trouvé de cohérence particulière dans l’interprétation qui est faite du thème (même si elle est justifiée dans le magazine). Ceci dit, nous avons tous notre propre vision du bien-être. ;)
Enfin, j’aime toujours l’esprit de cette box et les thés proposés sont bons. C’est le principal.


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Les thés :


Hygge me tender
Mélange d’assam, de sencha et de thé blanc, avec fraise, canneberge, rose et bleuet
Un thé à la fraise très doux, voire régressif même si on ne peut pas dire qu’il ait un goût de bonbon. Ce type de thé n’est habituellement pas du tout dans mes goûts, cependant j’ai été agréablement surprise. Je n’en boirais pas tous les jours, mais il est léger et agréable.


En apesanteur
Assam, rose, bleuet, mauve, pomme, caramel, pêche
On sent surtout la rose, la pêche (trop chimique) et la légère astringence du thé noir, avec un peu d’acidité typique de la pomme.
Comme le précédent, c’est un thé tout doux, mais la pêche et la rose ensemble ont tendance à m’écœurer.


Souvenirs du Père Noël
Chun mee, sencha, pai mu dan, mao feng, cannelle, écorce d’orange
Là j’étais désappointée… Encore un thé de Noël ?! me disais-je. Je l’ai goûté sans enthousiasme mais force est de constater que malgré l’overdose d’agrumes et épices des dernières semaines, je l’ai trouvé bon.
Il a également beaucoup plu à ma mère qui n’est pas une buveuse de thé et qui, parmi ceux de noël n’aime que le noir de chez Plantasia (très bon au demeurant).
Souvenirs du Père Noël est classique, mais tient ses promesses.


Sweet dreams
Rooibos, orange, mangue, ortie, souci, rose, bleuet
Un rooibos est toujours agréable, surtout quand il est fruité. Celui-ci ne déroge pas à la règle.
Il est rafraichissant, un peu amer en arrière-bouche, et il a du peps. On consomme plutôt le rooibos en fin de journée ou en soirée, mais je trouve celui-ci idéal pour les petits déjeuners tardifs.


Oolong milky
Le nature du mois est un thé intéressant (mais pas tout à fait nature). Il est à découvrir si vous ne le connaissez pas déjà.
C’est souvent compliqué entre le oolong et moi (il passe ou non) et celui-ci, comme tous les thés au goût typiquement protéique, est très particulier.
Je n’achète jamais de milky oolong, mais je le prends de temps en temps quand il est dans les échantillons proposés par le palais des thés et je le re-goûte toujours avec circonspection. J‘essaie d’y accoutumer mon palais. C’est un thé qui s’apprivoise.
Pour en revenir à celui de la box, je n’ai donc qu’un seul point de comparaison. Cela étant, bien que ce ne soit toujours pas le grand amour, je l’ai trouvé bon. Ses notes végétales sont suaves et équilibrent son goût lacté, en plus son parfum est très agréable.


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La surprise du mois était une guimauve enrobée de chocolat. Je ne l’ai pas mangée puisque cela est incompatible avec mes choix alimentaires, mais la personne qui en a hérité l’a trouvée très bonne.


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Après les fêtes, quelques thés légers, floraux et fruités (même si je me serais volontiers passée d’orange) font du bien. C’était une chouette sélection.
Je suis ravie de ce trimestre d’abonnement qui m’a offert de belles surprises. Je m’en offrirai un autre un de ces jours. C’est une box que je recommande pour les amateurs de thé qui veulent faire des découvertes sans chichis. J’apprécie la philosophie de sa créatrice et on sent qu’elle aime ce qu’elle fait (ça fait une vraie différence).

dimanche 15 janvier 2017

Bilan du challenge SFFF et Diversité

Voilà, c’est déjà la fin de ce challenge qui m’a occupée durant toute une année ! Je n’ai pas vu le temps filer.
Ce fut l'occasion de sortir un peu de mes habitudes, de perturber la tectonique de la PAL et de faire de belles découvertes. L'avantage d'un challenge qui pousse à lire des ouvrages très variés, c'est qu'on ne se lasse jamais.

Vous trouverez ici mon article de début de challenge et celui de Lhisbei qui a créé ce défi.

J’ai lu dix-sept livres et validé dix-sept critères sur les vingt proposés. Le temps m'a manqué, j’avais déjà choisi mes lectures pour les trois derniers.
J’ai néanmoins réussi mon challenge car les critères à remplir étaient cumulables. On pouvait en valider un jusqu’à trois fois pour compenser les autres. Du coup j'en ai vingt-deux, mais j’aurais quand même préféré avoir le temps de lire un livre pour chaque catégorie.

Grâce à ce challenge, j’ai découvert de très bons ouvrages et aussi des lectures potentielles chez les autres participants. Merci à Lhisbei de l’avoir organisé et d’avoir si rigoureusement tenu à jour le tableau regroupant les livres et les catégories.

Pour terminer, voici ma liste. J’ai omis les critères validés pour ne pas l’alourdir inutilement. Ils sont précisés dans chaque billet.

- Plaguers de Jeanne-A Debats
- Fêlures de Rozenn Illiano
- Les Neiges de l’éternel de Claire Krust
- La Stratégie des as de Damien Snyers
- Légion, à fleur de peau de Brandon Sanderson
- L’Ours et la Colombe, Ana l’étoilée T1 d’Ophélie Bruneau
- Les 81 Frères, Chroniques de l’étrange T1 de Romain D’Huissier
- L’Origine des Victoires d’Ugo Bellagamba
- Wika et la fureur d’Obéron, Wika T1 de Thomas Day et Olivier Ledroit
- Techno Faerie de Sara Doke
- L’Oiseau bleu de Marie-Catherine d’Aulnoy
- Échos obscurs de Denis Labbé
- Journal d’un marchand de rêves d’Anthelme Hauchecorne
- Chroniques d’un rêve enclavé d’Ayerdhal
- Le Club Vesuvius, Lucifer Box T1 de Mark Gatiss
- L’Homme qui mit fin à l’histoire de Ken Liu
- Quantpunk, Anthologie

Ce fut un challenge très enthousiasmant. J'en referais volontiers un autre du même style un de ces jours.

lundi 9 janvier 2017

La Terre qui penche

Un roman de Carole Martinez, publié chez Gallimard. Il est ici question de la version audio, lue par Geneviève Casile et Adeline d'Hermy.


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Présentation de l'éditeur :


Blanche est morte en 1361 à l'âge de douze ans, mais elle a tant vieilli par-delà la mort ! La vieille âme qu'elle est devenue aurait tout oublié de sa courte existence si la petite fille qu'elle a été ne la hantait pas. Vieille âme et petite fille partagent la même tombe et leurs récits alternent. L'enfance se raconte au présent et la vieillesse s'émerveille, s'étonne, se revoit vêtue des plus beaux habits qui soient et conduite par son père dans la forêt sans savoir ce qui l'y attend. Veut-on l'offrir au diable filou pour que les temps de misère cessent, que les récoltes ne pourrissent plus et que le mal noir qui a emporté sa mère en même temps que la moitié du monde ne revienne jamais ?


Par la force d'une écriture cruelle, sensuelle et poétique à la fois, Carole Martinez laisse Blanche tisser les orties de son enfance et recoudre son destin. Nous retrouvons son univers si singulier, où la magie et le songe côtoient la violence et la truculence charnelles, toujours à l'orée du rêve mais deux siècles plus tard, dans ce domaine des Murmures qui était le cadre de son précédent roman.



En décembre, une blessure à l’œil m’a contrainte à me passer de lecture. Alors, pour me tenir compagnie, j’ai opté pour un livre audio. Ceux de Carole Martinez sont toujours agréables à écouter comme à lire. Elle est une conteuse et de ses mots émane un souffle particulier, une mélodie sensuelle qui emporte le lecteur à travers le temps et l’espace, au cœur de ce réalisme magique qui semble toujours si familier, si naturel. Elle donne à ses récits la saveur des légendes, des chansons et des songes. Celui-ci en est encore plus empreint que les précédents.
La Terre qui penche nous ramène aux Murmures, bien après Esclarmonde, et il n’est pas nécessaire de connaître l’histoire de la recluse pour apprécier celle de Blanche. On retrouve toutefois une figure connue que, pour ma part, j’aime beaucoup. J’ai été heureuse de revenir sur mes pas, dans un décor à la fois neuf et familier, d’écouter les voix de la narratrice, de me sentir chez moi à ses côtés. Peu à peu mon cœur s’est mis à battre à l’unisson de celui de Blanche, même si elle m’agaçait parfois. J’ai espéré pour elle et j’ai tremblé pour elle. Je me suis glissée dans cette histoire, récit initiatique tout de contes entremêlé, et me suis pelotonnée près des personnages. J’ai oublié que j’étais adulte pour, de nouveau, grandir avec Blanche.
Elles sont deux à nous conter une même histoire, la vieille et l’enfant qui furent Blanche. Les errements de la vieille âme nous ramènent à son enfance, elle est sagace, mais sa pensée s’effiloche, alors que l’enfant, elle, suit le cours de sa vie comme si elle s’y trouvait encore. Elles se complètent, se répondent, entortillent les brins de laine de l’histoire au rythme de la fusaïole que meuvent leurs voix pour en former le fil.
Blanche a des peurs d’enfant et des aspirations de femme. Elle se trouve à la frontière, cet âge difficile où l’on n’est plus une petite fille et pas encore une adulte. Elle est chardon, elle est eau vive, elle est minute, une fillette qui a grandi sans mère et sans amour, mais qui veut apprendre à lire, savoir écrire son nom et prendre ainsi les rênes de son destin. À bien des égards, ce personnage est touchant, mais il n’est pas le seul.
Carole Martinez crée des personnages extrêmement vivants à la personnalité complexe. Ce sont surtout des figures féminines, fortes, émouvantes ou inspirant la pitié. Elles forment une ronde serrée qui n’éclipse toutefois pas totalement les hommes. Et si Du domaine des Murmures malmenait la figure paternelle, La Terre qui penche nous offre au contraire un père merveilleux, entre autres personnages masculins remarquables.
Mais c’est avant tout l’histoire de Blanche, de la fin de son enfance et de sa volonté de vivre en ces temps difficiles où l’on craignait la peste qui avait décimé le monde. L’Histoire côtoie la magie ; les loups et le diable, les sorcières et les fées ne sont jamais loin pour qui veut les voir.
J’ai tellement aimé ce roman ! Sa magie demeure encore un peu à mes côtés.
En ce qui concerne la version audio, j’ai eu un peu de mal avec la comédienne qui incarne la jeune fille. Elle tombe souvent dans la litanie et prive les personnages de leurs intonations. Au bout d’un moment, cela devient franchement agaçant. Toutefois, ce roman est agréable à écouter et je préfère cela aux lecteurs qui essaient, avec plus ou moins de subtilité, de changer leur voix pour les personnages secondaires.
La Terre qui penche est un beau texte, poétique, vivant, fantasque et je vous le conseille ainsi que les autres ouvrages de Carole Martinez.