lundi 31 décembre 2012

Bilan de fin d'année

Ce fut une année bien remplie en ce qui concerne les lectures, peu de déceptions, beaucoup de merveilleux coups de cœur, des découvertes intéressantes et jamais assez de temps pour écrire toutes les chroniques que j'aurais voulu partager avec vous... Sans parler de l'impossibilité de lire toutes les nouveautés qui m'ont fait envie...
Un défi s'achève sans que j'aie vraiment fait l'effort de le relever et un autre a déjà commencé.
L'année 2013 promet déjà de beaux moments de lecture et ma pile de livres à lire menace plus que jamais de s'écrouler.

Et maintenant un petit mot concernant les livres qui m'ont marquée cette année. Il y en a eu beaucoup, alors j'en oublie sûrement et puis j'ai décidé de ne pas dépasser la dizaine.
Sans ordre de préférence, nous avons donc :

- Les larmes rouges de Georgia Caldera.
Parce que c'était juste génial et qu'il faut absolument le lire.
Il va être repris chez J'ai lu en 2013.

- Le cycle de Lanmeur de Christian Léourier.
Je crois que c'est ma plus belle découverte de 2012 (il était temps).
Vous pouvez lire mes chroniques sur le premier et le deuxième volumes de l'intégrale.

- L'aube de la guerrière de Vanessa Terral.
Ça c'est mon coup de cœur en urban fantasy.
Mon avis est sur le site de Vampires & Sorcières (sous le nom de Siana).

- Mémoires d'un maître faussaire de Graham Joyce.
J'ai lu beaucoup de très bon fantastique cette année et celui-ci en fait partie. Il se distingue de mes autres lectures par le fait qu'il mette en scène un environnement urbain et contemporain, mais la richesse de cet ouvrage va bien au-delà de ça.

- Brume d'Estelle Valls de Gomis.
Du fantastique, mais à l'ancienne cette fois.

- Les chroniques d'Oakwood de Marianne Stern.
Encore du fantastique... Il s'agit d'un roman-recueil cette fois. Il est très prenant.

- La somme des rêves de Nathalie Dau.
Et ça c'est mon coup de cœur en fantasy. C'est tout simplement une merveille.
Chronique à venir.

- Vampires d'une nuit de printemps de Lia Vilorë.
Pas un coup de cœur, mais une découverte des plus prometteuses.
J'ai hâte de pouvoir lire la suite !

- Idlewild de Nick Sagan.
J'ai lu la trilogie "Black Ep" en entier et je l'ai appréciée, même si j'ai trouvé les volumes deux et trois moins bons qu'Idlewild.
Mon avis est sur V&S, vous y trouverez aussi ceux concernant Edenborn et Everfree.

Mon coup de cœur éditorial de l'année va aux éditions du Chat Noir.
Parce que j’aime l’esprit de cette maison d'édition et que j’ai eu plaisir à attendre et suivre ses publications tout au long de cette année, tout simplement.

Ce fut une excellente année livresque, j'espère que la vôtre l'a été également et que la prochaine ne sera que meilleure !

lundi 17 décembre 2012

Éclipse lunaire : Phénix et Lukaina

Un roman d'Agnès K. Mongili publié chez Nergäl.

*
Mon nom est Ashandia Parker et je suis un Phénix. Selon la légende, le Phénix est un oiseau fabuleux qui s’immole par le feu et renaît de ses cendres. « Fabuleuse », tout dépend de mon humeur et de ma bonne volonté. « Oiseau », le jour où j’ai de vraies plumes sur le dos, je me prends en photo et je vous en offre avec dédicace ! Pour le reste, y’a de l’idée…
Jusqu’à maintenant, ma vie se résumait à survivre dans une ville où tout un tas de types pas très recommandables aurait eu grand plaisir à faire la peau à une Inaltère en voie de disparition comme moi ou, à défaut, à tenter de coucher avec moi. Enfin, ça, ça concernait surtout cet abruti de Seigneur Dragon d’Homayoon…
Aujourd’hui, mes préoccupations précédentes ont pris du plomb dans l’aile, tout comme la paix qui régnait jusque-là au sein de la communauté Inaltère de la région. La rébellion gronde, les trahisons s’élèvent et, avec elles, les têtes tombent. Les loups sont sur le pied de guerre et la chasse au traître a été ouverte.
De mon côté, je pourrais me contenter de pleurer les morts et de m’immoler de rage ou de tristesse, mais ma rencontre avec une certaine Eilidh Walden va chambouler mes plans. Bien plus, en fait, que tout ce que j’aurais pu m’imaginer…


Dans Éclipse lunaire, Dragons, licornes et Phénix côtoient les vampires et loups-garous que nous sommes bien plus accoutumés à croiser en fantasy urbaine. Pour le meilleur ou le pire ? Cela reste à définir. Mon avis sur cet ouvrage est plutôt mitigé.
J’étais emballée par l’idée même de retrouver dans un environnement urbain et sous forme humaine des créatures dont j’apprécie les histoires, mais qu’on confine plus facilement aux univers magiques de la fantasy. (Or, je ne lis pas tant que ça de fantasy. La lectrice de fantastique que je suis se rabat plus volontiers sur l’urban.) De ce point de vue-là, j’ai été relativement satisfaite. Je n’ai pas aimé tous les choix que l’auteur a faits, mais je reconnais que le fond mythique est bien employé et relativement respecté, notamment au niveau de l’antagonisme naturel de deux races mythiques que je ne citerai pas pour ne pas vous spoiler ou, plus simplement, en ce qui concerne les caractéristiques des créatures présentes dans le roman. La licorne, par exemple, exhale des effluves de violettes. Ce sont des détails que j’apprécie, ça prouve que l’auteur ne s’est pas lancée par hasard dans cette histoire.
Si j’ai un peu grincé des dents face à certains amalgames pas vraiment justifiés, c’est aussi que je suis un peu psychorigide. J’ai du mal avec le fait qu’on change une formule qui fonctionne pour quelque chose d’un peu bancal et qui ne gagne pas forcément en originalité. Mais bon, admettons…
Si je n’arrive toujours pas à définir si j’aime ou non ce roman, c’est surtout à l’intrigue que je le dois. Elle m’a occasionné une impressionnante succession de revirements d’opinion. Au final je dois admettre que ça se laisse lire, que certains aspects de cette histoire sont très bons et d’autres désarçonnants tant ils sont téléphonés.
J’ai apprécié les changements dans la narration et l’enquête dans sa première moitié, mais l’histoire en général se révèle un peu décevante. La fin, surtout, est vraiment bâclée. Le style n’arrange rien car il est plutôt brouillon et hésitant, pas forcément bien adapté à certains choix narratifs. Parfois on a l’impression d’une suite de scènes qui s’imbriquent mal, d’autres fois le récit est plus fluide et même prenant. Il y a de trop nombreuses coquilles et beaucoup de maladresses.
Les personnages, pour stéréotypés qu’ils sont, ont de l’intérêt, mais sont peu développés pour la majorité. Et le fait d’amener dans une histoire d’urban des créatures peu courantes n’en fait pas forcément l’originalité. Il y a de nombreuses questions sans réponses qui donnent quand même envie de savoir la suite, mais est-ce suffisant ?
Du bon et du moins bon, vous disais-je. À vous de vous faire votre opinion sur le sujet.

dimanche 16 décembre 2012

Grandville T1

Une BD de Bryan Talbot, publiée chez Milady Graphics.


Dans le Paris de la Belle Epoque, l'inspecteur LeBrock de Scotland Yard est sur la piste d'un mystérieux assassin. Inspiré par le travail du caricaturiste français du XIX e siècle JJ Grandville et l'illustrateur de science-fiction Robida - sans parler de sir Arthur Conan Doyle, Rupert l'Ours et Quentin Tarantino -, Bryan Talbot fait une fois encore la preuve de son immense talent.


Grandville est avant tout une uchronie steampunk dont les personnages sont des animaux anthropomorphes. Dans l’univers mis en place par Talbot, Napoléon n’a pas perdu à Waterloo, il a conquis toute l’Europe et a fait de Paris, qu’on surnomme Grandville, la capitale de son empire. Il n’a donné son indépendance à l’Angleterre qu’à cause des attentats répétés d’un groupe d’anarchistes. Au début de cet album, la situation politique est d’ailleurs tendue. La grogne populaire, le racisme, le danger lié aux groupes extrémistes sont partout.
Talbot a, de manière plutôt intelligente et relativement subtile, su mêler notre histoire passée et présente pour créer quelque chose d’original qui, tout en respectant les limites imposées par le genre de la BD et par la vraisemblance, a une dimension socio-politique intéressante qui ne peut qu’être évocatrice pour le lecteur. Rien de bien complexe, évidemment, mais le concept est excellent.
J’ai vraiment apprécié le goût du détail dont l’auteur a fait preuve, que ce soit dans l’histoire comme dans le dessin. Grandville est un album très visuel. J’entends par-là qu’il n’y a pas de dialogues inutiles ou de sur-explication. Pourtant on ne perd rien de cette histoire, on ne ressent pas de frustration quand la fin arrive car tout s’équilibre.
Il y a de nombreuses références, picturales comme littéraires, de la BD franco-belge du XXe siècle aux romans de Conan Doyle et c’est un plaisir de les débusquer tout au long de la lecture.
LeBrock, personnage principal de cette histoire, inspecteur de Scotland Yard est un personnage sympa, l’archétype du flic un peu bourru, mais au grand cœur. Il se prend un peu pour un mercenaire dans un monde pourri, mais on lui pardonne. C’est aussi un blaireau, au sens animalier du terme. Il faut dire qu’outre-manche cet animal n’a pas la même déplorable réputation que chez nous. Pour les Britanniques le blaireau est surtout loyal et tenace, il ne lâche jamais l’affaire et en cela l’incorruptible LeBrock est un bon représentant de son espèce.
Notre héros a aussi un petit côté James Bond, celui des romans plus que des films, à la fois dans ses relations avec les femmes et sa manière expéditive de régler les affaires sur lesquelles il travaille. En effet, s’il se pique d’utiliser les méthodes de notre bon vieux Sherlock (et en plus le jeu de mot avec un des mots pour blaireau fait la rime, si ça n’est pas merveilleux !) LeBrock est un peu loin du compte. C’est bien dommage. Il ne cherche pas de réelles preuves pour étayer ses intuitions, il ne déduit rien, il « sait » et il fonce… Heureusement que le hasard l’aide souvent… C’est bien le seul reproche que je pourrais faire à cette histoire, avec le fait qu’il n’y a guère de rebondissement. Les autres personnages sont un peu des faire-valoir, mais une BD ne permettant pas un grand développement des personnalités de tout un chacun, je ne vais pas chipoter davantage. C’est une lecture très plaisante.
Et puis il convient également de dire que Grandville est un très bel album, à commencer par la couverture, sobre mais élégante, dont le cartonnage épais rappelle un peu la BD des années 40-50 (puis qui personnellement m’évoque aussi les albums de Benjamin Rabier et pas seulement à cause des animaux anthropomorphes).
Les planches aussi sont superbes. J’avais déjà zyeuté le travail de Bryan Talbot dans Sandman et un des albums de Fables qui est encore à ce jour parmi mes préférés, cependant ça ne m’avait pas marquée plus que ça, je l’avoue. Ceci dit, en parcourant Grandville, j’ai eu plus de points de comparaison et effectivement j’ai pu faire un peu la part des choses avec mes souvenirs.
Le Dessin est fin, élégant, et la « mise-en-scène » des images excellente (c’est surtout sur ce dernier point que j’ai vu la ressemblance avec ce qu’a fait Talbot dans Romances). La colorisation, bien qu’elle soit tout droit sortie de photoshop a un petit côté rétro qui s’adapte parfaitement à l’histoire. Et puis le choix de cette palette de couleurs un peu sombres, mais pas trop froides a la classe.
En outre, que dire de toutes les références glissées dans les dessins comme dans le texte ? J’ai beaucoup aimé jouer à les chercher tout au long de ma lecture. Certaines m’ont parlé tout de suite, d’autres un peu moins, puis il y en avait aussi que je ne connaissais pas du tout et que découvrir fut un plaisir. J’ai d’autant plus apprécié la postface très complète de l’auteur, une exclusivité de la version française, car elle met en relief et explique tous ces clins d’œil. Talbot y donne également un exemple du travail de colorisation qu’a demandé cet album.
C’est vraiment une très belle BD que je vous encourage à découvrir. Il existe un second tome, Grandville mon amour, paru également en français chez Milady Graphics.

samedi 15 décembre 2012

Vertige. Les étoiles de Noss Head T1

Écrit par Sophie Jomain et publié chez Rebelle.


Hannah, bientôt dix-huit ans, était loin d’imaginer que sa vie prendrait un tel tournant. Ses vacances tant redoutées à Wick vont finalement se transformer en véritable conte de fée… puis en cauchemar. Sa petite vie tranquille, ses idées bien arrêtées, ses projets… tout va changer, brutalement. Elle devra affronter l’inimaginable, faire face à ce qu’elle n’aurait jamais pensé croire un jour, car les légendes n’en sont pas toujours… Leith ne s’attendait pas non plus à Hannah. Il tombe de haut, l’Esprit a choisi : c’est elle, son âme sœur. Pourra-t-il lui cacher sa vraie nature encore longtemps ? Osera-t-il lui avouer qu’il n’est pas tout à fait humain? Il n’a pas le choix, leur rencontre l’a mise en danger. Lui seul peut lui venir en aide.


La quatrième de couverture vous dit tout ce que vous avez besoin de savoir sur l’histoire, alors je ne vais pas en rajouter.
Vertige est un roman Young adult. En général c’est une appellation qui peut vouloir dire beaucoup de choses différentes, mais dans le cas présent ce roman est très équilibré. Il est jeunesse sans l’être trop, idéal pour des adolescents et néanmoins lisible pour des adultes.
C’est le premier roman de Sophie Jomain, alors il y a quelques petites maladresses. L’auteur passe très rapidement sur certaines choses, mais à l’inverse s’étend beaucoup sur d’autres de moindre importance. Ces longueurs ne sont pas non plus excessives, mais peuvent paraître incongrues face à certains raccourcis. Les rebondissements sont également un peu faciles. J’ai cependant vu des ouvrages d’auteurs confirmés beaucoup plus maladroits alors je ne vais pas chipoter.
Ces petits cafouillages peuvent certes agacer le lecteur exigeant, mais l’auteur se rattrape au niveau du style. C’est un roman bien écrit et très fluide. On le lit plutôt vite. Cet ouvrage n’a pas d’autre prétention que d’offrir une bonne petite histoire d’amour et j’ai apprécié cette simplicité. Pas de monde à sauver, pas de grande leçon d’humanité, c’est rafraîchissant et, même avec des loups-garous, c’est vraisemblable. Sophie Jomain a de plus élaboré une mythologie intéressante à partir d’éléments mythiques peu utilisés habituellement dans les histoires de loups-garous et c’est tout à son honneur.
Je pense que Vertige est un livre que j’aurais vraiment beaucoup aimé à quinze ans, mais je me sens maintenant un peu vieille pour ce genre de lecture. Les histoires d’amours adolescentes et leurs sempiternels balbutiements, même si celle-ci est bien plus sobre que la plupart de celles qui jalonnent la littérature YA, ont tendance à m’ennuyer très vite. Entendons-nous bien, c’est un bon livre, si j’ai levé les yeux au ciel quelquefois durant ma lecture c’est que je suis une vieille grincheuse. Ce n’est pas mièvre, c’est juste une première histoire d’amour avec ce que ça implique de maladresse dans le comportement d’une toute jeune fille qui ne sait trop quoi faire de tous ces changements dans sa vie.
Hannah (Ciel un palindrome ! Excusez, j’ai un peu de mal avec ce prénom…) est un personnage sympathique et crédible, si j'oublie le fait que ses genoux lâchent à chaque fois qu’elle voit Leith (faut pas abuser non plus). J’ai beaucoup apprécié le fait qu’elle soit très rationnelle et ne se laisse pas embarquer à la première occasion sur les sentiers de l’étrange comme si ça allait de soi. Par contre son manque de vivacité d’esprit dans la suite du roman m’a un peu étonnée.
Leith, avec sa tendance à souffler le chaud et le froid, m’a moins séduite que sa compagne. Bien qu’il ait ses raisons pour agir comme il le fait, j’ai trouvé le personnage un peu surfait. Il en va de même avec les personnages secondaires qui sont assez stéréotypés. Les parents d’Hannah, par exemple, sont de vrais hélicoptères de surveillance mais disparaissent du décor quand ça arrange l’auteur. Et ils ne doivent pas non plus avoir de nez… En général quand on reçoit quelques litres de bière brune sur la gueule, on sent la brasserie à des kilomètres. Comment des parents un peu psychorigides peuvent-ils ne pas froncer le nez face au parfum de Guinness de leur enfant unique qu’ils attendent pour être bien certains qu’elle ne dépasse pas son couvre-feu ?
Il y a donc quelques invraisemblances dans cette histoire, de petits accrochages sans réelle importance. Ma seule vraie déception a été ce méchant un peu trop caricatural.
Un détail stylistique m’a également gênée. C’est tout bête, je vous l’accorde, mais ça a vraiment perturbé ma lecture. Dans ce roman, les pensées de l’héroïne et narratrice sont parfois, et inexplicablement, entre guillemets. Or, les guillemets sont comme chacun sait une des marques du discours et ça fait vraiment bizarre de lire ce qu’elle ne peut s’empêcher de penser, mais ne dirait jamais à haute voix, entouré de guillemets. Certes ils peuvent marquer l’ironie ou un double-sens, mais c’était malvenu. L’italique aurait été un meilleur choix.
Oui, j’arrête avec mes délires psychotiques…
Je garderai de ce roman l’image d’un récit charmant, sans être exceptionnel, et qui se lit très vite. Je lirai la suite car j’espère que, la situation des personnages ayant évolué, ce qui a pu me gêner dans cette lecture ne sera qu’un souvenir dans le second tome.

vendredi 14 décembre 2012

Les âmes croisées

Un roman de Pierre Bottero, publié chez Rageot poche.



Nawel vit à Jurilan, le royaume des douze cités. Aspirante comme ses amis Philla et Ergaïl, elle va choisir la caste correspondant à ses aspirations profondes pour le reste de sa vie. Tout indique qu’elle entrera, selon le désir de ses parents, chez les prestigieuses Robes Mages. Mais Nawel s’interroge sur sa place dans cette caste et sur la voie qu’elle doit suivre…

Un roman de fantasy dont les fils croisent Les Mondes d’Ewilan et L’Autre, mais aussi une réflexion profonde sur le destin et la responsabilité, l’ambition et la sincérité, le hasard et la force des rêves.


Les âmes croisées est un superbe roman initiatique qui met en scène une jeune fille, Nawel, au seuil de sa vie d’adulte. De prime abord elle est arrogante, insupportable, mais se révèle pourtant fragile et humaine au fil des pages. Nawel est une jeune fille plutôt paradoxale. Elle abuse allègrement des privilèges de sa caste, mais demeure très naïve envers ce que son statut peut impliquer en retour. Tout se paie dans la vie et notre héroïne ne l’apprendra qu’à ses dépens. Confrontée à la vie, à la véritable nature de sa société, à elle-même et prenant conscience de la valeur de ses propres choix, Nawel évolue tout au long du récit. C’est ce qui en fait un magnifique personnage et donne toute sa poésie à ce roman d’une sensibilité à la fois pudique et sans fard, touchante.
C’est un roman très intelligemment construit et extrêmement poétique. J’ai beaucoup apprécié les écrits introspectifs de Nawel qui ponctuent un récit narré en grande partie à la troisième personne et permettent de se sentir plus proche de ce personnage un peu distant. On apprend ainsi à l’apprivoiser, à comprendre d’où est née cette froideur. Les chapitres sont courts et leurs fins souvent abruptes, demandant parfois quelques retours en arrière. Cela donne un peu l’impression que l’histoire est hachée mais se révèle au final plus homogène qu’on l’imagine et surtout très adapté aux aléas du récit.
Au début du roman Nawel est telle qu’on l’a façonnée et ne le sait pas, jusqu’au jour où un événement va détruire à jamais l’équilibre si parfait de sa petite vie de privilégiée. Le vernis commence à se craqueler et elle s’aperçoit que tout ce qui fait sa vie est vacuité, parfois même illusion. Elle se rend compte que ses ambitions sont celles de ses parents, que ses choix ne lui appartiennent pas et qu’elle est aussi abjecte qu’eux. Alors Nawel part à la reconquête d’elle-même et c’est ce qui fait la beauté de son histoire. Rien n’est simple ou lisse dans son passage à l’âge adulte. C’est une quête personnelle qui peut parler à chacun d’entre nous car malgré la fantasy de cet univers, les sentiments sont vrais et accessibles.
Au-delà du récit lui-même, ce livre m’attriste toujours autant car c’est le dernier de son auteur. Je ne peux m’empêcher à chaque fois de songer avec compassion à sa famille. Et puis, très égoïstement, j’aurais bien aimé avoir la suite car je me suis attachée à Nawel. Ce ne serait pas forcément nécessaire ceci dit car le roman se révèle très symbolique, surtout dans cette situation où il se fait écho de la vie elle-même au point que cela en devient troublant. Je ne peux vous l’expliquer davantage, il faut lire le livre et décrypter ce qui se cache entre les lignes. C’est triste et beau à la fois.
Ce qui se passe derrière la porte doit rester le secret de ceux qui en franchissent le seuil.
C’est un excellent roman pour les jeunes comme les adultes, pas édulcoré, bien écrit, vif et efficace, qui implique pas mal de réflexion et habitera longtemps l’imaginaire de ses lecteurs.

Ce livre a été relu pour le club de lecture de V&S (il partage le mois de décembre 2012 avec le premier tome d'Apocalypsis d'Eli Esseriam que je vais lire bientôt).
J'en profite pour l'ajouter à mon défi lecture de 2012 pou ne pas être trop ridicule vu le peu de livres qui y figurent.

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jeudi 13 décembre 2012

Bienvenue T1

De Marguerite Abouet et Singeon.
Une BD publiée chez Gallimard jeunesse, collection Bayou.

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Petite séquence émotion. J'avais le même carton à dessins. Enfin pas tout à fait, le mien était vert et noir, mais avec des rubans, exactement comme celui-ci. C'est une rareté à notre époque où on les préfère plus pratiques, avec des élastiques. Oui, j'ai bien conscience que ça n'intéresse que moi, mais cette BD m'a rappelé de nombreux souvenirs.

*

A noter qu’il s’agit de ce format moyen que l’on trouve de plus en plus souvent en BD et qui est un peu plus haut et large qu’un roman en grand format, mais beaucoup moins qu’une BD classique. C’est un format que j’apprécie vraiment, Il n’est pas trop lourd ni trop encombrant et est très agréable à lire.
L’ouvrage comporte une centaine de pages, de quoi bien entrer dans une très bonne histoire et profiter un minimum de la lecture. Les BD sont souvent trop courtes…
Celle-ci est censée être un ouvrage jeunesse, mais je suis dubitative sur le sujet. Je ne sais pas à quel âge est destinée la collection Bayou, mais personnellement je conseillerais plutôt cet album à partir de 17 ans. Ce n’est évidemment que mon point de vue.

Enfin, passons aux choses sérieuses…
Bienvenue est une jeune femme de 21 ans, étudiante aux beaux-arts, elle partage une chambre de bonne avec sa cousine Lola qui veut devenir actrice. Perpétuellement fauchées, les deux jeunes femmes sont vraiment en galère au début de ce tome et doivent absolument trouver du boulot. Tandis que Bienvenue joue les nounous, Lola s’essaie aux castings de danseuse.
Il s’agit d’une BD très réaliste (plus dans le scenario que le dessin) et c’est un vrai régal. Bienvenue est une fille sympa, malgré son côté un peu grincheux et caustique. On peut néanmoins avoir envie de la secouer pour lui remettre les idées en place, lui montrer aussi qu’elle reproche aux autres leur égoïsme et leur inattention, mais qu’elle n’est guère mieux au final. C’est toutefois un personnage attachant et très crédible, tout comme l’épatante galerie de personnages secondaire qui l’accompagne. Tous ont une histoire, pas encore parfaitement développée évidemment, mais que l’on sent poindre dans ce premier volume et qui donne envie d’en savoir plus.
Le récit est prenant, les personnages attachants. Ils sont bourrés de défauts, mais n’en paraissent que plus humains. Bienvenue se plaint tout le temps, de sa vie, de ses proches, de son prénom. Elle n’a pas tort ceci dit, avec un tel prénom tous les faux départs de la vie ne paraissent que très ironiques.
Le ton est très juste, l’histoire est simple mais extrêmement crédible, elle nous montre le quotidien d’une jeune fille pas très sociable et les interactions qu’elle a pourtant avec les autres (un peu malgré elle parfois), les voisins à problèmes, les enfants, ses profs et condisciples, ses amis et sa famille. Toutes ces personnalités qui se croisent, avec leur vie, leurs soucis, tissent une histoire commune dans laquelle les joies et les peines s’équilibrent.
On s’attache vite à tout ce petit monde et l’histoire file sans qu’on s’en rende compte, pour laisser le lecteur sur sa faim à la dernière page. Le récit est consistant, mais j’ai pourtant été désappointée par cette fin. C’était un arrêt un peu brutal pour moi. Cela ne manque pas de logique ceci dit, cette BD étant avant tout une tranche de vie prise dans le vif.
Le dessin en lui-même me plaît bien sans être vraiment remarquable, des traits pas toujours très fins en ce qui concerne les visages, mais une certaine classe dans la représentation de la ville, les décors en général, l’usage de la couleur. Ça fait un peu BD des années 50, sans que je sache vraiment comment l’expliquer. On a des couleurs pleines à la texture simple, mais agréable, à mi-chemin entre cet aspect rétro et quelque chose de plus moderne.
Pour une obscure raison ça me rappelle certains tomes de l’espiègle Lili que je lisais quand j’étais gamine, puis surtout Tom-Tom et Nana, probablement parce que les enfants que garde Bienvenue leur ressemblent beaucoup (surtout la fillette). Je vous avouerai toutefois que je me suis plus concentrée sur l’histoire que sur le dessin.
J’ai été un peu gênée par la police d’écriture. Ce n’est qu’un détail et c’est évidemment très subjectif, mais le côté irrégulier est un peu pénible à lire dans mon cas et esthétiquement parlant ça n’apporte rien de bien spécial. La simplicité est encore ce qu’il y a de mieux.
Quoi qu’il en soit, cet ouvrage a été un énorme coup de cœur et pas seulement parce qu’il me rend un peu nostalgique en me rappelant ma vingtaine. Bienvenue est une très belle découverte. Maintenant il me faut la suite et ça tombe bien, elle vient tout juste de paraître, je vais donc pouvoir me jeter avidement dessus.

mercredi 12 décembre 2012

Challenge "Je lis des nouvelles et des novellas"

Ou comment participer à un challenge qui m'enthousiasme du début à la fin.


J'ai choisi le niveau intermédiaire de "Joyeuse lectrice":
Niveau "Joyeux lecteur/Joyeuse lectrice" ou encore "Je lis des nouvelles et des novellas et j'aime ça" : lire et chroniquer 12 nouvelles ou recueils ou novellas.

Mais je vois loin, avec un peu de motivation et si le temps ne file pas trop vite, comme on peut changer de niveau en cours de route, j'arriverai peut-être au très ambitieux palier suivant qui demande 24 recueils, anthologies ou novellas. Tout un programme !

Je suis une grande lectrice de nouvelles, de recueils, d'anthologies, de novellas, donc ça ne devrait pas être très difficile, n'est-ce pas ?
Moui, le problème en fait ce n'est pas de les lire, mais de les chroniques et c'est en cela que résidera tout le challenge. C'est un format très difficile à commenter, surtout pour l'anthologie. Mais ça me forcera à le faire et c'est une bonne chose car j'espère que ça vous donnera envie de lire certains de ces ouvrages à côté desquels on passe trop souvent. Et puis c'est aussi un bon moyen de découvrir certains auteurs.

Souhaitez-moi donc bonne chance, le challenge démarre aujourd'hui et finira le 11/12/13 !

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Livres lus :

- For I Have Sinned de Darynda Jones (nouvelle).
- Gilles a suivi Jeanne de Valérie Simon (nouvelle).
- Sanshôdô : la voie des trois vérités de Jean Millemann (recueil de nouvelles).
- Nous finirons bien par en venir à bout... de Laurent Queyssi (nouvelle)
- Le Rêve du Prunellier de Rozenn Illiano (recueil de nouvelles)
- L'assassinat de la maison du peuple de Sylvie Denis (novella)
- La Suriedad d'Estelle Faye (nouvelle)
- Fin(s) du monde, 20 récits pour en finir avec l’Apocalypse des Artistes Fous (anthologie)
- Sang d'ocre de Lydie Blaizot (novella)
- Villa Giudita et autres nouvelles de José Wolfer (recueil de nouvelles)
- Le livre qui rend dingue de Frédéric Mars (novella)
- Vampire Blues, Ladainian Abernaker ep1 de Lydie Blaizot (nouvelle)
- La plage du Xenos et Éclipse partielle de Graham Joyce (nouvelles)
- A Bloody Melody de Maëlig Duval (nouvelle)
- L'après-dieux de Maëlig Duval (novella)
- Ainsi commence la nuit de Vanessa Terral (recueil)
- À n’importe quel prix de Claire et Robert Belmas (nouvelle)
- Chronique de la vallée de Jacques Boireau (nouvelle)
- Dedans, dehors de Sylvie Denis (nouvelle)
- Clamatlice de Vanessa Terral (mini recueil de nouvelles)
- Au service des insectes de Cindy Van Wilder (nouvelle)
- L’héritage et autres nouvelles de Megan Lindholm / Robin Hobb (recueil de nouvelles)
- Sales bêtes ! Animaux étranges et délires zoomorphiques des Artistes Fous (anthologie)
- L'ombre du maître espion, Le Baron Noir T1 d'Olivier Gechter (novella)
- La boîte de Schrödinger – spéciale Halloween (anthologie)
- Nouvelles en vrac : Voler (de ses propres ailes) de Cécile Duquenne, La clé de l'eau d'Agnès Evans, Carpe Sesamum d'Esteban Bogasi.
- Nouvelles en vrac (2) : 1888 de Céline Etcheberry, En Adon je puise mes forces de Dominique Lémuri, Hérésie minérale de Stéphane Desienne, Anastasis d’Aude Cenga.
- Nouvelles en vrac (3) : Beef de Joey Burger, Trois coups contre ma porte de Michael Roch, Louie de Lou Wagram, Cosmic Karma de Jérémy Semet.

dimanche 25 novembre 2012

Le rôdeur d'ombre, Les Chroniques de Siala T1

 Un roman d'Aleksei Pekhov, publié chez J'ai lu.

Présentation de l'éditeur :
Jamais les Terres désolées n'avaient connu pareil rassemblement ; des milliers de géants, d'ogres et d'autres créatures maléfiques unissent leurs forces pour la première fois de leur histoire sous une bannière unique. Bientôt, l'Innommable et ses armées seront aux portes de la cité d'Avendoom. À moins que Harold l'Ombre, Maître Voleur, ne trouve un moyen de les arrêter. Secondé dans sa quête par une princesse elfe, dix Cœurs sauvages - les combattants les plus valeureux que les Terres désolées aient jamais comptés - et un bouffon aux multiples surprises, Harold doit réussir là où des armées de guerriers et de mages ont échoué.
Décidément, les voleurs ont la côte dans les publications fantasy du moment. Harold, le héros et narrateur des Chroniques de Siala, en est un, qui plus est parmi les meilleurs. C’est justement cette habileté qui va lui valoir bien des déboires. Forcé d’accepter un contrat pour ne pas finir ses jours en prison, Harold n’a pas idée de l’imbroglio dans lequel il va se trouver impliqué. Et le lecteur non plus d’ailleurs… 
Si Harold est un personnage sympathique et attachant qu’on a forcément envie de voir réussir, ne serait-ce que parce qu’on compatit à ses malheurs, on n’en a pas moins l’impression de s’enliser un peu dans cette histoire, avec une quête qui n’en finit pas de démarrer. Harold est toujours en train de chercher quelque chose, par exemple le plan de la ville pour trouver celui d’une nécropole, et si possible dans un endroit très dangereux… Et c’est comme ça tout au long de l’histoire. À la fin du roman, la quête principale commence à peine et on se dit que de nombreux passages, bien qu’ils soient bourrés d’action, n’ont pas servi à grand-chose.
Non seulement l’habitué de fantasy connaît déjà tout ça (la quête pour mettre la main sur un objet magique d’une importance capitale, les compagnons de voyage de races multiples, le voleur au grand cœur et tout ce qui s‘ensuit), mais en plus il trouvera le récit un peu longuet, avec toutes ces péripéties qui n’en finissent pas de contrarier le voyage de nos héros. 
Harold étant le narrateur, on voit tout ce qui se passe à travers le filtre de son regard, mais l’auteur a trouvé un excellent moyen pour nous plonger dans des scènes du passé sans les faire raconter par un tiers et sans non plus céder à la facilité. Par contre, si les événements prennent beaucoup de place dans le récit, les personnages sont quant à eux peu développés, ce qui est très dommage. J’ai une certaine affection pour Harold et Kli-kli, le bouffon, m’intrigue beaucoup. L’improbable duo du nain et du gnome aide également à faire passer les longs chapitres, même si on en sait peu sur eux au final. Les autres personnages sont à la fois plus stéréotypés et légers, il est difficile de s’attacher à eux.
L’univers en lui-même est très classique et il n’y a pas de grandes difficultés pour y entrer. Toute incompréhension peut être éclaircie en allant consulter le glossaire très complet qui se trouve à la fin de l’ouvrage. Ceci dit, le lecteur qui ne souhaite pas s’embarrasser avec ça et arrêter sa lecture n’a pas non plus besoin de le faire quand il a déjà lu de la fantasy. Si parfois les noms de races changent, on devine facilement de quel archétype il est question.
C’est un bon livre, très bien écrit et assez plaisant, même si l’originalité n’est définitivement pas une de ses qualités. Il s’agit, me semble-t-il, d’une trilogie et la quête principale est donc très délayée pour pouvoir s’étaler sur les trois volumes. L’auteur l’additionne donc de multiples petites quêtes. Il est possible que l’intérêt du lecteur s’en ressente, d’autant plus que tout est très prévisible. Mais ça se laisse lire, c’est un bon moment de détente, plus appréciable encore quand on n’a pas lu de fantasy depuis longtemps.

mardi 20 novembre 2012

Les Chroniques d'Oakwood

Un fix up de Marianne Stern, publié aux éditions du Chat Noir.


Présentation de l'éditeur :
Oakwood, son église, sa grange abandonnée, ses tavernes, son cimetière. Et ses sorcières, au grand dam des prêtres qui se succèdent sans parvenir à éradiquer les diableries.
Lorsque la nuit tombe, les ombres s'étirent et drapent le hameau d'un manteau de noirceur, laissant à la lune le soin d'épier les plus sombres desseins. Cruelles malédictions et engeances démoniaques arpentent alors librement les rues aux faveurs de l'obscurité ; mieux vaut ne pas s'attarder en-dehors des logis, au risque de rencontrer la Mort au détour d'une bâtisse.
Pourtant, le vieux cimetière attire bien des convoitises... Certains affirmeront avoir aperçu la lueur chétive d'une lanterne au detour d'une tombe, d'autres diront avoir entendu des hurlements déchirants briser la torpeur nocturne. Les plus folles rumeurs circulent au village, mais ses habitants s'accordent à dire qu'il ne se trame rien d'anormal.
Entre spectres, pentacles, corbeaux et cadavres, quelques téméraires se risquent toutefois à des errances en solitaire. L'un en quête de l'être aimé, l'autre animé par une vengeance inassouvie, ou tout simplement, à la recherche du repos éternel. Or tous ignorent que dans l'ombre, la demoiselle d'Oakwood veille...

Avec ce roman, Marianne Stern nous entraîne à Oakwood, petit village du début du XVIIe siècle, probablement anglais, recelant de nombreux et très sombres secrets. Qui sont donc ces prêtres fanatiques, ces sorcières, ou prétendues telles, ces puritains à la mentalité étriquée, sans parler des âmes damnées errant dans le cimetière ? 
Pour le découvrir, nous suivons tout d’abord les pas de Lynn, petite fille muette, maltraitée par son père, jusqu’à ce que, peu à peu, son histoire se mêle aux autres. Et il s’en passe des choses à Oakwood où la plus grande noirceur empèse les âmes de gens en apparence bien sous tous rapports. 
Ces chroniques portent bien leur nom. C’est un ouvrage entre le roman et le recueil, composé de plusieurs nouvelles (et une chanson), toutes reliées entre elles par divers éléments et personnages récurrents. Le dédale chronologique que forment les textes ajoute à l’intérêt de la lecture. On ne sait jamais si l’on va se diriger plus avant dans l’histoire ou faire un bond dans le passé et apprendre ainsi de nouvelles choses qui éclaireront sous un autre angle les événements que l’on connaît déjà. J’ai trouvé le procédé vraiment plaisant. Il faut dire que l’ouvrage est très bien construit, de manière à ce que ces cassures de la continuité apportent toujours quelque chose de particulier au lecteur quand il remet en place les morceaux manquants du puzzle. 
Je me suis attachée à certains personnages et ai été frustrée de ne plus les voir au chapitre suivant, mais c’est aussi ce qui fait le charme de ce puzzle chronologique, on ne sait jamais sur qui ou quoi on va tomber en tournant la page et, malgré tout, ceux que l’on espère reviennent toujours. 
Les histoires et les personnages donnent l’impression de valser et c’est d’autant plus frappant que l’écriture de Marianne Stern est très musicale, tout en étant également pointue dans les descriptions. J’ai eu l’impression de parcourir Oakwood tant ses mots sont évocateurs. 
Cette histoire de sorcière, sombre et très réaliste, sur fond d’un fantastique maîtrisé, est vraiment agréable à lire et magnifiquement écrite. On est loin de la magie tapageuse et des clichés qui nourrissent actuellement les récits de sorcellerie. Dans ces chroniques, rien n’est évident ou facile, les ténèbres sont partout et certains chapitres sont assez glauques, néanmoins ce n’est jamais pesant. Si vous voulez une histoire de sorcière à l’ancienne, c’est le livre qu’il vous faut absolument et puis, pour ne rien gâcher, la couverture est juste sublime.

jeudi 15 novembre 2012

Charley Davidson T1, Première tombe sur la droite

Un roman d'urban fantasy de Darynda Jones, publié par Milady.


Charley Davidson est détective privée et faucheuse. Son boulot consiste à convaincre les morts « d’aller vers la lumière ». Mais ce n’est pas toujours si simple : parfois Charley doit les aider à accomplir quelque chose avant qu’ils acceptent de s’en aller, comme retrouver l’assassin de ces trois avocats. Ce qui ne serait pas un problème si Charley ne passait pas son temps à faire des rêves érotiques provoqués par une entité qui la suit depuis toujours… Or, il se pourrait que l’homme de ses rêves ne soit pas mort. Il pourrait même être tout à fait autre chose…


"J'aurais moins de troubles de l'attention s'il n'y avait pas autant de jolies choses brillantes."

On n’a pas arrêté de me dire beaucoup de bien de cette série, notamment une amie qui m’assurait que j’allais adorer Charley et que si je devais commencer une nouvelle série (j’ai plutôt tendance à freiner des quatre fers ces temps-ci pour ce genre de choses) ça devait être celle-ci, alors j’ai fini par me laisser fléchir. Et puis ça m’évoquait la série tv Dead like me, que j’avais appréciée, même si je me doutais, avec raison, que ce bouquin n’avait pas grand-chose à voir avec cette dernière…
C’est clair, on est bien loin de Dead like me, d’ailleurs le terme de faucheuse pour désigner Charley est franchement abusif. Elle fauche que dalle, mais je vais vous laisser découvrir quel est exactement son rôle en lisant le livre, sinon vous n’aurez plus grand-chose à vous mettre sous la dent.
Disons-le tout de suite, la mythologie évoquée dans ce roman ne m’a pas emballée, une question de goût plus qu’autre chose, ça n’est pas mauvais en soi, c’est juste trop chrétien pour moi. En outre, les explications sont très superficielles, comme dans tout premier tome qui se respecte, alors j’imagine que c’est pour laisser des choses à dévoiler dans les volumes suivants.
L’histoire non plus ne m’a pas séduite plus que ça. L’intrigue policière est pendant longtemps mise de côté et j’ai vraiment eu l’impression qu’il ne se passait rien durant un bon tiers du bouquin. Il y a un grand creux vers le milieu du récit, uniquement comblé par les bavardages répétitifs de Charley et sa copine Cookie. J’ai trouvé ça très dommage parce que l’idée de cette détective médium est intéressante, pas novatrice, certes, mais pleine de potentiel. Et puis des fantômes (surtout ceux qui peuplent ce roman) en urban fantasy ça change un peu…
J’ai aussi été un peu gênée par le côté peu crédible de certains événements. Vous me direz que quand on lit de la fantasy, la crédibilité ça fait plutôt rigoler, et pourtant non, j’ai besoin d’une certaine vraisemblance. Peu importe qu’on me raconte des trucs dingues, mais il me faut un minimum de logique, que ça sonne même lointainement vrai, ce qui laisse parfois à désirer dans cet ouvrage.
Par contre, mon amie avait raison sur un point, j’ai adoré Charley. C’est un personnage très bien construit, toutes ses réactions, ses manies, ses habitudes résultent d’expériences passées, ce qui la rend très vivante. Elle est drôle, d’une exquise mauvaise foi, fainéante, complètement barrée, mais aussi un peu gamine parfois. L’auteur ayant souvent tendance à vouloir trop en faire, tous ces charmants petits défauts peuvent devenir un peu lourds par moment, mais c’est avant tout Charley qui fait l’intérêt du roman. L’intrigue policière, quand l’auteur daigne se rappeler qu’elle doit aussi s’en occuper, n’est pas mauvaise, mais pas transcendante non plus, c’est la personnalité de l’héroïne qui fait qu’on tourne les pages. On s’attache forcément très vite à elle, même quand elle devient casse-pieds.
Les personnages secondaires sont un peu plus caricaturaux que Charley, mais quand même intéressants, enfin, si on excepte Cookie… Elle a une personnalité en rapport avec son prénom, à savoir très plate, c’est le faire-valoir de base qui ne sert qu’à faciliter la vie de l’héroïne. J’espère qu’elle prendra un peu plus d’épaisseur et d’indépendance dans le prochain volume, sinon autant nous épargner sa présence.
J’admets que Reyes, personnage masculin principal de l’histoire, n’a pas non plus éveillé grand intérêt chez moi. Question de goût une fois encore, je suppose. Je n’ai pas adhéré du tout à l’histoire d’amour. Charley est chiante avec ses genoux qui se dérobent chaque fois qu’elle pense à Reyes. Lire son nom lui suffit pour s’évanouir… L’auteur elle-même s’en rend compte puisqu’elle le fait admettre au personnage qui se désole de son propre comportement. Mais au lieu de calmer le jeu, elle insiste en essayant de faire passer ça avec de l’humour et du coup c’est encore plus soulant…
Au final, c’est un roman distrayant qui se laisse lire, il ne faut pas en espérer plus. Mon avis est donc mitigé, mais je pense lire la suite quand j’aurai besoin de vacances et puis un premier tome n’est jamais le meilleur d’une série. Je suis le genre de lectrice qui veut une intrigue et qui en a vite marre qu’on tire sur la corde. Le fait que tout repose sur Charley passe relativement bien cette fois, mais ça ne sera sans doute pas le cas dans un deuxième volume, alors j’espère que l’auteur a remédié à ces défauts.
On verra bien…

dimanche 11 novembre 2012

Paris en 2040

Un roman d'Arthur Bernard, publié chez Parigramme.


Présentation de l'éditeur : 
En 2040, Paris s'est dédoublé : le Paris-capitale, le Paris du pouvoir (Paris I) s'est retranché derrière un mur invisible enserrant une vaste zone courant de La Défense à Saint-Denis, tandis que le Paris que nous connaissons (Paris II) demeure la ville des monuments, des jardins, des cimetières. Tout autour, également séparée par un mur invisible, s'étend une Zone Inquiète aux contours mal définis.
Paris II baigne dans une pénombre imposée par les nécessités de la nuit écologique. C'est une ville hyper-mémorielle, célébrant et commémorant à tour de bras, la mairesse étant assistée dans cette tâche par une adjointe à la mémoire positive et un adjoint à la mémoire négative. De grands miroirs disposés aux angles des places offrent un reflet permanent de la ville à elle-même et se transforment, à l'occasion, en écrans faisant revivre les événements qui s'y sont produits dans le passé.
C'est dans ce cadre qu'évolue une petite troupe emmenée par Gaby, vénérable centenaire qui préfère se dire séculaire. Les amis forment une société des lecteurs nocturnes qui se retrouve dans la BN de la rue de Richelieu, définitivement abandonnée et qu'ils entreprennent dérisoirement de repeupler de livres. On les suit encore à la célébration de la fêt' nat' place de la Bastille, sur les quais pour une parade nautique mouvementée, sur la tombe de Blanqui au Père-Lachaise, dans le vieux métro désaffecté... Partout se croisent des 'ironistes' multipliant les manifestations-surprises, des 'branchés' circulant d'arbre en arbre, d'énigmatiques capuchonnés ou des agents double du pouvoir fomentant attentats et actions d'éclat.

Plus qu'une œuvre d'anticipation et encore moins de prospective, ce roman est une fable qui met en scène des représentations ou des fantasmes attachés de longue date à Paris ; la prédiction est ici autant celle du passé que celle de l'avenir ! Rien ne change mais tout change. Servi par une écriture musicale et poétique, ce tableau est celui d'un rêve éveillé, animant un paysage qui nous semble aussi familier qu'onirique.

Je ne lis quasiment jamais les résumés de quatrième de couverture et avais donc à peine survolé celui-ci, c'était mon dernier choix, celui du coup de tête et du hasard lors d'une opération masse-critique de Babelio. Je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre et je ne regrette pas cette découverte, qui s'est révélée vraiment étonnante, mais je ne vous cache pas qu'elle m'a laissée perplexe.

Paris en 2040 est un ouvrage aussi difficile à résumer qu’à expliquer, entre le roman, l’exercice de style et l’essai, à la fois fugue temporelle (et intemporelle, car l’auteur semble aimer les paradoxes), guide touristique imaginaire d’un Paris futur, voire fable philosophique. On peut dire qu’il s’agit d’anticipation, mais je me verrais mal le qualifier de science-fiction. C’est également une réflexion philosophique sur notre société, actuelle et potentielle, nous offrant un bond le temps qui nous propulse vers un Paris à la fois étranger et très crédible.
Les personnages principaux de ce roman sont Paris, bien entendu, et Gaby Lavoipierre, centenaire, non pardon « séculaire » amateur de livres, autour duquel se masse une troupe d’amis hétéroclite. Et Gaby en a vu des Paris, tous différents, tous semblables… Il se confond avec la ville, avec l’air du temps, mais apporte avec lui la mémoire, le goût du passé qu’il transmet au présent.
Il n’y a pas vraiment d’histoire, juste l’Histoire, vraie comme fausse, et des histoires, importantes ou pas. C’est typiquement le genre de livre que l’on adore ou que l’on déteste, pourtant je suis restée entre les deux. J’aurais pu, j’aurais dû, adorer cet ouvrage, mais ça n’a pas été le cas. Je ne suis pas sûre de parvenir réellement à vous en faire partager les raisons, mais si la première partie fut très agréable à lire, la seconde est beaucoup moins bien passée. Les effets de style, agréables au début, sont devenus par la suite très lourds et trop d’ironie, trop d’absurde, même pour moi, un récit trop intellectualisé ont eu raison de ma patience. J’ai lu, mais me suis ennuyée, mon intérêt n’étant avivé que par touches, de plus en plus ténues à mesure que j’avançais, péniblement, dans ma lecture.
Le style m’a séduite d’emblée, cela est certain, et je l’ai apprécié presque d’un bout à l’autre du roman. C’est tout à fait le genre d’écriture que j’aime, un style riche, poétique, mélodique et un peu joueur. L’écriture d’Arthur Bernard est enlevée, ciselée, précise, mais aussi joyeuse et taquine ; l’auteur ne perd jamais une occasion d’extrapoler ou de partir en vrilles. Il digresse, laisse les mots s’envoler et virevolter au rythme de Paris, des événements comme des personnages que nous accompagnons et des rues par lesquelles nous passons. C’est beau, c’est intelligent et étonnant, mais ça devient vite un puits sans fond dans lequel résonnent toujours les mêmes échos, épuisant le lecteur à mesure qu’ils se répètent.
L’histoire elle-même se répète, s’entortille, s’embrouille, se torpille même, secondée efficacement par l’écriture donnant dans l’art de perdre le lecteur. Je l’ai dit on aime ou on n’aime pas, c’est une lecture qui demande des efforts, en plus d’un esprit pleinement alerte et disponible, qui a envie de battre la campagne (ou plutôt les pavés) dans l’absurdité et la bonne humeur, mais sans jamais cesser de réfléchir.
Je comprends la démarche intellectuelle, enfin en grande partie, mais n’y trouve pas tant d’intérêt que cela, or l’histoire n’a sans elle pas beaucoup d’épaisseur. L’esprit de Gaby, libre penseur qui aura cent ans en 2040, se laisse glisser vers ce Paris potentiel, peut-être même probable et en tout cas crédible, comme dans un univers parallèle.
Et Gaby, ou son sosie, avec sa bande de copains de 2040 fait ou refait le monde selon les occasions et nous balade à sa suite dans Paris bis. Les personnages et les jours filent, six mois du Paris de 2040, si différent et si héritier de notre Paris actuel. Car on ne s’y trompe pas, c’est bien Paris le personnage principal, avec l’histoire de Gaby qui se mêle à la sienne, pas l’inverse.
J’en retiendrai des choses intéressantes et si la fin du monde n’arrive pas en décembre 2012, ne serai pas pressée de voir venir l’année 2040, même pour une réunion des lecteurs nocturnes car je suis persuadée que dans l’immensité de tous les possibles, celui que ce livre nous décrit reste en grande partie très plausible, aussi dérangeant puisse-t-il être…
Paris en 2040 est une bizarrerie, une lecture déroutante et inclassable, un rien trop « branchée » pour moi faut-il croire, même si je dois reconnaître que le tout est savamment pensé, parfaitement construit et très bien écrit.



tous les livres sur Babelio.com

vendredi 9 novembre 2012

A quel point suis-je accro aux livres ?

Questionnaire originellement publié sur A blog ouvert.

1) La première chose que vous regardez en arrivant chez quelqu’un, c’est sa bibliothèque.
Effectivement. Je vais m'approcher, me tordre le cou pour lire les titres sur les tranches, mais je ne toucherai pas aux livres car je n'aimerais pas qu'on le fasse sans invitation chez moi.
On peut apprendre beaucoup de choses sur les gens en regardant leur bibliothèque, mais je ne les juge pas vraiment là-dessus. La mienne n'est pas forcément très représentative car je garde tout, y compris les cadeaux bizarres et les livres que je n'ai pas aimés. De même, je ne jugerais pas mal une personne qui "n'expose" pas ses bouquins dans son salon, les miens étant bien à l'abri loin des regards indiscrets du commun des visiteurs.

2) Vous êtes déjà tombée amoureuse d’un personnage imaginaire.
Trop souvent pour me considérer saine d'esprit.

3) Vous tenez un blog littéraire / faites partie d’un club de lecture / êtes inscrit sur un site de critiques littéraires.
Oui aux trois.

4) Vous aimez sentir l’odeur d’un livre.

Oui, c'est une part non négligeable de ma livropathie, même si les vieux livres me provoquent des allergies.

5) Lorsque vous voyez quelqu’un lire votre livre préféré, vous êtes certain qu’il existe un lien invisible entre vous.
Je n'irais pas jusque-là, mais disons que ça peut encourager une certaine sympathie de prime abord.

6) Après avoir vu un film, vous avez déjà prononcé une phrase commençant par « oui, mais dans le livre… »
Trop souvent. Je pense que je préfèrerai toujours le livre à l'adaptation, même si je la vois avant de le lire.

7) Vos livres préférés ont une place de choix sur vos étagères.
Oui, mes livres préférés sont normalement ensemble, dans une zone bien définie de la bibliothèque qui échappe à toute logique, à tout désir d'esthétisme et de gain de place. Et je dirai même que tout s'articule autour de cette zone, un peu comme si elle était en fait le centre d'un système solaire qui serait lui-même organisé en strates, un peu à la manière de l'atmosphère.
De là à dire que ma bibliothèque est peut-être l'estomac d'un dragon, il n'y a qu'un pas.

8) Vous avez déjà manqué votre arrêt de métro/bus/tramway… tellement vous étiez plongé dans votre livre.
Je ne prends quasiment jamais les transports en commun. Mais j'ai oublié l'heure et des trucs que je devais faire, laissé des plats presque brûler dans le four et du thé infuser si longtemps qu'il en est devenu imbuvable même pour moi. Ça compte ?

9) Vous avez déjà pleuré ou ri en public à cause d’un livre.

Oui.

10) En librairie, vous avez déjà conseillé un client un livre et pourtant, vous n’êtes pas libraire.
Oui aussi, mais uniquement parce qu'on me l'a demandé. Il est même arrivé que ce soit le ou la libraire qui dise au client de me poser la question ou qui me demande personnellement un conseil...

11) Après avoir eu un coup de cœur pour un livre, vous vous renseignez sur l’auteur et achetez ses autres livres.
Oui, bien que de manière sans doute moins radicale la plupart du temps, plus progressive.

12) Vous achetez des livres alors que votre pile à lire atteint des sommets.
J'en ai honte, mais oui, il y a des fois où j'ai du mal à suivre...
Je ne faisais pas ça avant, mais les livres que je veux ayant souvent tendance à disparaître du marché du jour au lendemain, je préfère passer pour une compulsive qu'avoir des regrets.

13) Vous avez déjà attendu plusieurs heures pour vous faire dédicacer un livre.
Non. J'ai fait des choses assez dingues pour me procurer certains livres et je pourrais probablement attendre des heures pour une dédicace de certains auteurs, mais il n'y en a pas tant que ça au final.

14) Il vous arrive de lire pendant votre pause déjeuner.
A moins d'être vraiment très fatiguée ou d'avoir de la compagnie, je lis toujours à ce moment-là.

15) On vous offre régulièrement des livres pour vos anniversaires et ça vous fait plaisir.
Oui ! Et j'encourage cordialement mes proches à ne m'offrir que des livres. A la rigueur j'accepte le thé. :P
Mais il y a des personnes qui pensent que les livres sont une punition et persistent à m'offrir des trucs hideux que je ne porterai jamais ou des produits de beauté blindés de substances chimiques douteuses... C'est trop injuste...

16) Vous vous êtes déjà promis « à la fin de ce chapitre, j’éteins la lumière », et vous ne l’avez pas fait.

Tellement souvent...

17) Vous connaissez ce sentiment de tristesse lorsque vous venez de terminer une saga.
De tristesse, oui, mais aussi parfois de soulagement quand je suis arrivée sans encombre à la fin. Je crains plus la déception qu'autre chose. De bons écrits resteront dans mon imaginaire longtemps après le point final, ce qui n'est pas une fin en soi.

18) Vous avez déjà relu un livre.

Bien sûr et certains même plusieurs fois.

19) Quand vous êtes dans une librairie, il vous arrive de toucher les livres que vous possédez ou que vous aimez, en signe de reconnaissance.
Maintenant que j'y songe... Oui, je le fais, je passe mes doigts sur la tranche, mais c'est probablement plus une pensée affectueuse inconsciente qu'un "signe de reconnaissance". Et ça me confirme que je suis vraiment cinglée...

20) Vous avez déjà repoussé un rendez-vous pour finir un livre.
C'est peut-être arrivé, faut jamais dire jamais, mais ça m'étonnerait de moi.

21) Parfois, vous citez des passages de vos livres préférés dans votre vie quotidienne.
Peut-être bien. Là tout de suite je n'ai pas d'exemple. Mais je sais que je fais souvent référence à des ouvrages que je sais que mon interlocuteur a lus.

22) Vous lisez en VO car vous êtes incapable d’attendre la sortie en français d’un livre attendu.
Ça m'est arrivé, mais le plus souvent parce que la suite n'allait jamais sortir en VF. Quand je commence une série dans une langue, je la continue dans cette langue.
Et puis bon ça dépend aussi de la langue d'origine, je n'aime pas particulièrement lire en anglais, alors que si le bouquin est en espagnol je vais me diriger dès le départ vers la VO.

23) Vous avez déjà passé plusieurs heures dans une librairie, et ce volontairement.
Oui.

24) Vous avez déjà continué à lire votre livre en déjeunant/vous brossant les dents/promenant le chien/vous séchant les cheveux…, incapable de vous arrêter.
Oui et je me suis même planquée au boulot pour continuer à lire, mais chut, faut pas le répéter...

25) Vous avez déjà lu un livre d’une traite.
Oui. Je me souviens notamment d'un livre que je n'étais pas censée commencer. Je l'ai ouvert, mon regard a accroché les premiers mots et je ne l'ai plus refermé avant d'en avoir lu les derniers. J'ai envoyé paître toutes les personnes qui m'ont dérangée entre temps et de la fin d'après-midi je suis arrivée au milieu de la nuit sans m'en rendre compte.

26) Vous ne comprenez pas comment certaines personnes n’aiment pas un livre alors qu’elles ne l’ont pas lu.
Ce que je ne comprends pas, c'est surtout qu'on puisse se permettre de critiquer ce que l'on n'a pas lu. Il est humain, bien que pas forcément très intelligent, d'avoir des a priori et normal d'éviter ce que l'on sait ou devine être une perte de temps pour soi, mais dire d'un livre que c'est de la merde sans même l'avoir ouvert, non.

27) Vous avez tendance à conseiller des lectures à votre entourage, voire même à prêter des livres à vos proches.
Je conseille, mais uniquement si on me demande ou que la conversation s'oriente sur les livres que l'on a aimés ou non, mais je ne prête plus mes livres.

28) Vous avez déjà eu des débats sur des livres (Team Peeta vs Team Gale, l’épilogue d’Harry Potter, …)

Oui, c'est là tout le plaisir de partager des lectures avec des amis.

29) Vous plaignez les gens qui n’aiment pas lire.
Sans doute. Les livres m'ont apporté tellement de choses, qu'il s'agisse de réflexion, de prises de conscience, d'émotions ou tout simplement de bons moments que je n'imagine pas m'en passer. Mais je vois les choses avec mon regard de lectrice...

30) Vous vous êtes reconnue dans plusieurs de ces affirmations.
Dans la plupart. Cela veut sûrement dire que je suis accro aux livres, mais ça je le savais déjà. Je mesure juste un peu plus à quel point je peux paraître étrange aux yeux de quelqu'un qui ne lit pas.

lundi 5 novembre 2012

Métaphysique du vampire

Un roman de fantasy urbaine écrit par Jeanne-A Debats et publié aux éditions Ad Astra.

*
Raphaël est un drôle de vampire. Non seulement il est vieux et immortel, mais il entretient un rapport ambigu avec le Vatican. Pour tout dire, il travaille en sous-main pour lui… comme espion assassin. Normal, avec ses dons de vision, ses capacités surnaturelles, il ne peut être qu’un agent hors normes ! Or, voici qu’il se rend au Brésil, mis sur la trace d’une autre créature de la nuit dangereuse, qu’il doit capturer… ou éliminer. Accompagné d’un prêtre, Ignacio, et d’une vampire, Dana, le voici embarqué dans une sombre aventure où la moindre erreur de jugement peut se révéler fatale. Mais Raphaël pense. Lui.

Avec Métaphysique du Vampire, Jeanne-A Debats nous livre un roman d’aventures fantastique efficace, roublard, au langage… mordant. Ou comment Audiard rencontre Joss Whedon. Pour le meilleur, bien sûr !


« Pour vivre heureux et immortels, vivons stupides. »
C’est la devise de Raphaël, vampire à la fois enquêteur et assassin à la solde du Vatican, sauf qu’il n’est pas vraiment stupide, il essaie simplement de ne pas gamberger, ce qui n’est pas évident après cinq cents ans d’existence. En cela, il est un vampire très crédible qui tranche avec les actuels représentants de son espèce qui, de roman en roman, se ressemblent tous. Je suis persuadée qu’on ne pourrait pas survivre tant de temps, avec un cerveau humain malgré tout, sans une certaine dose de dinguerie et qu’il n’y a pas d’autre moyen que d’apprendre à la gérer avec des manies, des troubles de l’attention ou une superficialité exagérée. C’est ce qui peut paradoxalement permettre de supporter toutes les informations qu’on engrange, ces nouvelles choses que l’on doit apprendre. Même le sommeil fait défaut à Raphaël, son esprit ne se repose jamais, il y a là de quoi définitivement lâcher la rampe à la première occasion.
J’ai beaucoup aimé cette façon d’envisager le vampire et j’ai trouvé un certain intérêt à la manière dont l’auteur intègre les différents panthéons à sa mythologie personnelle, à la construction de son background et aux différentes magies présentes. Métaphysique du vampire est un roman d’urban fantasy sortant résolument de l’ordinaire, tenant un peu du polar à l’ancienne. Il faut dire que l’époque à laquelle se passe l’histoire se prête particulièrement à ce métissage des genres. Ce roman rappelle un peu James Bond, mais en prenant à contre-pied presque tout ce qui fait les aventures du personnage.
Comme Raphaël est le narrateur, qu’il est relativement égocentrique et qu’en plus le roman est fort court, les personnages secondaires sont peu développés, mais pas laissés de côté. Ils sont présents juste ce qu’il faut. Bien évidemment notre vampire est au centre de l’histoire et se révèle être un personnage attachant malgré son détestable caractère. Arrogant, un brin capricieux et puéril, égoïste et solitaire, il cache son humanité derrière ces défauts pour mieux survivre au temps qui passe. Il a une tendance prononcée à la digression et aux bavardages futiles qui nous font sentir qu’il se promène sur un fil ténu, pouvant basculer à tout moment, prisonnier de son propre esprit et parfois même de celui des autres, car Raphaël a un don très spécial qui lui vaut autant d’ennuis que de facilités dans son travail.
Il est en outre très lucide, peu complaisant envers lui-même comme envers autrui, ses défauts sont parfaitement assumés. Aussi cynique que sarcastique, son humour et sa gouaille le rendent très plaisant à suivre.
L’histoire en elle-même est excellente et bourrée d’action, même si elle se révèle un peu prévisible cela n’a guère d’importance car on se laisse très vite emporter et le tout est extrêmement bien construit. C’est un récit qui sous des dehors de littérature de divertissement donne à réfléchir, notamment sur les notions d’humanité et de monstruosité.
Du point de vue de la forme, la narration selon Raphaël est aussi très intéressante et originale car l’histoire n’est pas découpée en chapitres et ne connaît que très peu d’interruptions. On la suit d’un bout à l’autre, comme ce vampire qui ne dort jamais réellement. Ça colle parfaitement avec le personnage, pour lui cette aventure dans son ensemble n’est qu’un court chapitre de plus dans sa très longue vie. En théorie, l’idée est vraiment très séduisante et je l’ai appréciée car elle renforce la crédibilité du récit, mais en pratique ce procédé peut se révéler étonnamment troublant à la lecture. J’ai peut-être ressenti les choses ainsi parce que j’étais fatiguée quand j’ai lu ce texte et donc sujette aux troubles de l’attention. Dans ces cas-là, les chapitres courts me donnent l’impression de me reposer, même si je lis autant et sans réelle interruption que je l’ai fait avec Métaphysique du vampire. Le fait que le roman soit court a donc été un avantage dans ce cas précis. Comme quoi, on s’attache parfois beaucoup aux détails… En tout cas ça m’a permis de mieux comprendre la façon dont Raphaël vivait cette fatigue mentale qui s’accumule.
Enfin, si vous cherchez un roman d’urban fantasy qui se lit très vite sans être creux ou banal, foncez chez votre libraire vous procurer Métaphysique du vampire qui, j’en suis certaine, vous offrira un très bon moment de lecture et vous donnera envie d’en savoir beaucoup plus sur son énigmatique narrateur.

À noter qu’il y a, à la fin de l’ouvrage, une très intéressante interview de l’auteur.

dimanche 4 novembre 2012

Brume

Un recueil de nouvelles d'Estelle Valls de Gomis.



"Au fil des jours, pourtant, il continua de rétrécir, de devenir transparent, de fondre, en somme, tel un glaçon dans un verre d’eau.
J’étais catastrophé, ne sachant que faire, changeant son eau de plus belle ou ne la changeant plus, afin de voir ce qui lui convenait mieux, achetant des fortifiants pour plantes que je mêlais au bain, rajoutant ou enlevant certaines de celles qui lui servaient de compagnie, laissant entrer plus ou moins de soleil ou d’air : rien n’y fit. Il fondit bel et bien et finit par se dissoudre dans le bain, ne laissant derrière lui qu’une bague d’or blanc ciselé, ornée d’une émeraude au teint glauque, et que je ne lui avais jamais vue."


Sommaire :
- Brume (inédit)
- Trépassez devant, je vous suie... (in Charlotte Bousquet éd. Plumes de Chats, éditions Rivière Blanche, 2009)
- Le Manoir dans le cimetière (in Lucie Chenu éd., (Pro)créations, éditions Glyphe, 2007)
- Les derniers mots de Poe (inédit)
- Le Baiser de la Fée Verte (in Alain Pozzuoli éd., Tatouages : une histoire et des histoires, éditions Les Belles Lettres, 2005)
- Turquoise (in Léa Silhol éd., Emblèmes hors-série #2 : Les Fées, éditions Oxymore, 2004)
- Cuisse de nymphe (in revue Monk n°2 : Ils se déshabillèrent parmi les tombes, 2007)
- Double, rouge, impair et passe (in revue Monk n°1 : Rouge, 2007)
- La Disgrâce de Lord St Reeve (in revue Univers VI, Outremonde.fr, 2008)
- L’Oiseau-Tonnerre (in magazine Elegy n°45, 2007)
- En attendant Louis (in Charlotte Bousquet éd., Le Crépuscule des loups, Le Calepin Jaune Editions, 2008)

*

Quand j’ouvre un des livres d’Estelle, j’ai toujours l’impression de rentrer à la maison après une longue balade automnale sous la bruine. Je m’installe près de la cheminée et étire mes membres engourdis par le froid, heureuse de retrouver la chaleur du foyer. C’est peut-être parce qu’elle écrit ce fantastique à l’ancienne que j’aime tant et qui se fait si rare de nos jours qu’il en vient à me manquer terriblement, mais aussi, sûrement, par la grâce délicate de son écriture qui est élégante tout en ne mettant pas le lecteur à distance et qui me fait me sentir chez moi.
J’aime la subtilité de son humour, de ses clins d’œil, et aussi son optimisme. Le fantastique est très souvent glauque, il montre le pire de l’humanité, et si je l’aime aussi pour ça, j’ai besoin de celui d’Estelle pour contrebalancer, pour me rappeler que même dans les situations les plus tristes et sombres, il reste un peu d’espoir. Elle nous montre que derrière ce qui angoisse parfois le plus l’être humain se cachent aussi de belles histoires.
Ce recueil, je l’ai longtemps attendu et il a été à la hauteur de mes espérances. Si je connaissais déjà certaines des nouvelles qui le composent, c’est avec plaisir que je les ai relues, notamment Trépassez devant, je vous suie (publiée précédemment dans l’excellente anthologie Plumes de chats que je vous conseille chaleureusement) et la magnifique En attendant Louis. Ce fut un plaisir de découvrir des textes inédits (Les derniers mots de Poe est un texte très prenant) et d’autres qui m’avaient échappé au moment de leur publication, surtout L'Oiseau-Tonnerre et La Disgrâce de Lord St Reeve. J’ai également eu un grand coup de cœur pour Brume, la nouvelle inédite qui ouvre le recueil et lui donne son titre.
J’ai savouré cette lecture à sa juste valeur et espère que vous en ferez tout autant car chacune de ces nouvelles mérite d’être découverte et appréciée.

Vous pouvez vous procurer cet ouvrage sur le site de TheBookEditions.

samedi 3 novembre 2012

Contes du monde

Une anthologie publiée aux éditions du Riez.

Ce recueil constitue une fresque -émaillée de maints récits, de légendes oubliées, de contes modernes- de toutes les croyances, de tous les pays, de tous les temps. Une lecture passionnante sur un sujet ancestral.

Sommaire :
- L’Oiseau Roi & le Lion Magicien de Cyril Carau
- Viva Amor de Céline Guillaume
- L’Echine du Monde d'Yves Crouzet
- Vie & mort du Soleil de Vincent Milhou
- La fille aux clous d'Ambre Dubois
- Coccinelle de Christophe Nicolas
- L’histoire du chanteur mélancolique & de Jacques le dresseur de Feux Follets de Nico Bally
- Nach dem Krieg de Charlotte Bousquet
- Les Cinq Génies de Gabriel Feraud
- L’aquarium de Jules de Maëlig Duval
- Miroir Lune d'Andoryss Mel
- Tsigana – la Ballade de Katerina de Sandrine Scardigli
- Le Long Puits de Pierre Brulhet
- Vassilissa & le cavalier de l’aube d'Olivier Boile
- Des vacances si excitantes d'Elisa Dalmasso

De Berlin à Bagdad, en passant par la France, la Sibérie ou encore la Grèce, Haïti et Bahia, que ce soit à notre époque, en des temps immémoriaux ou même dans le futur, les auteurs de cette anthologie nous entraînent à la découverte d’un monde aux multiples dimensions, tout en nuances. Ces contes modernes prennent quelquefois leurs racines dans les mythologies ou les légendes des pays qu’ils nous font visiter, d’autres s’en détachent, certains en créent de nouvelles… Ce sont des textes très variés. On passe ainsi de contes porteurs d’espoir et chaleureux à d’autres plus obscurs, parfois effrayants ou tout simplement tristes. Qu’ils soient emplis de magie, bonne ou mauvaise d’ailleurs, ou des plus terre-à-terre ces récits sont toujours passionnants et poétiques.
Certains m’ont bouleversée, comme ceux de Charlotte Bousquet et d’Elisa Dalmasso, d’autres m’ont laissé le goût doux-amer de la tristesse et de l’espoir mêlés comme Coccinelle, que j’ai vraiment beaucoup aimé, ou encore L’échine du monde. J’ai particulièrement apprécié la poésie du texte d’Andoryss ou la délicieuse absurdité de celui de Cyril Carau et la magnifique Ballade de Katerina de Sandrine Scardigli. Je sais aussi que je me souviendrai encore longtemps de L’aquarium de Jules de Maëlig Duval qui m’a particulièrement touchée.
Il serait long et délicat de parler de chaque histoire présente dans ce recueil, pourtant j’en ai apprécié chacune, même celles que je ne mentionne pas dans cette chronique. C’est très rare pour une anthologie car il y a toujours quelques textes qui laissent au moins indifférent, quand ils ne déplaisent pas carrément.
Avec ces contes-là, on expérimente la lumière et l’obscurité, d’un seuil à l’autre, en même temps que l’on explore notre planète et on se rend compte que l’une comme l’autre sont les conséquences des choix que l’on fait.

A noter que 3€ sur chaque exemplaire vendu sont reversés à l'association Bibliothèques sans frontières.

vendredi 19 octobre 2012

Les Îles Glorieuses T1 : Clairvoyante

Premier volume d'une trilogie de fantasy de Glenda Larke, disponible en format poche chez J'ai Lu.



Quatrième de couverture :
A peine débarquée sur la Pointe-de-Gorth, domicile des pires criminels de l'archipel des îles Glorieuses, Braise Sangmêlé se rend compte que quelque chose ne tourne pas rond : son enquête - mettre la main sur une drôlesse réfractaire au mariage - se heurte au mutisme des matelots, et une odeur inquiétante de magie carmine semble s'attacher au moindre de ses pas. Car, en plus d'être une combattante hors pair, Braise possède le don de Clairvoyance qui lui permet de voir la magie à l’œuvre. Quoique très utile, ce talent fait d'elle une cible de choix pour les sorciers de tout poil qui n'apprécient guère qu'on se mêle de leurs projets. Autrement dit, Braise s'est encore mise dans de sales draps...


C'était le livre du club de lecture de Vampires et Sorcières pour le mois de septembre. Et moi je suis plus qu'en retard dans la rédaction de mes chroniques car il a été lu dans les temps...

Clairvoyante fut une lecture relativement divertissante, mais loin d’être exceptionnelle.
Si l’univers dans lequel se déroule l’histoire est intéressant, je ne l’ai pas trouvé assez développé à mon goût. Il y avait du potentiel dans ces îles habitées de peuples ayant chacun leurs caractéristiques et leurs façons de vivre, mais en refermant ce premier tome on a appris beaucoup de choses inutiles, comme tout un tas d’expressions relatives à la faune locale qui, pour imagées qu’elles sont, n’ont pas grand intérêt, et peu de choses vraiment originales.
Le tout est extrêmement manichéen, à l’image de l’usage de la magie dans les îles. Il y a la bonne magie sylve de couleur bleue qui guérit, protège et produit des illusions et la mauvaise magie carmine qui blesse, entrave et… produit des illusions. Au milieu de tout ça nous avons les clairvoyants qui sont en quelque sorte neutres, ils peuvent voir la magie, mais ne sont pas affectés par elle. Et cela, métaphoriquement, vous donne une idée assez précise de ce qui fait tout le reste du roman…
Cela se répercute dans la religion, qui a un goût terriblement agaçant de chrétienté, mais aussi dans les personnages. On a des marginaux très gentils et des souverains tarés, pervers et incapables, des méchants ultra-méchants (je soupçonne le grand méchant de l’histoire d’avoir une bonne raison qui serait alors un cliché du plus mauvais goût), des faux-gentils qui sous couvert d’aider leurs semblables veulent prendre le pouvoir et des faux-méchants adorables… Ça devient très vite exaspérant et l’histoire en elle-même n’apporte pas de réel engouement au lecteur qui en a déjà tant lues de semblables.
L’originalité majeure de cette trilogie de fantasy réside dans la présentation du récit en lui-même. Des événements importants dans l’histoire des îles nous sont contés des années plus tard par des personnages qui les ont vécus de près et sont compilés par des ethnologues Kellois qui, ayant découvert les îles depuis peu, ont décidé d’en étudier les peuples.
Et l’originalité s’arrête là, car le filon n’est pas très bien exploité et manque cruellement de profondeur. Ces ethnologues de terrain qui se montrent pourtant si novateurs face à leurs collègues traditionnalistes en voulant recueillir le témoignage des îliens n’en sont pas moins très obtus et méprisants. Ça émousse évidemment le potentiel d’une telle histoire car, au-delà des réflexions scandalisées de l’ethnologue responsable de la mission et de ses collègues dans les lettres qu’ils s’échangent et de quelques interrogations qui n'amènent que des réponses peu développées, ils font surtout office d’excuse pour expliquer au lecteur certains partis pris de l’auteur et restent très en retrait.
Les lettres ne font donc que ponctuer le récit qui nous est fait, à la première personne, par Braise Sangmêlé, clairvoyante qui n’a survécu que grâce à son don et sa ténacité dans ce monde si injuste envers les métis.
Du coup, je vais me permettre une petite digression que m’inspire le côté bien-pensant de cet ouvrage.
J’ai tendance à croire qu’un auteur qui veut assortir son récit d’une leçon sur les valeurs morales ne devrait en aucun cas se montrer sentencieux. Ce roman-ci ne nous épargne aucun discours grandiloquent sur des choses que, si nous avons un minimum de cervelle, nous savons déjà. Quand les auteurs de fantasy comprendront-ils que le lecteur n’est pas idiot, que montrer suffit et qu’on peut se passer du cours magistral ? Je ne suis pas contre le fait que les personnages, en s’impliquant, fassent de véhéments discours, mais il y a des limites à ma patience.
Hum, reprenons, ça vaudra mieux…
Braise est un personnage plutôt sympathique et c’est ce qui fait qu’on se laisse aller à apprécier une partie de l’histoire, mais elle n’est pas toujours très crédible. Elle est plutôt incohérente dans ses choix et réactions. Elle est censée se méfier de tout le monde et collectionne les amis de fraîche date pour qui elle se ferait tuer, entre autres choses... Sa façon de raconter les événements après-coup manque aussi très souvent de logique.
J’avoue avoir été séduite par le début du roman qui promettait un divertissement sans prétention, mais m’être très vite lassée à cause de tous les points évoqués plus haut, le manichéisme en tête, ainsi qu'à cause de la surenchère permanente de l’auteur qui finit par rendre les événements tragiques de moins en moins crédibles. Au début je pensais qu’elle ne faisait pas dans la facilité, puis je me suis rendu compte que si, mais pas de la façon habituelle.
Globalement, ce récit manque d’envergure et c’est bien dommage. Cependant, j’ai peut-être aussi été un peu influencée par le livre que j’ai lu en parallèle et qui, par contraste, était beaucoup plus profond. Aussi, je donnerai sa chance au volume suivant, en espérant y retrouver de façon plus marquée ce qui m’avait plu au début de ma lecture de Clairvoyante.

mercredi 10 octobre 2012

Le cycle de Lanmeur, intégrale T2 : Les Enfants du Léthé

De Christian Léourier, publié chez Ad Astra.


Présentation de l'éditeur :
Lanmeur, planète-mère du Rassemblement, poursuit son grand dessein de colonisation…
Sur ces deux planètes que sont Borgœt et Ti-Grid, sa domination est totale. Borgœt, la planète bagne, et Ti-Grid, la pacifique, en sont les exemples frappants. Tandis que depuis sa prison à ciel ouvert, le Camp 23, Garth survit aux côtés de l’étrange Iwerno et tente d’échapper aux effets du Léthé, la drogue de l’oubli, Skiath part en quête de son nom véritable, celui qui lui dictera sa propre loi, sur son monde où le Lagad, l’épice rituelle, apporte perception et vérité… Mais la seule issue possible, pour ces deux hommes, n’est-elle pas dans la révolte ?

Voici réunis pour la première fois en intégrales les romans du cycle de Lanmeur, pièce maîtresse de l’œuvre de Christian Léourier. Les Enfants du Léthé, qui contient Les Racines de L’Oubli, La Loi du Monde et Le Secret (nouvelle inédite), nous plonge à nouveau dans cette fresque monumentale, véritable classique de la science-fiction française. Avec Christian Léourier, nous embarquons à la rencontre de l’Autre, dans des récits où se déploient avec bonheur le talent d’imagination d’un Jack Vance, l’élégance d’écriture d’une Ursula Le Guin et l’intelligence de récit d’un Asimov.

C’est avec un peu d’inquiétude que j’ai ouvert ce second tome de l’intégrale de Lanmeur. Je craignais de ne pas retrouver la magie qui a fait du précédent volume un véritable coup de cœur, tour de force d’autant plus grand que chacun des trois textes composant Les Contacteurs a su me séduire à sa manière. Cependant, mon inquiétude était tout à fait vaine, la lecture de Les Enfants du Léthé fut tout aussi passionnante et enrichissante.
Le style de Christian Léourier est toujours très évocateur, subtil et poétique, c’est un vrai plaisir de le lire et de se laisser emporter par ses mots. Je vous avais parlé dans mon billet concernant le premier tome de cette étrange qualité descriptive de l’écriture qui rend très vivants et palpables certains moments, mais laisse volontairement dans le flou certaines choses afin, à mon avis, d’accentuer le côté un peu onirique qui surgit parfois dans ces histoires. J’ai retrouvé cela dans ce volume, bien que de manière un peu moins marquée dans son contraste onirique.
Si les trois romans du premier volume m’avaient inspiré des sentiments et des réflexions complémentaires s’inscrivant dans une certaine cohérence de pensée qui m’a permis d’en parler de façon globale, ce n’est pas le cas des trois textes qui constituent Les Enfants du Léthé, aussi vais-je devoir les distinguer les uns des autres dans cette chronique.

Le premier roman, Les Racines de l’Oubli, est aussi le plus long, il constitue la moitié de l’ouvrage à lui tout seul. C’est un texte fort en émotions et d’une profonde portée philosophique. Ma lecture fut intense, voire compulsive. Aussi effarante qu’elle est intelligente et bien construite, cette histoire m’a beaucoup apporté.
Les Racines de l’Oubli nous amène sur Borgoet, une planète de l’empire lanmeurien envahie par la jungle. Borgoet est une prison naturelle et pas seulement parce qu’on ne saurait s’échapper d’une planète sans astronef. La jungle, omniprésente, envahissante, est une véritable entité qui prolifère sans cesse. Lanmeur, qui veut s’emparer de ce monde, plus par fierté que par réel intérêt d’ailleurs, a besoin de le défricher et qui envoyer d’autre que des prisonniers sur cette planète hostile où même les plantes veulent votre mort, où cesser de travailler équivaut à être englouti par la jungle ?
Si j’avais été marquée par cette façon si vivante de décrire le froid qu’on peut le ressentir dans L’homme qui tua l’hiver, c’est l’enfermement, la sensation d’étouffer, qui m’a submergée en lisant Les Racines de l’Oubli. Au fur et à mesure de la lecture, on se sent piégé, comme les personnages, et on expérimente vraiment cette sensation de lutte permanente pour survire.
Rien que pour cela, ce texte serait impressionnant, mais il y a bien plus derrière les mots. J’ai été bouleversée, ce qui pour moi n’est pas un mot employé à la légère, par ce récit, par les questions qu’il pose comme par ses références subtiles à notre propre histoire mondiale, qu’il s’agisse de rébellions de nations plus ou moins jeunes, des dérives engendrées par ces révoltes ou encore de ces îles et colonies où l’on déportait bagnards et prostituées, orphelins et pauvres hères.
Ce roman nous parle de la construction de soi autant que de la construction du monde. Plutôt que de nous les décrire, Christian Léourier transpose les inégalités sociales de manière très intelligente et non sans une certaine ironie. Il nous fait nous interroger sur ce qui peut faire de nous quelqu’un de bien ou de mauvais, selon notre naissance ou les aléas de l’existence, mais aussi selon nos choix de vie, voire de survie.
Il est également question de notre rapport au passé car c’est souvent du passé que nous viennent les réponses, de l’expérience de nos ancêtres naît notre capacité à construire notre avenir. Quand on essaie de l’occulter, on n’a pas d’identité présente et donc pas d’avenir. Tout ce que Lanmeur a laissé aux bagnards de Borgoet est leur nom, mais c’est une coquille vide, la punition suprême pour certaines civilisations était d’être privé de nom et, par le fait même, d’identité. Ils vivent dans l’instant pour survivre, comme des animaux, mais en conquérant leur passé ils deviennent aptes à vivre et à avancer, ils redeviennent eux-mêmes.
D’une certaine façon, ce texte rappelle les mythes qui transparaissent dans les récits du volume précédent, mais d’une façon plus pragmatique, moins théorique et plus visuelle dirai-je, appliqués à des notions qui nous sont plus familières car reliées à notre propre histoire.
Au-delà de leur aspect religieux, les mythes répondent aux grandes questions que l’humanité s’est toujours posées : d’où venons-nous, qui sommes-nous et où allons-nous ?

Beaucoup de choses m’ont marquée dans ce texte et me donneront matière à réfléchir encore longtemps, de la condition des femmes aux affres de la révolte, en passant par la notion même d’humanité, mais ce que j’en retiendrai le plus c’est cette réflexion sur l’essence de la liberté. Est-ce que la liberté équivaut à pouvoir aller où l’on veut et faire ce que l’on souhaite ou est-ce simplement tout faire pour garder son libre-arbitre, choisir d’être soi dans chaque décision même si elle est mauvaise pour notre bien-être personnel ? Comment devenir, et de surcroît rester, un homme juste dans une société pourrie jusqu’à la moelle ?
Pour tout cela, Les Racines de l’Oubli est vraiment un magnifique roman.

La Loi du Monde est le deuxième texte de cette intégrale. L’histoire générale d’un monde y rejoint de nouveau la légende, bien que de manière beaucoup moins marquée que dans Les Contacteurs. Plus que la légende d’un peuple, il s’agit d’une légende personnelle, un mythe fondateur à l‘échelle humaine ou comment certains êtres sont voués à infléchir la destinée de leur peuple. C’est la quête identitaire d’un homme qu’on a voulu héros malgré lui.
Et moi je suis restée sur le bord du chemin, malgré tous mes efforts pour entrer dans cette histoire. J’ai su dès le départ que ça ne marcherait pas, sans pourvoir m’expliquer pourquoi. J’aime les quêtes identitaires en général, c’est un thème qui me parle et celle-ci est parfaitement structurée, très bien écrite et ne manque pas non plus d’intérêt. Elle avait vraiment tout pour me séduire, mais il n’y a pas eu d’étincelle. J’ai peiné à la terminer, même si elle n’est pas excessivement longue et que j’ai malgré tout beaucoup apprécié certains passages.
Je crois qu’au-delà de ma légère antipathie envers les personnages, ce qui m’a gênée le plus est que je ne parviens pas à trouver une logique à leur mode de vie, même une logique qui me serait incompréhensible et étrangère vaudrait mieux que l’impression que j’en ai gardé. Autant j’ai appréhendé d’une façon instinctive les Harnogéens et leur vérité, autant les Gridéens et leur loi me laissent dubitative. Les seconds me paraissent presque être un reflet perverti des premiers.
Comment peut-on appeler liberté le fait d’être prisonnier de sa propre nature ? Je veux dire par là une nature partiellement révélée et dont la muabilité n’est pas admise. Qui peut dire avec certitude quels choix entrent ou non dans sa vraie nature ? C’était sans doute trop subtil pour moi et du coup l’histoire m’a semblé un peu creuse, bien que je sache qu’il s’agit plus d’une impression provoquée par mon incompréhension que d’une réalité.
J’ai du mal à saisir quel peut être l’intérêt de s’enchaîner soi-même à une soi-disant loi personnelle qui ne serait pas sujette à l’adaptation ou de fondre son individualité dans le collectif si ça ne semble pas apporter autre chose qu’une extase fugace ou quelques sensations étrangères attrapées au vol qui nourrissent à peine l’expérience de ceux qui les partagent. Qu’y a-t-il de constructif là-dedans ? Pourquoi ce peuple qui expérimente une si forte cohésion sociale, une si grande conscience de son unité, ne semble rien en faire de constructif ? Pourquoi posséder la capacité d’une telle communion si au final une individualité bridée par sa loi vient empêcher la création de grands projets communs ? C’est trop contradictoire pour moi. Et quand je vois qu’ils se perdent à la moindre erreur de jugement, je ne donne pas cher de leur personnalité. S’ils sont peu prédisposés à la folie, leur identité semble néanmoins bien fragile.
Je me rends compte en écrivant cette chronique que c’est peut-être d’avoir lu La Loi du Monde après Les Racines de l’Oubli qui m’a perturbée car les deux parlent de liberté, mais d’une façon qui me semble si contradictoire qu’elle m’a peut-être choquée en fin de compte et empêchée de comprendre les Gridéens. Pourtant, c’est dans cette incompréhension que j’ai trouvé le plus d’intérêt à ce récit.

Le troisième texte, Le Secret, est une petite merveille de subtilité, de finesse et de sensibilité.
Je l’ai trouvé particulièrement plaisant et d’un style délicatement ouvragé. Il m’a rappelé la beauté si particulière de Mille fois mille fleuves.
J’aime beaucoup les multiples comparaisons que fait Léourier avec la nature, c’est particulièrement visible dans ce texte-là, mais la faune et la flore font partie intégrante de tous les romans qui composent le cycle de Lanmeur et ont toujours quelque chose d’intéressant à nous apprendre. C’est un thème riche de possibilités, qu’on suive la piste de la légende, de la métaphore, de l’animisme ou tout simplement de la biologie et on peut retrouver chacun de ces aspects dans Le cycle de Lanmeur.
Le Secret est une belle histoire de complicité, mais aussi, paradoxalement, l’illustration de la confrontation entre deux visions très éloignées du même monde. Un homme essaie de guider sa petite-fille, moitié Barth comme lui et moitié Lanmeurienne, de lui donner la clé d’un secret dont dépendra sa vie future, sans toutefois trahir son peuple.
Ce récit est magnifique et émouvant. On pourrait croire Ewith tiraillée entre ses deux cultures, mais au fond elle ne l’est pas tant que ça. Elle essaie juste de les fondre l’une en l’autre, d’être elle-même, en harmonie. Et j’ai adoré son grand-père, sa façon de dire les choses en en racontant d’autres, de vouloir transmettre à Ewith le savoir de son peuple tout en la laissant faire ses propres choix. Au final c’est peut-être lui le plus tiraillé des deux, entre un ordre ancien et un ordre nouveau.
Ce texte est fort court, un vrai condensé de perfection et de délicatesse après les tumultes présents dans les textes précédents et il est aussi, dans sa simplicité et les mystères qu’il ne dévoile pas, mon texte préféré dans Les Enfants du Léthé.

Encore une fois et de tout cœur, je vous conseille chaleureusement cet ouvrage.