lundi 18 avril 2022

Quand la vie s'en mêle T1 : Adèle

Un roman de Lucie Castel, publié en numérique chez Kobo Originals.

Présentation de l'éditeur :

Lorsque la grand-mère adorée d’Adèle décède, la jeune femme à l’esprit sarcastique et à la langue bien pendue est déterminée à respecter ses dernières volontés : quitter la demeure familiale et partir à l’aventure.

Une formation de jardinier-paysagiste plus tard, elle part pour Luserne, petite ville du sud, où se trouve Lucien Vidal, vieil homme acariâtre mais aussi et surtout premier grand amour de sa grand-mère. Grâce à lui, Adèle décroche un petit boulot pour s’occuper du jardin du cimetière communal.

Malgré la suspicion qu’elle suscite chez les habitants les plus conservateurs, elle se lie bientôt d’amitié avec un groupe de marginaux : un jeune facteur dont l’obésité menace son maintien en poste, une toiletteuse gothique et lesbienne, une ancienne reine du lycée anorexique et le jeune et séduisant croque-mort de la ville.

Mais l’ambiance se dégrade lorsqu’un corbeau placarde sur les tombes des lettres accusant des notables respectables des pires comportements. Commence alors une chasse aux sorcières qui accuse prioritairement les amis d’Adèle en raison de leurs différences…

Adèle, vingt-cinq ans, ne sait plus quoi faire de sa vie. Elle a perdu l’être qui lui était le plus cher au monde : sa grand-mère qui l’a élevée. Ce deuil lui semble d’autant plus insurmontable qu’elle s’était repliée sur elle-même, enfermée avec sa grand-mère pour profiter le plus possible du temps qu’il leur restait. Pendant dix ans, elle a tout juste vivoté et le peu d‘attaches qu’elle avait réussi à nouer en dehors de cette relation fusionnelle ne pèse pas bien lourd. Mais c’est sans compter les dernières volontés de Mahaut qui avait bien l’intention de sortir sa petite-fille de l’impasse, même malgré elle.
Alors, ça peut sembler cliché raconté comme ça, mais ça n’a pas d’importance, parce qu’on entre dans cette histoire avec une facilité déconcertante et un intérêt qui ne fait que croître au fil des pages. La jeune femme sarcastique et paumée que l’on rencontre au pire moment de sa vie est très attachante. Adèle est sympathique, elle aime le cinéma et les couleurs vives, elle se sent seule et cache ses failles sous beaucoup trop de sarcasme. Parce qu’elle est une fille lambda à laquelle on peut facilement s’identifier, elle ne semble que plus réelle. Elle se trouve désarmée face à la vie car sa grand-mère était le centre de son monde, mais ce n’est pas pour autant une petite chose fragile qui va pleurer sur son sort. Bien au contraire, elle décide de se focaliser sur la vie et d’être heureuse.
Ce roman est assez typique du genre feel good, avec un événement malheureux comme déclencheur d’une volonté de se reconstruire. Le début nous offre quelques réflexions sombres, mais très vraies, sur le cancer. Sachez toutefois, si c’est pour vous un sujet sensible, que c’est l’affaire de quelques pages. L’héroïne ne s’appesantit ni sur son deuil ni sur la maladie. Cependant, ce passage m’a marquée à cause de ses accents de vérité et de mon expérience personnelle sur le sujet. Je suppose que cela m’a aidée à entrer dans l’histoire, puisque j’y ai tout de suite cru.
Une fois les affres du deuil consumées, Adèle décide enfin de sortir de sa coquille et comme il faut bien commencer par quelque chose autant dévider la pelote de souvenirs que lui a laissée Mahaut, une pelote de regrets pour encourager sa petite-fille à ne pas commettre les mêmes erreurs.
Cette histoire est agréable à lire et pleine d’humour. Quand l’autrice emploie des clichés, ce qui arrive souvent, ils se fondent dans l’intrigue sans trop laisser de grumeaux. C’est le genre de clichés qu’on apprécie parce qu’on se sent comme à la maison, même si on lève de temps en temps les yeux au ciel juste par esprit de contradiction. L’ambiance d’une petite ville du Sud est parfaitement rendue, même si bien sûr les contours sont accentués car il faut bien assurer le spectacle.
J’ai passé un bon moment avec Adèle et ses amis. Cependant, j’ai relevé quelques incohérences, coquilles et cafouillages. Entre autres, il y a des contradictions dans l’histoire de certains personnages, une femme change de prénom en cours de route et pourquoi diable Adèle porte-t-elle le nom de jeune fille de sa grand-mère quand on sait que celle-ci s’est mariée ? Enfin, cela est ennuyeux mais pas bien grave. C’est le genre de roman sans prétention qu’on lit pour son ambiance solaire et pour voir les gentils triompher des aléas de l’existence. Dans cette optique, c’est une réussite.
Comme je suis curieuse d’en apprendre davantage sur les amis d’Adèle, je lirai sans doute la suite.


mardi 12 avril 2022

La Saison de la sorcière

Un roman de Roland C. Wagner publié chez les Moutons électriques et en version audio chez Voolume.


Présentation de l'éditeur :

Un ptérodactyle géant arrache la Tour Eiffel, des statues de Mao ravagent Pékin, un Godzilla dévaste le port de Yokohama …

Une vague d’attentats tout aussi déroutants qu’inexplicables ébranle les symboles de puissance des nations les plus industrialisées. L’Europe est particulièrement touchée par cette nouvelle forme de terrorisme à nulle autre pareille, qui fait usage de forces surnaturelles mais épargne les vies humaines. Pour les États-Unis, la lutte contre les « sorciers du tiers monde » devient presque une mission sacrée, qui justifie même une invasion de la France et d’une partie de l’Europe sous prétexte de « protéger » le Vieux Continent… C’est dans ce contexte que Fric, jeune zonard français fraîchement sorti de prison, doit entamer sa réinsertion…

Un roman court et impertinent, récompensé par les prix Rosny aîné et Bob Morane en 2004. Toujours engagé du côté du rêve et des opprimés contre les impérialismes et la bigoterie, Roland C. Wagner (1960-2012) a le culot de réinventer la fantasy urbaine en politique-fiction. Un livre choc qui, sous couvert d’un de ces récits déjantés et rock’n’roll dont Roland C. Wagner avait le secret, tend un cruel miroir aux dérives de nos sociétés du troisième millénaire, d’une complète actualité.
La magie existe. Enfin, c’est la seule explication possible à la vague d’attentats étranges (et pacifistes) que subissent l’Europe et l’Asie. En réaction, les États-Unis ont envoyé des troupes dans les pays touchés, qui sont du coup devenus des protectorats américains, et ont déclenché une grande campagne de recrutement (si l’on peut le dire ainsi) de mages afin de constituer une armée capable de neutraliser ces terroristes d’un genre nouveau.
Dans ce contexte troublé, Fric sort de prison et retrouve sa banlieue sous ébullition. Les soldats « Tazus » provoquent la hargne d’une partie de la population et de ses potes en particulier. Suite à un incident avec l’un de ces soldats, Fric se voit contraint de se planquer à l’adresse indiquée par un de ses compagnons de cellule et va y découvrir une communauté de hippies et de punks utopistes sur-équipée en matériel informatique. De là à savoir ce qu’ils fabriquent dans leur Enclave, c’est une autre affaire...
Pendant ce temps, la chasse aux sorcières fait rage et pour l’armée américaine il n’y a pas de demi-mesure, les personnes capturées sont avec elle ou… avec elle.
La narration se divise en deux. On suit tour à tour Fric et ses copains ou différents membres de l’armée à la recherche de l’arme ultime (et ils pourraient bien l’avoir trouvée). Cela donne un récit nerveux, plein de rebondissements et d’embardées, qui entraîne son lecteur/auditeur sans trop lui laisser le temps de reprendre son souffle.
Ce roman court et énergique est une sorte de conte moderne, engagé et chaotique qui se joue des codes. On notera que, comme dans les contes, quasiment personne n’a de prénom. Les Tazus et ceux qui gravitent autour sont désignés par leur fonction, alors que Fric et ses potes le sont par des surnoms. Les chevaliers de cette histoire sont de jeunes banlieusards d’âge indéterminé, les fées sont celles du réseau, le méchant dragon polycéphale est une grande puissance capitaliste et la sorcière… Vous verrez bien. 
J’ai beaucoup aimé ce récit. C’est barré, intelligent et drôle. L’auteur, tout en nous divertissant, nous amène à réfléchir. Ce roman nous parle d’impérialisme et d’ingérence, de terrorisme et de résistance, mais il nous montre aussi que parfois la frontière est floue entre ces termes. J’ai trouvé cela intéressant, bien que je pense qu’il y manque un peu de profondeur et que la réflexion sur le terrorisme, surtout, est trop sortie de son contexte. J’ai cependant beaucoup aimé l’Enclave et la façon de vivre des gens qui la peuplent, bien que cela semble beaucoup trop irréaliste à mes yeux. Ils paraissent d’autant plus sympathiques face au capitalisme éhonté affiché par les Tazus. L’auteur a grossi le trait, mais c’est aussi une caractéristique des contes.
La sortie en version audio de ce roman dont la première publication date de 2003 est une bonne occasion de le découvrir (ou redécouvrir). Le narrateur a fait un excellent travail. Certes, le roman est déjà prenant, mais il parvient à accroître encore davantage l’intérêt de l’auditeur grâce à l’enthousiasme qu’il déploie toujours au bon moment.
Les thèmes abordés restent très actuels, bien que le contexte ait évolué depuis les attentats de 2001, et offrent toujours des pistes de réflexions intéressantes. 


lundi 11 avril 2022

La Digue, Blackwater ou l'épique saga de la famille Caskey T2

Un roman de Michael McDowell, publié chez Monsieur Toussaint Louverture.

Mon avis sur le T1.


La vie suit son cours à Perdido, Alabama, et c’est avec délectation que je me suis replongée dans les eaux sombres et boueuses des deux rivières qui la ceignent.
La ville, à peine remise des dégâts laissés par la crue, envisage l’avenir avec inquiétude et le projet de digue commence à prendre forme. Cela pourrait changer le destin de Perdido de bien plus de façons que ne l’ont imaginé le conseil municipal et les riches familles de la ville qui supportent le projet.
De leur côté, les Caskey ont trouvé un équilibre fragile. Elinor a consenti un sacrifice à la matriarche pour que son mari et elle retrouvent leur liberté, mais est-ce suffisant ? Mary-Love n’est pas femme à se contenter d’un accord à l’amiable qu’elle n’a pas fomenté et accordé elle-même avec force magnanimité. Contre Elinor, elle veut une victoire écrasante que nul ne saurait contester. Aux yeux de tous, sa belle-fille s’en sort avec trop de superbe. 
Tout ce que Mary-Love sait faire de toute façon est écraser l’autre, de son amour ou de sa haine, c’est selon. C’est le monopole qu’elle veut et cela va de la scierie familiale à la vie de ses enfants. Elle apparaît comme une pieuvre géante et on prend conscience encore davantage dans ce tome de quelle horrible personne, étouffante, manipulatrice et possessive elle est. Elinor paraît presque sympathique à côté. Pourtant, elle est tout aussi monstrueuse et bien plus cruelle.
Pour commencer, le cheval de bataille de la matriarche sera la digue puisqu’Elinor hait ce projet. Et quoi de mieux pour agacer sa belle-fille que d’héberger sous son toit, dans la chambre qu’elle occupait bien entendu, l’ingénieur chargé de l’étude de terrain ? 
Mais Mary-Love joue sans le savoir avec le feu. Obnubilée par Elinor, elle pourrait perdre son soutien le plus précieux : sa fille Sister qu’elle considère comme un prolongement d’elle-même. L’obéissante Sister en a peut-être assez d’être malheureuse et soumise, il se pourrait bien que l’exemple de son frère, même s’il est passé d’une mère dominatrice à une femme plus subtile mais tout aussi dirigiste, pourrait l’inspirer et lui donner l’occasion de démontrer qu’elle est bien la fille de sa mère.
Ce roman est encore plus passionnant que le précédent. On navigue en eaux troubles et chaque méandre de la rivière semble prêt à nous avaler. Le lecteur est, avec la petite Zaddie, un témoin privilégié (si l’on peut dire) des événements. Or, s’il est bien caché derrière le rempart infranchissable qu’est son livre, je me demande bien ce qui protège l’adolescente. Est-ce, comme je le crois, sa nature féminine qui la préserve ? Pourtant une autre femme n’a pas échappé aux foudres d’Elinor. Je suis donc très curieuse de savoir ce qui arrivera à Zaddie en particulier, d’autant que j’aime beaucoup ce personnage.
À n’en pas douter, cette saga est une histoire de femmes et pas seulement parce qu’elle figure un échiquier occupé d’une part par les pions de Mary-Love et d’autre part par ceux d’Elinor. Oscar, tout naïf qu’il peut l’être parfois, l‘a bien compris et s’en accommode. Avec l’aveu de son incompétence face à ces caractères en acier trempé, il se trouve en mesure d’accéder à une compréhension plus subtile. Il sait depuis le début qu’il n’a pas la main et ne cherche pas à la prendre, mais il n’en est pas pour autant un pion totalement aveugle à l’échiquier sur lequel il se trouve. Au contraire, il semble de plus en plus prendre la mesure de la partie qui se joue et vouloir participer en toute conscience.
Ce tome montre d’ailleurs combien les enfants de Mary-Love ont été sous-estimés par leur mère et par une grande partie, sinon toute, la communauté. Tous deux sont plus fins qu’on pourrait le croire et il faudra compter avec eux non comme des pions mais comme des lieutenants prêts à servir une cause si elle est dans leur intérêt.
Comme la digue qui donne à Perdido une nouvelle allure, la famille Caskey se redéfinie et se métamorphose. Dans ce volume des personnages que l‘on pensait secondaires et anecdotiques s’ancrent à Perdido et provoquent de nombreux remous. La famille s’étend, tisse de nouveaux liens ou en répare d’anciens et les pouvoirs s’équilibrent une fois encore de façon inattendue.
Je n’aurais jamais cru pouvoir me passionner autant pour des histoires de famille ! Pourtant j’ai dévoré ce volume et pas seulement à cause de sa dimension fantastique, même si elle est encore plus sombre et prégnante que dans le précédent.
J’aime en particulier Ivey et ses superstitions. On ne sait jamais si elle a une conscience plus acérée des choses ou si elle se contente d’amalgamer et de véhiculer les peurs de tous. Et des peurs, il y en a à Perdido. Elles glissent dans les recoins sombres tels des serpents d’eau à l’affût de la moindre proie. Un instant de faiblesse et ils vous mordent.
C’est du Fantastique comme je les aime, un soupçon d’effroi, d’étranges rituels, de la magie noire, des âmes tourmentées réclamant vengeance et des scènes que les personnages s’efforcent d’oublier et de ranger dans un tiroir tels de vieux rêves chiffonnés qui refusent de s’effilocher assez pour disparaître.
Certaines scènes sont clairement horrifiques et il y en a une que j’ai trouvée particulièrement éprouvante, cependant, si comme moi vous n’affectionnez pas les récits trop sanglants, sachez que celui-ci est tout à fait soutenable. L’horreur rampe parfois hors de la rivière tel un brouillard épais, mais se dissipe vite. C’est le Fantastique qui imprègne le récit, plus inquiétant qu’effrayant.
Je n’ai pas pour habitude d’enchaîner les tomes d’une série, mais si j’avais le troisième sous la main, je serais déjà en train de le lire. Cette saga est décidément aussi excellente qu’addictive.

mercredi 6 avril 2022

Meute

Un roman de Karine Renneberg, publié chez ActuSF.

Présentation de l'éditeur :

Roman atypique lycantrope, Meute suit les traces de Nathanaël, Val et Calame. Le premier est un loup-garou né de la violence et la solitude qui se débat au sein d'une meute qui ne lui convient pas. Le second est un humain à qui l'on a volé la voix. Quand le troisième entre dans leur vie bien malgré eux, des tensions s'installent et menacent de tout déchirer. Comment trouver son équilibre, dans un monde où les secondes chances n'existent pas ?
Ce récit fantastique est avant tout celui d'une tranche de vie, de ce moment où tout bascule entre le noir et la couleur.

Karine Rennberg est une autrice nantaise. Elle explore l'imaginaire avec une prédilection pour les mondes durs teintés de magie, et les personnages remplis de failles et de couleurs.

Nath a grandi dans les Docks, domaine des gangs qui se disputent les marchés les plus lucratifs : drogues, équipements technologiques ou encore… nourriture. En effet, une éruption solaire a achevé de laminer une société déjà en chute libre. Les ressources se font rares et pour survivre il vaut mieux être fort et sans scrupule.
Nath sait se défendre. Mieux encore, il sait se battre et il aime ça, ce qui fait de lui un mercenaire recherché et un combattant apprécié dans les arènes. Mais il a aussi un secret qu’il doit à toute force garder : il est un loup-garou. Son coéquipier et ami Val, seul humain dans la confidence, est là pour assurer ses arrières, néanmoins il ne peut pas l’arracher à ses obligations en ce qui concerne la meute car, même s’il n’en fait pas partie, Nath a conclu un accord avec l’Alpha. Et cela va le mettre dans une situation aussi inconfortable que surprenante. Cela va, à son corps défendant, le changer.
Ce roman m’a attirée par son originalité. Ces dernières années, la SFFF n’a pas beaucoup exploré la lycanthropie autrement que dans une optique sentimentale. Je ne critique pas, même si je préfère le fantastique, je constate. Cependant il faut bien reconnaître que c’est lassant et aussi réducteur que l’ont été en leur temps les récits d’horreur invariablement associés aux loups-garous. Il fallait que ça saigne, bonnes gens ! Je dois dire que je m’attendais un peu à l’un de ces récits sanglants, mais si Meute est brutal, juste ce qu’il faut, ce n’est pas un roman horrifique. Il suit son propre chemin et celui-ci se trouve entre anticipation, fantastique et roman de mœurs. Il explore l’humanité en ses personnages, la complexité de leur personnalité, la façon dont ils se sont construits et dont ils interagissent, tout cela face à la violence de leur environnement. Ils ne cherchent pas à s’en cacher ou s’en extraire, ils s’adaptent. Ils acceptent la violence, qu’elle viennent d’eux ou de l’extérieur, mais ne se laissent pas dominer par elle. C’est là toute leur force et toute l’intelligence du récit.
Ce roman raconte les liens, choisis ou non, qui se tissent et qui peuvent emprisonner aussi bien que protéger. Il raconte la dévotion, l’amitié, les multiples formes que peut prendre une famille. Mais il raconte aussi les traumatismes, la cruauté et les luttes de pouvoir. Si ce monde est très sombre, il reste néanmoins de l’espoir et on peut le trouver aussi bien en la personne d’un combattant implacable que dans un adolescent mutique.
J’ai aimé Val et sa force tranquille, l’énergie bouillonnante de Nath, les couleurs et la vulnérabilité de Calame, puis les gens qui gravitent autour d’eux. On s’attache à ces personnages, on tremble pour eux, et c’est formidable de les voir évoluer tant ils paraissent réels. Il est d’autant plus facile de se mettre à leur place que la narration est faite à la deuxième personne du singulier, choix plus qu’inhabituel. Je ne vous cache pas que cela m’a gênée au départ, mais je comprends tout l’intérêt de ce choix. Un roman particulier méritait une narration particulière. Quand on s’y fait, cela devient très immersif.
J’ai été très agréablement surprise par tout ce que Meute a à offrir. Une fois la première page tournée, il m’a été très difficile de le lâcher et, quand la fin est arrivée, j’ai mesuré le vide laissé par ces personnages que je n’avais pas envie de quitter. Cela a été pour moi un grand moment de lecture et une excellente découverte.

mardi 22 mars 2022

La Crue, Blackwater ou l'épique saga de la famille Caskey T1

Un roman de Michael McDowell, publié chez Monsieur Toussaint Louverture.

Présentation de l'éditeur :

Pâques 1919, alors que les flots menaçant Perdido submergent cette petite ville du nord de l'Alabama, un clan de riches propriétaires terriens, les Caskey, doivent faire face aux avaries de leurs scieries, à la perte de leur bois et aux incalculables dégâts provoqués par l'implacable crue de la rivière Blackwater.

Menés par Mary-Love, la puissante matriarche aux mille tours, et par Oscar, son fils dévoué, les Caskey s'apprêtent à se relever… mais c'est sans compter l'arrivée, aussi soudaine que mystérieuse, d'une séduisante étrangère, Elinor Dammert, jeune femme au passé trouble, dont le seul dessein semble être de vouloir conquérir sa place parmi les Caskey.

Au-delà des manipulations et des rebondissements, de l'amour et de la haine, Michael McDowell (1950-1999), ¬co-créateur des mythiques Beetlejuice et L'Étrange Noël de Monsieur Jack, et auteur d'une trentaine de livres, réussit avec Blackwater à bâtir une saga en six romans aussi ¬addictive qu'une série Netflix, baignée d'une atmosphère unique et fascinante digne de Stephen King.

Découvrez le premier épisode de Blackwater, une saga matriarcale avec une touche de surnaturel et un soupçon d'horreur.

Tout commence avec la crue des rivières Blackwater et Perdido, violente, dévastatrice et sale, qui noie la petite ville de Perdido, Alabama. Et avec la crue arrive cette jeune femme étrange, dont les cheveux roux argile rappellent les eaux boueuses de la Perdido. Personne n’arrive vraiment à mettre un mot sur cette sensation bizarre qui étreint les gens mis pour la première fois en présence d’Elinor Dammert. Personne n’ose, sans doute, car il est évident qu’Elinor cache quelque chose et pas seulement l’ambition d’épouser Oscar Caskey, le meilleur parti de la ville.
Ce roman vous attrape dans ses filets des le début, alors que vous regardez, avec fascination, ce que les habitants de Perdido refusent de voir. Mais à leur place que feriez-vous ? Comment ne pas douter et chercher une explication rationnelle quand le fantastique surgit ainsi dans votre vie ? D’autant qu’au début du roman la ville est dans une situation critique. À cas exceptionnel, mesures exceptionnelles. Elinor a — commodément pourraient dire certains — perdu tous ses papiers ? Qu’à cela ne tienne, on ne va pas laisser une jeune femme si charmante dans la détresse. Elle trouve ainsi une famille et un travail, mais que veut-elle en réalité ? Qui est-elle ?
Ce roman se lit très vite et avec une certaine fébrilité. Michael McDowell ne perd pas son temps à semer le doute. Le lecteur sait qu’il se passe des choses bizarres et qu’elles n’ont aucune explication naturelle, mais les personnages, eux, ne veulent pas le voir. Se déroule sous notre regard ébahi le plan machiavélique et inéluctable d’une créature déterminée. A-t-elle des raisons plus complexes que sa nature de prédateur pour agir ainsi ? Telle est la grande question que je me suis posé pendant tout le roman et dont je brûle d’obtenir la réponse.
Que cela serve ou non ses desseins, cette créature renvoie aux habitants de Perdido leur petitesse et leur racisme. Et c’est là ce qui fait le relief de l’histoire : Elinor est peut-être un monstre, elle n’en demeure pas moins plus sympathique que les hommes faibles et les femmes caractérielles de Perdido. Personne n’a le beau rôle dans cette histoire. Et le fantastique se mêle l’air de rien à un quotidien morne, un fantastique glauque, un rien stressant, qui happe le lecteur et lui laisse un goût boueux dans la bouche.
La Crue est le premier d’une série de six romans dont les parutions s’échelonneront à raison de deux par mois d’avril à juin. Les romans sortiront directement en version poche, ce qui rend le tout très abordable, et est d’autant plus appréciable que les éditions Toussaint Louverture, accoutumées à produire de très beaux objets-livres, ne dérogent pas à leur habitude. Les deux premiers romans de la série que j’ai entre les mains sont aussi superbes que leur contenu est prenant. En terminant le premier, je n’ai eu qu’une envie : me jeter sur la suite.

lundi 21 mars 2022

Anne de Green Gables

Un roman de Lucy Maud Montgomery publié chez Monsieur Toussaint Louverture pour les versions papier et numérique, chez Audible pour la version audio lue par Alison Wheeler.

Présentation de l'éditeur :

Cheveux désespérément roux, visage constellé de taches de rousseur, Anne Shirley est une petite fille curieuse, pleine d'énergie, souvent perdue dans ses pensées, parfois d'une gravité solennelle, sans aucun doute intemporelle. Difficile de résister à ce petit bout d'humanité de onze ans parfaitement imparfait, héroïne d'une série de romans qui a su conquérir des millions de lecteurs à travers le monde, Anne de Green Gables, écrit par Lucy Maud Montgomery, et dont le premier tome parut en 1908.

Orpheline à l'esprit vif, à l'imagination sans bornes et qui adore employer de "grands mots", Anne se retrouve par erreur chez Marilla et Matthew Cuthbert qui attendaient un garçon pour les aider à la ferme. Féministe involontaire, romantique impénitente, elle est impulsive, dramatique, maligne, drôle, et telle une authentique naïve, elle va bousculer le calme et la monotonie de la vie à Green Gables, en semant partout joies et rêveries, en dénichant la beauté dans les moindres recoins, en ne s'exprimant qu'en points d'exclamation, même dans "les affres du désespoir".

Il était une fois une petite orpheline romantique à l’imagination hyperactive envoyée par erreur chez des gens qui voulaient un garçon… Bien sûr ils vont s’en enticher, mais comment faire autrement ? Anne est très attachante. Rêveuse et étourdie, elle commet de nombreuses bêtises malgré sa volonté de bien faire. Ce roman qui raconte les débuts de sa vie à Avonlea et son passage de l’état de petite fille à celui de jeune femme presque adulte est un véritable bonheur. Les amitiés ou inimitiés de la fillette, sa propension à se perdre dans une imagination exubérante qui prête souvent à sourire, ses aspirations et ses mésaventures forment un récit délicieux aussi bien que réconfortant. Il y a là quelque chose qui nous ramène au temps plus insouciant de notre propre enfance, quand bien même elle serait très différente de celle d’Anne.
Vous connaissez forcément Anne Shirley, ne serait-ce que grâce à la dernière adaptation en date, très libre et néanmoins superbe, de ses aventures sur Netflix. Mais avez-vous lu ce classique de la littérature canadienne ? Si ce n’est pas le cas, je suis ravie de vous annoncer qu’Anne revient dans une nouvelle traduction. C’est un grand plaisir de la retrouver, d’autant plus que l’éditeur a pensé à rendre ce roman accessible dans différents formats.
Si vous voulez découvrir la vie d’Anne Shirley ce sera donc à votre convenance, soit dans un très beau livre, une édition vraiment soignée, élégante et au coût très raisonnable, soit une version numérique à petit prix, soit en audiolecture dématérialisée via audible. Voilà de quoi satisfaire tout à la fois les amoureux des beaux livres, les gens qui manquent de place, les malvoyants et les rêveurs qui aiment qu’on leur raconte de belles histoires.
Quand on aime, on ne compte pas, j’ai donc la version papier (et les suites parues jusqu’à présent. Ces livres sont tellement beaux qu’Anne elle-même en tomberait en pâmoison), mais je n’ai pas pu résister à la version audio après avoir écouté l’extrait. Celle-ci est vraiment très réussie et fut un plaisir à écouter. Alison Wheeler est une excellente narratrice, son interprétation possède la fraîcheur et l’enthousiasme parfaits pour ce roman. Je n’ai pas senti les chapitres défiler, même en connaissant l’histoire. Cela m’a convaincue de me procurer les prochains volumes en audio aussi, même si je suis un peu désappointée de savoir qu’ils seront narrés par d’autres personnes.
Quoi qu’il en soit, je vous encourage à profiter de cette belle réédition pour découvrir ou redécouvrir ce superbe classique.

lundi 14 mars 2022

Meurtres et charlotte aux fraises - Les enquêtes d'Hannah Swensen T2

Un roman de Joanne Fluke, publié chez Le Cherche Midi pour la version papier et Audible pour la version audio. Celle-ci est lue par Flora Brunier.

Vous pouvez aussi consulter mon avis sur le premier tome.



Dans cette suite directe du roman précédent, Hannah est bien décidée à laisser les enquêtes et les cadavres derrière elle. Son travail au Cookie Jar lui prend beaucoup de temps et elle doit en outre jongler entre ses deux prétendants et son rôle de juge dans un concours de pâtisserie télévisé dont les retombées médiatiques seront aussi importantes pour sa ville que pour son commerce. Mais peut-être que, comme le pense sa mère, elle est vouée à attirer les cadavres car elle va en trouver un de plus et se sentir obligée de mener l’enquête pour aider une amie.
Cette écoute a été bien plus agréable que celle du volume précédent. Elle m’a accompagnée pendant mes séances de pâtisserie de fin d’année et m’a apporté son lot de nouvelles recettes à tester. Je ne suis toujours pas une grande fan de la personnalité d’Hannah (on sent quand même beaucoup que l’autrice a le double de l’âge de son personnage… Je veux bien qu’Hannah soit un peu old school, mais c’est parfois déroutant), cependant j’aime bien sa sœur Andrea (moins pimbêche dans ce tome) et j’ai apprécié de les voir faire équipe. Elles sont très différentes l’une de l’autre et se complètent bien. En outre, leur relation évolue. Dans la vie réelle, elles seraient plus un boulet qu’une aide pour la police, mais passons, on ne lit pas ce genre de romans pour le réalisme. Certes, il y a des cosy mysteries plus construits et je les préfère, mais une lecture/écoute zéro cerveau c’est bien aussi parfois, surtout quand on mesure des ingrédients pendant qu’Hannah fait parler ses voisins. Il ne faut pas attendre trop de logique ni de suspense de cette enquête. Disons qu’elle fait son job en étant distrayante et que son ambiance hivernale m’a ravie.
Il est plaisant de retrouver des personnages que l’on connaît déjà, cela donne une impression de familiarité et permet de s’immerger plus facilement dans le récit quand on l’écoute au lieu de le lire et qu’on veut faire autre chose en même temps. L’autrice a choisi d’explorer une piste secondaire du précédent tome, ce qui est une bonne idée. Certains personnages méritaient d’être davantage développés et de se retrouver sur le devant de la scène.
J’ai nettement plus apprécié ce volume que le premier, bien qu’il souffre de défauts assez similaires. Cela est surtout gênant vers la fin car l’autrice fait un copier/coller des mêmes ressorts scénaristiques pour mettre en scène son dénouement. On comprend bien avant Hannah ce qui se passe. Elle est très, très lente à la détente, au point qu’on a envie de la secouer, et se met une fois de plus dans le pétrin de manière stupide.
Les amours d’Hannah sont en toile de fond et n’ont pas grand intérêt. Elles émergent en pointillés de temps en temps et je m’en serais bien passée tant ses relations avec ses deux soupirants manquent de naturel. Elle est tiraillée (un bien grand mot) entre Norman le dentiste sympa et Mike le flic bourru (avec qui elle a noué une relation sans même qu’on sache trop comment puisque cela s’est passé hors champ. Et on se demande aussi pourquoi car il est exécrable, mais c’est une autre affaire.) On sent bien qu’aucun des deux ne lui plaît vraiment et on dirait que l’autrice a cherché à cocher des cases dans un cahier des charges… Ceci dit, ce n’est pas la part la plus importante de l’intrigue, donc il est assez facile de passer outre.
Ce roman m’a donné ce que j’attendais, ni plus ni moins. J’apprécie toujours de trouver des recettes entre les chapitres et quand j’aurai besoin d’un livre pour accompagner mes heures de tricot et/ou de pâtisserie il est fort probable que je continue cette série.