samedi 26 mars 2011

L'Héritière d'Owlon

Un court roman (dans les 185 pages) de Patrick S. Vast, publié par les éditions du Riez.

Quatrième de couverture :
Le 5 avril 1860, une terrible tempête de sable engloutit entièrement le petit village de Duynzeele situé sur les bords de la mer du Nord. Le lendemain de la catastrophe, on retrouve le corps sans vie de Sandie Entwistle, une jeune fille dont la destinée bousculera tous les principes de la rationalité, au point de la faire revenir à la vie, et de servir de révélateur à des faits troublants dont l’origine remonte à plusieurs siècles. Sandie, créature mystérieuse, amènera le Dr Wilhem qui a croisé son destin, ainsi que Josef Belecz, un enquêteur bien singulier, dans les entrailles d’une dune, dans les mondes de l’Invisible.

Une belle couverture pour un roman étonnant. C'est bien fait, c'est agréable à lire, mais j'aurais beaucoup de mal à expliquer ce que j'ai aimé dans cette histoire...
Le style est très agréable, l'histoire aussi bien écrite que pensée, même si quelques coquilles surgissent par-ci par-là. Ce qui est assez dommage car c'est bien le seul reproche que je peux faire à ce livre sur le plan formel.
Au cours de ma lecture, je n'ai cessé de penser que le récit coulait comme de l'eau, parfois aussi rapide et voyant qu'un torrent, d'autres fois courant silencieusement sous terre ou bloqué par des obstacles et soudainement éparpillé, mais dont les gouttes finissent toujours par se rejoindre et converger vers l'océan...
Les deux premiers mots qui me viennent à l'esprit pour décrire ce roman sont "troublant" et "étrange".
L'action se déroule lentement, comme un serpent indolent qui s'étire et on ne sait jamais vraiment où l'auteur veut nous emmener, jusqu'à ce que tout se précipite dans les cinquante dernières pages. Bien qu'il y ait un solide fil conducteur, à savoir le devenir de Sandie et ce qu'il s'est réellement passé lors de la tempête, de petites histoires l'entourent, peinant parfois à se recouper, pour mieux frustrer le lecteur, du moins au début... Car elles finiront par se rejoindre en constituant un étonnant et complexe motif.
Le récit flirte avec le fantastique quasiment tout le temps et pourtant ça n'en est pas. J'aurais bien du mal à classer cette histoire dans un genre bien précis et je n'en ai du reste pas vraiment envie, je n'aime pas les étiquettes, même si ça m'aiderait beaucoup de pouvoir lui en coller une afin de vous expliquer ce qu'est ce roman. Car il est difficile à décrire... Je mentirais si je vous disais qu'il s'y passe beaucoup de choses, je mentirais aussi si je disais qu'il s'en passe peu. C'est en fait bien au-delà de ça... C'est à la fois original et classique, imprévisible et pourtant d'une imparable logique.
J'ai beaucoup apprécié cette ambiance incertaine, cette teinte mystérieuse et légendaire qui imprègne de manière diffuse tous les événements qui s'entrecroisent. L'auteur a réussi à me surprendre avec des évidences et ça c'était aussi habile qu'intelligent. D'autant plus que j'aime l'originalité, tout en étant très attachée aux grands classiques du genre et à la vraisemblance de ce que je lis.
J'ai apprécié cette atmosphère trouble de réalité vacillante et ces personnages profondément humains qui semblaient tous liés les uns autres, qu'ils en aient ou non conscience, même si j'aurais aimé en apprendre beaucoup plus sur eux et sur le fin de mot de cette histoire. Sandie, malgré son inaccessibilité, est un personnage vraiment attachant et je me suis prise à m'inquiéter sincèrement pour elle et à éprouver une certaine nostalgie en la quittant.
Ce fut une bonne lecture qui m'a laissée une impression durable de rêve éveillé, de ceux que l'on fait au sortir d'un lourd sommeil, quand on n'arrive pas à se rendormir ni se réveiller vraiment.


Ce livre est pour moi le quatrième dans la catégorie imaginaire du défi ABFA et V&S 2011.

samedi 19 mars 2011

Loup y es-tu ?

Un roman d'Henri Courtade, publié aux éditions Mille saisons.

Quatrième de couverture : 
Et si les êtres maléfiques des contes de notre enfance existaient réellement ? 
Sans doute ces créatures vampiriseraient-elles notre planète. Elles seraient de tous les génocides, manipuleraient les plus grands dictateurs. Bref, tapies dans l’ombre d’Hitler ou sous le feu des projecteurs des plateaux télé, elles auraient entre leurs mains expertes le devenir de l’humanité.

Sinistre tableau !

Si de tels êtres vivaient, il serait à souhaiter que leur alter ego bienfaisant existe également. Qu’en ce début du XXIe siècle, ces personnages merveilleux s’éveillent et décident de se battre.

Et alors, qui sait de quel côté la balance pencherait…

Les lectures de février n'ayant pas été bien transcendantes, je n'ai pas eu grand-chose à dire ces derniers temps...
Ensuite je me suis payé le luxe d'une délicieuse relecture... Et ce fut sans doute une bonne chose car elle semble m'avoir ramenée vers de plus enthousiasmants ouvrages, celui-ci notamment.
Derrière cette sublime couverture se cache un roman étonnant et assez difficile à décrire, si bien que je me débats depuis un moment pour écrire un avis qui lui rende justice...
Pour moi qui suis une lectrice de fantastique et qui suis généralement obligée de me rabattre sur de la fantasy, ça a été un pur bonheur de voir s'effriter dans ce livre la frontière entre les deux genres car souvent, très souvent, il m'a semblé voir se dédoubler l'histoire, entre réalité logique et merveilleux magique, et retrouver du vrai fantastique, aux mêmes tons gris et incertains que les robes de Virginia. Du fantastique pour une histoire trouble, riche de détails, de pistes, de possibilités...
Imaginez, donc, comme le laisse entendre le résumé, que les créatures des contes de notre enfance sont parmi nous, imaginez que depuis des coins d'ombre ou même en pleine lumière, ces créatures agissent inexorablement sur le devenir de l'humanité...
Et si nous suivions leurs traces, que découvririons-nous ?
Un ouvrant ce livre, ces personnages que l'on croyait si bien connaître, pour les avoir longtemps côtoyés enfants, au point qu'ils nous paraissent être de vieux amis, nous entraînent dans leur sillage entre manipulations et complots mondiaux, rêves de gloire de jeunes filles insouciantes, souvenirs de guerres passées dont les comptes ne sont toujours pas soldés et réminiscences d'histoires (ou d'Histoire) si familières et pourtant si lointaines... Car finalement tout est-il ce qu'il semble être ? Connaît-on vraiment ces contes et leurs personnages ? Connaît-on réellement notre propre histoire ?
Reflets changeants d'un miroir à un autre, courses poursuites et jeu de cache-cache avant de croquer la pomme ou se jeter dans la gueule du loup... C'est un roman qu'il faut dévorer sans attendre, un tissage de multiples histoires qui font ce récit, mais aussi l'Histoire.
Les premiers chapitres et leurs histoires qui s'entremêlent sont emplis d'un suspense frustrant et d'une action trépidante. Les chapitres se télescopent avant que l'action se calme d'un coup, déstabilisant le lecteur pour la plus grande partie du roman en entrecroisant passé, avec des retours en arrière plus ou moins lointains, dans le désordre, et présent, voire même futur, au gré des cheminements et choix des personnages. Jusqu'à ce que le temps file de nouveau, que l'action s'accélère pour redevenir aussi fébrile qu'au tout début du récit.
Ce livre fait participer son lecteur et lui demande une attention constante car c'est petit à petit que l'auteur nous distille ses informations et que la moindre petite anecdote peut avoir une importance capitale. C'est original, tout en étant pourtant très familier, dans la forme comme dans le fond. On y retrouve ce qu'on connaît déjà, mais déformé ou vu sous un autre angle... Manigances politiques, mythes détournés, bribes de légendes et de contes, seconde guerre mondiale, terrorisme et médiatisation... Tout se mêle, éclairé par une lumière nouvelle. C'est une drôle de façon de raconter et de créer une histoire-puzzle, mais ce n'est pas déplaisant, surtout quand on aime, comme c'est mon cas, les histoires à tiroirs.
C'est déroutant et c'est brillant, car l'on va de surprise en surprise avec cette histoire et ces personnages... Froids et lointains, car n'étant définitivement pas humains, ne fonctionnant pas sur le même mode que nous, mais également attachants par certains traits, certains accents de sincérité et de vulnérabilité, certains souvenirs aussi, du temps où ils étaient humains... Ils sont différents des héros de nos souvenirs, mais néanmoins tout aussi marquants.
J'ai aimé leurs histoires, compatis avec certains d'entre eux. J'ai particulièrement apprécié Virginia et le Traqueur... Albe aussi, a su éveiller mon intérêt, bien que dans une moindre mesure, du temps où elle était princesse, puis les Veilleurs et leurs liens avec la seconde guerre mondiale, mais également la méchante de l'histoire. Si tant est que tout soit effectivement ce qu'il paraisse...
J'ai aimé ces personnages nuancés et surtout les réécritures de leurs histoires, cette vision de la théorie du complot et de l'humanité, avec ses travers, mais aussi ses qualités.
C'est un roman dont je me souviendrai longtemps, d'autant plus que j'ai adoré l'épilogue, moi qui craignais d'y trouver, un peu faciles, les éléments classiques d'un conte de fées. Vraiment, on ne pouvait rêver meilleure fin.
C'est un livre avec lequel il faut avoir de la patience et accepter de ne pas plonger totalement dans une action effrénée pour pouvoir récolter au fur et à mesure les éclats de miroir si divers qui constituent son récit.



Cet ouvrage a été lu pour le défi lecture ABFA et V&S de 2011.
C’est mon troisième livre pour la catégorie imaginaire.