Un roman de Christina Dalcher, publié chez Nil pour la version papier et Lizzie pour la version audio.
Présentation de l'éditeur :
Jean McClellan est docteure en neurosciences. Elle a passé sa vie dans un laboratoire de recherches, loin des mouvements protestataires qui ont enflammé son pays. Mais, désormais, même si elle le voulait, impossible de s'exprimer : comme toutes les femmes, elle est condamnée à un silence forcé, limitée à un quota de 100 mots par jour. En effet, le nouveau gouvernement en place, constitué d'un groupe fondamentaliste, a décidé d'abattre la figure de la femme moderne. Pourtant, quand le frère du Président fait une attaque, Jean est appelée à la rescousse. La récompense ? La possibilité de s'affranchir – et sa fille avec elle – de son quota de mots. Mais ce qu'elle va découvrir alors qu'elle recouvre la parole pourrait bien la laisser définitivement sans voix...
Christina Dalcher nous offre avec Vox un roman dystopique glaçant qui rend hommage au pouvoir des mots et du langage.
Jean est une scientifique. Elle travaillait dans la recherche médicale. Son domaine d'étude était l'aphasie. Elle espérait rendre le langage à ceux l'ayant perdu à la suite d'une attaque ou d'un traumatisme crânien. Mais aujourd'hui Jean n'a plus le droit de prononcer plus de cent mots par jour. Comme toute femme vivant aux USA, enfants incluses, elle porte un dispositif qui décompte ses paroles. Si elle ne respecte pas la règle, elle reçoit une décharge électrique plus violente à mesure qu’elle dépasse le quota.
Cent mots par jour… Ce n’est rien du tout. Imaginez donc toutes les interactions langagières réduites au minimum. Ne plus raconter d’histoires à vos enfants, ne plus pouvoir parler avec votre mère, ne plus pouvoir exprimer douleur ou colère… Toujours peser avec soin chaque mot utilisé.
Et vous pensez bien que cette société misogyne ne s’arrête pas là… Les femmes n’ont plus le droit de travailler, elles n’ont plus de droits du tout en fait. Elles sont réduites à leur rôle de mère et à la tenue du foyer. Et encore, elles n’ont pas même le droit de lire des livres de cuisine... Mais ça c’est juste pour les hétéros cisgenres… Vous imaginez bien que c’est pire pour les autres.
Jean est la narratrice de ce roman. Elle nous explique comment tout a dérapé. Le mot d'ordre qui résonne derrière les paroles de Jean est : exercez vos droits tant que vous en avez. On a tôt fait de les grignoter petit bout par petit bout, sans que vous en ayez conscience, et vous vous retrouvez muselée du jour au lendemain, abasourdie.
Le fait que l’histoire soit racontée du point de vue de quelqu’un qui la vit la rend encore plus glaçante. La détermination de Jean à protéger sa fille de cinq ans, son incompréhension face à ce qu’est devenu son fils aîné, la révolte qui bout en elle la rendent si proche, si réelle, qu’on ne peut que dévorer son récit.
J’ai opté pour le livre audio, qui est de bonne qualité, et j’ai eu beaucoup de mal à le lâcher tant je me sentais impliquée dans ce récit. Celui-ci est d’autant plus terrible qu’on n’a pas beaucoup de mal à y croire.
Cependant, malgré sa qualité narrative, ce roman n’est pas exempt de défauts et de quelques petites invraisemblances. Ces dernières passent plus souvent à l’as au début, quand on est pris dans l’histoire, que vers la fin quand on commence à se dire que l’autrice en fait trop.
Certains personnages sont trop caricaturaux, je pense notamment à Steven et Lorenzo, mais cela touche davantage encore les méchants, en particulier Morgan, et là c’est plus ennuyeux. Le propos aurait gagné à les rendre plus nuancés, il n’en serait que plus glaçant et porteur.
La comparaison permanente que fait Jean entre les deux hommes de sa vie a fini par m’ennuyer tant elle se répète. Je ne trouvais pas cela très utile à l’histoire. En outre, certains propos de Jean sonnent très sexistes à mon oreille. C’est censé ne pas compter parce que ça concerne les hommes ? Les a priori sur ce que doit être la masculinité, dans ce contexte qui cantonne les femmes dans leur foyer, n’en paraissent que plus outranciers.
Entendons-nous bien. Je semble très critique, mais j’ai aimé ce livre. Il est intéressant dans sa construction, ses réflexions et leur développement, même si les rebondissements m’ont semblé plutôt prévisibles. Le fait que ce soit bien raconté change la donne et fait oublier les défauts que j’ai cités.
Ma seule réelle déception est la fin hasardeuse. Elle se tient quand on n’y regarde pas de trop près, mais c’est quand même un peu facile. Je suis du style à me poser des questions, alors forcément… Les événements s’enchaînent, souvent fort à propos… Notamment en ce qui concerne la présence de gens qui n’ont pourtant rien à faire là. Et puis j’ai eu un peu de mal à croire aux réactions des personnages, surtout les enfants.
Ce que je crois, c’est que l’autrice a peiné à conclure son récit. Elle ne savait pas comment retomber sur ses pattes de façon crédible. La différence entre les premiers chapitres, très inspirés, et les derniers qui semblent bricolés est flagrante.
C’est vraiment dommage car l’idée de base est intéressante. Il manque un petit quelque chose à ce bon roman pour qu’il soit excellent, mais je ne doute pas qu’il marquera ses lecteurs.
ça m'avait tellement énervééééée d'imaginer ne pouvoir dire que 100 mots par jour !!!
RépondreSupprimerOn imagine très bien la frustration. Moi aussi je me suis tout de suite mise en situation. C'était flippant.
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