mardi 26 janvier 2021

Anergique

 Un roman de Célia Flaux, publié chez ActuSF dans la collection Naos.

Présentation de l'éditeur :

Angleterre XIXe siècle. Lady Liliana Mayfair est une garde royale, mais aussi une lyne capable de manipuler la magie. Elle et son compagnon Clement partent en Inde sur les traces d’une violeuse d’énergie. Leur unique piste : Amiya, la seule victime à avoir survécu à la tueuse.

De Surat à Londres, la traque commence. Mais qui sont véritablement les proies ?

Remarquée avec Le Cirque Interdit (Scrineo), Celia Flaux nous plonge cette fois dans une palpitante aventure victorienne, entre steampunk et magie.

Anergique est un savant mélange de polar et de gaslamp fantasy, un roman prenant dont on tourne les pages avec frénésie, happé par les aventures des personnages et une traque dont on ne sait jamais vraiment qui est le chasseur et qui est la proie. Toutefois, l’enquête, aussi intéressante soit-elle, ne prend pas l’ascendant sur les réflexions sociétales qui sous-tendent l’intrigue et qui sont ce que j’ai préféré dans cette lecture.
Deux castes, si l’on peut les définir ainsi, se côtoient dans cet univers et dépendent l’une de l’autre. Les lynes sont la caste dominante. Ils boivent l’énergie des denas car ils ne sont pas capables d’en produire par eux-mêmes, en revanche ils peuvent user de magie. Toute technologie dans ce monde semble dépendre des lynes. Les denas, quant à eux, ne font pas de magie, mais produisent de l’énergie qui doit être régulée par les lynes pour leur éviter la surcharge. Sur le papier, cela pourrait être une relation équilibrée. Bien sûr, cela n’est pas si simple.
On pourrait alors imaginer que les denas, qui sont producteurs d’énergie, de force vive pourrait-on dire, auraient pris l’ascendant. Non, pas du tout. Les lynes sont taraudés par leur soif qu’ils maîtrisent plus ou moins. La peur du manque les pousse à traiter les denas en inférieurs, à les rendre dépendants pour s’assurer une source d’énergie inépuisable. En d’autres termes : ils dirigent la classe qui produit.
La façon dont les lynes conditionnent les denas, les tiennent à l’écart des postes importants ou les privent de leur héritage au profit des frères et sœurs lynes ne manque pas d’interpeler. On ne choisit pas d’être lyne ou dena. Il s’agit d’une condition génétique et, si elle évoque les différences de classes, elle n’est pas non plus sans rappeler les théories de genres. 
Ce point de départ est en soi intéressant et l’autrice pousse assez loin la réflexion sur les disparités sociales. Celles-ci ne s’arrêtent pas au fait d’être lyne ou dena. Il faut y ajouter le genre et la classe sociale. Dans ce monde si codifié, ce rapport à l’énergie ne fait que mettre en relief l’injustice dont certains sont victimes.
L’autrice multiplie les parallèles avec notre monde. Cette co-dépendance a de nombreux effets pernicieux sur la société. Si les lynes jouissent d’une grande liberté et font de leur énergie ce qu’ils veulent, les denas sont cantonnés à des métiers ou des arts qu’on a longtemps jetés comme des miettes aux femmes. Et surtout, qu’il ne leur vienne pas l’idée de refuser de partager leur énergie…
Certains lynes déviants n’hésitent pas à agresser les denas et à les boire jusqu’à la mort. On les appelle des violeurs d’énergie et le terme n’est pas exagéré car on peut tout au long du roman vérifier combien l’horrible comparaison sonne juste.
Liliana et Clement sont des gardes royaux. Elle est lyne et noble, il est dena et bourgeois. Ensemble ils suivent la piste d’une violeuse en série qui pourrait bien être celle qui a agressé l’ami d’enfance de Clement. C’est la partie polar du récit et elle est plutôt bien menée, même si j’ai déploré une coïncidence vraiment facile qu’on voit en outre arriver de très loin.
Anergique est un roman choral dans lequel les personnages principaux s’expriment tour à tour. L’autrice multiplie ainsi les points de vue et nous permet de mieux comprendre la subtilité des rapports entre denas et lynes, mais aussi entre les classes.
Les affections dont souffrent certains personnages rappellent l’anorexie mais aussi les traumatismes sexuels. Le roman peut même en devenir perturbant tellement cela est bien décrit et évocateur.
Le parallèle entre un dena traumatisé, qui ne parvient plus à donner librement son énergie, et une lyne habituée à se priver par crainte de blesser ses proches et qui ne parvient plus à ressentir la soif est également saisissant. Cependant, j’ai été dubitative quant à la relation qui se noue entre les deux, de manière trop rapide à mon goût. Je salue néanmoins les choix audacieux qu’a fait l’autrice.
J’ai pris grand plaisir à lire ce roman prenant et bien écrit, à suivre cette enquête et à découvrir cet univers si intelligemment construit.

lundi 18 janvier 2021

C'est du flan !

Je ne peux pas faire le challenge madeleine de Proust sans publier de recette. Alors ce sera du flan, parce que j'en ai fait un avec le lait de chèvre et les œufs frais qu'un ami m'a apportés, que ça me rappelle ma grand-mère et que c'est comme ça. 
Tu peux utiliser du lait de vache si tu préfères.
Je ne peux pas te dire si ça marche avec du lait de soja, je n'ai jamais essayé, mais si tu es allergique au lactose, j'ai une autre recette avec du soja un peu dans le style du flan pâtissier, suffit de demander.
En revanche, je n'ai rien sans œufs, désolée.

Bref, c'est un flan de fainéante et de fauchée, il faut juste trois ingrédients :
- 1l de lait
- 150g de sucre (si tu as le bec sucré, tu peux aller jusqu'à 200, moi je sucre assez peu mes desserts)
- 6 œufs 

Bon, tu peux mettre une cuillérée de miel ou un peu de vanille et faire du caramel liquide pour le fond de plat, mais ce n'est pas une obligation.


La préparation est très simple. Tu commences par préchauffer ton four à 180°c.
Tu bats tes œufs avec le sucre jusqu'à ce qu'ils blanchissent (ou roussissent si ton sucre est brun), tu ajoutes le lait et tu mélanges bien.
Tu verses le tout dans un grand plat ou des ramequins que tu mets à cuire au bain-marie et... c'est tout.
Le temps de cuisson peut varier selon la taille de ton plat, dis-toi que quand tu vois les taches brunes comme sur ma photo, c'est cuit.
Laisse-le reposer au frais quelques heures et dégustes.
Et la prochaine fois peut-être que je te parlerai du flan à la farine de châtaigne, parce que c'est bon aussi.

vendredi 15 janvier 2021

Double morale

Un roman de Gaëlle Magnier, publié chez Séma éditions.

Présentation de l'éditeur :
Londres, 1895
Alors que le procès d'Oscar Wilde occupe les colonnes de la presse londonienne, la jeune Betty découvre une aristocratie hypocrite qui met à mal sa bonne éducation.
En entrant au service des Trengove en tant que gouvernante, elle se rend rapidement compte qu'un secret pesant, lié à la présence de William Goodfeather – étudiant en arts à la Royal Academy – vient perturber l'équilibre de cette famille de bonne réputation.
Lors d'une des célèbres soirées de Lady Trengove, Betty fait la connaissance du capitaine Ashby, qui partage son sentiment quant à la double morale de la noblesse anglaise...
 
Double morale est une romance historique située en grande partie dans le Londres victorien. Bien que l’intrigue principale soit une bluette, l’autrice a su donner du corps à son récit et l’ancrer dans l’époque qu’elle a choisie. Cela est assez rare dans le genre, qui privilégie en général le décor plus que la réalité historique, pour être noté et apprécié à sa juste valeur. Références littéraires et réflexions sociétales sous-tendent l’intrigue principale qui, en revanche, est mignonne mais sans plus. Même les personnages secondaires, touchants dans leurs amours contrariées, ne m’ont pas passionnée bien que j’aie compati à leurs malheurs.
Betty, qui est le personnage central, n’a pas eu une vie facile, cependant elle a su saisir toutes les opportunités que celle-ci lui a apportées. Grâce à l’ancienne patronne de sa mère, elle a pu recevoir une instruction malgré son origine sociale et trouver un emploi de gouvernante dans une famille de l’aristocratie anglaise. 
Je me suis vite attachée à cette jeune femme intelligente et ouverte d’esprit qui porte sur le monde un regard à la fois naïf et pragmatique. Grande lectrice, volontaire et observatrice, Betty cherche à apprendre dans toutes les situations que lui offre le quotidien. Son statut à part dans la famille, domestique mais tenue à l’écart de la domesticité, la met dans une situation à la fois inconfortable et plus à même d’observer les contradictions et petits arrangements des nobles avec la morale. L’hypocrisie est la norme et ce sur quoi on accepte de fermer les yeux peut changer au moindre coup de vent si l’on veut détruire une personne. Les pensées de Betty sur cette société étouffante ont été pour moi la partie la plus intéressante du roman.