mercredi 31 octobre 2018

La Porte des Sorcières

Une novella de Sylwen Norden, publiée en numérique chez Realities Inc.


La Porte des Sorcières est une novella mêlant habilement les genres. Les références traditionnelles à la figure de la sorcière y côtoient la modernité de la Science Fiction. Le Fantastique du futur pourrait ressembler à cela, moitié science empirique, moitié rêve halluciné. Ces deux genres, l’un très personnel, l’autre très humaniste, se rencontrent rarement malgré leur complémentarité. Dans ce texte, le mariage est aussi réussi qu’il est audacieux.
On y croise une femme étrange, ou plutôt étrangère aux siens, un savant, un dandy, un robot déglingué et la fille d’un notable, tous décalés dans une société décadente. L’humanité a colonisé l’espace, mais est en perdition. Sur cette planète isolée, qui ne peut plus communiquer avec le reste de l’univers, les machines tombent en panne et le savoir qui aurait permis de les réparer s’est perdu. Ce petit monde s’est replié sur lui-même, effrayé par l’extérieur autant que par les ombres qui hantent les canaux de cette nouvelle Venise.
J’ai beaucoup apprécié ce mélange entre futur déliquescent et Renaissance italienne. Et, surtout, j’ai aimé cette sorcière 2.0 dont les pouvoirs psychiques s’éveillent, comme ses sœurs antiques, grâce à l’absorption d’une substance illicite. Femme libre, intelligente et solitaire, Ygraine est une sorcière moderne très convaincante. La narration à la première personne nous la rend très proche et la lecture prend vite l’apparence d’un long songe fiévreux mâtiné de cauchemar ou des éléments du passé se mêlent à un hypothétique futur. L’histoire est-elle un éternel recommencement, comme le suggère notre sorcière ?
Tout est réuni pour offrir une excellente histoire de sorcière, avec ce qu’il faut d’originalité et d’élégance. C’est le genre de SF que j’aime, divertissante et néanmoins porteuse d’une réflexion intéressante sur l’humanité, ses travers et son devenir.

jeudi 18 octobre 2018

Plusieurs manières de danser

Un roman de Juliette Allais publié chez Eyrolles.

Présentation de l'éditeur : 
Lilly Bootz trouve le monde exaspérant. Elle est passionnée, entière, pleine de vie et d'envies, mais son tempérament rebelle, râleur et colérique lui a encore coûté cher : à Londres, elle vient de perdre son travail et son petit ami l'a quittée... Désabusée, alors qu'elle s'apprête à repartir pour Paris sans projet, elle fait "par hasard" la connaissance de l'inspirante et fantasque Katarina Wolf. C'est le coup de foudre réciproque. Katarina est justement à la recherche d'une assistante et propose à Lilly de la suivre à Paris, où elle anime avec son mari Walter, une école dédiée au "réenchantement". Lilly accepte, sur un coup de tête. Elle a l'intuition que quelque chose d'inédit se présente à elle : une rencontre qui pourrait enfin l'amener quelque part ! Plongée dans l'univers mystérieux des Wolf, entre planètes capricieuses, chevaux racés et inconnus masqués, Lilly ira de surprise en surprise, jusqu'à la révélation finale.
C’est la notion de réenchantement qui m’a attirée dans le résumé de ce roman. Je crois sincèrement que nous avons besoin de laisser un peu plus de place à l’imaginaire et à la magie dans nos vies, de nous reconnecter à un peu de notre enfance pour être plus heureux. Il n’est pas question de se voiler la face afin d’éviter la réalité ou d’aller contre la logique, mais plutôt de trouver un équilibre, d’oser un peu plus vivre nos rêves et surtout nous montrer plus créatifs. Dans notre société les artistes meurent littéralement de faim, mais ceux d’entre nous qui renoncent à toute activité créative meurent quant à eux figurativement à petit feu.
Le roman présente très bien ce qu’est le réenchantement et pourquoi nous en avons besoin. Cependant, il ne va pas plus loin que cette brève explication et se concentre davantage sur une forme de thérapie liée à l’astrologie qui me laisse nettement plus dubitative.
J’ai beaucoup étudié l’astrologie, son histoire, ses différentes utilisations à travers le temps, mais surtout son langage symbolique. Un langage, car on lit les astres et constellations (enfin leur voyage théorique et non réel en astrologie tropicale) comme on lit un texte, ce qui est sujet à interprétation et subjectivité, comme n’importe quel écrit. À mon sens, l’astrologie prévisionnelle (ou divinatoire si vous préférez) n’a aucun intérêt, en revanche l’utilisation de sa symbolique d’un point de vue psychologique est intéressante du moment que ce travail est personnel et l’interprétation laissée au sujet lui-même avec le thérapeute comme guide. C’est une façon comme une autre, en utilisant les symboles comme un support, de dénouer en douceur certains de nos blocages car l’on se sert ainsi à dessein de notre subjectivité et de notre inconscient. L’astrologie peut aider à cartographier sa propre psyché, pas comme une vérité ultime définissant notre être point par point, mais en tant qu’invite à la réflexion sur soi.
Je vois tout à fait l’usage que l’on peut en faire dans le cadre d’une thérapie quand le sujet étudie son propre thème. Pour autant, je n’ai pas du tout adhéré à la méthode de l’auteur, elle-même thérapeute, qui est décrite dans l’ouvrage. Le jeu de rôles, pourquoi pas ? Néanmoins, tout cela m’a semblé terriblement hasardeux, voire dangereux.
Et quand dans un travail de groupe une personne, qui n’est ni la thérapeute ni le sujet, se met à débiter des choses liées à la vie dudit sujet « instinctivement » juste parce qu’on lui a dit de jouer la lune en capricorne, moi j’appelle ça une coïncidence et n’y vois pas une inspiration venue tout droit des astres. On se croirait au spectacle la plupart du temps. Avec la meilleure volonté du monde, je ne pouvais pas croire à ça. Et que dire de toutes les contradictions présentes entre ces pages ? Vous êtes maître de votre destin, mais il est quand même écrit dans les astres et vous devrez faire avec. Ahem…
L’histoire elle-même ne rattrape rien. On fait la rencontre de Lilly, jeune femme paumée, dont les bons côtés sont bien cachés derrière des réactions toujours excessives et ce qui apparaît vite comme un caractère de merde de gamine capricieuse et égocentrique. Dès le départ, son phrasé m’a agacée. Je n’ai rien contre le langage familier utilisé dans des dialogues, mais dans ce qui semble être une sorte de confession adressée à sa thérapeute, comme un résumé de son histoire et de ses progrès, c’est lourd. Et cette narration… Lilly s’adresse à Katarina, ce qui exclut d’emblée le lecteur mais n’est pas un problème en soi, cependant elle voue une telle vénération à sa thérapeute que ça en devient dérangeant au fil des pages.
L’évolution de Lilly m’a laissée froide. Je n’ai pas cru à son histoire, je ne me suis pas attachée à elle ni aux autres personnages. Et que dire de « l’histoire d’amour »… Tout est trop facile, caricatural, prévisible. J’ai eu un mal fou à finir ce bouquin malgré des chapitres courts et tellement aérés… Même en rassemblant toute la bienveillance dont je suis capable, je n’ai rien trouvé qui puisse me permettre d’adoucir cette chronique.
Le récit et même les personnages sont accessoires. Contrairement aux apparences, ce n’est même pas un roman feel good bien qu’il soit empli de positivisme. Tout tourne autour de l’astrothérapie. Alors si vous n’aimez pas l’astrologie vous vous ennuierez et si vous la pratiquez ça ne vous passionnera pas pour autant… Ni vraiment un roman, car l’histoire manque de corps, ni guide de développement personnel, ce livre est une bizarrerie, mais pas dans le bon sens du terme. Aussitôt lu, aussitôt oublié.


vendredi 12 octobre 2018

Hilda ♥


Hilda est une série d’animation, adaptée d’une BD de Luke Pearson (que je n’ai pas lue), à laquelle je ne prêtais guère attention malgré l’envahissante pub de Netflix. Cela jusqu’à ce que des détails finissent par s’insinuer dans mon esprit et que je réalise qu’elle faisait la part belle aux créatures magiques telles que les trolls, lutins et autres esprits de la nature. J’ai donc lancé le premier épisode. Dès lors, j’étais fichue. Cette série est adorable, onirique et magique à souhait, et son univers se développe tout en finesse. Si beaucoup d’éléments sont d’inspiration nordique, d’autres légendes s’y mêlent et elle crée sa propre mythologie avec brio. 
C’est tout à fait le genre de dessin animé qui peut être apprécié à tout âge du moment qu’on est un minimum rêveur. J’ai adoré cet univers à la fois pour son originalité et les souvenirs d’enfance qu’il a réveillés.
Hilda est une fillette qui vit seule avec sa mère, très loin de la ville. Elle a un renard-cerf comme animal de compagnie et passe ses journées à courir la nature à la recherche de créatures magiques à dessiner. Mais sa tranquillité va bientôt être mise à mal par les lutins des environs, bien décidés à virer ces deux géantes qui les enquiquinent.
J’ai adoré entrer dans le monde de cette enfant fantasque, généreuse et enthousiaste, un peu trop fonceuse pour son propre bien, qui n’imagine pas vivre ailleurs qu’en pleine nature. Evidemment Hilda va tenter de négocier avec les lutins, mais si le début de la série est très plaisant, ce n’est rien comparé à la suite. D’épisode en épisode, l’histoire va en s’améliorant, elle gagne en consistance et cohérence. Des personnages deviennent récurrents et c’est un vrai bonheur de voir tout ce petit monde évoluer.
Ils sont tous très originaux et attachants, qu’il s’agisse des humains ou des créatures légendaires. Le corbeau, Alfur le lutin et le bonhomme de bois sont tout simplement géniaux. J’ai aussi particulièrement aimé la relation entre Hilda et sa mère qui sonne très juste et me rappelle un peu celle que j’entretiens avec ma propre mère.
J’ai eu un immense coup de cœur pour cette délicieuse série, que j’ai regardée en un weekend, et j’en étais déjà nostalgique au générique de fin du dernier épisode. Vivement la suite !

mardi 9 octobre 2018

Il était Temps


Tim a vingt-et-un ans quand il apprend que les hommes de sa famille peuvent voyager dans le temps. Il lui suffit de s’enfermer dans le noir, de repenser à un moment du passé et hop, le voilà prêt à rectifier une erreur et, peut-être, améliorer sa vie. Sur le papier ça a l’air chouette. Qui n’a jamais perdu son temps à refaire dans sa tête le scénario d’une mésaventure, sans pour autant avoir l’espoir de l’effacer ? Les « et si » nous empoisonnent souvent. 
Délesté de ce fardeau, Tim va peu à peu réécrire sa vie, se rendant petit à petit compte des limites de son pouvoir. Cela commence comme une bluette qu’on regarde sans trop s’investir, mais au fil du film les relations entre les personnages prennent du relief, s’éloignent de la simple comédie romantique et sonnent plus vrai. Il est assez émouvant, en fin de compte, de voir Tim évoluer et prendre confiance en lui, apprécier plus encore ce temps qui lui est pourtant moins compté qu’au commun des mortels. 
Les personnages secondaires sont tout aussi attachants, en particulier la sœur et le père de Tim. Ce sont vraiment les très forts liens qu’ils entretiennent tous les trois qui m’ont le plus touchée et m’ont fait pardonner quelques facilités scénaristiques. 
C’est le hasard, sous la forme d’une confusion concernant le titre, qui m’a fait enclencher la lecture et je ne le regrette absolument pas. Ce film qui ne paie pas de mine se révèle une très belle histoire sur l’amour, au sens large du terme, et le bonheur.