mercredi 18 janvier 2023

Lumberjanes, Intégrale 1

Une BD de Brooke Allen, Shannon Watters, Grace Ellis et Noelle Stevenson, publiée chez Kinaye.

Présentation de l'éditeur :

Au camp pour filles badass de Miss Qiunzella Thiskwin Penniquiqul Thistle Crumpet, les choses ne sont pas toujours ce qu’on croit. Des renards à trois yeux. Des grottes secrètes. Des anagrammes !...

Heureusement, Jo, April, Mal, Molly et Ripley sont cinq meilleures amies qui n’ont pas froid aux yeux, et elles sont prêtes à tout pour passer ensemble des vacances d’été qui déchirent… et ce n’est ni une quête magique ni une bande de créatures surnaturelles qui vont les en empêcher ! Le mystère grandit de plus en plus, et ce n’est qu’un début…

Jo, Mal, April, Molly et Ripley passent leur été dans un camp scout pour filles (badass) : elles sont des Lumberjanes (mot formé à partir de lumberjack qui signifie bûcheron) et fières de l’être. Leur devise est « l’amitié au max » et elles l’appliquent tous les jours. Il se passe de drôle de choses autour du camp et nos cinq copines semblent être les seules à l’avoir remarqué. Elles sont bien décidées à tirer tout cela au clair, au grand désespoir de Jen, leur cheftaine, dont elles déjouent régulièrement la surveillance et qui angoisse à mort d’autant plus que Rosie, la responsable du camp, n’en fait pas grand cas.
J’ai été attirée par l’idée de base : une BD qui fait la part belle à l’amitié et qui encourage les filles a être braves, volontaires et à se soutenir les unes les autres. En cela, je n’ai pas été trompée, mais je suis un peu déçue quand même.
Les récits mis en scène dans cette BD manquent de consistance. Tout est fouillis, à l’image du style pictural, et pour commencer j’ai mis un temps fou à intégrer le nom des personnages. Heureusement pour moi, les portraits des filles et leurs personnalités sont exposés en fin d’ouvrage car dans l’histoire elle-même, on ne peut pas dire qu’elles soient développées et j’aurais eu du mal à dire qui est qui et quelles sont leurs caractéristiques sans cela. J’ai apprécié le goût du détail des auteurs qui ont créé une playlist illustrée pour chaque fille. Cela participe à les rendre plus vivantes. Mais ils en ont aussi fait des clichés sur pattes. On aurait pu s’attendre, vu le thème, à dépasser les stéréotypes ou s’en moquer, toutefois on patauge plutôt dedans. La seule qui subi une évolution notable est Jen, qui prend confiance en elle au contact de ses protégées. Elle est à mon avis le personnage le plus intéressant, car davantage mis en relief, de la BD. En tout cas elle est ma préférée.
L’arc principal et les courtes histoires qui composent la BD sont d’une grande simplicité : les filles voient un truc bizarre, genre un animal mutant ou une statue qui parle, et elles lui mettent une raclée. Ou alors elles voient un trou dans le sol et elles sautent dedans sans réfléchir… (Tiens, ça me rappelle un épisode de Buffy.) D’accord, elles sont intrépides et la force de leur amitié leur donne confiance, mais elles oublient quand même souvent de réfléchir avant d’agir (ou avant de cogner) et elles ne respectent pas grand-chose sinon leur envie du moment. Autant dire que c’est répétitif et exaspérant, d’autant que la fin n’est pas très élaborée non plus. En bref, il y avait certes une bonne idée, mais elle est concrétisée de façon assez médiocre.
Je n’ai pas été sensible au dessin non plus. Le trait est souvent grossier à mon goût, cependant j’admets que cela est subjectif. J’ai en revanche beaucoup aimé la galerie de couvertures à la fin de l’ouvrage.
Je dois en outre signaler un défaut de mise en page : toutes les introductions de chapitres, qui définissent les capacités récompensées par les badges que peuvent gagner les lumberjanes, sont amputées de leur fin. Ceci est d’autant plus dommage que ces extraits du manuel des lumberjanes sont intéressants, très positifs et porteurs d’importantes valeurs. Cela donne l’impression que l’édition n’a pas été soignée, d’autant qu’on y trouve aussi des coquilles.
Une seconde intégrale est prévue, mais je ne la lirai pas. On peut facilement se contenter de la première étant donné qu’il y a une conclusion, même simpliste.


mercredi 21 décembre 2022

Bons baisers de New York

Un roman d'Iris Visser, publié en numérique chez Kobo Originals.

Les autres tomes de la série :


Bons baisers de New York fait parti d’une série, trois volumes pour l’instant, dont les tomes peuvent se lire indépendamment. Iris Visser propose des comédies romantiques modernes, légères et pleines d’humour. On se laisse facilement emporter dans ses histoires, qui ne sont jamais tape-à- l’œil ni trop dramatiques. On est là pour s’amuser, pas pour pleurer. On peut croire en ses personnages et en leurs réactions car elle n’en fait pas des êtres parfaits ou caricaturaux.
Cette romance est idéale à lire pendant les fêtes car elle se déroule en partie durant cette période et je dois dire que, des trois, c’est ma préférée.
Emma travaille dans l’événementiel et elle a une manie : quand les silences deviennent gênants, elle se met à jacasser. Cela lui vaut d’être envoyée à New York pour un an, parce qu’elle n’a pas su dire non, et si son voyage en avion, assise à côté d’un gars qui tire la tronche, donne le ton de son séjour, elle est plutôt mal barrée…
J’ai beaucoup aimé Emma. C’est une fille sympathique, un peu maladroite mais sans que ça devienne exaspérant. Elle accumule les galères, sinon ce ne serait pas drôle, mais si elle s’en sort ce n‘est pas par enchantement ; elle sait utiliser son cerveau. On s’attache à Emma, on veut la voir réussir dans son travail comme dans ses amours. Et je dois dire que le gars sur lequel elle va jeter son dévolu n’est pas mal du tout...
Iris Visser ne force jamais sur les clichés quand elle en use et même si elle saupoudre souvent ses écrits de rivalité féminine, elle ne prend pas plaisir à noircir le tableau. Dans ses romans, les personnages finissent toujours par exposer leurs griefs et régler avec intelligence leurs problèmes, ce qui est assez rare dans ce type de littérature pour être signalé. J’ai apprécié que cette histoire, aussi focalisée soit-elle sur les amours d’Emma, prenne le temps de développer ses amitiés et sa vie à New York. Suivre la jeune femme dans ses pérégrinations a été un vrai plaisir, d’autant que puisqu’elle arrive à New York en septembre, on vit avec elle les fêtes et les traditions liées à l’automne et l’hiver.
L’autrice a aussi glissé dans ce roman quelques clins d’œil aux autres tomes de la série et on croise même brièvement les deux personnages de Bons baisers de Londres, ce que j’ai beaucoup apprécié.
Je ne suis pas férue de comédies romantiques, mais si Iris Visser en écrit d’autres, je serai au rendez-vous. Si vous avez envie de récits feel good et romantiques, je vous recommande cette série.


mercredi 14 décembre 2022

Le Scénar

Un roman de Philippe Pratx, publié aux éditions L'Harmattan.



Théo et Léo ont trouvé un scénario sur une clé USB oubliée. Vous savez ce que c’est, ils ont trouvé la clé abandonnée sur un ordi, alors ils ont regardé pour voir si son ou sa propriétaire n’avait pas laissé ses coordonnées dedans, mais il n’y avait que le scénar, non signé. Ils ont laissé la clé, après avoir imprimé l’ouvrage, mus par la curiosité et bien décidés à percer ce mystère. Qui mieux que Lola, leur amie étudiante en cinéma, pourrait les accompagner dans leur enquête ?
Toutefois Théo, Léo et Lola ne devraient peut-être pas prendre leurs aises, car qui dit qu’ils sont les personnages principaux ? Ceux du scénar, Olivier — pétri de rêves communistes mais aussi de fierté identitaire — et Alena — distante et néanmoins bouillonnante de sensations, de sentiments, de pensées qu’elle ne parvient pas toujours à exprimer — ainsi que tous ceux qui gravitent autour d’eux ont une nette tendance à voler la vedette à ces personnages du roman un peu plats cherchant à les analyser, en quête du moindre indice. Et puis il y a cet agaçant narrateur qui semble vouloir nous embrouiller sans cesse avec des réflexions plus ou moins creuses et digressives. Le narrateur, c’est un peu toutes ces personnes qui croient opportun de vous tirer de votre lecture. Parce que c’est connu, un lecteur est en attente que la vie le rappelle. Ou le plus souvent en attente qu’on l’ennuie avec des palabres qu’on croit plus intéressantes que n’importe quel livre… Et il palabre ce narrateur, c’est sûr, mais qui est-il en fait ? Est-il l’auteur ? Du livre ou du scénario ? Est-il vraiment omniscient, voire omnipotent, ou juste un personnage mégalomane ? Cache-t-il des vérités sous des couches et des couches de mots qui parfois captent votre attention pour mieux vous engourdir l’esprit trois paragraphes plus loin ? Et n’oublions pas — même si ce serait difficile — le scénar lui-même, personnage à part entière. Un scènar qui ne semble pas vouloir choisir son genre, qui intrigue, qui accroche, plus que l’histoire qui se tisse autour de sa découverte.
J’ai aimé le mystère nimbant le scénario, cette mise en abyme permanente et ces strates, ces personnages difficiles à cerner. J’aime qu’on m’égare. Cependant, la narration, avec ces digressions permanentes, qui ne m’ont pas toujours semblé naturelles, n’a eu de cesse de me repousser hors de l’histoire. S’emmêlent des considérations sur l’écriture, sur la vie, sur le cinéma, sur la psyché humaine, la musique et tant d’autres sujets, que l’on trouve soit intéressantes, soit pontifiantes ou déplacées selon l’humeur et le stade de la lecture. L’auteur se moque de nous et de nos attentes, ce qui est plutôt une bonne chose, mais la finalité de tout cela reste absconse.
Je pense être une lectrice attentive, et pondérée, peu encline à absorber et ressentir sans avoir intellectualisé d’abord. Notez que ce n’est pas forcément une bonne chose et que j’en suis consciente. Les récits à tiroirs ne me perturbent pas, les digressions non plus. En fait, plus on cherche à m’égarer, plus je tends à regarder autour de moi pour trouver les contours de l’illusion et sortir du cadre afin de mieux observer le tableau. Mais là, j’avoue qu’à un moment, j’ai juste laissé glisser parce que je n’en pouvais plus des monologues du narrateur. Je n’y ai pas trouvé de sens, mais après tout on n’a jamais dit qu’il devait y en avoir un, même si on voudrait nous le faire croire.
Le scénar lui-même, qui tourne et vire sans cesse, comme s’il cherchait à définir sa propre nature au fil du voyage, un peu comme nous au fil de la vie en fait, m’a offert la partie la plus plaisante de la promenade. Pour moi, il avait surtout la saveur des nouvelles de Fantastique que j’ai toujours affectionnées et il l’a gardé jusqu’à la fin. Les multiples interruptions n’ont jamais vraiment réussi à m’en détourner. À côté de ça Lola, les jumeaux et tous les personnages qui gravitaient autour avaient la pâleur de didascalies plutôt que l’épaisseur d’une histoire secondaire.
Ce qui est signifiant, ce qui ne l’est pas, les digressions diverses, les coïncidences, grossières ou subtiles, et les mcguffins, tout se mélange et ce n’est pas important au final. Ce roman est un récit à niveaux plus qu’à tiroirs, différents niveaux de lecture, qu’on veuille ou non les explorer. On l’aime, ou pas, et je l’ai aimé, même si je ne l’ai pas toujours compris. À vous de voir si vous trouverez votre chemin dans ce labyrinthe.

jeudi 3 novembre 2022

Quand la vie s'en mêle T2 : Valentine

Un roman de Lucie Castel, publié en numérique chez Kobo Originals.


Présentation de l'éditeur :

Suivez cette fois les pas de Valentine dans ce deuxième tome de la trilogie Quand la vie s’en mêle, par Lucie Castel. Après avoir décidé de couper les ponts avec sa famille, Valentine se lance dans une formation de guide touristique à Paris. À l’obtention de son diplôme, elle postule auprès du célèbre château des Deux Sources de la petite ville de Luserne, d’où elle est originaire. C’est Louis, le châtelain, patriarche fatigué et solitaire, qui l’embauche pour mettre en œuvre une idée qu’il a depuis longtemps : ouvrir le château au public dans l’espoir d’éponger les dettes accumulées par sa famille. Laquelle est farouchement opposée à ce changement… Alors que Valentine se jette corps et âme dans ce projet colossal, elle est rejointe par Gabriel, fils unique de Louis, un homme hautain et glacial. La collaboration entre Valentine, tombée amoureuse de l’édifice et qui veut à tout prix le sauver, et Gabriel, qui ne pense qu’à le vendre et à couper définitivement les ponts avec sa famille, fait des étincelles. Mais événements étranges et problèmes se multiplient au sein du château, poussant Valentine et Gabriel à mettre leurs divergences de côté pour résoudre le mystère de l’origine de ces attaques.

En suivant Adèle dans le premier tome, j’ai découvert une petite ville, avec ses défauts et ses qualités, mais surtout des personnages dont en a très envie de connaître les histoires. Je me suis donc replongée avec plaisir dans cette ambiance qui m’est, en tant que fille du Sud, assez familière, avec ses bons comme ses mauvais côtés. Dans les petites villes, tout le monde connaît tout le monde et souvent parler d’autrui est une distraction comme une autre… Aussi Luserne, bien que fictive, semble très réaliste. J’ai apprécié de la voir en hiver cette fois, avec les fêtes de fin d’année en bonus. Ce genre d’endroits très touristiques offre un tout autre visage hors saison, j’en sais quelque chose, et le changement d’ambiance est parfaitement décrit. Je me suis tout de suite sentie chez moi.
Ce deuxième tome est consacré à Valentine, qui essaie très fort d’assurer les fondations d’une nouvelle vie chèrement acquise. J’ai une certaine tendresse pour elle, cependant je conçois qu’elle puisse paraître assez antipathique de prime abord, surtout dans le premier tome. Toutefois, Valentine se bat contre cette part d’elle-même avec une telle opiniâtreté qu’elle en devient touchante. Dans ce volume, on apprend à mieux la connaître, on voit se dessiner ses cicatrices, mais aussi ses espoirs. Derrière le sarcasme qu’elle manie en permanence, derrière les affres de la maladie, se cache une amie loyale et une jeune femme pleine de rêves qu’elle ose à peine effleurer du bout des doigts. Sa toute récente liberté l’a laissé pleine de détermination mais aussi un peu chancelante. Personnage tout en contradictions, Valentine est à la fois très forte et très fragile. C’est ce qui fait tout son charme et qui la rend si réelle.
Même si ce roman est celui de Valentine, ses camarades ne sont pas laissés de côté. J’ai retrouvé avec plaisir Adèle, Ed, Nicolas et Jazz. C’est sympa de les voir évoluer, même si cela reste en arrière plan. On dirait bien qu’Adèle a apporté un vent de changement avec elle dans ce petit groupe au sein duquel elle a pris racine. Ils ne sont plus figés, subissant tous les aléas de la vie, mais sont bien décidés à se construire une existence qui leur ressemble. Il est un peu frustrant de ne pas en voir davantage à leur sujet.
Il faut dire que ce roman se lit très vite et on ne s’ennuie jamais, même si on voit tout venir de très loin. Les clichés se ramasse à la pelle, mais ce n’est pas bien grave car l’autrice sait rendre son histoire plaisante d’un bout à l’autre. Je serais bien en peine de trouver un genre dans lequel le classer, si ce n’est « feel good ». Prenez une petite ville du Sud en hiver, une bande de copains, un soupçon de romance et un paquet d’ennuis, vous obtiendrez quelque chose d’assez approchant du noyau de ce récit.
J’ai bien aimé l’histoire de fond : une guéguerre entre aristos de campagne et ce château qui s’écroule de partout, comme la famille qu’il abrite, mais qu’on essaie de réhabiliter. Je ne suis pas une fan de secrets de famille, mais tout le folklore inventé autour de ces deux maisonnées est assez amusant. La romance est discrète, juste ce qu’il faut de sucre pour adoucir l’histoire, et les personnages sont attachants. Que demander de plus ? C’est le roman pas prise de tête parfait pour un jour de pluie près de la cheminée. Ce tome s’est révélé meilleur que le précédent et je lirai sans aucun doute la suite.


vendredi 12 août 2022

Bons baisers de Londres

Un roman d'Iris Visser, publié uniquement en numérique chez Kobo Originals.

Présentation de l'éditeur :

C'est la veille du Nouvel An quand Hannah surprend son petit ami dans l’arrière-cuisine avec une serveuse déguisée en paon. Confrontée à ce nouvel échec, elle ne peut s'empêcher de perdre tout espoir en l'amour. Pour couronner le tout, la voilà obligée de rejoindre son horrible patron, le PDG d'un grand magasin, pour un voyage d'affaires de deux semaines à Londres. La nouvelle succursale ne fonctionne pas comme elle le devrait, et ils sont donc obligés d'intervenir avec l'aide d'une agence marketing.

Une fois sur place, subir l’effervescence des magasins de la ville se préparant pour le jour le plus romantique de l'année – la Saint-Valentin - s'avère être le dernier des soucis d'Hannah. Le fait que son patron révèle un côté de lui plus doux qu’elle ne le pensait et que la femme de l'agence de marketing lui semble très familière sont bien plus troublants.
Hannah semble tout avoir pour être heureuse. Elle a un bon boulot, même si son patron a mauvais caractère, et elle vient de s’installer avec son petit ami. Sauf qu’elle trouve ledit petit ami en train de s’ébattre avec une autre pendant le réveillon du nouvel an et que sa petite vie vole en éclats (enfin en plumes de perruche, ils sont à une soirée déguisée)…
J’ai récemment lu et apprécié Bons baisers d’Ibiza, aussi j’étais plutôt contente qu’on me propose un autre roman d’Iris Visser via le partenariat avec Kobo mis en place par Babelio.
Les deux histoires sont dans la même veine : des comédies romantiques modernes, pleines d’humour, mettant en scène des personnages attachants et crédibles. Bien que ces ouvrages soient présentés comme une série, ils n’ont que leur thème en commun et vous n’y retrouverez pas les mêmes personnages.
J’ai adoré Bons baisers de Londres. C’était drôle et rafraîchissant, le genre de roman qui se lit tout seul. Iris Visser sait utiliser les clichés à bon escient. Elle n’en abuse pas et les détourne sans cesse. Vous croyez qu’elle vous emmène sur une piste maintes fois empruntée et pourtant elle vous surprend au tournant. Soyons honnêtes, on aime tous un peu les clichés quand ils sont finement saupoudrés sur l’ensemble pour apporter juste une petite touche sucrée et réconfortante. C’est ce que vous expérimenterez en lisant ce roman.
L’autrice est aussi un peu taquine. J’ai vu dans ces pages une légère moquerie (sans mépris, attention) envers les codes du genre et en particulier les romances de bureau ainsi que les récits à la mode. Elle nous rappelle que le romantisme est une bonne chose, mais qu’il n’est jamais en vrai comme dans les livres et c’est ce qui rend son texte si attachant. On peut croire à cette histoire et à ces personnages.
Hannah a du caractère, si sa rupture l’a affectée et l’englue dans un cycle de déprime, elle essaie tout de même de s’en sortir malgré les rechutes récurrentes. Elle n’est pas parfaite, c’est juste une femme qui fait de son mieux. Elle a de l’humour aussi et c’est un plaisir de lire ses réflexions ainsi que ses bons mots.
Son homologue masculin a autant de charme qu’il se montre parfois exaspérant, ce qui le rend ambivalent mais humain. Lui aussi est loin d’être parfait. Il est caractériel, grincheux, coureur de jupons, mais également intelligent, attentif (quand il le veut bien) et pas misogyne pour deux sous malgré son côté séducteur. Je suis ravie de voir que ces derniers temps un type d’homme plus respectueux devient davantage courant dans les romances ; un peu de masculinité positive ne fait pas de mal.
Iris Visser nous offre une romance plus réaliste et plus féministe (oui, même quand vous aurez des doutes à ce sujet, faites-lui confiance). J’ai lu ce récit d’une traite et j’ai passé un excellent moment. Je lirai sans aucun doute le prochain roman de cette autrice.


mercredi 10 août 2022

S'organiser en cuisine avec Cléa

Un livre pratique de Cléa, avec des photos de Clémence Catz, publié chez Terre Vivante.



Il existe de nombreux livres de batchcooking, végé ou non. J’en ai essayé plusieurs et si la plupart offrent des recettes alléchantes et de bonnes idées de menus, ils ne sont pas réalistes quant au temps que vous devrez consacrer à la confection de vos repas. Au lieu de passer une matinée en cuisine vous y passerez votre dimanche, si ce n’est plus, et si vous n’avez pas l’esprit pratique par nature ou si vous avez un trouble de l’attention, je vous souhaite bien du courage. Tout le monde n’est pas fait pour suivre un programme millimétré (ou pour arriver à le concevoir) et ça ne devrait pas être problème. Jusqu’à maintenant je n’avais pas trouvé de conseils pertinents pour mieux m’organiser, parce que ce que je cherchais n’était pas un ouvrage qui me dirait bêtement quoi faire à quel moment mais comment le faire de manière optimale.
Cléa a bien compris les problèmes que tous ces livres de batchcooking passent sous silence et nous propose quelque chose de beaucoup plus complet, pratique et adaptable pour optimiser notre temps de cuisine selon nos besoins et notre mode de vie. L’idée est de passer moins de temps en cuisine grâce à une organisation plus intelligente et plus fluide, sans pour autant renoncer à manger des plats équilibrés et savoureux.
Vous trouverez dans ce livre différentes méthodes d’organisation. Vous pourrez en choisir une ou alterner selon vos envies ou les changements de votre emploi du temps. Je trouve épuisant de regrouper en un jour tout ce que je dois faire en semaine, mais si c’est votre truc, vous trouverez dans ce livre de bonnes astuces pour optimiser au mieux cette journée et pour choisir les plats que vous déclinerez afin qu’ils restent au top de leur saveur pour le jour où vous les servirez. Et si comme moi vous préférez un programme plus souple, Cléa a aussi des solutions qui pourraient vous convenir. J’aime beaucoup sa méthode des ricochets. On la pratique tous un peu, mais sans doute pas de manière aussi réfléchie et inventive. Ce livre m’a donné de bonnes idées pour réellement me faciliter la vie au quotidien.
Il n’offre pas que des méthodes d’organisation. Il y a bien sûr les recettes, simples mais savoureuses, variées, originales et appétissantes. Les ingrédients sont faciles à trouver et peu onéreux pour la plupart (c’est toujours une interrogation légitime quand on se trouve face à un livre de cuisine végétarienne ou végétale). Vous trouverez ici des recettes basiques ou rapides qui vous faciliteront la vie, des plats plus élaborés pour quand vous aurez le temps et l’envie, de très bonnes idées pour réinventer vos restes et des plats qui plairont à toute la famille.
C’est un livre de cuisine végétarienne, donc ces recettes emploient parfois des œufs et des produits laitiers, mais la plupart sont entièrement végétales. Il s’agit ici de composer des repas sains et bon marché, avec un bon apport en protéines végétales et vitamines, en consommant moins (ou pas du tout) de protéines animales.
Afin d’aider les néophytes, les premiers chapitres sont consacrés à la nutrition et ils sont vraiment complets. Ils offrent de bonnes bases, faciles à assimiler, en cuisine végétale. C’est un très bon guide pour débuter. Si comme moi vous êtes végétarien ou végétalien depuis longtemps vous n’aurez sans doute pas besoin de cette partie, mais elle pourrait quand même vous apprendre des trucs alors je vous conseille de ne pas la bouder.
Pour vous faciliter la vie, Cléa a inclus des tableaux pratiques et lisibles qui pourront vous servir au quotidien. Il y a aussi des index pour les recettes, un par ordre alphabétique et l’autre par ingrédient principal. Je suis particulièrement contente du deuxième qui révèle tout son intérêt dans la méthode des ricochets mais peut aussi aider quand on cherche l’inspiration.
Ce livre est instructif et bien construit, chacun pourra y trouver son bonheur selon ses besoins et ses contraintes. Il offre une vraie réflexion sur l’alimentation sans se montrer catégorique ou donneur de leçons. Il est là pour vous aider à faire les choses à votre manière. Il m’a aidée à repenser mon organisation mais aussi mon rapport à la cuisine et j’ai fait le plein de super idées pour varier mes menus. De tous les livres de batchcooking qui sont passés entre mes mains c’est mon préféré. Il est à la fois utile et inspirant.


vendredi 29 juillet 2022

Cemetery Boys

Un roman d'Aiden Thomas publié chez ActuSF dans la collection Naos.

Présentation de l'éditeur :

Parce que sa famille latinx a du mal à accepter son genre, Yadriel veut leur prouver à tous qu'il possède les pouvoirs d'invocation des hommes et non pas celui de guérir, comme les femmes. 

"Le visage de l’esprit était tordu par une grimace, ses doigts noués dans le tissu de son haut. Il portait un blouson en cuir noir avec un capuchon sur un t-shirt blanc, des jeans délavés et une paire de Converse.
« Ce n’est pas Miguel », essaya de chuchoter Maritza, mais elle n’avait jamais vraiment eu une voix faite pour ça. Yadriel gémit et se passa la main sur le visage. Du bon côté des choses, il avait invoqué un esprit pour de vrai. Du mauvais côté des choses, il n’avait pas invoqué le bon."

Un premier roman qui laisse sans voix ; véritable mélange d’authenticité et d’émotions. Aiden Thomas signe ici un titre à lire absolument, qui aborde des sujets lourds tels que l’acceptation des personnes LGBTQI+, le racisme, la colonisation...
Yadriel a grandi à Los Angeles dans une communauté latino-américaine d’apparence classique, mais en fait composée de brujx (c’est le mot neutre employé pour désigner des sorciers). Dans la communauté de Yadriel, les hommes guident les esprits des morts vers l’au-delà et les femmes guérissent les vivants. 
Yadriel est un garçon. Toutefois, il a été assigné fille à la naissance. Aussi se débat-il tous les jours avec les préjugés de sa famille qui l’aime mais peine souvent à accepter sa transition et ne pense pas qu’il puisse posséder les pouvoirs d’un garçon. Sa mère le soutenait, mais elle est décédée. Quant à son père, qui assume la fonction de chef des brujx, il lui refuse le droit au portaje, amulette traditionnelle (un poignard dans le cas d’un garçon) qui accompagne le statut de brujo ainsi que la cérémonie qui ferait de lui un jeune adulte et un membre actif de la communauté. Alors Yadriel n’a plus le choix, avant le Día de Muertos et le retour pour quelques jours des fantômes des brujx décédés, il doit prouver à tous qu’il possède les pouvoirs d’un brujo. Bien sûr tout ne va pas se passer comme prévu et le fantôme que Yadriel espérait libérer vers l’au-delà va se montrer récalcitrant. Être un brujo n’est pas qu’une question de pouvoir et Yadriel a beaucoup à apprendre.
Cemetery Boys est un joli roman, très lumineux, une enquête sur fond d’amitié, d’espoir et de traditions. Il est souvent difficile dans ce monde de faire accepter son identité, qu’il s‘agisse de son genre ou de son orientation sexuelle, surtout dans une famille religieuse, même si celle de Yadriel ne l’est pas au sens classique du terme. Ses proches ont beau l’aimer, ils le blessent souvent. Tout ce qu’il souhaite, c‘est qu’on lui donne sa chance.
Avec sa cousine Maritza, une végane qui refuse d’utiliser le sang pour guérir, et la version fantôme de Julian, un garçon de son lycée mort dans des circonstances mystérieuses, il forme un trio improbable mais attachant. On pourrait reprocher à ces personnages de manquer un peu de maturité, mais ils ont quinze ans et des tas de raisons de ne pas faire confiance aux adultes. Ils ont aussi des choses à prouver, je suppose, alors je peux regarder leurs erreurs avec indulgence. Ce sont des adolescents crédibles, pas des super-héros mais des jeunes qui font de leur mieux et on les aime pour cela.
J’ai apprécié toute la mythologie entourant les brujx, leurs croyances et leurs traditions. Ce n’est pas courant. Toutefois, c’est le développement des personnages que j’ai préféré. L’intrigue n’est pas très complexe et manque de finesse, mais ce défaut est compensé par la charge émotionnelle du récit et la sincérité que l’on sent chez les personnages. En outre, les adolescents trans ne sont pas légion dans la littérature YA et il est important de leur y faire une place, surtout avec des histoires signifiantes, telles que celle-ci.