samedi 30 décembre 2017

Bilan 2017

C'est l'heure du bilan et force est de constater qu'il est bien léger cette année : 42 livres lus. Ce qui est à peu près le tiers de mon score habituel. Cela s'explique à la fois par des soucis de santé qui m'empêchent régulièrement de lire, mais aussi par un manque d'enthousiasme et peut-être quelques mauvais choix.
Si j'ai fait de belles découvertes, nouveaux auteurs, nouveaux univers (notamment Les Soeurs Carmines d'Ariel Holzl), et apprécié les suites de mes séries fétiches (Meg Corbyn d'Anne Bishop, Testaments de Jeanne-A Debats) ainsi que les recueils, anthologies et nouvelles que j'ai pu lire, ce sont quatre romans, des one shot, qui ont vraiment marqué mon année. En les listant, j'ai pu constater qu'ils ont d'autres points communs... Je vous laisse en juger.

Comme souvent, le livre d'entre deux années s'est révélé un excellent choix. Pour le passage de 2016 à 2017 il s'est agi de La Terre qui penche de Carole Martinez.
J'ai aimé ce réalisme magique flamboyant, ces éléments de contes s'intégrant dans la réalité pour former une mosaïque complexe et surtout cette héroïne en quête d'elle-même.

Boudicca de Jean-Laurent del Socorro m'a passionnée. Je l'ai lu très vite, emportée dans cet univers mythique strié des songes initiatiques de cette héroïne emplie de failles et de doutes, mais aussi de courage et de volonté.

Déracinée de Naomi Novik est arrivé dans ma vie à un moment où j'en avais terriblement besoin. Cela a sans doute contribué à me le faire aimer, mais je pense qu'il m'aurait de toute façon séduite. Sa structure épisodique m'a permis de mieux me laisser absorber et d'oublier un temps mes soucis. Cependant, ce long conte, loin d'être aussi manichéen qu'on pourrait le croire, m'a surtout rappelé ce qui m'a donné le goût de la lecture durant l'enfance.

Le grand coup de cœur de 2017 est indubitablement Mes Vrais Enfants de Jo Walton. Il m'est néanmoins difficile de vous expliquer pourquoi. L'autrice a réussi à rendre Patricia et ses deux vies bien réelles dans mon esprit, à rendre exceptionnel quelque chose qui ne l'est pas vraiment. Je parle des vies du personnages, pas des prouesses de Jo Walton qui prouve avec ce roman, s'il en était besoin, qu'elle possède un grand talent et une sensibilité hors normes.

Je ne vous parlerai pas des challenges, je n'ai guère avancé. J'espère me rattraper en 2018. Et même si je lis peu dans les mois qui viennent, si je peux compter au moins une lecture aussi merveilleuse que les quatre sus-citées, je me considérerai chanceuse.

mardi 5 décembre 2017

Le Bois sans dessus dessous et autres histoires conthées

Un livre jeunesse écrit par Clémentine Ferry et illustré par Sanoe, publié aux éditions du Lumignon.

Vous pouvez consulter un extrait sur le site de l'éditeur.*

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Présentation de l'éditeur :

À travers dix contes, les héros du Bois Sans Dessus Dessous nous emmènent dans des aventures gourmandes. Loirs, hérissons, grenouilles, chauve-souris : tous ont en commun le thé, qui sert de fil rouge à travers leurs différentes histoires.Ces petites contes initiatiques bien ciselés abordent des thèmes aussi variés que le vivre ensemble, la timidité ou encore l’acceptation de soi.

Le Bois sans dessus dessous est un très joli recueil d’histoires pour enfants en grand format, abondamment illustré. Les contes animaliers ont toujours la côte. Cette ambiance campagnarde, fleurant la douceur de vivre, prônant des valeurs telles que l’amitié et la solidarité, a bercé mon enfance et sans doute la vôtre aussi. Le Bois sans dessus dessous est l’héritier de tous ces récits intemporels. Si vous avez grandi avec Pierre Lapin ou les personnages du Vent dans les saules, vous serez ravis de partager avec vos enfants cette délicieuse lecture qui les inspirera et éveillera en vous de bons souvenirs. Plus que le lieu — aussi magique et charmant soit-il — c’est le thé qui se trouve au centre de tous ces contes et cela de façon plus ou moins directe. J’ai apprécié ce lien si improbable et l’inventivité dont a fait preuve l’autrice pour garder ce thème tout en se renouvelant à chaque fois. Qu’il s’agisse de la culture des théiers ou de l’heure du goûter, il y a toujours une bonne raison d‘aimer le thé. Au fil des pages vous trouverez entre autres : un loir qui a le mal de l’air, une petite chouette qui veut devenir créatrice de thés, une chauve-souris timide et un blaireau à la vue déclinante. Si la plupart de ces histoires sont légères, comme celle de la petite souris cherchant le plus beau cadeau de mariage, d’autres sont douces-amères, comme celle des lapereaux perdant leur papa. Cela dit, le sujet est traité avec une grande délicatesse et passe un peu de baume sur les peines qu’il dépeint. Les récits sont courts, juste la bonne longueur pour une histoire du soir. Cependant, ils seront tout autant appréciés par les enfants qui commencent à bien lire tous seuls. La police et le contraste sont parfaits pour eux. Les illustrations sont magnifiques. Elles sont en noir et nuancées, façon crayonnés, ce qui ajoute à leur charme un peu old school. Elles fourmillent de détails et les enfants y passeront du temps avant d’en faire le tour. Le papier épais et de qualité leur rend parfaitement justice. J’apprécie qu’un tel soin soit apporté à un livre pour enfants. La plupart des animaux présents dans ces contes ont des noms de plantes ou d’arbres que l’on retrouve en fin d’ouvrage sous forme d’herbier avec des dessins et une description. C’est une excellente idée, aussi ludique qu’instructive, et qui peut encourager les enfants un peu récalcitrants à la découverte de la botanique. Le Bois sans dessus dessous est vraiment un très bel ouvrage à l’univers un peu fantasque et aux histoires pleines de douceur que je vous conseille chaleureusement.

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vendredi 24 novembre 2017

Réalités volume II

Une anthologie dirigée par Tesha Garisaki et publiée chez Realities Inc.
Existe en papier et en numérique.

Découvrez aussi :
- Réalités volume I
- Quantpunk
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realite_vol2
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Sommaire :
- Les Punaises de Loïc Daverat
- FredJ de Vivien Esnault
- Le Semeur de Colonnes de Wilfried Renaut
- La Fable du Dragon et du Rat de Manon Bousquet
- Dans l’Épave du Horn Sylwen Norden
- Alors le marché fut conclu de KeoT
- La Griffe de l’Être Miroir de Romain Jolly
- La légende d’un homme de Jean-Pierre Baratte
- Five o’clock tea de Marlène Charine
- Pas de quoi fouetter un chat de Jean-Marc Sire

Après un premier volume très réussi, les éditions Realities Inc. nous ouvrent de nouvelles voies vers des réalités alternatives au moyen de textes tantôt fantasques, drôles ou glaçants, mais toujours nuancés. J’ai apprécié autant la variété des genres présents dans cette anthologie que l’originalité des récits.
À mon grand déplaisir, les nouvelles n’ont pas la côte en France, d‘autant plus quand elles sont l’œuvre d’auteurs peu ou pas connus. Elles sont pourtant l’un des piliers de la SFFF anglo-saxonne que nous avons si souvent tendance à ériger en modèle. La nouvelle est un art difficile, qui répond à ses propres codes et dont on exige toujours beaucoup plus qu’on ne le fait d’un roman. On doit mettre en avant des personnages, mais sans oublier de donner corps à leur univers. L’intrigue doit être ciselée, sans pour autant devenir expéditive. C’est un équilibre à maintenir et les auteurs de cet ouvrage l’ont bien compris. Les anthologies étant souvent inégales, cela vaut la peine d’être souligné : ici tous les textes sont de qualité.
Les punaises, une nouvelle à la limite du réalisme magique, ouvre le bal. Débuter l’anthologie par ce texte était un excellent choix. Il permet au lecteur de se glisser dans le bon état d’esprit pour apprécier au mieux ce qu’il va découvrir au fil des pages. En tout cas, il m’a beaucoup plu.
FredJ est un long texte, que je survolais au début, jusqu’à ce que je me laisse entraîner dans l’histoire et que je ressente un brin de sympathie pour le personnage. Petit à petit, le récit devient prenant. Le cynisme est bien dosé et cela donne un texte qui reste en mémoire bien après avoir tourné la dernière page.
Le Semeur de Colonnes nous emmène ensuite vers une ambiance plus douce, à la saveur de légende.
Ce très beau texte, très poétique, m’a surtout plu pour le monde qu’il décrit. J’ai seulement déploré la fin, un peu trop convenue à mon goût. C’est dommage car, dans sa construction et ses thèmes, il m’a un peu évoqué l’univers de Christian Léourier (que je vénère). Néanmoins, cela reste un très joli récit dont le style m’a charmée.
J’ai adoré La Fable du Dragon et du Rat à la fois pour l’histoire elle-même (avec moi les contes ont toujours du succès) mais aussi pour le ton sur lequel elle est contée. À chaque fois que je découvre un texte de Manon Bousquet, je me fais la réflexion que j’aimerais en lire plus.
Réalités II n’hésite pas à souffler le chaud et le froid. Dans l’Épave du Horn nous offre une ambiance radicalement opposée à celle du texte précédent. On nous emmène sur une planète blafarde, décrite de façon si admirable qu’on a l’impression d’y être, avec des thèmes plus sombres et d’intéressantes pistes de réflexion.
Après la SF, un peu de Fantasy avec Alors le marché fut conclu. Cette nouvelle dépoussière allègrement les classiques en faisant d’un Gobelin son personnage principal dans un monde où se côtoient magie et technologie. Je suis un peu restée sur ma faim car ce texte m’a fait l’effet d’être l’introduction à un récit plus long. J’ai toutefois apprécié le background.
Avec son ambiance de polar, La Griffe de l’Être Miroir nous offre une intrigue tout en faux-semblants, pleine de suspense et de rebondissements. Sombre et efficace. Ici aussi on se surprend à en attendre davantage bien que le texte se suffise à lui-même.
La légende d’un homme est un texte très intelligemment construit, un puzzle dans lequel la vérité est multiple et dont l’image finale change selon le point de vue adopté. À quoi ressemblerait une chanson de geste du futur, une chanson de geste interstellaire ? Entre références littéraires et corrélation avec des faits divers, cette nouvelle semble déployer devant le lecteur diverses faces d’une réalité dont la sienne serait une infime partie. J’ai trouvé grand intérêt à cette lecture.
Il est difficile de parler sans spoiler de Five o’clock tea, texte aux implications glaçantes qui attise l’humanité du lecteur tout en cherchant à ranimer celle des personnages. Marlène Charine a fait preuve de beaucoup de subtilité et c’est un très beau texte.
L’anthologie se clôt sur une nouvelle amusante et un peu barrée : Pas de quoi fouetter un chat de Jean-Marc Sire. De quoi rester sur une note un peu moins déprimante, même si elle est teintée d’un humour assez grinçant. Et puis quand même, l’anthologie aurait manqué de chats…
Pour ce deuxième volume, le pari est encore une fois gagné. Tous ces textes m’ont offert d’excellents moments de lecture. J’ai apprécié leur diversité autant que les thèmes abordés et leurs qualités littéraires. Je ne le dirai jamais assez : lisez des nouvelles.

vendredi 20 octobre 2017

Sheppard Lee

Un roman de Robert Montgomery Bird, publié Aux forges de Vulcain.*

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Présentation de l'éditeur :

Qui n'a jamais rêvé d'être quelqu'un d'autre ? D'échanger sa place avec un autre ? Début du 19ème siècle, Philadelphie : un jeune Américain, Sheppard Lee, se découvre capable de migrer de corps en corps : il sera un riche, un pauvre, un fou, un esclave. Et ses multiples réincarnations vont peu à peu dessiner le portrait de la société américaine, une société folle et cruelle. Chaque fois qu'il se retrouvera dans un nouveau corps, Sheppard Lee fera sienne de nouvelles habitudes, pensées et manières de s'exprimer et le roman épousera ces transformations, alternant entre le roman d'éducation, le conte gothique, le récit de science-fiction, le roman social, tout en conservant une force picaresque sans pareille. Cartographie mentale de l'Amérique et témoignage de son époque sur les pionniers, l'abolitionnisme et le populisme naissant, ce roman a été un immense succès à l'époque de sa publication, contemporaine de celle de La démocratie en Amérique d'Alexis de Tocqueville. Inspiré par le Frankenstein de Mary Shelley, salué par Edgar Allan Poe, Sheppard Lee est le premier grand roman américain. Oublié au 20ème siècle, il a été redécouvert au début du 21ème siècle et loué, à la fois comme un roman postmoderniste avant l'heure, et comme une prémonition de l'Amérique délirante des présidents Bush et Trump. Traduit pour la première fois en français, ce roman inouï est suivi d'une postface du traducteur, Antoine Traisnel, grand spécialiste de l'oeuvre de Nathaniel Hawthorne.

Sheppard Lee, le narrateur et personnage principal de ce roman, est un jeune fermier du New Jersey au XIXe siècle. Son père, homme sagace et industrieux, a su tirer parti de son maigre patrimoine et, si le fils avait été pour moitié aussi travailleur, ce dernier aurait pu vivre dans une relative aisance. Cependant, Sheppard est un homme dolent et mal dégrossi, le genre à n’être jamais satisfait de son sort, tout en ne sachant pas vraiment où il a mal. En cherchant à se distraire et à travailler le moins possible, il gaspille peu à peu son patrimoine et achève de le mettre à mal en tentant de « se refaire » par des moyens tous plus stupides les uns que les autres… Néanmoins, en allant de mal en pis, sa situation va le conduire à la découverte d’un don singulier : Sheppard serait capable de migrer dans n’importe quel cadavre et de faire siens, outre le corps, les souvenirs (avec toutefois un temps d’adaptation) et la personnalité de son hôte. Ainsi, le fermier fainéant et benêt va bondir de vie en vie, mesurant les existences de ses compatriotes à l’aune de la sienne. Sheppard Lee, écrit par lui-même, est présenté comme les mémoires de son prétendu auteur. Mais un homme qui change de corps comme de chemise et embrasse alors une toute autre personnalité est-il jamais lui-même ? L’identité, par ailleurs totalement assujettie au corps et conditionnant la destinée, semble être la question majeure de ce récit. Pour autant, elle n’en permet pas moins à son auteur une critique sociale acerbe. Sheppard sera bourgeois puis dandy désargenté, usurier, philanthrope, esclave et riche propriétaire terrien en proie à l’hypocondrie… Au fil de ces rencontres, le lecteur prend la mesure des différences de classes et des drames de chacun de ces personnages, mais Sheppard, lui, ne semble rien apprendre. Pour ce personnage, il s’agit plus d’une fuite en avant que d’une tentative d’amélioration de son existence. Plus il migre d’un corps à l’autre, plus il s’efface dans la personnalité qu’il emprunte. Enfin, jusqu’à un certain point… Celui où il se trouve, une fois de plus, l’être le plus malheureux du monde. Ce procédé illustre parfaitement une doctrine qui, en substance, nous conte que l’âme est une force de vie sans personnalité, mais que l’esprit, lui, est totalement soumis au vaisseau charnel. Si on peut déplorer ce choix qui entrave le personnage et donc les possibilités de l’histoire, l’auteur a indubitablement su en tirer le meilleur parti. Par bien des aspects, ce roman est très intéressant et j’ai beaucoup apprécié sa dimension sociétale. Néanmoins, il me faut admettre que ce ne fut pas pour autant une lecture agréable. La narration, qui conte au lieu de montrer — ce qui demeure cependant assez logique dans le contexte —, alourdit le récit, d’autant que Sheppard prend grand plaisir à se répéter. Pour exemple de ses incessants rabâchages, je citerai l’une de ses premières transformations. Afin d’éveiller les souvenirs liés à son nouveau corps, il demande à un ami de lui conter son histoire et, en la retranscrivant (laborieux récit de seconde main… Ou devrais-je dire de seconde voix ?), il se sent obligé de préciser de très nombreuses fois qu’il s’agit de la vie du corps qu’il occupe à ce moment-là. On aurait du mal à ne pas le savoir… Cela m’a souvent agacée en cours de lecture, mais je me dois de reconnaître qu’après avoir tourné la dernière page j’ai pu envisager différemment ces pénibles répétitions. Enfin, cela n’enlève rien au fait que l’on se sent souvent embourbé dans une histoire qui, en majeure partie, n’avance pas, bien qu’elle puisse s’emballer à tout moment et nous offrir alors des passages qui ne dépareraient pas dans un bon roman d’aventures, créant ainsi un certain déséquilibre. Le récit ne manque pas d’humour, mais s’il est aisé d’apprécier le comique de situation, le sarcasme et l’humour très noir mis en scène, je n’ai sans doute pas toutes les références culturelles, et surtout historiques, relatives aux U.S.A. qui m’auraient permis de l’estimer à sa juste valeur et cela au-delà du seul point de vue humoristique. Pendant une bonne partie du roman, je me suis demandé quel intérêt il y avait à faire migrer un homme de corps en corps, puisqu’il s’effaçait au profit du précédent occupant de ses corps d’emprunt (notons d’ailleurs qu’il n’est jamais femme). Cela est d’autant plus rageant que Sheppard ne semble pas du tout évoluer ni retenir quoi que ce soit à la fois des situations vécues ou des aptitudes de ses vaisseaux. Toutefois, la fin nous démontre que l’auteur n’a pas fait ces choix sans raison et morale il y a, même si je la trouve très américaine — et un rien chrétienne — par essence. Pas que je sois dubitative sur le fond, mais cela manque un peu de subtilité. Au final, je dirais qu’entre ce livre et moi la rencontre a failli être totalement ratée. Le personnage antipathique et certains chapitres par trop longuets n’ont pas eu raison de ma patience car il y a une vraie réflexion dans cette histoire, même si elle n’est pas suffisamment développée à mon goût. La pointe de fantastique (et je ne me réfère pas ici uniquement à la métempsychose) apporte une touche de fraîcheur et d’insolite qui rend le tout plus ludique. En tout cas, cela m’a plus amusée que les jeux de mots sur les noms des personnages… Sheppard Lee est donc un ouvrage intéressant, très caustique, oscillant entre le roman d’aventures et le roman de mœurs. Très critique envers l’humanité, voire fataliste par instant, il use des stéréotypes avec intelligence pour peindre les travers d’une époque qui, pour éloignée qu’elle soit, n’en possède pas moins de tristes ressemblances avec la nôtre. En cela, ce roman demeure très actuel.

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mercredi 4 octobre 2017

¡Santa Muerte!

Une nouvelle de Xavier Portebois, disponible en numérique chez Realities Inc.
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Futur lointain, la surpopulation n’est plus qu’un vieux souvenir, la médecine soigne ou régénère sans souci, le travail est assuré par des robots et les humains peuvent tranquillement voguer à travers l’univers, menant une existence oisive et exempte d'inquiétude. Ne serait-ce pas l’idée que la plupart des gens se font du Paradis ? (Sans les cantiques, c’est tout bénef.)
Sur notre bonne vieille Terre, Esteban est pris d’une lubie : fêter el dia de los muertos. Mais sa soirée ne va pas se passer comme il l’escomptait… Alors que la Mort n’est plus qu’un concept désuet dans ce monde parfait, Esteban la rencontre pourtant au détour d’une sépulture qui n’est même pas celle de ses aïeux… Si l’après-vie qu’elle lui propose ne le séduit pas, il n’a plus qu’une option : négocier pour sauver sa peau et réussir l'épreuve qu'elle lui imposera.
J’aime caler mes lectures sur la saison et celle-ci tombait à point nommé, d’autant que Xavier Portebois me surprend toujours par ses récits originaux. ¡Santa Muerte! ne déroge pas à la règle. C’est un texte très agréable à lire, un peu fantasque, amusant et léger, mais pas dénué d’une certaine réflexion sur l’humanité.
Esteban est un personnage plutôt sympathique, un gars lambda, ni bon ni mauvais, qui n’a pas fait un choix très judicieux. On s'identifie facilement à ce type. Malgré lui, Il doit subir un passage initiatique mis en scène avec subtilité et très symbolique. Heureusement, son parcours est agrémenté de quelques notes d’espoir et d’humour.
Tout en soulignant nos petits travers et nos contradictions, cette nouvelle est toujours empreinte de bienveillance. C’est tout à fait le genre de textes que j’aime lire à cette époque de l’année.

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Pour d’autres lectures halloweenesques, je vous conseille :
- L’Arbre d’Halloween de Ray Bradbury
- Le Carnaval aux corbeaux d’Anthelme Hauchecorne
- La boîte de Schrödinger spéciale Halloween (anthologie)
- Maisons hantées (anthologie)

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Et puisqu'on parle de charger votre pile à lire... L'an dernier, les éditions Realities Inc ont publié une nouvelle de Noël que vous devriez garder sous le coude pour décembre : De Rouille et de Glace de Manon Bousquet.

vendredi 29 septembre 2017

Bullet journal pour tricopathe

Un carnet à remplir de Mélise Carrara, publié chez Eyrolles.
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Présentation de l'éditeur :

Un journal créatif à remplir, spécialement dédié au tricot !
Pour toutes celles que les aiguilles à tricoter démangent, qui ont cent projets en cours, en prévision, en tête, qui cherchent sans cesse la liste des abréviations de tricot, qui fouinent sur les sites de tricot en anglais mais qui ont oublié la traduction des noms des mailles, qui ne savent plus si elles ont déjà acheté de cette belle laine chez leur vendeur préféré, qui aimeraient bien se rappeler la taille des aiguilles qu'elles ont en stock.
Pour toutes les créatives et tricoteuses compulsives qui voudraient être organisées et tenir leur journal de tricot, à la manière d'un bullet journal, afin de suivre l'avancée de leurs projets et de noter les meilleures chaînes YouTube...
Ce journal est pour elles, les tricot addicts.
Je suis dingue des carnets en tous genres, pas forcément du bullet journal en lui-même, mais j’aime faire des listes, prendre des notes sur tout et n’importe quoi et garder des traces de mes projets. Le tricot n’échappe pas à la règle, d’autant que cette activité requiert souvent la prise de notes ainsi qu’un certain sens de l’organisation.
Toute tricoteuse qui se respecte possède probablement déjà un compte sur ravelry, mais si pour ma part j’aime beaucoup y chercher des patrons et organiser ma bibliothèque, je n’ai pas vraiment le réflexe d’y lister tous mes projets en cours ainsi que leur progression. C’est une question d’habitude et chaque tricoteur(se) a les siennes.
Un carnet est pratique, on l’emmène partout et c’est plus mon style. On peut aussi partir du principe que ravelry permet de partager avec les autres en toute convivialité, le carnet est pour soi, plus personnel, plus agréable aussi dans sa forme et son usage.

L’idée a de quoi séduire autant les adeptes du tricot que du crochet (s’il est évident que les fiches explicatives et les lexiques sont axés sur le tricot, les crocheteurs pourront néanmoins sans problème utiliser les fiches de projets. Les autres arts du fils sont laissés de côté, mais on ne peut pas s’adapter à tout le monde).
Ce bullet journal pour tricopathe était très tentant pour moi, avec sa couverture aux teintes à la fois douces et vitaminées. Il est au format A5, dans les 150 pages, et assez léger. Si vous trimballez un projet avec vous, même une banale paire de chaussettes, vous n’êtes plus à ça près. Et si vous êtes du genre tricot casanier, le problème ne se pose pas.

Le feuilleter suffit à donner envie de sortir les aiguilles. Il est très joli, avec juste ce qu’il faut de couleur et de déco, moderne et plutôt fonctionnel. On voit qu’il a été pensé par une tricoteuse, que ce n’est pas une idée purement marketing comme le titre pourrait le laisser entendre.
À mon sens, il lui manque juste deux petites choses pour le rendre encore plus pratique : un signet pour retrouver plus vite le projet en cours et une page de garde permettant de noter ses coordonnées en cas de perte.

Vous pouvez consulter le sommaire et avoir un aperçu des fiches de projet sur le site de l’éditeur.

Commençons par l’essentiel : les fiches de projets

Elles sont divisées en quatre saisons, chacune possédant son propre thème chromatique.
Il y a d’abord une page de garde sur laquelle on peut lister les envies et inspirations de la saison. J’apprécie l’idée, mais je ne la trouve pas très pratique sous cette forme.
Viennent ensuite un planning des projets (qui peut en contenir 14 alors qu’il n’y a que 10 fiches. Oui c’est le genre de choses que seule une maniaque remarque) et un calendrier pour répartir lesdits projets.
Ensuite on passe aux fiches individuelles. Si elles suivent toute le même plan, on peut lire sur chacune une petite phrase différente qui inspire ou amuse. C’est le genre de détail que j’apprécie toujours.
Ces fiches sont plutôt pratiques.
Vous pouvez inscrire les dates de début et fin, les références du projet, coller un brin de laine ou une étiquette (on vous propose aussi de coller votre échantillon, mais soyons réalistes c’est une très mauvaise idée). Vous pouvez noter les caractéristiques de la laine pour deux couleurs (un peu embêtant pour les châles et je ne parle même pas du jacquard…) et colorier une frise symbolisant votre progression.
Je déplore surtout qu’il y ait peu de place pour les notes. L’espace alloué aux dimensions de l’échantillon aurait pu servir à cela étant donné que ces informations ne sont plus nécessaires en cours de tricot.

Les fiches explicatives

Le carnet est parsemé de ces courtes fiches plus ou moins pratiques selon votre niveau.
Il y a un topo sur les types d’aiguilles qui liste leurs avantages respectifs, un autre sur les marqueurs, leur usage et les méthodes pour en fabriquer soi-même.
En fin d’ouvrage se trouve sur fiche sur le grafting sur jersey endroit qui est plutôt claire, mais que je trouve un peu trop légère pour les débutants et inutile pour les confirmés.
La fiche la plus complète concerne les chaussettes, les tailles, la construction, les différents types de talons. Il y a même un patron (que j’avoue ne pas avoir encore pris le temps de lire dans le détail).
Vous trouverez également un lexique anglais-français, en cas de trou de mémoire, mais il ne concerne que le tricot, pas le crochet, et demeure très succinct.
Il y a également une très bonne fiche pour les débutants sur l’épaisseur des fils et les caractéristiques des différentes fibres que je trouve très bien construite et pratique.

Les pages pratiques

Ce carnet en comporte un certain nombre, quelques-unes sont anecdotiques, mais d’autres réellement utiles.

Vous trouverez notamment un tableau sur lequel cocher les tailles d’aiguilles (avec une distinction pour fixes et circulaires) et de crochets en votre possession, très pratique et consultable en un coup d’œil en cas de trou de mémoire.
J’ai un fichier qui répertorie tout mon matériel, donc cela parle à la maniaque en moi… Mais je suis sûre que les autres le font aussi.
Parmi les idées qui m’ont le plus séduite se trouve un graphique à remplir au fil des mois pour mesurer vos progrès. C’est utile et très motivant pour les débutants.
L’auteur a aussi pensé à ajouter des diagrammes à remplir soi-même pour la création de motifs. C’est une excellente idée, elle donne de surcroît des indications pour les débutants. Je déplore juste que le tableau des symboles ne soit pas très lisible. J’ai une mauvaise vue, mais le combo traits fins dans des petits cercles de couleur gênera sans doute d’autres personnes.
J’ai aussi trouvé charmantes et amusantes les étiquettes à découper pour les cadeaux faits main. Elles sont vraiment mignonnes.
Vous trouverez également des idées de tableaux pour mesurer votre temps de tricot, des fiches pour organiser vos KAL, ou CAL, et votre stash, une page où noter les personnes pour qui vous souhaitez tricoter, des plannings pour vos événements liés au tricot, des listes de marques de laine à tester, de podcasts et des boutiques ou ressources consultables en ligne ainsi qu’une page répertoriant des points à tester que vous pourrez colorier.

Ce carnet est certes perfectible (à mon sens il mériterait d'être plus adaptable), mais fourmille de bonnes idées et de détails soignés. Si les fiches sont plutôt destinées aux débutants, tous les niveaux trouveront leur compte à l’usage. C’est un très bon cadeau pour une personne, homme ou femme contrairement à ce que laisse entendre la présentation de l'éditeur, aimant tricoter ou crocheter. Je ne regrette pas mon achat et je m’en servirai volontiers.

lundi 11 septembre 2017

Seven sisters

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Futur pas si lointain, la planète est surpeuplée. Pour nourrir toute cette population, il a fallu modifier génétiquement les fruits, légumes et céréales afin d’accroître la production, mais cela a eu un effet secondaire étrange. Les grossesses multiples se sont généralisées. La solution a finalement aggravé le problème. Pour pallier cela, le gouvernement a mis en place des mesure drastiques : aucune grossesse non-autorisée, un seul enfant par couple. Les contrôles sont stricts, tout le monde doit porter un bracelet d’identification. Ceux qui contreviennent à la loi voient leurs enfants partir vers les centres de cryogénisation qui leur promettent un avenir radieux quand la Terre sera prête à les accueillir. Dans ce monde qui tient à un fil, une femme meurt en donnant naissance à sept petites filles. Son père décide de les cacher et donne à chacune le nom d’un jour de la semaine, le seul durant lequel elle pourra sortir et endosser leur identité commune : Karen Settman. Ce stratagème fonctionnera durant des années, jusqu’à ce que l’une des sœurs ne rentre pas. Fait assez rare, la bande-annonce m’a beaucoup intriguée et donné envie de voir ce film au pitch très prometteur. « Vous ne devinerez jamais la fin » assurait-elle… Cependant, je suis au regret de dire que la promesse n’a pas été tenue. Si j’ai malgré tout passé un bon moment avec ce film, j’ai deviné la fin dès le début, ce qui a nettement gâché le plaisir. Seven sisters est un film bourré d’action et on se laisse facilement entraîner malgré les rebondissements trop convenus. On ne s’ennuie pas, c’est un fait, mais le background aurait mérité d’être exploité plus en profondeur, de même que les caractères des sept sœurs. Peut-être connaissez-vous la comptine des nursery rhymes consacrée aux jours de la semaine. Je l’avais en tête durant tout le film et elle s’applique bien aux personnages. Mercredi, par exemple, est indéniablement poissarde. Elles semblent toutes tellement intéressantes et si différentes… Mais au final on ne fait qu’effleurer leur personnalité. Noomi Rapace a fait ce qu’elle a pu pour donner à chacune du relief, mais elle a clairement manqué de matière. Elles sont des images plus que des personnes et c’est, davantage encore que l’issue prévisible, ce qui m’a le plus chagrinée. En cela, on voit que je suis définitivement une lectrice… On nous montre quelque chose d’intéressant, mais on n’a pas le temps d’y regarder de trop près, puisqu’il faut courir pour sauver sa peau… C’est un film, me direz-vous, nous ne sommes pas là pour faire du tourisme. C’est vrai, mais dans le cas présent c’est bien dommage, le potentiel de l’histoire est largement ignoré. Cela est d’autant plus regrettable que le postulat de départ est assez crédible. Pas forcément en ce qui concerne les grossesses multiples dont l’explication me laisse dubitative, mais le problème de la surpopulation va forcément se poser dans l’avenir. Les pays riches s’approprient une grande partie de nos ressources et on sait que celles-ci sont en voie d’épuisement. Si ce film donne à réfléchir sur le sujet, sans se montrer moralisateur ce qui est tout à son honneur, ce n’est malheureusement que trop superficiel. J’attendais quelque chose de beaucoup plus complexe, d’où l’avis mitigé, mais cela se laisse regarder. Ce film est avant tout un bon divertissement.

samedi 26 août 2017

Elisabeta

Un roman de Rozenn Illiano. À paraître début septembre en papier et numérique. Vous pouvez vous le procurer sur la boutique de l'autrice, mais aussi sur Kobo, Fnac et Amazon pour la version numérique.

Présentation de l'éditeur :

« ‘Le Cercle’ désigne une société secrète cachée dans les ombres de l’Histoire depuis ses balbutiements, et fédère le peuple immortel que les humains nomment ‘vampires‘. »

En France, Saraï est une jeune immortelle assignée à résidence depuis toujours ou presque. Elle a été jugée pour avoir manifesté un pouvoir parapsychique interdit, un don qu’on lui a retiré avant de la marier de force et de la contraindre à ne jamais quitter sa maison. En Italie, Giovanna est une mortelle qui vit en compagnie d’un vampire, et dont elle est la seule source de sang. Elle non plus n’a pas eu le choix : née dans une famille proche du Cercle, elle a dû se soumettre à leur autorité et quitter sa petite vie toute tracée.

Jusqu’à ce jour de novembre 2014, quand une éclipse solaire se produit. Le phénomène réveille le don endormi de Saraï. Giovanna, quant à elle, est agressée dans sa propre maison par un immortel, qui lui donne de force la vie éternelle. Depuis, le Cercle les menace de mort, car il ne tolère pas les écarts de ce genre.

Grâce à son don, Saraï entend l’esprit d’une ancienne Reine immortelle, Elisabeta, dont l’âme est piégée à l’intérieur d’une poupée de porcelaine. Elisabeta a tout perdu : son pouvoir, son règne, son enfant et son amant. Réduite aujourd’hui à l’état de fantôme, elle accepte de venir en aide à Saraï qui veut se confronter au Cercle, quitte à le détruire.

Bien qu’il porte le nom d’une seule d’entre elles, Elisabeta est le roman de trois femmes. Très différentes, elles ont toutefois en commun leur grand désir de liberté et une certaine rancœur envers la société qui les a asservies et les musèle. Tout d’abord il y a Saraï, jeune vampire assignée à résidence, condamnée à cause de son don, que les Maîtres ont cru endormir, et mariée à un homme qu’elle n’a pas choisi, mais qui tente de la protéger envers et contre tout. Ensuite l’on découvre Giovanna, née dans une famille au service des immortels depuis des siècles, que l’on a contrainte à tout quitter et à se faire passer pour morte afin de devenir la Gemella d’un vampire, à savoir sa réserve de sang personnelle. Enfin, l’on rencontre Elisabeta, reine vampire déchue réduite à l’état de fantôme, mais qui en sait long sur le Cercle, nom donné à la société vampirique, et sur la façon dont les choses en sont arrivées là. Il est passionnant d’écouter sa voix, de découvrir comment une société matriarcale en est venue à renier ses femmes, à les contraindre à rester dans l’ombre de leurs époux, et comment peu à peu l’église a mis la main sur le Cercle tandis que les Immortels amorçaient leur long et inexorable déclin. Par les voix successives de ces trois narratrices, on apprend à connaître leur univers, les lois qui le régissent, les complots qui visent à renverser ou maintenir le statu quo. Le lecteur est happé au cœur de ces destins entremêlés, tragiques, mais animés par l’espoir de lendemains meilleurs ou par le désir de vengeance. Ces femmes sont émouvantes dans leur façon de se révéler à nous, de survivre malgré les épreuves. J’ai aimé les trouver si nuancées. Je me souciais de leur sort et le récit d’Elisabeta est celui qui m’a le plus touchée. Pourtant, bien qu’elle soit à l’origine de l’histoire, la reine est un peu en retrait. Néanmoins, c’est elle qui donne à Saraï et Giovanna la force de chercher à s’émanciper, chacune à sa manière. Ensemble elles sont plus fortes, elles se complètent. Rozenn Illiano a construit une intrigue toute en circonvolutions autour de personnages pleins d’idéaux, mais entraînés presque malgré eux dans un nid de serpents. Le roman se déploie comme une toile d’araignée, chaque vibration sur un fil se répercute sur les autres, nous surprenant souvent par des conséquences inattendues. Elisabeta est une fantasy sombre et dense, entre jeux de pouvoir et manipulations. On peut y voir un roman féministe, cependant les hommes ne sont pas pour autant en arrière-plan ni tous présentés comme des monstres assoiffés de pouvoir, bien au contraire. Ce roman est tout en nuances, alliant agréablement les moments d’action et d’introspection. Durant les temps de latence, on s'imprègne fortement des sentiments des personnages. Il change résolument de ce qui se fait actuellement en récits vampiriques et c’est très appréciable. L’autrice polit patiemment son univers, de sorte que, même si ce petit pavé peut se lire indépendamment, vous aurez sans doute envie d’en savoir plus, tout comme moi.

mardi 8 août 2017

Volée noire, Meg Corbyn T2

Un roman d’Anne Bishop, publié chez Milady.

Tome 1*

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Présentation de l'éditeur :

Grâce à son don de clairvoyance, Meg Corbyn a gagné sa place auprès des dangereux terra indigene de Lakeside. Lorsque l'apparition d'une nouvelle drogue violente et addictive remet en cause le pacte fragile entre Autres et humains, la petite ville est de nouveau plongée dans la tourmente. Les aptitudes de Meg devraient permettre à Simon Wolfgard, dirigeant métamorphe de l'enclos, d'éviter un bain de sang. Encore faut-il déchiffrer ses visions à temps. D'autant que l'homme qui veut récupérer la prophétesse se rapproche, mettant en péril les vies de tous ceux qui la considèrent à présent comme l'une des leurs.

Après un premier tome qui m’avait semblé une bouffée d’oxygène dans le monde de plus en plus étriqué de la low fantasy, j’ai retrouvé avec plaisir Meg Corbyn et les autres habitants de l’Enclos de Lakeside. Les problèmes évoqués dans le précédent volume sont plus que jamais d’actualité et leur source se précise. Le fragile équilibre entre humains et Terra Indigene est au bord de la rupture. Quelques personnes de bonne volonté suffiront-elles à enrayer la crise ? Ce que j’aime chez Anne Bishop, c’est qu’elle ne tergiverse pas sur les problèmes qu’elle pose. Elle n’essaie pas, comme le font beaucoup trop de ses confrères, de remplir les pages avec du vent. Quand la solution est à portée de main, les personnages la saisissent. Ils ne sont ni idiots ni aveugles. Mais rien n’est aisé pour autant et tout ne se résout pas en claquant des doigts. Les personnages doivent parer au plus pressé alors qu’une guerre se profile et que les accrochages entre humains et indigènes, attisés par l’usage des drogues évoquées dans le premier tome, deviennent de plus en plus fréquents. Trouver et détruire l’origine de ces substances est impératif. Mais l’on a déjà une idée de leur nature et Simon aussi… Le loup sait qu’il avance en terrain miné et que l’opinion de ses congénères à ce sujet sera peut-être plus radicale que ce qu’il souhaiterait. Volée noire est un bon roman. On se laisse facilement entraîner dans l’histoire, les pages se tournent sans qu’on s’en rende compte. Alors que le volume précédent nous laissait quelque peu sur notre faim concernant des éléments de l’univers mis en place par Bishop, ce deuxième tome est riche en révélations. Les prophétesses du sang sont au cœur du récit. On en apprend plus sur leur origine et on comprend mieux les réactions de Meg. En parallèle, les causes de la méfiance des Autres envers les humains sont davantage développées et c’est une partie de l’histoire qui m’a beaucoup intéressée. Les humains leur reprochent d’être des monstres, mais à mon avis ils devraient se réjouir de leur nature de prédateurs… Si les Autres leur ressemblaient davantage, peut-être les traiteraient-ils comme du bétail. Mais je digresse… J’aime l’uchronie qu’a créée Bishop, pourtant je dois reconnaître qu’elle pèche par certains aspects. Le glissement de notre monde à celui-ci manque un peu de cohérence et on s’en rend beaucoup plus compte dans ce tome que dans le premier. Je m’étais néanmoins déjà fait la réflexion que le nom des jours est changé (et on apprend ensuite que c’est pareil pour les mois) mais pas celui des saisons. De même, l’usage du latin est erratique. La façon dont vivent ensemble Terra Indigene et humains me semble on ne peut plus vraisemblable. Ce qui l’est moins, en revanche, c’est le développement des technologies. Pourquoi certaines et pas d’autres ? Ce sont des détails, mais qui montrent que l’auteur a privilégié le décor à la cohérence. Cela gêne un peu mon esprit logique mais, heureusement, n’enlève rien à l’attrait de l’intrigue. Je l’ai trouvée prenante, j’ai même failli enchaîner avec la suite (dans mon cas, ça veut tout dire). Seuls les atermoiements de Simon quant à ses sentiments pour Meg m’ont semblé un peu trop présents. Néanmoins, Bishop équilibre bien son récit entre intrigue globale et d’autres, plus secondaires, qui concernent le quotidien des protagonistes. J’aime les voir évoluer, d’une part parce qu’ils sont attachants, d’autre part parce que leurs interactions donnent à réfléchir quand ils sont confrontés à leurs différences. C’est une bonne série, originale et intéressante. Je vous la conseille.

vendredi 4 août 2017

Crazyhead

J'ai disparu pendant un petit moment, mais je reviens (un peu rouillée, désolée) avec les chroniques en retard, dans le désordre le plus total.


Je commence avec une série télévisée.


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crazyhead


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C’est à Lullaby que je dois ma curiosité à l’égard de cette série. Elle en a parlé dans son top ten des génériques de séries fantastiques. Comme nous avons des goûts similaires en la matière et que, pour ne rien gâcher, j’avais aimé la chanson, j’ai gardé ça dans un coin de ma tête.
Ce fut une bonne pioche.


Cette série ne paie pas de mine. Quand on lit le résumé sur Netflix, on se dit qu’elle envoie tellement de kitsch que même les années 80 n’en auraient pas voulu. Et pourtant… ce n’est pas un énième ersatz de Buffy, sans saveur ni relief, bien au contraire. Drôle, jouant avec les clichés, un peu trash aussi, Crazyhead et ses personnages déjantés vont vous surprendre.
Tout commence avec Amy, jeune femme un peu paumée qui a des hallucinations mais dont le psychiatre souhaite arrêter le traitement. Elle voit des gens qui semblent se consumer de l’intérieur et c’est ainsi qu’un soir, prenant peur, elle signale sa présence à l’un d’eux et fait du même coup la connaissance de Raquel, une fille qui semble avoir le même don mais qui est aussi complètement barrée.
Cette première saison est plutôt courte : six épisodes, un concentré d’humour noir, de sarcasme et de dinguerie à haute dose. J’ai passé un excellent moment à chasser du démon avec ces personnages tous plus cinglés les uns que les autres. Aucun cliché ne nous est épargné, mais ils sont détournés, trollés, explosés… Les retournements de situation sont multiples et il y a peu de temps morts. De surcroît, la bande-son est vraiment pas mal.
Crazyhead est une bonne série pour se distraire, elle fera surtout marrer les habitués des genres SFFF qui attraperont les références au vol. L’épisode final laissait présager une suite, mais la série a été annulée. C’est vraiment dommage. Cependant, elle ne se termine pas sur un cliffhanger de folie, vous pouvez donc la regarder sans risque d’être frustré par la fin. Crazyhead a été une vraie bonne surprise pour moi, j’espère qu’il en sera de même pour vous.


P.S. : Si vous n'avez pas lu Watership down, mais que vous comptez le faire, gros spoiler dans l'épisode 2.

samedi 8 juillet 2017

Shakespeare, une nuit d'été

J'ai un peu tergiversé cette année, mais je me suis finalement décidée à relancer ce mini-challenge qui est devenu une tradition de ce blog (même si cela n'amuse que moi).




Je vous propose de lire ou relire cet été une pièce de Shakespeare. Prenez deux heures de votre temps et choisissez celle qui vous fait le plus envie. Vous pouvez lire une pièce que vous ne connaissez pas, tenter la version originale ou découvrir une nouvelle traduction, selon votre humeur. Libre à vous ensuite de partager votre ressenti sur votre blog ou dans les commentaires de cet article si vous n’en avez pas.



Les années précédentes, j’ai lu :
La Nuit des rois
Le Marchand de Venise
Cymbeline


Cette année, j'ai envie de relire Hamlet.


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lundi 19 juin 2017

Un Corse à Lille

Un roman d'Elena Piacentini publié chez Au-delà du raisonnable.


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Présentation de l'éditeur :


Leoni débarque à Lille avec une réputation de dur à cuire, sa grand-mère et ses dossiers. L'équipe d'enquêteurs dont il prend le commandement n'en sait pas beaucoup plus, et, déjà, le cadavre d'une jeune prostituée et celui d'un chef d'entreprise au management brutal propulsent le groupe Leoni sur le terrain. C'est là que les flics se jugeront. Et le Corse préfère ça à de longs discours.



Un Corse à Lille est le premier tome d’une série de romans policiers mettant en scène le commandant Pierre-Arsène Leoni et son équipe. Les trois premiers volumes, autrefois disponibles chez Ravet-Anceau étaient épuisés depuis un moment. Ils amorcent leur retour avec ce premier tome, les deux autres arriveront dans les mois qui viennent.
La série est pour l’instant composée de sept volumes, en grand format chez Au-delà du raisonnable, en poche chez Pocket :


- Un Corse à Lille
- Art brut
- Vendetta chez les Chtis
- Carrières noires
- Le Cimetière des chimères
- Des forêts et des âmes
- Aux vents mauvais


Bien que ces romans puissent plus ou moins se lire indépendamment, ce premier tome est avant tout celui de la prise de contact avec Leoni et les autres personnages. Le passé de chacun y est évoqué, juste de quoi brosser les caractères, poser le décor et laisser le lecteur prendre ses marques. Ces personnages sont quelque peu caricaturaux, mais c’est pleinement assumé. On a la légiste déjantée, la fille de bonne famille, le bon-vivant aussi jovial que loyal, le prêtre défroqué, le séducteur à l’enfance difficile, l’ancien soldat… Vous vous dites que vous les avez déjà vus quelque part, mais au final ce n’est pas si dérangeant. L’envie de les connaître davantage s’instille peu à peu.
C’est probablement sur l’ombrageux Leoni qu’on en apprend le moins. Droit dans ses bottes, secret et tenace, il éveille forcément l’intérêt. De tous ceux qui gravitent autour de lui, j’ai plus particulièrement apprécié sa grand-mère. Il faut dire qu’elle me rappelle un peu la mienne… Tout Corse qui se respecte y reconnaîtra une figure familière et bienveillante, l’une de ces vieilles dames vêtues de noir, franches et farouches, mais tellement affectueuses. Les personnages sont le sel de ce roman, à côté l’histoire paraît secondaire.
Les chapitres sont extrêmement courts, parfois à peine deux pages. Cela donne un rythme très haché au début, le temps d’entrer dans le récit. Ils sont très visuels, donnant l’impression de regarder des plans cinématographiques. Puis, petit à petit, ce rythme saccadé devient un atout. Ce premier tome manque un peu de suspense, la brièveté des scènes lui offre une touche bienvenue de dynamisme.
Deux enquêtes se déroulent en parallèle, mais l’on sait tout du long où l’on va. Il me semble que c’est voulu. Je trouve cependant cela assez dommage. Quand je lis un policier, j’aime être déroutée et faire travailler ma logique.
Je reprocherais à Leoni en particulier et à ses équipiers en général de trop se baser sur leur intuition ainsi que d’être plus souvent tributaires du hasard que portés sur la collecte de preuves et la vérification des faits. C’est souvent trop facile et certains raccourcis m’ont laissée perplexe. Parfois, on ne sait pas comment ils en sont arrivés à certaines conclusions. Je pense notamment à un meurtre, qui est passé des années pour un accident, et qu’ils relient à leur affaire en cours sans la moindre preuve.
Ce premier tome a des défauts, mais reste une lecture distrayante. Et puis la série se bonifie avec le temps. À vous de vous faire votre opinion.


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vendredi 9 juin 2017

Les Abîmes d'Autremer - Intégrale

Une trilogie de Danielle Martinigol, publiée en un volume aux éditions ActuSF.

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Présentation de l'éditeur :

Dans la Confédération des Cent Mondes, Sandiane Ravna, fille d’un grand reporter peu scrupuleux, marche sur les traces de son père à la recherche du scoop à tout prix. Quand elle doit la vie sauve à un Abîme d’Autremer, l’un des mystérieux vaisseaux spatiaux de la planète-océan, elle se met au défi de filmer en action un perl, un pilote d’Abîme. Mais elle se heurte à Mél Maguelonne, futur pilote lui-même et farouche adversaire des médias comme tous les Autremeriens.
Le début d'une folle aventure qui va bouleverser sa vie, comme celle des milliards d’habitants de la Confédération.
Grande saga de space opera humaniste se déroulant en trois époques sur vingt-cinq ans, le cycle des Abîmes d’Autremer a été récompensé par plusieurs prix littéraires dont Le Grand Prix de l’Imaginaire.
À l’origine, Les Abîmes d’Autremer est une trilogie publiée chez Mango. Les éditions ActuSF l’ont rééditée en un volume sous le label Naos, collection jeunesse des Indés de l’Imaginaire, en papier et en numérique. C’est le deuxième titre de cette collection que je découvre et, si je n’ai pas totalement été séduite, je dois néanmoins admettre que cela change de ce que l’on propose trop souvent aux adolescents. C’est une bonne introduction à la science-fiction pour un jeune public.
L’ouvrage se divise en trois parties, les romans d’origine. Trois romans, trois époques, avec comme fil conducteur la lignée des Maguelonne et le lien si particulier que celle-ci entretient avec les Abîmes. On suit ces personnages, et les familles qui gravitent autour, sur quelques générations. Cette continuité est une des facettes de l’histoire que j’ai le plus appréciée. Même si j’aurais préféré des personnages plus développés, plus nuancés, j’ai aimé les voir à divers stades de leur existence.
Les humains ont exploré leur galaxie et se sont implantés sur une centaine de planètes. Le voyage spatial est devenu tout ce qu’il y a de plus banal, pourtant le roman commence avec un naufrage. La version stellaire du Titanic est en perdition avec des milliers de passagers à son bord, dont une équipe de journalistes qui n’a qu’une obsession : couvrir l’événement. Tous ces gens ne devront leur salut qu’à un Abîme, vaisseau majestueux et mystérieux entre tous.
Les Abîmes sont l’apanage de la planète Autremer qui en garde jalousement le secret et refuse d’en faire commerce de quelque façon que ce soit. Nos journalistes, Sten et Sandiane Ravna, y voient l’occasion rêvée de décrocher un scoop, mais se heurtent à la mauvaise volonté de l’équipage. Qu’à cela ne tienne, ils iront chercher l’info sur Autremer elle-même.
Dans cette première partie, on découvre la magnifique planète océan et ses Abîmes. Cela semble parfois une longue introduction et les événements se révèlent assez prévisibles, mais l’histoire est fraîche et se lit vite. On se laisse facilement entraîner dans cette histoire. Les romans sont en grande partie basés sur les interactions et les rivalités entre les personnages, malheureusement je n’ai pas toujours trouvé leurs réactions vraisemblables.
L’intrigue se complexifie dans les deux autres parties, mais globalement je reprocherais les mêmes défauts aux trois récits. Peut-être parce que j’ai passé l’âge, peut-être parce que j’ai beaucoup lu, notamment de la SF, et je ne voudrais pas être injuste avec ce roman qui a aussi de grandes qualités, mais j’ai trouvé le tout trop facile. Les relations entre les personnages ne m’ont pas semblé crédibles. Le même schéma de l’amour au premier regard, alors que tout oppose ces gens, revient plusieurs fois, les points de vue, voire les caractères, changent d’un coup. Et puis j’en ai soupé des « élus » de tous poils…
Pourtant, à côté de ça, je dois dire que le récit est fluide et plein d‘action, ça se lit très vite même si on sait où l’on va. Certains personnages m’ont beaucoup plu malgré le manque de relief et le fait de les voir évoluer sur plusieurs décennies contribue grandement à les rendre plus attachants. J’ai beaucoup aimé la personnalité de Madery, qui est un peu la pierre angulaire de cette famille. Corian, que l’on rencontre dans la deuxième partie, est celui qui m’a le plus émue par son courage et son altruisme. On a envie de le voir vivre son rêve. Enfin, et cela contre toute attente, j’ai appris à aimer l’agaçante Chaddy qui, tout en étant d’une certaine façon le reflet de l’ambitieuse Sandiane, est plus accomplie et plus humaine. Et bien sûr il y a les formidables Abîmes… Leur nature n’est pas novatrice, mais elle est néanmoins le sel de ce roman.
En guise de bonus, on trouve une nouvelle en fin d’ouvrage. Celle-ci nous conte en détail ce qui est déjà évoqué dans le roman : la découverte des Abîmes, leur légende en quelque sorte. On y entrevoit également les débuts de la colonisation d’Autremer et, même si on sait plus ou moins ce qui va se passer, l’auteur a ajouté à ce texte une charge émotionnelle supplémentaire et c’est une bonne façon de quitter en douceur cet univers.
Si je n’ai pas été époustouflée, j’ai néanmoins passé de bons moments avec ce livre. Les grands amateurs de SF n’y trouveront probablement pas leur compte, mais je le conseille à un public plus jeune qui ne sera pas gêné par les poncifs et saura apprécier l’idéalisme des personnages et l’amour qui les lie à leurs Abîmes.

lundi 5 juin 2017

Mes Vrais Enfants

Un roman de Jo Walton, publié dans la collection Lunes d'encre chez Denoël.
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Présentation de l'éditeur :

Née en 1926, Patricia Cowan finit ses jours dans une maison de retraite. Très âgée, très confuse, elle se souvient de ses deux vies. Dans l'une de ces existences, elle a épousé Mark, avec qui elle avait partagé une liaison épistolaire et platonique, un homme qui n'a pas tardé à montrer son véritable visage. Dans son autre vie, elle a enchaîné les succès professionnels, a rencontré Béatrice et a vécu heureuse avec cette dernière pendant plusieurs décennies. Dans chacune de ces vies, elle a eu des enfants. Elle les aime tous... Mais lesquels sont ses vrais enfants : ceux de l'âge nucléaire ou ceux de l'âge du progrès ? Car Patricia ne se souvient pas seulement de ses vies distinctes, elle se souvient de deux mondes où l'Histoire a bifurqué en même temps que son histoire personnelle.
Patricia vit en maison de retraite, elle a 88 ou 89 ans, elle ne sait plus trop. Il faut dire qu’elle est un peu confuse, ses souvenirs se mélangent… D’un jour à l’autre, les choses lui semblent différentes, sa chambre, le personnel soignant… mais aussi le passé. Pour ce qui est de sa petite enfance, sa mémoire lui paraît intacte et linéaire, elle nous conte ses parents et son adolescence, ses études et la guerre… Mais quand arrive un choix important à l’orée de sa vingtaine, son existence semble se dédoubler. Dès lors, les chapitres et les situations s’alternent selon qu’elle a répondu « maintenant » ou « jamais » à la question fatidique.
J’ai aimé cette alternance et ces chapitres ni trop longs ni trop courts. Cela donne du rythme. Le contraste entre ces deux vies n’en est que plus flagrant, les subtilités du récit plus appréciables.
Jo Walton nous conte ces deux vies en parallèle, de l’enfance à la vieillesse. Elle donne peu à peu corps à cette femme dans tous les aspects de sa personnalité et de ses potentialités. Sous nos yeux, Patricia subit de nombreuses métamorphoses, les grandes lignes de sa vie étant toujours associées à un diminutif particulier. On la voit tour à tour frustrée ou épanouie, solitaire ou entourée, femme au foyer ou enseignante, mère et amante. Ces deux existences forment le Yin et le Yang, chacune porte en elle le germe de l’autre. Les deux m’ont plu, et c’est de leur mise en regard que naît tout l’intérêt, mais comme tout le monde j’avais ma préférée.
Jo Walton sait raconter le quotidien sans que cela devienne ennuyeux, elle en peint une fresque tout en clair-obscur. Patricia est un personnage formidable, quelle que soit la vie dans laquelle on la suit. C’est toujours la même femme, cohérente malgré les aléas, et on l’aime dans ses deux vies. J’ai ressenti une grande empathie à son égard, j’avais envie de l’aider et de la réconforter dans les moments difficiles et c’est en cela que réside le talent de Jo Walton : elle rend ses personnages véritablement vivants.
Les chapitres se font écho, la vie de Patricia avec Mark, sa vie sans lui, des épreuves et des joies, des faits inchangés parfois mais globalement deux vies très différentes, bien remplies, entre la maternité, la recherche du bonheur pour soi mais aussi l’envie de rendre le monde meilleur et plus sûr. Les personnages se croisent ou vivent des destins communs. Le tout rend compte de la complexité de l’existence et de ses ramifications. L’auteur a tissé un ouvrage d’une grande finesse avec un sens du détail qui force l’admiration.
En compagnie de Patricia, on vit près d’un siècle d’humanité, de luttes, de progrès, d’injustices, tous les conflits du XXe siècle et leurs possibles évolutions. Peu à peu, l’uchronie mondiale rejoint l’uchronie personnelle. Les variations s’élargissent comme par ricochet. Or, si l’un de ces mondes va vers un avenir plus radieux, ce n’est pas le cas du second. Et si nous avions gagné certains combats au détriment d'autres ?
Ce roman pose de nombreuses questions et cela dans tous les domaines. Il propose notamment une réflexion sur la lutte pour les droits des femmes ainsi que des homosexuels en tant qu’individus, mais également en tant que couples et familles. Nous nous retrouvons face à des situations aberrantes comme une femme devant renoncer à son métier parce qu’elle se marie, alors qu’en parallèle, en travaillant, elle n’aurait pas pu obtenir de prêt en étant célibataire… Les iniquités du quotidien nous sont décrites sans fard, comme par exemple une femme à qui on refuse le droit de voir sa compagne hospitalisée parce qu’elle n’est pas considérée comme un membre de sa famille…
Walton évoque de nombreux sujets, avec mise en situation, comme la contraception, les pressions psychologiques, le féminisme, le nucléaire, la vieillesse... Elle constate, ancre son propos dans le réel, sans faire la morale. Elle montre juste comment cela pourrait évoluer et donne aux gens l’occasion de se faire leur point de vue sur des sujets auxquels ils n’ont pas forcément réfléchi, que ce soit parce que ça ne les concerne pas directement, parce qu’ils n’ont pas conscience de certains faits ou que ces combats ont été gagnés et que l’on ne se rend pas forcément compte de leur valeur aujourd’hui.
Walton décrit également tout ce que l’on ne veut pas voir, comme la vieillesse et ses misères, la grande cruauté dont on peut faire preuve parfois sans en avoir conscience. Elle ne cherche ni à choquer ni à accuser, juste à montrer les choses dans leur vérité crue.
Mes Vrais Enfants est un récit intelligent, d’une grande profondeur, une uchronie complexe et émouvante. Walton a su créer une personne qui semble réelle et ce de sa petite enfance jusqu'à sa grande vieillesse. Deux fois. Et je ne parle pas de la galerie de personnages qui l’accompagnent. En fermant le livre, j'avais l'impression de quitter des amis. Elle m’a également fourni de nombreuses pistes de réflexion.
La fin était attendue et me semble cohérente. Je reprocherais juste à l’auteur de l’avoir un peu trop expliquée à mon goût. J'aime que l'on fasse confiance à mon intelligence, ceci dit je comprends aussi ce qui l’a poussée à clarifier son propos.
Ce roman est ambivalent, dans sa nature comme dans son récit. On pourrait le classer autant en fantastique qu’en science-fiction spéculative. Walton a fait preuve d’une grande maîtrise, de mon point de vue, c’est un chef-d’œuvre.
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Découvrez également les avis de Lune, Cornwall, Dionysos, A.C. de Haenne, Acr0 et Lhisbei.

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Deuxième lecture pour le Challenge Lunes d’encre.

vendredi 2 juin 2017

Le Complot des corbeaux, Les Sœurs Carmines T1

Un roman d'Ariel Holzl publié chez Mnémos dans la collection Naos.
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Présentation de l'éditeur :

Merryvère Carmine est une monte-en-l'air, un oiseau de nuit qui court les toits et cambriole les manoirs pour gagner sa vie. Avec ses soeurs, Tristabelle et Dolorine, la jeune fille tente de survivre à Grisaille, une sinistre cité gothique où les moeurs sont plus que douteuses. On s'y trucide allègrement, surtout à l'heure du thé, et huit familles d'aristocrates aux dons surnaturels conspirent pour le trône.

Après un vol désastreux, voilà que Merry se retrouve mêlée à l'un de ces complots ! Désormais traquées, les Carmines vont devoir redoubler d'efforts pour échapper aux nécromants, vampires, savants fous et autres assassins qui hantent les rues...

« Une fantasy urbaine mordante et décalée, proche de l'univers de Tim Burton. »

Ariel Holzl a grandi dans la décadence acidulée des années 90. Les Soeurs Carmines est né d'une volonté de croiser les genres, de créer des rencontres inat­tendues entre ses sources d'inspiration comme Neil Gaiman, Edgar Allan Poe ou Stephen King. Le Complot des corbeaux est son premier roman.

Trois sœurs très différentes, une ville qui devient un personnage à part entière, des familles qui se battent pour le pouvoir, des complots incessants et une magie baroque… Tout lecteur de fantasy qui se respecte se dit qu’il a déjà vu ça, mais ne peut pas s’empêcher de tendre la main vers ce roman. Et il ne le regrettera pas.
Ariel Holzl a su créer un univers original, jouer avec les attentes du lecteur et les clichés. Sa Grisaille est une ville sombre et fascinante que l’on brûle d’explorer, digne héritière de toutes ces cités de papier qui ont marqué notre imaginaire. J’ai même été frustrée de ne pas en voir davantage.
Ses personnages sont plus caricaturaux, mais cela est pleinement assumé et ne veut pas dire qu’ils ne réservent pas quelques surprises. Comme la plupart des gens, j’imagine, j’ai adoré la petite Dolorine et me suis régalée des extraits de son journal. Sa naïveté délicieuse de petite fille, associée à ses caractéristiques tellement gothiques, en font un personnage génial. Elle compense largement l’antipathie provoquée par sa grande sœur Tristabelle. Celle-ci, beauté narcissique et sociopathe, a un potentiel humoristique certain, mais devient vite assez pénible… Cependant, c’est la sœur du milieu l’héroïne de ce tome, la gentille Merry, aspirante cambrioleuse des plus malchanceuses. Et elle m’a fait de la peine la petite Merry, à passer son temps à courir à droite et à gauche pour protéger ses sœurs… Il ne fait pas bon être trop gentil ou avoir de l’honneur à Grisaille !
On rencontre ici des guildes de voleurs et d’assassins, façon Pratchett, une aristocratie divisée en huit familles aux pouvoirs spécifiques, des cinglés en tous genres et une société retorse où tuer avant d’être tué est la règle, mais tout ça dans l’humour le plus noir plutôt que le gore. C’est tout ce que j’aime : un peu de famille Addams, de Burton, de Gaiman, mais juste de lointaines inspirations, comme une mélodie assourdie dont on reconnaît quelques notes à la volée. L’univers des sœurs Carmines est résolument original.
L’auteur a créé un background complexe, mais a le bon goût de ne pas l’étaler sous le nez du lecteur, il privilégie son histoire. Alors oui on aimerait en savoir plus sur la ville et ses habitants, mais ayant l’habitude de me plaindre copieusement quand les auteurs jouent aux guides touristiques sans développer d’intrigue, je ne peux qu’approuver son choix.
Le Complot des corbeaux est un roman de cape et d’épée flirtant avec les caractéristiques du gothique – personnages malveillants, assassinats sournois et secrets de famille, mais prend souvent les poncifs à contrepied. Certains passages sont vraiment très drôles, notamment le journal de Dolorine ou la bataille finale. J’ai passé un excellent moment.
En outre, la maquette est soignée avec ses silhouettes en guise de décorations de chapitres. C’est de l’ordre du détail mais ça réjouit la part la plus superficielle de ma personne.
La série est prévue en trois volumes, un par sœur, en accord avec la personnalité de chacune. À la fin de l’ouvrage se trouve un extrait du tome 2 consacré à l'aînée, à la première personne s’il vous plaît, contrairement au tome 1. On n’en attendait pas moins de l’égocentrique Tristabelle… Ceci dit, cela m’effraie un peu. Trista est un personnage cocasse, mais qui devient vite exaspérant, alors tout un roman en sa compagnie… Néanmoins, j’ai bon espoir que ce soit drôle et j’ai ouï dire que ce serait dans un genre assez différent, alors je serai au rendez-vous !

lundi 29 mai 2017

Légendes de Corse

Un recueil de Francette Orsoni, publié chez Nathan dans la collection Contes et Légendes.


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Présentation de l'éditeur :


Au bord d'une rivière, un jeune homme rêve d'amour en contemplant, à la dérobée, une fée qui peigne sa chevelure magnifique. Dans son atelier, un forgeron rusé et désintéressé trompe la Mort venue le chercher. Sous un orage terrible, un berger voit ses moutons transformés en rochers. En haut des montagnes, une pauvre jeune fille se met en route, fière et dure, pour rejoindre son riche fiancé... Figures tragiques et facéties du destin : écoutez, la Corse se laisse conter !



Sommaire :


- La bergère ligure
- Les jours prêtés
- Le comte Pazzu
- La fée du Rizzanese
- La Spusata
- Miseriu
- La pierre du Sarrasin
- le Mal de tête, le Point de congestion et la Mort
- Les quatre frères
- Petru Pà, le garçon qui répète sans comprendre
- Le diable et s*aint Martin
- Le Magu
- La légende des amandiers


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Ce recueil est composé de treize contes parmi les plus connus de Corse. J’en ai moi-même maintes fois entendus la grande majorité, avec plus ou moins de variations, au cours de mon existence. Étant donné que l’esprit de la collection Contes et Légendes est justement de présenter des contes régionaux typiques, on peut considérer que le but est atteint.
Dans ces pages, vous rencontrerez entre autres une fille au cœur de pierre, une fée mélusinienne, des sorcières, beaucoup de bergers et bien entendu Saint Martin, personnage récurrent dans nos histoires, faiseur de miracles à l’esprit vif et taquin. Vous apprendrez aussi pourquoi nous appelons les 2, 3 et 4 avril des jours prêtés ou comment les bergers ont appris à préparer le brocciu.
Peut-être certains textes vous sembleront-ils familiers. Les contes sont ainsi faits qu’ils reprennent souvent des thèmes communs de par le monde, c’est pour cela qu’ils parlent à l’imaginaire de chacun.
Il est possible que vous soyez également surpris de découvrir dans ces contes des personnages chrétiens bien loin de leur image originelle. C’est très corse, la religion étant chez nous assez présente mais imprégnée de paganisme et autres superstitions.
Francette Orsoni, conteuse de profession, appose également sa patte sur ces récits – elle aime bien les envolées lyriques. C’est une façon de conter comme une autre, pas ma préférée, mais qui ne dénature pas vraiment les histoires. Cependant, il faut garder à l’esprit que ce sont des adaptations, une vision très personnelle donc, comme elle l’écrit elle-même. Cette souplesse narrative est aussi ce qui fait la richesse des contes et légendes.
J’ai toutefois été un peu déçue par sa version du Comte Pazzu qui, je trouve, passe à côté du symbolisme de l’histoire en omettant des détails que je juge importants et en insistant sur d’autres qui le sont moins. De même, la fin de Miseriu m’a semblé légèrement bâclée et il est dommage que dans les joutes du diable et Saint Martin l’épisode du pont ait été oublié. Mais nous avons tous notre façon de voir les choses et le bagage émotionnel que véhiculent pour moi ces contes ne me rend pas forcément très objective…
Malgré ces quelques réserves, il s’agit d’un bon recueil si vous souhaitez découvrir des contes corses caractéristiques. Du point de vue du style, il est à réserver aux enfants qui sont déjà de bons lecteurs. Gardez également à l'esprit que certains textes sont assez sombres, ce n'est pas pour un très jeune public. La Pierre du Sarrasin, notamment, n’est pas du tout pour les enfants et ce n’est d’ailleurs pas vraiment un conte à proprement parler. C’était la première fois que je le lisais et je suis dubitative quant à sa place dans un tel recueil. Son seul mérite est, à mon sens, d’expliquer succinctement la tradition des vœux de compérage. Cela mis à part, aucun des récits que je connaissais ne m'a traumatisée quand j'étais petite et je suis d'avis que les enfants font la part des choses, toutefois je préfère prévenir les parents qui choisiront en connaissance de cause.

vendredi 26 mai 2017

Flying Witch T2

Un manga de Chihiro Ishizuka, publié chez Nobi Nobi.
Il comporte cinq volumes, le troisième est prévu pour juillet.


Vous pouvez également consulter mon avis sur l’anime et sur le tome 1.


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Dans ce tome, Makoto continue sa découverte de la vie à la campagne, tout en profitant des joies du quotidien avec ses cousins. C’est le printemps, cueillette de légumes sauvages, nouvelles amitiés, festival des cerisiers en fleurs sont au programme. Le récit est toujours empreint de douceur, de tranquillité et de bien-être. Rien de nouveau si vous avez vu l’anime, juste la joie de retrouver les personnages et de les suivre dans leur petite vie saupoudrée de magie évanescente.
Notre jeune sorcière est cette fois un peu en retrait. On apprend à mieux connaître son entourage. On voit notamment un peu plus les parents de Kei et Chinatsu qui sont des gens plutôt sympas. Dans ce volume, on rencontre également une autre sorcière que j’avais déjà beaucoup aimée dans l’anime et que j’aimerais voir un peu plus dans la suite. Quant à la petite Chinatsu, de plus en plus attirée par l’univers de ses cousines, elle veut à son tour devenir une sorcière. Cette gamine est vraiment adorable.
Les chapitres forment des histoires simples et brèves et c’est là le seul défaut de ce manga : on en voudrait toujours plus. C’est un festival de petites magies avec un ancrage réel et culturel assez crédible. De fait, je me sens toujours proche des personnages et j’aime les voir évoluer.
Je l’ai déjà dit en parlant du tome précédent : Flying Witch est typiquement un manga doudou, une sucrerie idéale pour les jours où le moral est en berne.

mercredi 17 mai 2017

Déracinée

Un roman de Naomi Novik publié chez Pygmalion.*

Présentation de l'éditeur :

Patiente et intrépide, Agnieszka parvient toujours à glaner dans la forêt les baies les plus recherchées, mais chacun à Dvernik sait qu'il est impossible de rivaliser avec Kasia. Intelligente et pleine de grâce, son amie brille d'un éclat sans pareil. Malheureusement, la perfection peut servir de monnaie d'échange dans cette vallée menacée par la corruption. Car si les villageois demeurent dans la région, c'est uniquement grâce aux pouvoirs du "Dragon". Jour après jour, ce sorcier protège la vallée des assauts du Bois, lieu sombre où rôdent créatures maléfiques et forces malfaisantes. En échange, tous les dix ans, le magicien choisit une jeune femme de dix-sept ans qui l'accompagne dans sa tour pour le servir. L'heure de la sélection approche et tout le monde s'est préparé au départ de la perle rare. Pourtant, quand le Dragon leur rend visite, rien ne se passe comme prévu...

Imaginez une vallée dont le seigneur est un Dragon à qui les villageois offrent tous les dix ans une jeune fille de dix-sept afin qu’il les protège d’un bois maléfique… Oui, imaginez, mais sachez que le Dragon n’en est pas vraiment un et que la dernière jeune fille désignée pour l’accompagner est tout sauf ordinaire. Avec Déracinée, Naomi Novik rend hommage aux contes polonais que sa mère lui racontait quand elle était enfant. Elle joue avec les poncifs, prend nos attentes à revers, distille les références de-ci de-là et crée une belle fantasy qui parlera à tous les rêveurs. Nous avons tous lu des contes, quelle qu’en soit l’origine, et Novik a su en capturer l’essentiel : cette magie que nous comprenons instinctivement. Cela donne au texte une impression de chaleureuse familiarité, tout en apportant un souffle de fraîcheur qui bouscule nos souvenirs d’enfance. En effet, Novik ne se laisse pas aller à la facilité et son texte est beaucoup moins manichéen qu’on peut le penser de prime abord. Dans cette Pologne imaginaire, la magie est un don que l’on possède ou non dès la naissance et, dans la vallée, on s’inquiète plus du Bois que de politique malgré la menace constante de reprise des hostilités avec le pays voisin. Le Dragon est un mage et la lutte contre le Bois son unique préoccupation, alors cela vaut bien quelques sacrifices pour les gens du cru… Et puis les filles reviennent un jour, même si elles ont changé. Par le hasard de la naissance, Agnieszka est une fille du Dragon. C’est-à-dire qu’elle pourra, comme les autres nées à la même époque, être désignée pour le servir durant dix ans. Mais tout le monde sait bien qu’il choisira Kasia dont la beauté est loin d’être la seule qualité. Or, c’est Agnieszka, fille banale et meilleure amie de Kasia, qui nous narre cette histoire. On se doute bien que tout ne va pas se passer comme prévu… Cependant, quoi que vous imaginiez, ce sera mieux, promis. Gardez patience car le début est assez lent, les maladresses d’Agnieszka, qui sont parfois exagérées, vont finir par passer et l’intrigue va peu à peu vous emporter. Novik n’adhère pas au principe du “show, don’t tell”, d’où le début difficile. En outre, elle aime bien délayer. Cependant, des passages plus vifs arrivent toujours à propos pour redonner du souffle au récit et attiser l’envie de tourner les pages plus vite. Ce roman est tel un long conte à épisodes, oscillant entre scènes du quotidien et batailles épiques, bourré de péripéties et de retournements de situation plus ou moins prévisibles, mais qu’on prend toujours plaisir à voir développés. J’y ai mis le temps, mais je me suis fortement attachée aux personnages : Agnieszka qui se révèle moins balourde de page en page, la trop parfaite Kasia, et même ce Dragon caractériel… Tous gagnent en profondeur, même s’il reste un peu en eux de la caricature typique des héros de contes de fées. Au début, j’étais un peu blasée en découvrant la magie de ce monde. J’aime les systèmes plus élaborés, ceci dit je trouvais tout de même que c’était adapté à l’univers des contes où elle est toujours réduite à de simples formules et claquements de doigts. Néanmoins, j’ai été agréablement surprise par la suite. Même si ce n’est pas le système le plus développé de la Fantasy, Novik a su le rendre cohérent et intéressant. Ce petit pavé m’a accompagnée dans un moment difficile et m’a aidée à mettre de côté mes soucis. Tout en étant à la fois plus travaillé et plus adulte, ce roman vous rappellera le plaisir que vous preniez enfant à lire ou écouter des contes. Déracinée est une belle histoire, qui prendra sans nul doute racine parmi les incontournables de la Mythic Fantasy.

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vendredi 12 mai 2017

Boudicca

Un roman de Jean-Laurent Del Socorro publié aux éditions ActuSF.
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Présentation de l'éditeur :

Angleterre, an I. Après la Gaule, l'Empire romain entend se rendre maître de l'île de Bretagne. Pourtant la révolte gronde parmi les Celtes, avec à leur tête Boudicca, la chef du clan icène. Qui est cette reine qui va raser Londres et faire trembler l'empire des aigles jusqu'à Rome ?

À la fois amante, mère et guerrière mais avant tout femme libre au destin tragique, Boudicca est la biographie historique et onirique de celle qui incarne aujourd'hui encore la révolte.

Après Royaume de vent et de colères, premier roman très remarqué qui a reçu le prix Elbakin.net 2015, Jean-Laurent Del Socorro fait son retour avec une héroïne symbole d'insoumission...

« Il n'y a pas de honte à renoncer car seuls les dieux ne connaissent pas la peur. Je ne vous jugerai pas. Je vous pose simplement la question : serez-vous, aujourd'hui, à mes côtés ? »

Boudicca, reine, guerrière et insoumise, a beaucoup enflammé les imaginations de nombreux auteurs et continuera sans doute, malgré le temps qui nous en éloigne toujours davantage. Jean-Laurent Del Socorro nous offre sa vision, dessinant par petites touches cette femme d’exception, sa bravoure comme ses failles. Il a su donner à son texte un souffle légendaire, ce petit quelque chose qui fait la différence, qui rend tout plus grand.
Le récit se compose de trois grandes parties, chiffre qui n’est pas anodin, l’enfance de Boudicca, en tant que fille de son père cherchant à imposer sa place au sein de son clan, ses épousailles et la maternité, puis cet instant où elle embrasse son destin de reine. Elle nous apparait d’abord comme une gamine insupportable et fière, cherchant avant tout la reconnaissance de son père. Puis on la voit devenir une adulte, avec ses défauts et qualités, ses contradictions, sa vulnérabilité et sa force, ses doutes et ses convictions. De simple femme, elle devient icône.
Elle est la narratrice de cette biographie romancée et peu à peu le lecteur se fait le réceptacle de ses confidences. Cela crée une intimité qui la rend vite attachante. Boudicca est une jeune femme tenace et intelligente, entière, mais qui gère mal ses propres émotions. Elle connaît la peur, elle assume ses erreurs et ses échecs, elle ne fuit pas ses responsabilités. Elle est maladroite, mais pleine de ferveur, d’amour pour les siens mais aussi de colère. Son humanité, si bien dépeinte par l’auteur, a des accents de sincérité qui, adjoints aux événements, rendent le roman très émouvant.
Pour autant, elle n’est pas le seul personnage fort de ce récit. Chaque membre de son entourage participe à sa manière à la construction du mythe. Certains m’ont particulièrement touchée : Ysbal, sa protectrice pragmatique et téméraire ; Jousse, sa compagne et amie d’enfance irradiant l’amour et la confiance ; et son époux qui, tout en faisant d’autres choix qu’elle, la soutient comme il soutient son peuple, du mieux qu’il peut. Tous ces personnages nourrissent la force de Boudicca, lui insufflent du courage comme elle nous en insuffle à son tour.
Comme dans Royaume de Vent et de Colères, l’auteur revisite l’histoire en y ajoutant sa magie, représentée par la pierre d’équilibre. Cependant, je l’ai trouvé plus subtil dans ce roman et j’ai beaucoup plus apprécié. La magie est diffuse, légère, presque anecdotique. J’ai beaucoup aimé ces moments où le récit versait dans l’onirisme, certains diraient le Temps Légendaire. Suivre Boudicca dans la Paix m’a apaisée de même.
Boudicca est un très bon roman, on ne voit pas défiler les chapitres et pas seulement parce qu’ils sont courts. J’ai aimé voir se construire sous mes yeux ce personnage mythique, voir la femme sous le parangon. Et j’ai tant espéré pour elle alors que je savais ce qui allait se produire… C’est là, à mon sens, la grande force du récit. Je ne peux que vous conseiller cette lecture.
Comme pour son précédent roman, l’auteur clôt l’ouvrage avec une nouvelle qui cette fois nous entraîne des siècles plus tard, sur un autre continent. Elle fait écho au roman de manière très délicate, mais l’adoucit aussi un peu à sa façon en ramenant de l’espoir. Elle nous rappelle qu’on ne peut pas attendre que les autres changent le monde à notre place et qu’il suffit parfois d’un seul pas pour en entraîner d’autres. Le tout est de faire ce qui nous semble juste.
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Découvrez également l'avis de Boudicca sur Le Bibliocosme.