samedi 21 avril 2018

Cyberland

Un ouvrage de Li-Cam, publié chez Mü éditions.

Présentation de l'éditeur : 
Ici le destin se décide œil pour œil, dent pour dent.
Tu ne te copieras point en dehors des Terres Parallèles.
Tu ne convoiteras pas le fichier d'autrui.
Tu ne formateras pas hormis pour sauver le système.

< Saïd in Cyberland
Asulon
Simulation Love />

Cyberland est composé de trois récits suivant un axe chronologique.
Tous tournent autour du Chronocryte, une intelligence artificielle créée par l’homme pour le sauver de lui-même. Cette IA lui est à ce point supérieure qu’elle apparaît presque divine. De fait, elle est soit crainte, soit vénérée.
Le Chronocryte a fait évoluer internet en infosphère, véritable monde parallèle à la réalité, aussi appelé Cyberland. Pour profiter de cet espace en quatre dimensions, certains humains se sont fait poser des implants cérébraux. On les appelle des Humods. Mais dans ce monde post-singularité, un parti extrémiste, le Diktrans, qui exploite la crainte des machines et de cette IA toute-puissante, prend le pouvoir.
Sous prétexte de recenser les Humods, on les oblige à se déclarer auprès des autorités. Ils sont alors déportés vers une prison créée pour eux : Asulon.
Les Humods clandestins sont traqués et des brouilleurs empêchent la connexion à l’infosphère. Le Diktrans entre en guerre contre le Chronocryte et fait exécuter son créateur.

Saïd in Cyberland est le plus long des trois récits. Il pose les bases de cet univers cyberpunk pour nous permettre d’y entrer avec quelques repères.
Le Diktrans a envoyé des militaires dans Cyberland qui ne sont jamais revenus. Pour tenter une nouvelle approche, il a choisi des adolescents : Louise, une Humod libérée d’Asulon pour l’occasion qui leur servira de guide ; Saïd et Lu-Pan, deux jeunes prodiges, l’un en mathématiques, l‘autre en informatique ; Alyson, toute entière dévouée au Diktrans et iNNoKeNTi un étrange clone de dix ans.
Lâchés dans Cyberland, ces jeunes gens doivent découvrir ce que sont devenus les militaires, ramener des informations et, s’ils y parviennent, trouver de quoi faire tomber le Chronocryte. Mais se laisseront-ils tenter par les merveilles de Cyberland ? Et puis, quelles sont les réelles intentions de l’IA ?
L’idée de départ est très intéressante, mais je dois reconnaître que j’ai peiné lors de cette lecture. Les personnages, même dans leurs failles et blessures, n’ont que très peu suscité ma sympathie. Particulièrement Saïd qui malgré la profondeur de son personnage et sa grandeur d’âme reste un merdeux qui ne sait parler qu’en jurant la plupart du temps, ce qui le rend pénible. Intelligent mais irréfléchi, sensible mais geignard… J'ai du mal avec ce genre de personnage. À la rigueur, j’ai préféré l’émissaire du Chronocryte, qui est le narrateur de cette histoire.
À partir du moment où les tâtonnements des adolescents dans le monde virtuel sont remplacés par un jeu, une simulation créée par l’IA pour les « éduquer » le récit commence à piétiner. C’est dommage car le propos est vraiment intéressant.
Ierofan.th, envoyé par le Chronocryte pour guider les adolescents, apparaît presque plus humain que certains humains. Il met les jeunes face à leurs blessures pour leur permettre, ou non, de s’accepter et de se réaliser. Le choix leur appartient toujours. Tout l’intérêt de ce texte réside dans la finesse de son analyse des rouages de l’âme humaine et dans son appel à la tolérance.

Asulon suit le même chemin dans ses bons comme ses mauvais côtés. Dans cette novella qui a connu une précédente publication chez les regrettées éditions Griffe d’encre, on voit les conséquences des événements de Saïd in Cyberland. On retrouve un personnage du précédent récit enfermé à Asulon où une graine révolutionnaire va ou non s’enraciner.
Le récit est dense, la réflexion profonde. La nature divine du Chronocryte y est longuement évoquée. Les implications philosophiques, éthiques et métaphysiques de cette histoire feront turbiner votre cerveau à toute allure. Mais il faut aussi les digérer.
Peut-être que je n’étais pas d’humeur pour apprécier à leur juste valeur ces deux textes. Je leur reconnais toutefois de nombreuses qualités, mais la fluidité n’en fait partie. Il faut le savoir avant de commencer, Cyberland est une lecture très exigeante, qui demande une totale disponibilité d’esprit et une profonde implication intellectuelle. On a besoin de ce genre d’ouvrages, mais pour moi il a un peu manqué d’âme.

L’ouvrage se clôt sur Simulation Love une nouvelle que j’ai déjà lue dans une autre publication de Griffe d’encre : Chasseurs de fantasmes.
Cette anthologie avait pour intention de donner à l’érotisme une place centrale, sans toutefois que la trame narrative des nouvelles soit un prétexte ou un décor pour justifier le sexe.
Je me souvenais de Simulation Love, cependant cette nouvelle ne m’avait pas marquée en comparaison des autres. Sans connaissance préalable de l’univers créé par Li-Cam, elle valait surtout par sa chute. Je la trouvais anecdotique à l’époque et elle ne m‘a pas semblé plus intéressante aujourd’hui dans un contexte plus étayé.
Si un jour vous tombez sur un exemplaire de Chasseurs de fantasmes, n’hésitez toutefois pas à l’acheter, c’est une excellente anthologie.

En conclusion, Cyberland est un ouvrage intéressant car il pousse à la réflexion, néanmoins ce n’est pas le genre de récit qui vous permet de simplement apprécier l’histoire si vous n’êtes pas prêts à donner plus.

27/04/18, Ajout :
Suite à la publication de cette chronique sur Vampires & Sorcières j’ai eu une petite discussion avec l’autrice concernant le Chronocryte. Cela m’a amenée à voir la nouvelle sous un autre jour. Je pense avoir été influencée par ma première lecture hors contexte de celle-ci, ce qui m’a empêchée de percevoir correctement ce qu’elle apporte à l’ensemble. Je vous laisse en juger. Quant à moi, je ne la trouve plus du tout anecdotique.



Ce livre compte pour la lettre L du Challenge ABC imaginaire 2018.


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mardi 3 avril 2018

Le Songe d'une nuit d'octobre

Un roman de Roger Zelazny, publié chez ActuSF.


Deux précisions concernant le résumé de quatrième de couverture :
- Vous ne devriez pas le lire.
- Il vous promet du steampunk mais à mon sens ce n'en est absolument pas.

Présentation de l'éditeur :
Quand le steampunk rencontre le mythe de Cthulhu.
 Octobre. Dans 31 jours, le portail s’ouvrira et les Grands Anciens déferleront sur le monde. 
 Dracula, Sherlock Holmes, Raspoutine, le docteur Frankenstein… Ils seront tous là. Mais feront-ils partie des ouvreurs avides de pouvoir, ou seront-ils des fermeurs qui s’opposeront aux horreurs indicibles ? 
 Les familiers de ces personnages seront eux aussi impliqués dans cette murder party ésotérique riche en rebondissements. Tout particulièrement Snuff, un chien dont le maître, Jack, aime se promener la nuit dans Londres avec son grand couteau... 
 Le Jeu va commencer. 
 Quel sera votre camp ? 
 Roger Zelazny est l’auteur de la saga des Neuf Princes d’Ambre. Avec Le Songe d’une nuit d’octobre, il rend hommage avec humour à l’univers de H.P. Lovecraft.

Entre Zelazny et moi, c’est surtout une histoire de marelle, de lames de tarot et de princes, quelques nouvelles arrachées au hasard et des titres de romans griffonnés depuis longtemps sur une liste de livres à lire… Mais cette réédition chez ActuSF était tellement tentante, même pour quelqu’un comme moi qui ne suis guère amatrice des écrits de Lovecraft… Imaginez… Le mois d’octobre, mystérieux entre tous, une bataille ésotérique et néanmoins épique en préparation, des personnages connus et réinterprétés, mais, surtout, un récit écrit du point de vue de leurs familiers ! Je ne pouvais pas résister.
Pour une fois, ce sont les personnages d’ordinaire cantonnés à la figuration (même pas aux rôles secondaires !) qui se trouvent au premier plan. Avec les animaux on a l'impression de voir l'envers du décor sans que cela devienne pour autant une histoire de seconde zone car ils participent activement à la préparation du rituel.
Le récit se découpe en jours et va crescendo jusqu’au 31 octobre, quand la lune sera pleine et le destin du monde scellé lors du combat opposant les ouvreurs et les fermeurs. Les événements nous sont contés par Snuff, chien de garde placide et consciencieux au service d’un dénommé Jack… Snuff est un très chouette personnage, malin, sympathique. On sent qu’il connaît tous les rouages du Jeu. Il semble assez patelin quand il coopère avec les autres familiers, mais pas non plus de nature à se laisser doubler. Il est déroutant de découvrir un personnage si facilement attachant associé à un maître que l’on s‘attend à trouver tout de suite antipathique… Cependant, même la façon dont ces personnages connus sont traités est originale. Jack, par exemple, a peut-être une autre inspiration que celle que vous attendez. Cependant, cela ne sera jamais dévoilé.
Zelazny a une façon particulière de se servir de l’humus généré par tout notre imaginaire commun et de faire pousser ses propres hybrides, créant son univers, sa mythologie. Le doute plane, toujours, quant à la vraie nature de ces figures qui nous semblent si familières. Vous pouvez choisir d’ignorer les références car de toute façon ce que Zelazny a pris, il en fait ce qu’il en veut, ou vous amuser à les décortiquer. Vous ressentirez cette dualité, vous vous trouvez en terrain connu, pourtant vous n’arriverez pas pour autant à vous repérer, comme si vous connaissiez l’espace, mais pas le temps (ou inversement).
J’ai passé un excellent moment avec cette lecture, délaissant mes tâches pour la continuer, rechignant à la lâcher pour aller dormir. Bien sûr, dénicher les références cachées et leurs implications possède un certain charme, cependant la force du récit réside dans l’envie du lecteur de percer les secrets du Jeu. On se laisse vite entraîner dans la partie, on s’implique. Avec Snuff on cherche des indices, on essaie d'identifier qui est ouvreur, qui est fermeur. Y a-t-il seulement des gentils et des méchants dans cette histoire ?!
La préface de Thimothée Rey est très intéressante. Oui je lis toujours les préfaces et je vous encourage à lire celle-ci, avant ou après le roman, à votre convenance, car elle explicite certaines références. Je ne les aurais pas toutes saisies sans cela. Mon ignorance n’aurait pas été grave, néanmoins ces éclaircissements ont enrichi ma perception et cela est toujours une bonne chose.
Le Songe d’une nuit d’octobre est un excellent roman que vous pourrez apprécier même en ayant des connaissances très restreintes concernant l’univers de Lovecraft (voire aucune) car malgré ce jeu de références permanent l’histoire se suffit à elle-même et demeure très divertissante.


Découvrez également les avis d'Acr0, Chani et Dionysos.



Ce roman compte pour la lettre Z du Challenge ABC imaginaire 2018.


dimanche 1 avril 2018

Il sera une fois...

Un recueil de nouvelles de Southeast Jones, publié chez Séma éditions.


Présentation de l'éditeur : 
"Il sera une fois" vous invite à rêver demain : de l'humain au surhumain, de notre insignifiante petite planète aux confins de l'univers et au-delà, Southeast Jones vous convie à découvrir ses visions d'avenir au travers de quinze contes étranges, drôles ou inquiétants. Ces histoires hors du commun vous fourniront nombre de réflexions sur les futurs possibles imaginés par l'auteur : quelle serait votre réaction si vous appreniez qu'il y a bien une vie après la mort ? Qui est ce Père Noël un peu bizarre que l'on voit le 24 décembre sur Carabistouille IV ? Quelles pourraient être les conséquences de la victoire des mutants contre le genre humain ? Quelles traces garde-t-on quand on a été avalé par un ogre ? Que faire si, pour sauver la Terre, il fallait détruire l'Humanité ? S'inspirant du "Golden Age of science-fiction", l'auteur vous ouvre grand les portes de ses univers.

Sommaire : 
  • Barbares !
  • Contrat
  • Émancipation 
  • Divergence d’opinion
  • Question de foi
  • Rétrocession
  • Jonas
  • Trip
  • Grand-Veille
  • Notre-Dame des opossums
  • Début de semaine
  • Le C.R.I.M. était presque parfait
  • Le temps du repos 
  • Noël Lointain
  • Les enfants de nos enfants

Il sera une fois… Ce titre évoque des contes du futur, une étendue de possibles. Il est surtout la marque d’une filiation, l’héritage d’un lecteur vorace qui a su se nourrir des grands classiques de la science-fiction pour nous proposer à son tour ses visions, ses problématiques, de futurs potentiels. Southeast Jones nous propose une SF plurielle, plus clinique que cynique, mais toujours intéressante. Ses textes courts se lisent d’une traite et, si j’en connaissais déjà certains pour les avoir lus dans les anthologies des Artistes fous, je les ai relus volontiers. Je pense notamment à Notre-Dame des opossums, Le Contrat et Jonas, récits qui m’ont beaucoup marquée à ma première lecture.
Si j’ai apprécié Barbares ! la nouvelle d’ouverture, j’en avais vu venir la chute, ce qui m’a un peu désappointée. Ce n’est pas très objectif, car c’est un bon texte, il souffre juste du fait que les grands lecteurs sont moins tolérants avec ce qu’ils ont déjà pu voir de trop nombreuses fois. Il s’agit toutefois d’un des textes les plus classiques du recueil et je vous encourage à passer outre cette possible impression de déjà-lu. Vous trouverez par la suite des récits moins convenus.
Chaque texte est accompagné d’une illustration, ce qui permet de se mettre tout de suite dans l’ambiance. Entre autres aventures, vous testerez une invention mystérieuse dans Le C.R.I.M. était presque parfait, vous assisterez à une guerre absurde dans le très caustique Divergence d’opinion, vous rencontrerez un pape et des extraterrestres dans Question de foi et vous serez peut-être même avalé par un ogre…
Au fil des nouvelles, des références littéraires se croisent, des problèmes se posent et des idées sont semées. J’ai plié ce recueil en deux jours, c’est dire s’il se lit vite (je suis d’ordinaire plus parcimonieuse avec les nouvelles). Pour autant, ce sont des histoires distrayantes mais qui donnent à réfléchir, elles éclosent lentement et demeurent vivantes bien après lecture.



vendredi 30 mars 2018

Élixir de nouvelles steampunk

Un recueil de Delphine Schmitz, publié chez Séma éditions.

Présentation de l'éditeur :
Dans ce monde de vapeur et de rouages où science et magie se côtoient, vous rencontrerez des inventeurs plus loufoques les uns que les autres, parfois charmants, d'autres fois terrifiants. Vous découvrirez un appareil photographique qui n'en fait qu'à sa tête, un sous-marin en quête de créatures fabuleuses, un musée de cire où les statues prennent vie, le premier ordinateur de l'Histoire, et bien d'autres choses encore. Au fur et à mesure de votre lecture, d'étranges liens entre les textes éveilleront votre intérêt. Vous ne pourrez vous empêcher de remarquer la présence fugace mais récurrente de mystérieux matériaux aux étonnants pouvoirs. Et si la dernière nouvelle vous livrait leur secret ?
Quelle excellente surprise que ce recueil ! Je survole généralement les quatrièmes de couverture et je ne savais pas trop à quoi m’attendre, mais du steampunk et des nouvelles… cela suffisait à me convaincre. Quel ne fut pas mon étonnement au fil de ma lecture en constatant qu’en fait cet ouvrage est presque un fix up. Il faut dire que j’étais frustrée à la fin de la première nouvelle, mécontente d’en rester à cette chute abrupte. Alors, quand j’ai vu que l’histoire n’était finalement pas totalement en suspens, cela m’a ravie.
Les liens entre les textes sont subtils, à peine évoqués dans les premiers récits, puis de plus en plus prégnants. Cette façon de construire l’univers, comme une toile d’araignée dans laquelle le lecteur se laisse prendre puis entraîner jusqu’au centre, m’a beaucoup plu. J’ai adoré regarder le motif se dessiner, chercher à comprendre l’origine des artefacts qui hantent ces histoires, dénicher les liens entre les personnages, retrouver ces derniers, parfois, dans une autre histoire. Il faut dire que certains parviennent en peu de pages à se rendre très attachants.
L’écriture de Delphine Schmitz est très agréable et donne l’impression d’écouter une conteuse. Son imaginaire m’a tout de suite séduite.
Tout cela contribue à impliquer le lecteur et les pages se tournent de plus en plus vite. On se sent un peu triste quand arrive la fin, mais content.
Dans ce tissage uchronique vous verrez des inventions étonnantes (et des matières qui le sont tout autant), des amours transcendant la mort, des automates (évidemment), un super-héros comme on les aime (c’est un ptéranodon, pas une chauve-souris bon sang !), un pirate damné, vous suivrez des enquêtes, voyagerez dans un sous-marin, vous attendrirez parfois et, avec les personnages, tenterez de changer le cours du temps.
Je vous conseille chaleureusement cette très chouette lecture, même si vous n’êtes pas amateurs de nouvelles, vous tomberez sans nul doute sous le charme de cet univers haut-en-couleur.

mercredi 21 mars 2018

L'Heure de véri-thé

Un ouvrage d'Arnaud Bachelin, publié chez Baker Street éditions.


Présentation de l'éditeur :
L'Heure de véri-thé nous transporte à travers les siècles pour découvrir le symbolisme du thé et de son histoire. Entre archéologie, légendes et cuisine, ce livre est un fascinant récit des origines de la plante, des débuts de sa consommation et le développement de son commerce au fil du temps. Des histoires, mais aussi des techniques, des conseils et des recettes afin d'appréhender au mieux cette plante aux mille facettes. Des premiers thés bouillis asiatiques au thé glacé inventé en Amérique, en passant par les thés aux fleurs et autres ingrédients naturels, Arnaud Bachelin retrace un fabuleux voyage aux quatre coins du monde, dans un ouvrage parsemé d'illustrations et de photos. Ne se contentant pas de transmettre son savoir, l'auteur est également en perpétuelle recherche. Un peu à l'instar des plus grands parfumeurs, il est en quête des bonnes alliances, l'alchimie qui lui permettra de créer de nouvelles saveurs dans une parfaite harmonie. Passeur, savant, chercheur, créateur… en un mot : magicien !

L’Heure de véri-thé est un ouvrage de moyen format, ce qui est assez rare pour les livres concernant le thé. Le texte est agrémenté de quelques photos qui rendent très bien sur un beau papier épais, toutefois, à cause du papier en question, l’ouvrage est plutôt lourd et en devient vite malaisé à manipuler.
Les premières pages présentent les différentes catégories de thé (noir, rouge, bleu, etc.) et les stades de préparation des feuilles qui permettent de les obtenir. Cette présentation est succincte mais claire. Elle a également le mérite d’expliciter la différence entre thé noir et thé rouge qui trouble parfois les néophytes.
Vient ensuite un chapitre sur la genèse qui évoque les légendes autour de la découverte du thé et les différentes méthodes de préparation (thé bouilli, thé battu) et utilisations (culinaire, médicinale), avant que l’on n’en arrive à la boisson d’agrément et surtout à l’infusion qui est toujours pratiquée de nos jours.
Une large part de l’ouvrage retrace l’évolution du commerce du thé en Europe, les rivalités et conflits qu’il a générés et l’entrée dans les mœurs de sa consommation autant dans les strates riches que pauvres de la population. Ces chapitres sont un peu lourds bien qu’intéressants et cela est en partie dû à quelques répétitions. Toutefois, ce sont les fautes qui m’ont le plus gênée. Oh, il n’y en a pas à toutes les pages, mais assez pour gâcher l’aura d’un beau livre comme celui-ci. Ce sont en majorité des erreurs de conjugaison (accords de participes passés), mais aussi de vocabulaire (des mots utilisés en dépit de leur sens).
Tout en détaillant l’enracinement du thé dans les habitudes, l’auteur évoque la création des accessoires qui accompagne inévitablement un usage qui se généralise. On parle des théières classiques que tout le monde ou presque connaît ainsi que d’inventions qui nous paraissent beaucoup plus farfelues comme les tasses victoriennes avec protection pour moustache intégrée… J’aurais aimé plus de photos de ces ustensiles et davantage de détails sur leur utilisation, par exemple en ce qui concerne la préparation du thé au samovar. Même si, en amatrice de thé qui se respecte, je connais déjà tout ceci, je pense que cela a sa place dans un livre introductif tel que celui-ci.
Est également relatée une brève histoire de l’évolution du conditionnement, du coffret de vrac scellé pour éviter les contrefaçons aux capsules, en passant par les sachets en mousselines individuels. Chaque fois, le fait qui a ouvert la voie à l’invention est expliqué. De même, on évoque la création des thés parfumés et les méthodes, anciennes et modernes, utilisées pour les aromatiser, ainsi que les premiers thés glacés qui sont tout simplement nés d’une opportunité saisie au vol.
Je dois dire que la partie qui m’a le plus intéressée est celle mettant en relation le thé – et les tea times – avec les combats sociaux de leur époque. Bien entendu, on parle de la guerre d’indépendance des États-Unis, cependant on n’oublie pas pour autant un fait moins connu : le combat des suffragettes.
La dernière partie du livre est plus légère, dévolue à la cuisine et aux propriétés gustatives du thé. L’auteur consacré un chapitre très fourni aux associations de thés et de fromages. Il propose plusieurs alliances, détaillant avec finesse quelles sensations organoleptiques vous en retirerez. C’est intéressant si c’est votre truc (ce qui n’est pas mon cas). Je serais plus encline en revanche à essayer d’associer le thé à l’armagnac, comme il le préconise.
Vous trouverez quelques recettes dans cet ouvrage, que ce soit pour des boissons ou des plats, du sucré ou du salé. Par exemple, un thé glacé à la rose, un bubble tea (qui était très à la mode voilà un moment et qui semble maintenant s’éclipser, ce dont je ne me plaindrai pas.) et du cheese tea (non, vraiment, laissez tomber ça). En revanche, aucune évocation du matcha latte qui pourtant, après avoir été très en vogue au Japon, semble provoquer en Europe un bel engouement. Pour ce qui est de la cuisine, vous pourrez tenter une tarte au thé, potimarron et fromage de chèvre ou encore une recette de crevettes. J’envisage de tester assez vite le cake au matcha ou encore le gâteau au chocolat au thé fumé, je demeure néanmoins un peu circonspecte quant à cette dernière recette.
L’auteur termine par un court chapitre consacré aux références littéraires. Agréable à lire, bien qu’assez anecdotique. Il s’agit plus de montrer que le thé est vecteur d’inspiration que de réellement détailler le rôle qu’il a joué dans la littérature.
Ce n’est pas le livre qu’il vous faut si vous souhaitez vous renseigner sur les variétés de thé ou les cérémonies qui leurs sont associées. En revanche, si vous voulez en apprendre davantage sur la découverte du thé, son commerce et les implications sociales et sociétales de ce dernier au cours des siècles, il s’agit d’une excellente introduction.


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vendredi 9 mars 2018

La Couleur des sentiments

Un roman de Kathryn Stockett, en version audio chez Audiolib.


Présentation de l'éditeur :
En 1962, à Jackson, Mississipi, chez les Blancs, ce sont les Noires qui font le ménage et élèvent les enfants. Sans mot dire, sous peine de devoir prendre la porte. Est-ce le cas de Constantine, l'employée des Phelan, dont on n'a plus aucune nouvelle ? Mais franchement, qui s'en soucierait ? Ses amies, Minny et Aibileen, et surtout Skeeter, la propre fille des Phelan. La jeune étudiante blanche et les deux employées noires vont lier une alliance imprévisible pour "comprendre".
Passionnant de bout en bout, La Couleur des sentiments a déjà conquis plus de deux millions de lecteurs, connu le succès au cinéma (The help) et obtenu le Grand prix des lectrices de "Elle" en 2011.
Timbres différents, conviction ou verve identiques : Marie Lemaître, Nathalie Hons, Nathalie Hugo et Cachou Kirsch marient leurs voix comme les héroïnes du roman leur volonté que "les choses changent". Leur lecture a été récompensée par le Prix du livre audio Lire dans le noir en 2011.


Tout commence en 1962 dans l’état du Mississippi avec deux femmes. L’une a la cinquantaine, est noire et exerce le métier de bonne auprès d’un couple de classe moyenne. L’autre est blanche, au début de sa vingtaine, et souhaite devenir écrivain.
Aibileen, la bonne, regrette de n’avoir pas pu continuer ses études, cependant elle a accepté son sort avec philosophie. Ce qu’elle préfère dans son métier, c’est s’occuper des enfants. Elle aime leur insuffler une bonne estime d’eux-mêmes, mais quand ils grandissent et deviennent comme leurs parents, elle change d’employeurs pour garder intacte l’affection qu’elle porte à ces petits. Cependant, l’amertume grandit dans le cœur d’Aibileen depuis la mort de son propre fils et elle accepte de moins en moins la façon dont on la traite.
Eugenia, dite Skeeter, est décalée par rapport à ses amies, toutes mariées et centrées sur leur famille car elle a d’autres aspirations. Elle a de mauvaises relations avec sa mère qui la dénigre beaucoup et manque de confiance en elle. Skeeter est intelligente, mais demeure assez naïve et idéaliste dans le contexte tendu de l’époque. Elle n’a pas oublié qu’elle aimait la bonne qui l’a élevée et peu à peu le vernis craquèle. Les inégalités sociales entre les blancs et les noirs lui apparaissent de plus en plus insupportables.
Les bonnes sont d'industrieuses petites abeilles, presque des objets pour leurs employeurs. Tous les jours, elles sont victimes d'injustices dans un état où les ségrégationnistes refusent de lâcher le moindre pouce de terrain. C'est par une énième vexation que la graine de révolte va éclore dans le cœur d’Aibileen et la pousser à accepter la proposition de Skeeter. Celle-ci souhaite que les bonnes se racontent dans un livre, sans faux-semblant. Si l’une mesure les risques, ce n’est pas forcément le cas de la seconde.
La Couleur des sentiments met à notre portée une époque pas si lointaine dont des stigmates marquent encore la société américaine d’aujourd’hui. Ces pages sont à la fois imprégnées de tendresse et de cruauté, de complicité et d’inhumanité. Comme le fait remarquer Skeeter, les bonnes élèvent les enfants, elles les aiment et ils les aiment en retour, mais on ne les laisse même pas utiliser les toilettes de la maison. C’est à la fois d’une grande tristesse et d’une ironie mordante.
Kathryn Stockett nous dépeint sa ville natale dans le bon comme le mauvais, elle ne cherche pas à faire pencher la balance. Elle nous montre une réalité dont nous n’avions peut-être pas conscience ou que nous n’avions pas à ce point mesurée. Elle a créé des personnages attachants, auxquels on aimerait pouvoir venir en aide. Outre Aibileen et Skeeter, on fait la rencontre de Mae Mobley, petite fille délaissée par sa mère et qui adore sa bonne. Puis vient Minny, la meilleure amie d’Aibileen. Elle est bonne aussi, a la trentaine et une grande gueule qui lui vaut bien des ennuis. J’ai adoré ce personnage qui a envie de se rebeller sans vraiment l’oser, sauf dans un accès de colère insensée. Elle est aussi méfiante que généreuse. Elle fait parfois preuve d’une bienveillance étonnante, notamment envers Celia, autre personnage haut en couleur et très touchant.
Pour tout cela, La Couleur des sentiments est un roman subtil, à la fois divertissants et sérieux. Il a été adapté au cinéma et le scénario reste proche du récit d’origine. J’ai apprécié le film, mais le fait que je l’ai vu avant de lire le livre n’y est pas étranger. J’ai eu envie de le revoir après écoute du roman et je me suis bien rendu compte qu’il était assez superficiel en comparaison, même si c’est normal. Le livre est plus émouvant à mon avis. Toutefois, les différences qui existent entre les deux font qu’on peut apprécier l’un même si l’on connaît déjà l’autre, peu importe l’ordre de découverte.
J’admets toutefois que Skeeter m’a semblé un peu plus geignarde et naïve dans le roman. Cela vient peut-être aussi du fait que je l’ai écouté et non lu. La lectrice qui l’incarne a pris un ton assez monocorde et me donnait souvent l’impression qu’elle allait se mettre à pleurer si elle disait un mot de plus… Heureusement, le personnage évolue et commence à s’intéresser réellement au sort des bonnes. Au départ, ses motivations étaient un peu plus superficielles bien que bienveillantes. Skeeter ne mesurait pas dans quoi elle s’engageait.
La Couleur des sentiments est un livre agréable à écouter. Sa narration chorale le rend très vivant et les lectrices ont fait un magnifique travail. C’est toujours un plaisir d’écouter Cachou Kirsch et la prestation de Nathalie Hons, qui interprète Aibileen, est remarquable. Elle a vraiment rendu justice à ce personnage très attachant.
J’ai quitté à regret Aibileen, Minny, Celia, Mae Mobley et même Skeeter. J’aurais aimé connaître l’après et c’est en cela que l’on mesure tout le poids de ce roman.

mardi 13 février 2018

Blog en chantier...

Ce blog venant de changer de plateforme, il risque d'y avoir quelques cafouillages dans les semaines à venir : mise en page bizarre, liens brisés et pages incomplètes.

J'en suis désolée, mais je vais faire de mon mieux pour arranger tout cela au plus vite.