jeudi 3 novembre 2022

Quand la vie s'en mêle T2 : Valentine

Un roman de Lucie Castel, publié en numérique chez Kobo Originals.


Présentation de l'éditeur :

Suivez cette fois les pas de Valentine dans ce deuxième tome de la trilogie Quand la vie s’en mêle, par Lucie Castel. Après avoir décidé de couper les ponts avec sa famille, Valentine se lance dans une formation de guide touristique à Paris. À l’obtention de son diplôme, elle postule auprès du célèbre château des Deux Sources de la petite ville de Luserne, d’où elle est originaire. C’est Louis, le châtelain, patriarche fatigué et solitaire, qui l’embauche pour mettre en œuvre une idée qu’il a depuis longtemps : ouvrir le château au public dans l’espoir d’éponger les dettes accumulées par sa famille. Laquelle est farouchement opposée à ce changement… Alors que Valentine se jette corps et âme dans ce projet colossal, elle est rejointe par Gabriel, fils unique de Louis, un homme hautain et glacial. La collaboration entre Valentine, tombée amoureuse de l’édifice et qui veut à tout prix le sauver, et Gabriel, qui ne pense qu’à le vendre et à couper définitivement les ponts avec sa famille, fait des étincelles. Mais événements étranges et problèmes se multiplient au sein du château, poussant Valentine et Gabriel à mettre leurs divergences de côté pour résoudre le mystère de l’origine de ces attaques.

En suivant Adèle dans le premier tome, j’ai découvert une petite ville, avec ses défauts et ses qualités, mais surtout des personnages dont en a très envie de connaître les histoires. Je me suis donc replongée avec plaisir dans cette ambiance qui m’est, en tant que fille du Sud, assez familière, avec ses bons comme ses mauvais côtés. Dans les petites villes, tout le monde connaît tout le monde et souvent parler d’autrui est une distraction comme une autre… Aussi Luserne, bien que fictive, semble très réaliste. J’ai apprécié de la voir en hiver cette fois, avec les fêtes de fin d’année en bonus. Ce genre d’endroits très touristiques offre un tout autre visage hors saison, j’en sais quelque chose, et le changement d’ambiance est parfaitement décrit. Je me suis tout de suite sentie chez moi.
Ce deuxième tome est consacré à Valentine, qui essaie très fort d’assurer les fondations d’une nouvelle vie chèrement acquise. J’ai une certaine tendresse pour elle, cependant je conçois qu’elle puisse paraître assez antipathique de prime abord, surtout dans le premier tome. Toutefois, Valentine se bat contre cette part d’elle-même avec une telle opiniâtreté qu’elle en devient touchante. Dans ce volume, on apprend à mieux la connaître, on voit se dessiner ses cicatrices, mais aussi ses espoirs. Derrière le sarcasme qu’elle manie en permanence, derrière les affres de la maladie, se cache une amie loyale et une jeune femme pleine de rêves qu’elle ose à peine effleurer du bout des doigts. Sa toute récente liberté l’a laissé pleine de détermination mais aussi un peu chancelante. Personnage tout en contradictions, Valentine est à la fois très forte et très fragile. C’est ce qui fait tout son charme et qui la rend si réelle.
Même si ce roman est celui de Valentine, ses camarades ne sont pas laissés de côté. J’ai retrouvé avec plaisir Adèle, Ed, Nicolas et Jazz. C’est sympa de les voir évoluer, même si cela reste en arrière plan. On dirait bien qu’Adèle a apporté un vent de changement avec elle dans ce petit groupe au sein duquel elle a pris racine. Ils ne sont plus figés, subissant tous les aléas de la vie, mais sont bien décidés à se construire une existence qui leur ressemble. Il est un peu frustrant de ne pas en voir davantage à leur sujet.
Il faut dire que ce roman se lit très vite et on ne s’ennuie jamais, même si on voit tout venir de très loin. Les clichés se ramasse à la pelle, mais ce n’est pas bien grave car l’autrice sait rendre son histoire plaisante d’un bout à l’autre. Je serais bien en peine de trouver un genre dans lequel le classer, si ce n’est « feel good ». Prenez une petite ville du Sud en hiver, une bande de copains, un soupçon de romance et un paquet d’ennuis, vous obtiendrez quelque chose d’assez approchant du noyau de ce récit.
J’ai bien aimé l’histoire de fond : une guéguerre entre aristos de campagne et ce château qui s’écroule de partout, comme la famille qu’il abrite, mais qu’on essaie de réhabiliter. Je ne suis pas une fan de secrets de famille, mais tout le folklore inventé autour de ces deux maisonnées est assez amusant. La romance est discrète, juste ce qu’il faut de sucre pour adoucir l’histoire, et les personnages sont attachants. Que demander de plus ? C’est le roman pas prise de tête parfait pour un jour de pluie près de la cheminée. Ce tome s’est révélé meilleur que le précédent et je lirai sans aucun doute la suite.


vendredi 12 août 2022

Bons baisers de Londres

Un roman d'Iris Visser, publié uniquement en numérique chez Kobo Originals.

Présentation de l'éditeur :

C'est la veille du Nouvel An quand Hannah surprend son petit ami dans l’arrière-cuisine avec une serveuse déguisée en paon. Confrontée à ce nouvel échec, elle ne peut s'empêcher de perdre tout espoir en l'amour. Pour couronner le tout, la voilà obligée de rejoindre son horrible patron, le PDG d'un grand magasin, pour un voyage d'affaires de deux semaines à Londres. La nouvelle succursale ne fonctionne pas comme elle le devrait, et ils sont donc obligés d'intervenir avec l'aide d'une agence marketing.

Une fois sur place, subir l’effervescence des magasins de la ville se préparant pour le jour le plus romantique de l'année – la Saint-Valentin - s'avère être le dernier des soucis d'Hannah. Le fait que son patron révèle un côté de lui plus doux qu’elle ne le pensait et que la femme de l'agence de marketing lui semble très familière sont bien plus troublants.
Hannah semble tout avoir pour être heureuse. Elle a un bon boulot, même si son patron a mauvais caractère, et elle vient de s’installer avec son petit ami. Sauf qu’elle trouve ledit petit ami en train de s’ébattre avec une autre pendant le réveillon du nouvel an et que sa petite vie vole en éclats (enfin en plumes de perruche, ils sont à une soirée déguisée)…
J’ai récemment lu et apprécié Bons baisers d’Ibiza, aussi j’étais plutôt contente qu’on me propose un autre roman d’Iris Visser via le partenariat avec Kobo mis en place par Babelio.
Les deux histoires sont dans la même veine : des comédies romantiques modernes, pleines d’humour, mettant en scène des personnages attachants et crédibles. Bien que ces ouvrages soient présentés comme une série, ils n’ont que leur thème en commun et vous n’y retrouverez pas les mêmes personnages.
J’ai adoré Bons baisers de Londres. C’était drôle et rafraîchissant, le genre de roman qui se lit tout seul. Iris Visser sait utiliser les clichés à bon escient. Elle n’en abuse pas et les détourne sans cesse. Vous croyez qu’elle vous emmène sur une piste maintes fois empruntée et pourtant elle vous surprend au tournant. Soyons honnêtes, on aime tous un peu les clichés quand ils sont finement saupoudrés sur l’ensemble pour apporter juste une petite touche sucrée et réconfortante. C’est ce que vous expérimenterez en lisant ce roman.
L’autrice est aussi un peu taquine. J’ai vu dans ces pages une légère moquerie (sans mépris, attention) envers les codes du genre et en particulier les romances de bureau ainsi que les récits à la mode. Elle nous rappelle que le romantisme est une bonne chose, mais qu’il n’est jamais en vrai comme dans les livres et c’est ce qui rend son texte si attachant. On peut croire à cette histoire et à ces personnages.
Hannah a du caractère, si sa rupture l’a affectée et l’englue dans un cycle de déprime, elle essaie tout de même de s’en sortir malgré les rechutes récurrentes. Elle n’est pas parfaite, c’est juste une femme qui fait de son mieux. Elle a de l’humour aussi et c’est un plaisir de lire ses réflexions ainsi que ses bons mots.
Son homologue masculin a autant de charme qu’il se montre parfois exaspérant, ce qui le rend ambivalent mais humain. Lui aussi est loin d’être parfait. Il est caractériel, grincheux, coureur de jupons, mais également intelligent, attentif (quand il le veut bien) et pas misogyne pour deux sous malgré son côté séducteur. Je suis ravie de voir que ces derniers temps un type d’homme plus respectueux devient davantage courant dans les romances ; un peu de masculinité positive ne fait pas de mal.
Iris Visser nous offre une romance plus réaliste et plus féministe (oui, même quand vous aurez des doutes à ce sujet, faites-lui confiance). J’ai lu ce récit d’une traite et j’ai passé un excellent moment. Je lirai sans aucun doute le prochain roman de cette autrice.


mercredi 10 août 2022

S'organiser en cuisine avec Cléa

Un livre pratique de Cléa, avec des photos de Clémence Catz, publié chez Terre Vivante.



Il existe de nombreux livres de batchcooking, végé ou non. J’en ai essayé plusieurs et si la plupart offrent des recettes alléchantes et de bonnes idées de menus, ils ne sont pas réalistes quant au temps que vous devrez consacrer à la confection de vos repas. Au lieu de passer une matinée en cuisine vous y passerez votre dimanche, si ce n’est plus, et si vous n’avez pas l’esprit pratique par nature ou si vous avez un trouble de l’attention, je vous souhaite bien du courage. Tout le monde n’est pas fait pour suivre un programme millimétré (ou pour arriver à le concevoir) et ça ne devrait pas être problème. Jusqu’à maintenant je n’avais pas trouvé de conseils pertinents pour mieux m’organiser, parce que ce que je cherchais n’était pas un ouvrage qui me dirait bêtement quoi faire à quel moment mais comment le faire de manière optimale.
Cléa a bien compris les problèmes que tous ces livres de batchcooking passent sous silence et nous propose quelque chose de beaucoup plus complet, pratique et adaptable pour optimiser notre temps de cuisine selon nos besoins et notre mode de vie. L’idée est de passer moins de temps en cuisine grâce à une organisation plus intelligente et plus fluide, sans pour autant renoncer à manger des plats équilibrés et savoureux.
Vous trouverez dans ce livre différentes méthodes d’organisation. Vous pourrez en choisir une ou alterner selon vos envies ou les changements de votre emploi du temps. Je trouve épuisant de regrouper en un jour tout ce que je dois faire en semaine, mais si c’est votre truc, vous trouverez dans ce livre de bonnes astuces pour optimiser au mieux cette journée et pour choisir les plats que vous déclinerez afin qu’ils restent au top de leur saveur pour le jour où vous les servirez. Et si comme moi vous préférez un programme plus souple, Cléa a aussi des solutions qui pourraient vous convenir. J’aime beaucoup sa méthode des ricochets. On la pratique tous un peu, mais sans doute pas de manière aussi réfléchie et inventive. Ce livre m’a donné de bonnes idées pour réellement me faciliter la vie au quotidien.
Il n’offre pas que des méthodes d’organisation. Il y a bien sûr les recettes, simples mais savoureuses, variées, originales et appétissantes. Les ingrédients sont faciles à trouver et peu onéreux pour la plupart (c’est toujours une interrogation légitime quand on se trouve face à un livre de cuisine végétarienne ou végétale). Vous trouverez ici des recettes basiques ou rapides qui vous faciliteront la vie, des plats plus élaborés pour quand vous aurez le temps et l’envie, de très bonnes idées pour réinventer vos restes et des plats qui plairont à toute la famille.
C’est un livre de cuisine végétarienne, donc ces recettes emploient parfois des œufs et des produits laitiers, mais la plupart sont entièrement végétales. Il s’agit ici de composer des repas sains et bon marché, avec un bon apport en protéines végétales et vitamines, en consommant moins (ou pas du tout) de protéines animales.
Afin d’aider les néophytes, les premiers chapitres sont consacrés à la nutrition et ils sont vraiment complets. Ils offrent de bonnes bases, faciles à assimiler, en cuisine végétale. C’est un très bon guide pour débuter. Si comme moi vous êtes végétarien ou végétalien depuis longtemps vous n’aurez sans doute pas besoin de cette partie, mais elle pourrait quand même vous apprendre des trucs alors je vous conseille de ne pas la bouder.
Pour vous faciliter la vie, Cléa a inclus des tableaux pratiques et lisibles qui pourront vous servir au quotidien. Il y a aussi des index pour les recettes, un par ordre alphabétique et l’autre par ingrédient principal. Je suis particulièrement contente du deuxième qui révèle tout son intérêt dans la méthode des ricochets mais peut aussi aider quand on cherche l’inspiration.
Ce livre est instructif et bien construit, chacun pourra y trouver son bonheur selon ses besoins et ses contraintes. Il offre une vraie réflexion sur l’alimentation sans se montrer catégorique ou donneur de leçons. Il est là pour vous aider à faire les choses à votre manière. Il m’a aidée à repenser mon organisation mais aussi mon rapport à la cuisine et j’ai fait le plein de super idées pour varier mes menus. De tous les livres de batchcooking qui sont passés entre mes mains c’est mon préféré. Il est à la fois utile et inspirant.


vendredi 29 juillet 2022

Cemetery Boys

Un roman d'Aiden Thomas publié chez ActuSF dans la collection Naos.

Présentation de l'éditeur :

Parce que sa famille latinx a du mal à accepter son genre, Yadriel veut leur prouver à tous qu'il possède les pouvoirs d'invocation des hommes et non pas celui de guérir, comme les femmes. 

"Le visage de l’esprit était tordu par une grimace, ses doigts noués dans le tissu de son haut. Il portait un blouson en cuir noir avec un capuchon sur un t-shirt blanc, des jeans délavés et une paire de Converse.
« Ce n’est pas Miguel », essaya de chuchoter Maritza, mais elle n’avait jamais vraiment eu une voix faite pour ça. Yadriel gémit et se passa la main sur le visage. Du bon côté des choses, il avait invoqué un esprit pour de vrai. Du mauvais côté des choses, il n’avait pas invoqué le bon."

Un premier roman qui laisse sans voix ; véritable mélange d’authenticité et d’émotions. Aiden Thomas signe ici un titre à lire absolument, qui aborde des sujets lourds tels que l’acceptation des personnes LGBTQI+, le racisme, la colonisation...
Yadriel a grandi à Los Angeles dans une communauté latino-américaine d’apparence classique, mais en fait composée de brujx (c’est le mot neutre employé pour désigner des sorciers). Dans la communauté de Yadriel, les hommes guident les esprits des morts vers l’au-delà et les femmes guérissent les vivants. 
Yadriel est un garçon. Toutefois, il a été assigné fille à la naissance. Aussi se débat-il tous les jours avec les préjugés de sa famille qui l’aime mais peine souvent à accepter sa transition et ne pense pas qu’il puisse posséder les pouvoirs d’un garçon. Sa mère le soutenait, mais elle est décédée. Quant à son père, qui assume la fonction de chef des brujx, il lui refuse le droit au portaje, amulette traditionnelle (un poignard dans le cas d’un garçon) qui accompagne le statut de brujo ainsi que la cérémonie qui ferait de lui un jeune adulte et un membre actif de la communauté. Alors Yadriel n’a plus le choix, avant le Día de Muertos et le retour pour quelques jours des fantômes des brujx décédés, il doit prouver à tous qu’il possède les pouvoirs d’un brujo. Bien sûr tout ne va pas se passer comme prévu et le fantôme que Yadriel espérait libérer vers l’au-delà va se montrer récalcitrant. Être un brujo n’est pas qu’une question de pouvoir et Yadriel a beaucoup à apprendre.
Cemetery Boys est un joli roman, très lumineux, une enquête sur fond d’amitié, d’espoir et de traditions. Il est souvent difficile dans ce monde de faire accepter son identité, qu’il s‘agisse de son genre ou de son orientation sexuelle, surtout dans une famille religieuse, même si celle de Yadriel ne l’est pas au sens classique du terme. Ses proches ont beau l’aimer, ils le blessent souvent. Tout ce qu’il souhaite, c‘est qu’on lui donne sa chance.
Avec sa cousine Maritza, une végane qui refuse d’utiliser le sang pour guérir, et la version fantôme de Julian, un garçon de son lycée mort dans des circonstances mystérieuses, il forme un trio improbable mais attachant. On pourrait reprocher à ces personnages de manquer un peu de maturité, mais ils ont quinze ans et des tas de raisons de ne pas faire confiance aux adultes. Ils ont aussi des choses à prouver, je suppose, alors je peux regarder leurs erreurs avec indulgence. Ce sont des adolescents crédibles, pas des super-héros mais des jeunes qui font de leur mieux et on les aime pour cela.
J’ai apprécié toute la mythologie entourant les brujx, leurs croyances et leurs traditions. Ce n’est pas courant. Toutefois, c’est le développement des personnages que j’ai préféré. L’intrigue n’est pas très complexe et manque de finesse, mais ce défaut est compensé par la charge émotionnelle du récit et la sincérité que l’on sent chez les personnages. En outre, les adolescents trans ne sont pas légion dans la littérature YA et il est important de leur y faire une place, surtout avec des histoires signifiantes, telles que celle-ci.

mercredi 6 juillet 2022

Bons baisers d'Ibiza

Un roman d'Iris Visser, publié uniquement en numérique chez Kobo Originals.


Je vous épargne le résumé de l'éditeur qui en dit beaucoup trop.


Si Eva débarque à Ibiza en début d’été, c’est loin d’être pour prendre les vacances qu’elle mériterait pourtant. Appelée au secours par sa cousine, elle est venue pour mettre ses compétences au service de ses grands-parents. Surendettés, ces derniers pourraient bien perdre leur paillote et avec elle le travail de toute une vie. Leurs deux petites filles sont bien décidées à tout faire pour les sortir du pétrin, même si cela veut aussi dire apporter du changement.
Tout en étant une romance, ce récit est aussi celui d’une famille et cela le rend touchant. J’ai beaucoup aimé la relation entre les deux cousines, qui sont très différentes mais complémentaires. L’amitié, même si ce n’est pas le thème principal, a son importance dans ce roman et n’est pas un tissu de clichés. Je dois reconnaître que ça fait du bien car l’amitié, surtout féminine, est souvent traitée de manière très superficielle dans les romans. Mia et Eva se soutiennent en toutes circonstances et même quand l’une émet des doutes sur les choix de l’autre, elle le fait avec bienveillance.
La romance, en revanche, utilise quelques lieux communs, cependant l’autrice en use à bon escient et sans trop insister dessus. On sait bien sûr toujours où l’on va, mais le cheminement est agréable, en bonne compagnie. Eva et Elias sont des personnages vraisemblables et assez sympathiques, si ce n’est attachants. Leur histoire sonne juste. Eva est une fille intelligente, qui ne pleurniche pas sur son sort et qui ne passe pas son temps à douter d’elle pour le plaisir d’être rassurée, même si elle n’a pas non plus une confiance à toute épreuve. Quant à Elias, si quelques clichés cliquettent à ses basques comme des casseroles, il a le mérite de ne pas être le prototype du mâle toxique que l’on retrouve dans les romances bien trop souvent à mon goût. Cela seul suffit à me le rendre agréable, toutefois j’avoue que son background familial ne brille pas par son originalité.
J’ai apprécié que le récit se déroule à Ibiza, ça change de ce qui se fait habituellement. Bien sûr, ce n’est pas très dépaysant pour une méditerranéenne, mais je me suis un peu sentie comme à la maison, ça compense.
Ce fut une lecture très rafraîchissante et pleine d’humour, une jolie romance estivale légère et néanmoins bien écrite, idéale comme lecture de plage.


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mercredi 29 juin 2022

Ô Sisters

 Un roman de Cécile Roumiguière et Julia Billet, publié chez École des loisirs.

Présentation de l'éditeur : 
1974. Janig et Macha ont seize ans, les mêmes yeux pailletés d'or et les mêmes sourcils en bataille. Janig vit seule avec sa mère au milieu des vignes et s'ennuie dans son école de secrétariat. Macha étouffe dans son pensionnat de la Légion d'honneur et s'oppose à ses parents bourgeois. Elles sont deux, ne se connaissent pas et viennent d'apprendre qu'elles sont sœurs. Après leur avoir annoncé la nouvelle, Marthe, leur grand-mère, leur a proposé de la rejoindre au camp du Geai, une communauté hippie qu'elle a fondée en Bretagne. Chacune à sa façon, à pied, en train, en stop, en péniche, et même à cheval, Janig et Macha vont traverser la France pour découvrir le secret de leur naissance, se rencontrer et tester les liens du sang...
Ce roman fleure bon les années 70 et nous happe dès ses premières pages dans son ambiance très hippie et rock’n’roll. Je m’y suis plongée avec délice bien que trop jeune pour avoir connu cette période. Et à dire vrai Macha et Janig sont nées la même année que ma mère. Cela m’a fait sourire et m’a sans doute aidée à mieux les comprendre car j’ai retrouvé dans leurs vies respectives et dans la saveur de leur époque un peu de ce qui a forgé ma mère. Elle est toujours à sa manière une ado des années 70 comme j’en suis une des années 90, cela a construit les adultes que nous sommes devenues.
Janig et Macha sont sœurs, mais elles ne le savent pas. La première vit à Narbonne avec sa mère, vigneronne. Son père est mort durant la guerre d’Algérie, elle rêve de liberté et de musique plutôt que de l’avenir bien tranquille que lui prépare sa mère. La seconde vit à Paris. Issue d’une famille riche, elle est reléguée dans un pensionnat par une mère qui la tient d’une main de fer et un père qui l’adore mais est totalement soumis à son épouse. Si les deux filles sont en conflit avec leurs parents, elles ont de bonnes raisons, même si elles peuvent sembler un peu puériles au lecteur adulte. Elles sont proches du point de rupture alors quand arrive une lettre de leur grand-mère qui les appâte avec les miettes d’une grande révélation, les filles plaquent tout, chacune de son côté, pour partir en Bretagne retrouver cette grand-mère farfelue, matriarche d’un camp de hippies.
Je me suis laissé porter dans les pas de ces filles et je les ai tout de suite aimées. Elles oscillent entre l’adolescence et l’âge adulte, butées souvent, injustes parfois, mais pleines de rêves et d’espoirs, de doutes, d’angoisses et d’incompréhension ainsi que du besoin d’être acceptées et aimées. Elles se lancent dans cette quête identitaire avec fougue et panache, mais sans réfléchir, enchaînant les ennuis, les erreurs, mais aussi les rencontres providentielles. J’ai aimé leur façon de s’adapter, d’apprendre à se débrouiller malgré tout et de persister dans leur recherche de la vérité.
Leur récit est parsemé de chansons et de références littéraires, cela les rend encore plus vivantes et accessibles. Elles sont très attachantes et même si elles sont les filles d’un autre temps, on s’identifie facilement à elles. On veut dénouer avec elles le mystère de leur naissance.
Ce roman est avant tout une histoire de femmes, de filles, de mères, de sœurs. L’homme le plus important du récit en est aussi le grand absent. C’est d’ailleurs cela qui lui donne tout son intérêt. Les autres personnages masculins sont des satellites en orbite, perpétuellement de passage, familiers mais distants. Ils sont des intermittents dans la vie de toutes ces femmes. Amis, amants, frères, pères ou maris, aimés ou non ils semblent inconsistants, pas forcément parce qu’ils n’ont pas de caractère, mais parce qu’elles ne leur accordent pas tant d’importance que cela. Ce sont des hommes qui se taisent, majoritairement, par pudeur ou lâcheté, par amour ou par devoir. Ce qui ne veut pas dire que les femmes n’ont pas aussi leurs secrets et leur petit enfer personnel…
Les femmes de ce roman s’aiment mais se déchirent. Elles reproduisent des schémas familiaux ou se laissent influencer par les mœurs de leur époque, ou alors elles pensent bien faire, elles veulent un bel avenir pour leur progéniture, mais elles s’y prennent très mal. Marthe, la grand-mère, a bien compris que cette spirale devait se terminer avec Janig et Macha, mais elle n’est pas meilleure que les autres. Elle aussi a une histoire à démêler et des blessures à guérir.
J’ai aimé voir ces femmes couper tous les fils qui les entravaient, vider leurs cœurs de leurs secrets honteux, de leurs colères et de leurs querelles, se décider à avancer, conscientes du passé mais tournées vers le futur, décidées à ne plus reproduire les mêmes erreurs. Et puis, j’ai apprécié ce séjour au camp du geai, un peu hors du monde, avec tous ces personnages qui vivent à contre-courant. Ce fut une très bonne lecture, un récit prenant et intelligent qui est estampillé jeunesse mais peut plaire à tout âge.

Si vous avez aimé ce roman ou que ce billet a éveillé votre intérêt, je vous conseille la série Blue Cerise à laquelle a participé Cécile Roumiguière. C’est une série jeunesse comme il en faudrait plus.


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lundi 30 mai 2022

Anne d'Avonlea

Un roman de Lucy Maud Montgomery publié chez Monsieur Toussaint Louverture pour les versions papier et numérique, chez Audible pour la version audio lue par Lola Naymark.

Vous pouvez aussi consulter ma chronique du premier tome de la série : Anne de Green Gables.

Présentation de l'éditeur :

Avec ce deuxième roman, Lucy Maud Montgomery continue de déployer sous nos yeux fascinés l’univers enchanteur qu’elle a créé autour d’Anne Shirley, l’orpheline idéaliste aux yeux clairs et aux cheveux roux adoptée par erreur. 

Entre les amis de toujours, qu’on aime retrouver, et les nouveaux venus, si intéressants, entre les idées saugrenues qu’on ne peut museler, et le bon sens qui, désormais, pointe son nez, Anne nous entraîne dans les aléas de la vie douce et enchanteresse d’un village un peu hors du temps. 

À travers les joies et les peines qui font la trame du quotidien, le style si frais et poétique de Lucy Maud Montgomery porte la voix d’Anne dans les péripéties, les rêveries et les moments de tendresse. Après Green Gables, quel plaisir d’enfin découvrir Avonlea !
C’est toujours un plaisir de retrouver Anne Shirley et son imagination débordante. Ce tome est pour elle celui de la transition. Elle n’est pas encore prête à s’envoler du nid et se trouve à un âge charnière entre l’enfant et la femme. Bien qu’elle ait de nombreuses responsabilités d’adulte, dans son foyer ou dans son travail, elle doit encore grandir. Elle fait ses premiers pas en tant qu’institutrice dans son ancienne école et, si elle est bien jeune, elle n’en est pas moins responsable. Elle a conscience que certains de ses élèves ne sont rien moins que ses anciens camarades de classe.
La petite fille à l’imagination hyperactive est devenue une jeune fille sensée, toujours pleine d’idéaux et de rêves, toujours en quête de poésie dans les petites choses du quotidien, et c’est comme cela qu’on l’aime. Elle reste encline à se mettre dans des situations impossibles, mais elle assume ses erreurs et essaie de les réparer de son mieux. 
Dans ce volume, elle tente de se faire à sa nouvelle place dans la société, en tant que jeune institutrice mais aussi en tant que citoyenne en s’impliquant dans la vie du village avec ses camarades jeunes adultes. Ses amitiés évoluent. Elle rencontre de nouvelles personnes. Puis, surtout, elle doit trouver son équilibre entre la théorie et la pratique dans son école. Et ce ne sont pas forcément les enfants qui vont lui causer le plus de difficultés…
Certes, on peut avoir du mal avec les principes quelque peu vieillots — et bigots — délayés dans ce roman, mais il faut aussi le remettre dans son contexte. Je ne trouve pas cela gênant. Pour ma part, j’aime beaucoup les interactions d’Anne avec les enfants et la tendresse qui en émane. Il est clair qu’elle a à cœur de faire de son mieux et de leur apporter, outre l’instruction nécessaire, ce qu’elle peut de sa sensibilité et de sa joie de vivre. Elle veut avant tout en faire de futurs adultes heureux.
Cependant, ses petits élèves ne sont pas les seuls enfants dont elle doit s’occuper. Ce tome voit l’arrivée de Davy et Dora à Green Gables. J’aime moins les passages concernant les jumeaux, ils sont un peu caricaturaux, mais ils ont leur charme quand on apprécie les facéties enfantines.
J’avoue que ce tome n’est pas mon favori, même si certaines passages sont délicieux et semblent tout droit sortis de contes de fées. On y retrouve cette écriture douce et positive qui apaise l’âme et rend le monde un peu meilleur. J’ai un faible pour les rêveries de Paul, le jardin d’Hester et le merveilleux pavillon aux échos de Mademoiselle Lavendar.
J’ai pris grand plaisir à écouter ce roman. Lola Naymark est une bonne lectrice, même si elle donne parfois à Anne un air un peu halluciné. J’admets toutefois que le personnage est écrasant de gentillesse et de positivité, il peut être assez difficile de trouver le bon équilibre qui empêche l’enthousiasme et la joie de vivre de se changer en niaiserie. La lectrice a fait de son mieux, mais je n’ai eu de cesse de la comparer à Alison Wheeler, qui a narré le premier tome, et qui selon moi l’a fait avec brio. J’apprécie néanmoins le format et je vais continuer mon écoute avec le tome suivant. Cela reste une belle manière de découvrir ou redécouvrir cette série.