mardi 30 avril 2019

Blueberry Girl

Un album de Neil Gaiman, illustré par Charles Vess.


Je suis une grande fan de Neil Gaiman. Néanmoins, n’ayant pas d’enfant, j’hésite toujours à acheter ses albums destinés aux petits. J’ai fini par craquer pour celui-ci et je ne le regrette pas. Si j’avais eu une fille, j’aurais adoré le lire et le feuilleter avec elle. 
Cependant, notez qu’il n’est pas traduit en français, ce qui est bien dommage. 
La version que j’ai achetée à un tout petit prix est grande et carrée, mais souple, ce qui peut se révéler peu pratique, même si ça moi ne me gêne pas. 
Les illustrations de Charles Vess sont superbes et colorées. Elles apportent de la lumière et de la gaîté à l’ouvrage. Foisonnantes, mais pas étourdissantes, il est très agréable d’en observer les détails, notamment tous les animaux présents. J’ai aussi adoré l’illustration de femme enceinte au tout début du livre. Je la trouve d’une grande douceur. 
L’histoire, quant à elle, est une sorte de prière aux sonorités très païennes, un hybride entre poème et berceuse, un enchevêtrement de vœux pour une petite fille à naître. Gaiman l’a écrite pour son amie Tori Amos quand elle était enceinte. En la lisant, on ressent toute sa tendresse à la fois pour la femme et pour l’enfant à venir, mais aussi toute la finesse dont est tissé son propre imaginaire. On y retrouve des thèmes connus, les Parques et les fuseaux, les grands rêves et la joie de vivre, mais aussi toutes ces petites choses qui font l’existence et dont on voudrait préserver ou bénir nos enfants. Quand on a beaucoup lu l’auteur, on sait combien cette prière lui ressemble. Cet ouvrage très court en est d’autant plus émouvant et il fut un plaisir à feuilleter.

mardi 16 avril 2019

Blues pour Irontown

Un roman de John Varley, publié chez Denoël.

Présentation de l'éditeur :
Christopher Bach était policier lors de la Grande Panne, ce jour où le Calculateur central, qui contrôle tous les systèmes de survie sur Luna, a connu une défaillance fatale. La vie de Chris a alors irrémédiablement basculé, et il essaie désormais d'être détective privé. Assisté de son chien cybernétiquement augmenté, Sherlock, il tente de résoudre les quelques missions qu'on lui confie en imitant les héros durs à cuire qui peuplent les livres et films noirs qu'il adore. Lorsqu'une femme entre dans son bureau et prétend avoir été infectée volontairement par une lèpre incurable, Chris est tout disposé à l'aider à retrouver celui qui l'a contaminée. Mais il va vite déchanter en comprenant que son enquête doit le mener là où personne n'a réellement envie d'aller de son plein gré : à Irontown... Blues pour Irontown est un mélange détonant de roman noir et de science-fiction. Situé dans le même univers que les précédents ouvrages de l'auteur, notamment Gens de la Lune et Le Système Valentine, parus chez Denoël, il marque le retour, tant attendu, de John Varley à son meilleur.
Chris Bach est détective privé. Avec son chien Sherlock, il parcourt les ruelles sombres de Luna sur la piste de criminels sans foi ni loi. Enfin, il aimerait bien. La plupart du temps, il passe juste pour un excentrique qui se balade avec un accoutrement tout droit sorti d’un vieux polar et qui refuse les implants cérébraux qui facilitent tellement la vie de ses concitoyens. 
Un jour, une femme arrive dans son bureau et l’engage pour retrouver le gars qui lui a transmis une forme persistante de lèpre, maladie depuis longtemps éradiquée sur Luna. On sait tous que ce n’est que le début de ses ennuis et Chris, en bon amateur de polar, le sait aussi, mais il se lance quand même sur la piste. 
Blues pour Irontown est un roman fort distrayant. Il fait partie du cycle des Huit mondes, mais peut se lire indépendamment. On y trouve de nombreuses références à Gens de la lune qui, bien loin de gêner, donnent plutôt envie de lire ce roman. 
Blues pour Irontown est de la SF très grand public. Attention, ce n'est pas du tout péjoratif. Disons que j'apprécie toujours un bon divertissement et c'est ce que nous offre Varley avec ce roman. Il évoque des sujets importants, mais ne les traite pas en profondeur. C’est un conteur, pas un visionnaire. 
Le polar n’est jamais loin des genres de la SFFF, c’est même un choix facile et qui peut vite sembler rebattu pour les habitués. Ce que je peux reconnaître à Varley, c’est qu’il en use sans prétention. Il a construit ses personnages avec soin et s’amuse des clichés. Chris Bach tend volontairement vers la caricature et il en a conscience. Cela crée d'emblée une connivence avec le lecteur, pour peu que celui-ci ait une petite inclination pour les classiques du polar, ce qui est mon cas. J'ajouterai que l’acolyte de Chris, le très intelligent clébard nommé Sherlock qui partage avec lui la narration apporte beaucoup au récit. Ce n'est pas la première fois que je rencontre un animal élevé au rang de personnage principal en SF, mais celui-ci, avec son humour douteux de canidé et ses réflexions sur la vie, la mort et les humains, a quelque chose de particulier. C’est un personnage très cohérent pour qui connaît un peu les chiens. Il est à la fois drôle, un peu lourd, et touchant. J’ai perdu ma chienne il y a environ un mois et certaines de ses considérations me sont allées droit au cœur. 
Chris, Sherlock et la complicité qui les lie sont vraiment le sel de ce roman. Des personnages travaillés me rendent souvent plus indulgente envers les petites faiblesses du récit. Pourtant, il faut bien le dire, Blues pour Irontown ne possède pas le scénario le plus complexe du monde. 
Je m’attendais à une enquête plus construite ou en tout cas qui ait un impact plus conséquent sur le récit. Cela démarrait bien et la première moitié du roman m’a plu. La seconde, cependant, m’a semblé beaucoup plus brouillonne, prévisible et souvent incohérente dans ses justifications. C’est dommage car j’ai malgré tout passé un moment agréable avec ce roman qui reste très distrayant. Je l’ai lu vite, ne piétinant que sur la toute fin. Et puis il y avait des chiens sympas, alors ça rattrape un peu...

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lundi 8 avril 2019

Beaumarchais ou l'irrévérence

Une biographie écrite par Marie Geffray et publiée aux éditions du jasmin.


On connaît le dramaturge, bien sûr, resté célèbre pour la trilogie de Figaro. Et si on a suivi des études littéraires, on connaît aussi un peu l’homme. Brillant, libertin autant que libertaire, très en avance sur son temps et jouant néanmoins des inégalités de son époque pour s’élever socialement. Beaumarchais était un homme d’une remarquable intelligence, animé par de grands idéaux mais possédant aussi une bonne dose de pragmatisme. Jonglant en permanence entre raison et aspirations, il était tout en contradictions.
Cette biographie retrace son existence de manière très chronologique, anticipant peu, détaillant beaucoup. Elle ne prend pas souvent parti — ce qui est une bonne chose, mais s’attache à montrer quel bel esprit était Beaumarchais. On connaît l’auteur par ses plus grands succès, mais connaît-on le fils d’horloger, le jeune artisan doué qui a su se hisser dans les hautes sphères, puis le négociant qu’il est devenu par la suite ? Connaît-on l’homme pugnace et généreux qui malgré les revers — et il en a connu de nombreux — n’a jamais renoncé ?
Il était sans doute trop en avance sur les mœurs de son époque, mais beaucoup trop subtile pour se laisser piéger par les excès de la Révolution. Tout influencé qu’il était par l’humanisme des Lumières et souhaitant ardemment faire évoluer la France en luttant contre les inégalités sociales et les injustices, il était un homme aussi passionné que raisonnable, usant de son esprit et n’aspirant guère à la répression ni à la violence. Toutes les difficultés qu’il a rencontrées au cours de son existence ne sont jamais parvenues à l’abattre ni à rogner ses ambitions ou sa soif de justice. Ce sont sa grande intelligence et ses capacités d’adaptation qui en font encore aujourd’hui un personnage si intéressant.
Venu à la littérature par jeu ainsi que par intérêt social et resté célèbre par elle, il est néanmoins une figure historique qui mérite notre intérêt. Il n’a jamais cessé d’apprendre, ce que je trouve remarquable, et a exercé une bonne douzaine de métiers différents, dont espion et éditeur. Il a participé à de nombreux combats. Il s’est, entre autres, battu pour les droits des auteurs alors même qu’il ne comptait pas tirer de ses pièces un revenu substantiel.
Travailleur acharné, aimant néanmoins le luxe et les plaisirs de la vie, visionnaire et profondément marqué par la philosophie des Lumières, Beaumarchais fut l’un des grands hommes de son temps, bien qu’il ne sût, ou ne souhaitât, prendre le tournant de la Révolution, ni ne fût toujours récompensé pour ses prises de position, notamment dans l’aide qu’il apporta à la toute jeune nation américaine. Si on ne lui a pas rendu justice, c’est sans doute parce que ses intérêts touchaient souvent de près ou de loin aux combats qu’il menait. C’est là toute sa dualité.
Cette biographie est relativement agréable à lire. Fluide dans les premiers chapitres, elle se fait toutefois plus brouillonne et répétitive dans les derniers. Elle est cependant très complète et donc une bonne base pour en apprendre davantage sur Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais.