mardi 29 septembre 2020

The Vampire Knitting Club T1

Un roman de Nancy Warren, chez Ambleside Publishing en version papier.
En numérique seulement en format kindle, avec un prix très avantageux pour le bundle des trois premiers tomes.
En audio chez Audible.

Lucy Swift a 27 ans et se trouve à un tournant de son existence. Elle a quitté son petit-ami volage, elle a perdu son travail et après un été passé sur un chantier de fouilles avec ses parents qui sont archéologues elle décide de trouver refuge chez sa grand-mère qui vit à Oxford où elle tient une boutique de laine. Lucy espère y faire le point tout en se laissant dorloter par mamie. Bien sûr cela ne va pas se passer comme elle l’entend et suite à un événement aussi inattendu que tragique, elle va devoir gérer la boutique de sa grand-mère. Or, si Lucy l’a souvent aidée dans sa jeunesse, elle ne sait pas du tout tricoter… Qui plus est, la situation lui semble étrange. Plein de petites choses ne collent pas.
The Vampire Knitting Club est un roman agréable. Je n’en attendais pas grand-chose. Je suis partie dans l’idée que ce serait distrayant et ce fut le cas. J’aime les histoires de sorcières, le tricot et les cozy mysteries, moins les vampires, mais ceux-là sont sympathiques. J’ai passé un bon moment avec cette histoire, cependant elle a quand même quelques défauts.
L’intrigue n’est pas très complexe. Elle est assez linéaire et on a envie de secouer Lucy quand elle oublie de poser des questions évidentes. Toutefois, il faut reconnaître que la pauvre a beaucoup de révélations à assimiler. On comprend très vite ce qui se passe et les révélations arrivent peut-être un peu lentement, mais ce n’est pas bien grave car on lit ce genre de romans pour l’ambiance plus que le suspense. On s’attache à Lucy et aux autres, puis on se laisse porter.
J’ai davantage été gênée par la magie, trop tape-à-l’œil à mon goût, que par le manque de relief de certains personnages. J’aime que les systèmes magiques mis en place par les auteurs aient une certaine logique et là c’est plutôt brouillon. Je verrai bien comment ça évolue.
Il n’y a pas de romance dans ce tome, mais on sent venir l’inévitable triangle amoureux… J’espère que je me trompe car les atermoiements ont tendance à me taper sur les nerfs.
Pour finir, je me dois d’ajouter que ce roman n’est pas traduit en français et je doute que ça arrive. Je pense connaître toutes les personnes francophones qu’un récit avec du tricot, des vampires et des sorcières pourrait intéresser… Il est assez accessible cependant.
Je lirai la suite, ce sera parfait pour me détendre entre deux pavés.

mercredi 23 septembre 2020

La femme au manteau violet

 Un roman de Clarisse Sabard, en papier et numérique chez Charleston, en audio chez Audible.

Présentation de l'éditeur :

2018. La vie de Jo vole en éclats suite à ce qui ne semblait être qu'un banal accident sans gravité ; pourtant, un scanner révèle qu'un anévrisme risque de se rompre à tout moment. Le neurologue lui laisse le choix : elle peut être opérée, mais les risques sont importants. Persuadée qu'elle va mourir, Jo se réfugie chez Victor, son grand-père.

Ce dernier va lui montrer un pendentif qu'il a reçu d'Angleterre quelques années plus tôt, avec pour seule explication ce mot griffonné sur une feuille : "De la part de Charlotte, qui n'a jamais oublié Gabriel. Ce souvenir vous revient de droit".

Victor lui révèle que Gabriel était son frère aîné, décédé lorsqu'il était enfant. Jo décide de se rendre à Ilfracombe, dans le Devonshire, afin d'aider son grand-père à résoudre ce mystère, et surtout, de réfléchir à la décision qu'elle doit prendre...

1929. Charlotte et son mari, Émile, quittent leur vignoble d'Épernay pour un voyage d'affaires à New York. Sur place, la jeune femme s'éprend de Ryan, un mystérieux homme d'affaires. Lorsqu'il se rend compte de cette trahison, Émile entre dans une rage folle, la frappe et la laisse pour morte. À son réveil, Charlotte se rend compte que son mari est parti ; pire, il lui a pris tous ses papiers. Elle est effondrée : son fils de dix-huit mois, Gabriel, est resté en France, et sans papiers, elle ne peut pas le rejoindre... 

J’écoute les livres de Clarisse Sabard quand j’ai envie qu’on me raconte une histoire sympa et positive, sans prise de tête. Cela me permet de faire d’autres choses en même temps, comme tricoter (je ne suis pas vieille !). Bref. Ses romans sont toujours basés sur une formule identique : une jeune femme un peu paumée se plonge dans le passé, qu’il s’agisse de son histoire familiale ou celle de quelqu’un d’autre, et trouve en se confrontant à ces révélations la force de reprendre sa vie en main. L’autrice alterne les chapitres à l’époque contemporaine, avec une ambiance feel good et romantique, et ceux qui en général se passent durant la première moitié du XXe siècle, avec leurs drames, coups du sort et personnages qui ne se laissent jamais abattre. Un peu cliché, je vous l’accorde, mais quand c’est bien fait, ça marche.
Sauf que là ça n’a pas marché. Pas du tout.
Entendons-nous bien, j’attendais juste quelque chose de distrayant et j’étais tout à fait prête à passer sur les bons sentiments un peu trop sucrés et les clichés à deux balles dans la mesure du raisonnable. Or, on a de loin dépassé le raisonnable avec des phrases toutes faites toutes les deux pages et des personnages insupportables. 
Ici nous avons Jo, la trentaine, qui découvre qu’elle peut mourir d’un jour à l’autre d’un anévrisme. Elle doit décider si elle veut se faire opérer ou non. Alors son grand-père ne trouve pas mieux que de l’envoyer en Angleterre déterrer un secret de famille, soit l’histoire de Charlotte, brutalement séparée de son bébé dans les années 30 par un mari violent et jaloux.
D’ordinaire, je préfère la partie contemporaine de ces romans, qui a un petit côté amusant alors que celle concernant le passé reste assez plate. Elle me fait souvent l’effet d’un compte-rendu manquant de profondeur et de sentiment. Cette fois ça a été l’inverse. J’ai apprécié Charlotte, même si au bout d’un moment tant de coups du sort tuent la vraisemblance. Enfin, allez, admettons. En revanche, pour ce qui est de Jo, de sa puérilité sans limite et de sa meilleure amie exaspérante, je crois n’avoir jamais rien lu (enfin écouté dans ce cas) d’aussi pénible. Rien dans cette histoire n’est crédible, même en faisant de très gros efforts (et c’est une personne qui a lu toute sa vie des romans dont la seule explication tient sur le « ta gueule c’est magique » bien pratique de la fantasy qui vous dit ça…)
Le récit est cousu de fil blanc et lardé de leçons de vie creuses. Cela donne des phrases comme : si cette épreuve te tombe dessus, c’est que tu as en toi la force de l’encaisser. Vous savez comment on appelle ce genre de réflexion ? Du positivisme toxique.
Ce roman m’a tapé sur les nerfs d’un bout à l’autre. S’il n’avait été en audiolivre, je n’aurais même pas pris la peine de le terminer.
La lectrice ne m’a pas aidée à apprécier davantage cette histoire. Angélique Heller a une jolie voix (selon mes critères très subjectifs), cependant son interprétation manquait de naturel et cela n’a fait que renforcer l’impression de superficialité que m’ont donné les personnages.

mardi 22 septembre 2020

Lectures automnales

L’automne est enfin là ! Et il va sans dire que c’est la meilleure saison.
Je me suis concocté une petite liste de lectures pour aller avec. Cette année on est plus dans le sombre et mélancolique que dans le cozy, mais c’est plus un manque d’idées qu’une question d’humeur, alors n’hésitez pas si vous avez des suggestions. 
J’ai aussi décidé d’être moins ambitieuse que pour ma liste estivale, dont j’ai lu quatre ouvrages sur la quinzaine que j’avais notés. Bon, à ma décharge, j’ai aussi eu des lectures hors programme. Je me réserve donc le droit de rajouter des trucs au feeling, comme d’habitude…

- Bénies soient vos entrailles de Marianne Stern
- Thorngrove de Cécile Guillot
- Orageuse de Joanne Richoux (oui il était déjà dans la liste estivale)
- Kra : Dar Duchesne dans les ruines de l'Ymr de John Crowley
- La captive de Dunkelstadt de Magali Lefebvre.
- Et comme tous les automnes j’ai une folle envie de lire ou relire Bradbury, je ne sais juste pas encore quoi.

Et vous, établissez-vous aussi des listes de lectures par saison ? Qu’avez-vous de prévu pour cet automne ?

lundi 21 septembre 2020

Ghost Love

Un roman de Loïc Le Borgne, publié chez ActuSF dans la collection Naos.

Présentation de l'éditeur :

La vie de Mathis a pris un tournant bien sombre depuis que son frère s’est tué en voiture. Oscillant entre soirées alcoolisées avec sa bande d’amis et job étudiant au journal du coin, son été s’étire dans la chaleur et la culpabilité.

Il dérive jusqu’à Éléonore, jeune femme pleine de charme et de mystères. Ses goûts, ses paroles, ses passions s’accordent à merveille à ceux du jeune homme, bien qu’elle refuse tout contact physique...

Sans cesse ramené au manoir abandonné du coin, Mathis s’embarque dans une histoire qui le dépasse, mais qui pourrait bien l’aider à panser quelques plaies.


It was a dark and stormy night… Eh oui, tout commence avec une tempête et une table qui tourne, le coup classique de l’histoire de fantômes, mais ne me dites pas que ce cliché ne réjouit pas tout amateur du genre qui se respecte. 
Mathis et ses amis sont de jeunes adultes qui profitent de leur été. Ils passent leurs soirées à s’amuser et refaire le monde. Comme ils ne sont pas du genre à parler et se plaindre sans rien faire, ils souhaitent s’opposer au rachat du château de la princesse Alice et de son domaine par un promoteur qui a pour ambition de le raser afin de construire un parc de loisirs. Certes la perspective de créer des emplois est alléchante, mais cela ne doit pas se faire au détriment de la préservation du patrimoine. Ils projettent donc d’occuper le parc pour faire entendre leur voix. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que l’enjeu de ce rachat n’est pas uniquement politique.
Ghost Love reprend les codes de l’histoire de fantômes, ce qui donne un récit moderne, mais avec ce petit côté suranné, nostalgique, un rien gothique qu’on aime trouver dans ce genre d’histoire. Malgré ce que le titre peut laisser présager, il ne s’agit pas d’une romance, bien qu’il y ait de l’amour dans ce récit. Je le qualifierai davantage de roman d’apprentissage. Mathis est à ce moment de la vie où l’on devient adulte. J’entends par là qu’il doit faire des choix, affirmer qui il est et surtout qui il veut devenir, mais aussi se défaire de choses qui l’empoisonnent. Il est à un carrefour et doit choisir son chemin, tout en acceptant les conséquences que ce choix aura sur son avenir. Cela paraît simple, cependant c’est loin de l’être. 
Assez mûr pour son âge car la vie ne l’a pas épargné, Mathis a aussi des goûts différents de ceux de ses amis, ce qui le place un peu en marge. Ces particularités auraient dû me le rendre sympathique, néanmoins il m’a semblé assez fade. C’est une question de sensibilité, je suppose. Je n’ai pas réussi à m’attacher à lui. En revanche, j’ai beaucoup aimé le personnage d’Alice et l’aura dont elle imprègne tout le récit. Lucien et ses compagnons m’ont aussi beaucoup émue. Malgré tout, ce n’était pas suffisant.
Le fait que certains fantômes soient des personnages historiques apporte du charme et de l’intérêt à l’intrigue. Cet aspect est celui qui m’a le plus intéressée. Cela étant, cette histoire ne m’a pas parlé. Parfois ça ne fonctionne pas et il n’y a pas de raison particulière. Ce roman est bien écrit. Il porte une réflexion profonde sur la vie et la mort, sur l’amour et les obsessions qui agitent l’âme humaine. Il n’était pas pour moi, mais je ne doute pas que d’autres l’apprécieront à sa juste valeur.

mardi 15 septembre 2020

L'Héritage du rail, La Dernière Geste T2

Un roman de Morgan of Glencoe, publié chez ActuSF dans la collection Naos.


Présentation de l'éditeur :
Alors que la nouvelle se répand en Keltia, Yuri, ramenée de force à l’ambassade du Japon, est déterminée à reprendre sa liberté malgré tout. Mais comment fuir, et où trouver refuge ? Seul le Rail semble désormais capable de lui donner asile...
Après les débuts en fanfare de la série La Dernière Geste de Morgan of Glencoe, romancière et harpiste professionnelle, voici enfin le deuxième tome très attendu des lecteurs et lectrices.
S’il y a bien une suite que j’attendais avec impatience, c’est celle-ci. J’ai abandonné mes lectures en cours — oui, j’en ai toujours plusieurs — et j’ai dévoré ce roman en trois jours. Pourtant c’est un petit pavé. Bon c’était aussi le week-end, j’ai renoncé à toute vie sociale ou presque et j’ai lu à m’en exploser le cerveau. Tout ça pour vous dire que mon enthousiasme n’a pas faibli de l’attente à la première page, puis de cette première page à la dernière.
J’aime cette saga, épique et ambitieuse, qui peut vous réconforter aussi bien que vous arracher le cœur. Morgan of Glencoe a travaillé ses personnages autant que son univers. Elle y a mis autant de patience que de réflexion. Cela se sent et est d’autant plus appréciable que ce livre est publié dans la collection Naos destinée aux adolescents. Je vous dis souvent tout le bien que je pense de cette collection, mais ce livre mérite que je me répète. On a besoin de plus de romans de ce type, des textes intelligents, poétiques et profonds qui effacent les barrières entre les littératures jeunesse et adulte, qui ne font pas dans l’hypocrisie ou le manichéisme.
Ce tome est celui des choix. Les personnages sont autant de pièces sur un échiquier et l’équilibre des forces s’est trouvé bouleversé par les événements du premier volume. Certains ont fait des choix qu’ils doivent maintenant affirmer et assumer, ce qui est loin d’être simple dans un climat où la moindre étincelle pourrait provoquer une guerre qui couve depuis trop longtemps.
Des personnages que l’on pensait secondaires émergent dans ce deuxième Chant. On en apprend davantage sur leurs motivations, mais aussi leur parcours. Je pense notamment à Gabrielle et Kenzô, mais aussi Aliénor. L’autrice laisse à chacun la possibilité de s’exprimer et gère de manière admirable toutes ces voix sans perdre de vue ses objectifs ni noyer son lecteur. C’est un réel tour de force car il y a vraiment beaucoup de personnages, sans compter ceux qui arrivent, et l’autrice nous démontre qu’on a tort de s’attendre à ce qu’ils ne fassent que de la figuration.
Voir évoluer tous ces personnages que l’on a appris à connaître et aimer est un plaisir. Certains se libèrent du passé, d’autres de leurs œillères. Tous avancent et tous sont passionnants à suivre. Même ceux que l’on se prend à détester ne sont pas totalement mauvais ce qui est très important à mes yeux.
J’aimais déjà Yuri, qui a tant évolué dans le premier tome. La petite princesse capricieuse et surprotégée est bien loin maintenant et la femme qu’elle est devenue n’en est que plus admirable. Ce qu’elle apprend sur elle-même dans ce tome ne lui confère que plus de valeur à mes yeux car je pense qu’on a besoin de davantage de personnages comme elle. Pourtant, il ne faut pas croire qu’elle est au centre du récit. Il n’y a pas un personnage principal autour duquel tout s’articule dans cette saga mais plusieurs et c’est ce qui lui confère une partie de son charme. J’avoue toutefois une petite préférence pour Yuri, Trente-Chênes et Alcyone.
Ce deuxième Chant laisse le temps aux lecteurs de se familiariser davantage avec ce monde et son contexte politique. On l’explore en profondeur et on peut appréhender, moins dans l’urgence que dans le premier Chant, l’importance des choix de toutes ces personnalités politiques, la place de Keltia et comment elle se maintient malgré l’hostilité des autres nations ainsi que la grande importance du rail, ressource stratégique dans ce statu quo.
Ce tome a tenu toutes ses promesses. J’ai ri, j’ai été émue. Je me pose autant de nouvelles questions que j’ai obtenu de réponses, mais, surtout, j’ai hâte de lire ce que les personnages feront de leur héritage. 

Défi Cortex catégorie auteur breton

mercredi 9 septembre 2020

Arts et Fantastique

Une anthologie publiée chez Voy'El.

Présentation de l'éditeur : 
S'inspirant des œuvres du XIXème siècle comme "La Vénus d'Ille" ou "Le Portrait de Dorian Gray", les auteurs de cette anthologie vous proposent de plonger dans des récits fantastiques où l'Art tient une place essentielle. Peinture, sculpture, musique, mais aussi art des masques, art culinaire ou des mosaïques, chaque texte vous permet de découvrir une histoire originale et extraordinaire.
Sommaire :

- Préface de Corinne Guitteaud
- La mort n'a qu'un visage d'Audrey Salles
- Ceci n'est pas un tableau de Julia Di Folco
- Golem d'Émilie Chevallier Moreux
- De l'autre côté de la nuit de Sylwen Norden
- Gasandji d'Hélène Goffart 
- Le chant du cygne de Florence Barrier
- La dame sur un lit de satin d'Aurélie Genêt
- Le jardin des statues de Sandra Tamburrini 
- Lune sur le Trieux de Jean-Pascal Martin 
- Fou à lier, fous alliés de Christophe Lesieur
- Fausses notes d'Éric Lysøe 
- Opéra tragique d'Irène Bourdin 
- Une mosaïque d'avenirs de Pascal Lemaire 
- Tendregorge, Lécheglotte et Croqueladent de Florent Paci
- Le fruit défendu de Lilian Devigne
- Le mur des Je t'aime d'Émilie Riger 
- Mademoiselle de Boisanteil et sa sœur de Pauline Sidre

Tableaux étranges, musiques obsédantes, statues vivantes et imagination débridée, le Fantastique s’est toujours nourri d’esthétique, du mystère de la créativité autant que d’objets d’arts exerçant leur fascination sur le monde. Il aime se regarder dans un miroir et montrer le sacrifice qu’implique la création, la folie sous le sublime et la crasse sous le vernis. Il mêle le beau à l’horrible pour mieux saisir son lecteur. 
L’art, quel que soit le support par lequel il s’exprime, recèle toujours une forme de magie. De la naissance de l’idée à l’élan qui permet de la réaliser, pour aboutir à un œuvre qui, peut-être, déclenchera toutes sortes d’émotions chez son public. Ce n’est jamais anodin. Parfois, une œuvre vous captive et alors comment se défaire de son sortilège ? Le Fantastique est une littérature de l’obsession.
La peinture, la littérature, la musique, le théâtre et tous les arts plastiques peuvent se changer en fugue ou cristalliser nos rêves comme nos cauchemars. Cela représente un inépuisable vivier pour l’auteur qui souhaite explorer les méandres de l’âme humaine.
La littérature fantastique et l’art ont donc de tout temps entretenu des rapports étroits. Et quand on pense aux classiques du genre c’est souvent la peinture qui vient à l’esprit avec Gogol, Wilde, Tuttle… Il y a tant de superstitions associées à la capture de l’image… Je craignais que dans cette anthologie l’art pictural écrase tous les autres et j’ai été ravie de constater que ce n’est pas le cas. La diversité des textes, autant au niveau de l’ambiance que des thèmes, m’a ravie.
Les thèmes évoqués sont classiques : obsessions, fuites dans des mondes oniriques, apparences trompeuses, folie ou inspiration divine, la mort qui rôde, les monstres qui s’invitent dans notre réalité, des vengeances aux saveurs douces ou amères, des fantômes et des énigmes. Cependant, les auteurs ont su leur donner de l’originalité.
Vous trouverez ici de l’horreur et de l’humour, des frissons d’angoisse et de l’espoir, de l’amour, de la tragédie, des peurs insidieuses. Vous admirerez des œuvres divines ou maléfiques : tableaux hantés, musiques troublantes, sculptures obsédantes, mais l’art prend aussi dans ces pages des formes plus inattendues.
Ma nouvelle préférée est Le chant du cygne de Florence Barrier. J’ai aimé l’ambiance brumeuse, un rien onirique, de ce récit. Le moment de l’année où il se déroule le place d’emblée hors du temps, cependant c’est sa délicatesse qui m’a charmée.
J’ai aussi apprécié Golem, un texte un peu prévisible mais fort plaisant qui parle de littérature et de folie. Je l’ai trouvé très grinçant (et c’est un compliment).
La mort n'a qu'un visage d'Audrey Salles est un texte assez glauque et dérangeant, enrobé d’un humour particulier. Il ouvre à la perfection cette anthologie car le Fantastique est aussi une littérature d’apparences, d’illusions, de faux-semblants. Qu’est-ce qui, mieux qu’un masque, pourrait illustrer cela ?
Dans Ceci n'est pas un tableau de Julia Di Folco on a affaire à un Fantastique un peu onirique, obsédant et vaporeux. J’ai beaucoup aimé cette mise en abyme et la réflexion sur l’impulsion créatrice.
De l'autre côté de la nuit de Sylwen Norden m’a évoqué une mélodie lancinante bien que l’histoire porte sur une forme d’art différente. J’ai aimé la poésie mélancolique et sombre de ce texte si évocateur.
Fausses notes d'Éric Lysøe m’a beaucoup amusée. Une fois encore, l’obsession y est dépeinte, mais de manière plutôt originale.
Je termine en évoquant mon deuxième texte favori : Opéra tragique d'Irène Bourdin. J’ai adoré ce récit au long cours, sa subtilité et ses personnages. J’ai apprécié sa fantasmagorie autant que sa façon d’interpréter l’histoire jusqu’à l’anticipation.
Arts et Fantastique est une excellente anthologie. Je me plains souvent que trouver du Fantastique de qualité devient de plus en plus difficile, essentiellement parce qu’on en publie déjà très peu et qu’en outre c’est dans la nouvelle, format de plus en plus boudé, qu’il s’exprime le mieux. Alors cela m’a fait plaisir de découvrir une œuvre telle que celle-ci, qui de surcroît est composée de textes d’auteurs peu connus. 
Ces Fantastiques de toutes formes illustrent à la perfection la richesse de ce genre oublié et tout le potentiel qu’il possède encore de nos jours. J’espère que cela vous donnera envie d’en lire plus souvent.

lundi 7 septembre 2020

La Louve de Brocéliande, intégrale

Une trilogie de Lia Vilorë.
Le premier volume a été publié chez Lune Écarlate, mais n'est plus disponible à la vente. Vous pouvez vous procurer l'intégrale gratuitement sur le blog de l'autrice et lui faire un don via Tipeee si ça vous dit.

Résumé :
De nos jours en Bretagne, peu savent que la légendaire forêt de Brocéliande est le théâtre d'une guerre fratricide entre fées.
Victime de fièvres inexplicables lors de la nouvelle et de la pleine lune, la lycéenne Hikira Bisclavret fait un jour la connaissance d'Éric Freinet. Un être ambigu qui la fascine et en qui elle trouve un ami inespéré.
Éric et Hikira deviennent les cibles de fées prêtes à tout pour les détruire, car découvrir le secret des fièvres de la jeune fille ne sera pas sans payer le prix fort.
Après tout, les Demoiselles sont aussi merveilleuses que terribles...
Hikira a presque seize ans. Elle a perdu sa mère dans des circonstances horribles et s’est un peu renfermée sur elle-même. Cela étant, elle semble être une adolescente normale et c’est par hasard qu’elle attire l’intérêt du docteur Éric Freinet. Déterminé à aider la jeune fille, qui est atteinte de mystérieuses fièvres que tout le monde semble traiter à la légère, Freinet va se trouver embarqué bien malgré lui dans une histoire aussi étrange que complexe.
Amateurs de légendes et de loups-garous, cette trilogie devrait vous intéresser. Lia Vilorë mêle dans son récit de nombreuses influences qui forment un tout cohérent. Je me suis plu à découvrir cette interprétation du Lai de Bisclavret, récit que je vous invite à lire si vous ne le connaissez pas. La trilogie s’articule autour de lui et il est résumé dans son entièreté au cours du premier tome, cependant il ne faut pas vous priver de la lecture, au demeurant fort brève, d’une belle pièce de littérature médiévale.
J’ai vraiment beaucoup aimé la façon dont Lia use de la matière de Bretagne, associée au folklore sur les fées et les loups-garous, pour créer sa propre légende. Sa manière d’interpréter le lai et de l’entremêler à d’autres légendes, comme on peut le voir au fil des tomes, est tout en relief et subtilités.
Hikira est un personnage intéressant. Elle oscille longtemps entre l’enfant et la jeune fille, avec ce petit côté sauvage qui est l’apanage de son héritage. Elle a vécu des événements affreux, chaque petite part de son innocence rognée au fur et à mesure des épreuves, pourtant, elle fait preuve d’une grande capacité de résilience. Vouée à grandir dans la douleur, elle doit sans cesse faire le deuil de son enfance, de ses rêves et même de son humanité alors que paradoxalement elle humanise les gens autour d’elle, du meurtrier de sang froid aux gamins perdus qui ne savent pas toujours comment ils en sont arrivés là. Elle leur permet de faire émerger ce qu’il y a de meilleur en eux et de panser leurs plaies. Cela me touche particulièrement chez ce personnage qui n’est qu’un pion dans une partie d’échecs qui le dépasse et dont il entrevoit pourtant l’issue avec une grande lucidité. Hikira est toute entière aux mains des fées, bonnes et mauvaises, qui se disputent le monde. Le potentiel initiatique de ce récit n’en est que renforcé.
J’ai aussi beaucoup aimé le personnage d’Océane qui pour moi est l’autre face d’une même pièce. Soumise au bon vouloir de la Bête, elle n’en est pas moins la plus forte des deux. Elle aussi est une fille sacrifiée mais, plus encore que Hikira, elle embrasse sa destinée avec détermination. On ne peut que s’attacher à ces deux jeunes filles et leurs défauts ne les rendent que plus humaines.
J’ai lu, il y a de cela quatre ans,, le premier volume de cette trilogie et j’avais vraiment envie d’en connaître la fin. Maintenant que c’est chose faite, j’ai pourtant l’impression que ce n’était qu’un pan de l’histoire globale et que d’autres personnages ont encore des choses à me raconter, même si Hikira est allée au bout de son parcours initiatique.

jeudi 3 septembre 2020

L'étrange disparition d'Esme Lennox

Un roman de Maggie O'Farrell, publié chez 10/18.

Présentation de l'éditeur :
Entre l'Inde et l'Écosse, des années 1930 à nos jours, l'histoire déchirante d'une femme enfermée, rejetée de la société et oubliée des siens. Un roman d'une beauté troublante, où s'entremêlent des voix aussi profondes qu'élégantes pour évoquer le poids des conventions sociales et la complexité des liens familiaux, de l'amour à la trahison.
À Édimbourg, l'asile de Cauldstone ferme ses portes. Après soixante ans d'enfermement, Esme Lennox va retrouver le monde extérieur. Avec comme seule guide Iris, sa petite-nièce, qui n'avait jamais entendu parler d'elle jusque-là. Pour quelle étrange raison Esme a-t-elle disparu de la mémoire familiale ? Quelle tragédie a pu conduire à son internement, à seize ans à peine ?
Toutes ces années, les mêmes souvenirs ont hanté Esme : la douceur de son enfance en Inde, le choc de son arrivée en Écosse, le froid, les règles de la haute bourgeoisie et, soudain, l'exclusion... Comment sa propre sœur, Kitty, a-t-elle pu cacher son existence à ses proches ? Et pourquoi Iris se reconnaît-elle tant dans Esme ?
Peu à peu, de paroles confuses en pensées refoulées, vont ressurgir les terribles drames d'une vie volée...
Iris a la trentaine, tient un magasin de vêtements vintage à Édimbourg et n’a pas très envie de se fixer. Il faut dire qu’elle traîne quelques casseroles. Tout bascule quand un hôpital psychiatrique la contacte au sujet d’une parente dont elle n’avait jamais entendu parler jusque-là. Iris tombe des nues et ne peut obtenir de renseignements nulle part. Son père est mort, sa grand-mère souffre de la maladie d’Alzheimer et, bien qu’elle s’en défende, l’histoire de cette mystérieuse grand-tante l’intrigue. Ainsi, elle va peu à peu se mettre à tourner autour de ce mystère comme un papillon attiré par une lampe.
Quelle étrange et horrible histoire que celle-ci ! Les internements abusifs dont ont souffert beaucoup de femmes au début du XXe siècle ne sont plus un secret. Ce qu’on a pu leur faire subir parce qu’elles étaient indociles, trop libres ou encore par la fantaisie d’un mari désireux de se débarrasser d’une épouse encombrante est une abomination. Et c’était si facile… Le sujet est toujours tabou, on détourne facilement le regard ou on cherche des justifications, mais beaucoup de ces secrets ont été exhumés.
Esme Lennox personnifie toutes ces femmes. Comment ne pas être touchée par son histoire qui commence de manière tout à fait banale ? Esme égrène ses souvenirs, elle essaie de comprendre et c’est ce qui lui permet de ne pas sombrer. C’est un personnage émouvant et au fur et à mesure que se dévide la pelote de tout ce qui l’a conduite à passer plus de soixante ans dans un asile, on ne peut qu’être horrifié et ressentir une profonde empathie.
On évoque dans ce livre l’hypocrisie d’une bonne société qui traite ses filles comme des objets, qui leur refuse indépendance et même le moindre des respects. C’est un récit dur, mais conté avec beaucoup de pudeur et de mesure.
Au début on se demande ce qui cloche avec Esme, à part qu’elle est trop intelligente et peu encline à l’obéissance. On devine, plus qu’on ne nous dit, ce qui c’est vraiment passé et cela est plus aberrant encore. Je me suis demandé pendant une bonne partie de ma lecture pourquoi sa sœur, dont elle était si proche, l’avait laissé croupir dans cet institut même après la mort de leurs parents et quand j’ai entrevu la vérité malgré la façon dont l’autrice essaie de détourner l’attention de ses lecteurs, j’ai trouvé cela plus affreux encore que ce à quoi je m’attendais.
Ce récit est fort d’un point de vue émotionnel et humain, mais il papillonne, il effleure seulement les événements d’un coup d’aile. Il tourne autour d’une manière presque dérangeante. La narration est floue à dessein. Elle est partagée entre Iris, au présent ou au passé et ses multiples interrogations, les souvenirs emmêlés et incomplets de Kitty et ceux, dévidés avec calme et méthode, d’Esme.
Cette narration floue tente de rendre l’histoire fantomatique, insaisissable et renforce ses aspects dérangeants tout en avançant de manière très précautionneuse.
J’ai tendance à aimé les récits qui ne sont pas linéaire, les narrations hachées ou à double vitesse. Pourtant ici ces circonvolutions ne m’ont pas plu. Elles font partie de l’histoire, elles ont un sens, mais je n’ai pas aimé cette façon de la raconter. J’ai préféré les passages dévolus aux souvenirs d’Esme. J’ai aimé l’intelligence de ce personnage, découvrir sa singularité. Elle est fascinante.
Les souvenirs décousus de Kitty qu’on attrape au vol sont aussi une bonne idée, même s’il est très frustrant de la voir s’interrompre sans cesse quand tout ce que l’on veut est en savoir plus. C’est par ces souvenirs effilochés qu’apparaissent les subtilités de l’histoire, tout en délicatesse.
En revanche, je n’ai pas du tout apprécié la partie de l’histoire consacrée à Iris. Le personnage n’est pas spécialement antipathique et elle avait du potentiel, cependant sa relation bizarre avec son frère qui n’est pas son frère et son encombrant amant n’apporte vraiment rien au récit.
Je garde une impression très mitigée de cette lecture, d’autant plus que je n’ai pas aimé la fin en queue de poisson. Cependant, le sujet est intéressant. Il met en lumière de bien sombres pratiques. J’aurais vraiment apprécié que ce récit soit davantage développé, d’autant que le personnage d’Esme m’a plu.

mardi 1 septembre 2020

Secondhand Spirits, Witchcraft Mystery T1

Un roman de Juliet Blackwell, publié chez Berkley.
Il n'est pas traduit en français.
Présentation de l'éditeur :
Love the vintage- not the ghosts
Lily Ivory feels that she can finally fit in somewhere and conceal her "witchiness" in San Francisco. It's there that she opens her vintage clothing shop, outfitting customers both spiritually and stylistically.
Just when things seem normal, a client is murdered and children start disappearing from the Bay Area. Lily has a good idea that some bad phantoms are behind it. Can she keep her identity secret, or will her witchy ways be forced out of the closet as she attempts to stop the phantom?
Lily Ivory est une sorcière et elle n’en tire aucune fierté. Originaire du Texas, elle a dû fuir sa ville natale suite à un événement mystérieux et depuis elle n’a cessé de voyager sans parvenir à se fixer jusqu’à ce qu’un perroquet lui conseille de s’établir à San Francisco. Oui, vous avez bien lu.
Lily a écouté le conseil et a ouvert une boutique de vêtements vintage. Son affaire démarre bien, mais elle peine néanmoins à faire son nid. Toujours à l’affût de nouvelles trouvailles pour son stock, elle se laisse entraîner par Maya, une étudiante très impliquée dans sa communauté, chez une vieille dame qui souhaite se débarrasser d’une importante collection de vêtements anciens. Toutefois, lors de sa visite chez Mrs Potts, la vieille dame entend le cri de la Llorona, qui annonce sa mort prochaine, et une enfant disparaît...
Secondhand Spirits est un roman plein de charme que j’ai pris grand plaisir à lire. L’ambiance douce et très actuelle du roman ainsi que les quelques références à la mode m’ont beaucoup plu. Lily est tout à fait le genre de sorcière que j’aime. Comprenez par là qu’elle ne lance pas des éclairs ou des boules de feu à tout bout de champ ni ne cherche à sauver le monde. Elle aime aider les gens qui croisent son chemin, parce qu’elle a bon cœur, mais cela ne va pas plus loin. Elle préférerait oublier sa nature et se trouver des amis, une famille de substitution. J’ai aimé sa magie, faite de sortilèges, de potions, de nouets… rien d’impressionnant en somme. L’autrice s’est basée sur des sortilèges, des superstitions et des pratiques connues (elle en cite les sources). Elle a imprégné son roman de folklore, les créatures magiques sont telles que dans les mythes et les contes que l’on connaît, l’usage des plantes magiques est tel que le décrivent les croyances sorcières. Tout cela apporte un certain cachet au récit et a contribué à me le rendre agréable.
J’ai passé un très bon moment avec ce roman dont l’histoire est simple, mais pas simpliste. Elle mêle mystères, magie, amitié et amours naissantes. Les personnages sont sympathiques et je compte retrouver Lily ainsi que son entourage dans la suite très bientôt.