mercredi 14 octobre 2020

Le Cercle du Dragon-Thé

Une BD de Katie O'Neill, publiée chez Bliss Comics.

Présentation de l'éditeur :
Greta, apprentie forgeronne, découvre une petite créature perdue sur la place du marché. En ramenant le dragon-thé chez lui, elle va rencontrer les deux propriétaires du salon de thé : Hesekiel et Erik. Ces derniers vont alors l'initier k l'art délicat du soin des dragons-thé. Tandis qu'elle se lit d'amitié avec eux et avec la timide Minette, Greta va découvrir l'étendue de cet art et comment les dragons-thé enrichissent leurs vies. Un conte de fées envoûtant autour de Greta et de sa découverte du monde enchanteur des dragons-thé.
Greta est une jeune fille enjouée et sympathique qui vit dans un monde magique peuplé de magnifiques créatures. Elle-même a du sang de gobelin. Elle apprend la ferronnerie avec sa mère qui est une forgeronne d’exception. Greta aussi est douée, elle a même noué un pacte avec Brick, une petite créature du feu qui la suit partout.
Un jour, Greta découvre un petit dragon aux prises avec des canidés affamés. N’écoutant que son bon cœur, elle va mettre tout le monde d’accord à la manière douce. En venant au secours de cette petite créature si délicate, elle va découvrir le monde fabuleux des dragons-thé.
Cette BD est d’une beauté, d’une harmonie et d’une douceur incroyables. C’est de la choupitude en paillettes et non ce n’est pas niais du tout, promis. 
Les dessins sont magnifiques et chaleureux, les couleurs douces et vives à la fois. C’est de toute beauté et le texte est à la mesure des illustrations. Greta est un personnage très attachant et les gens qu’elle rencontre le sont tout autant. Ce fut un plaisir de découvrir avec elle l’univers des dragons-thé et les histoires des personnes qui en prennent soin.
Cette histoire met en avant l’amitié, le partage du savoir et la préservation de celui-ci, la générosité et l’amour du thé. Elle est aussi positive qu’inclusive et j’ai été ravie de découvrir la diversité des personnages qu’elle met en scène. En outre, les dragons-thé sont d’adorables créatures. L’autrice leur a donné une apparence en adéquation avec le thé qu’ils personnifient et c’est juste parfait.
La BD est découpée en cinq chapitres courts, soit quatre saisons et l’épilogue. En assez peu de pages, elle offre néanmoins une histoire consistante et subtile. À la fin vous trouverez un guide des dragons-thé qui donne des précisions aussi bien sur les différentes espèces que sur la façon de s’en occuper. Ça donne envie d’en avoir un...
Le seul défaut de cette BD est qu’elle m’a parue trop courte. Je n’avais pas envie de quitter ces merveilleux personnages. Par chance, c’est le premier volume d’une série et le deuxième est beaucoup plus long. Je vais me jeter dessus. 
Même les adultes, pour peu qu’ils soient amateurs de thé et aiment les belles choses, adoreront cette lecture. Je vous invite à découvrir ce très bel ouvrage et à le partager avec vos enfants ou ceux de votre entourage. 


Défi Cortex catégorie Océanie

lundi 12 octobre 2020

La Femme intérieure

 Un roman de Helen Phillips, publié aux éditions Cherche midi.


Il est fort dommage que le résumé de l’éditeur dévoile un point clé de l’intrigue alors que la découverte intervient tard dans le roman. Savoir à quoi on doit s’attendre amoindrit l’angoisse et l’incompréhension qui font la force de cette histoire. Cependant, comment parler de l’ambiguïté de ce récit sans dévoiler ce pivot ? Je vais faire de mon mieux pour ne pas trop en dire tout en vous expliquant pourquoi ce roman est si particulier.
Molly est paléobotaniste et elle travaille sur un site étrange, une ancienne station service où les fossiles floraux abondent. Les plantes que ses collègues et elles trouvent dans la fosse sont des spécimens inconnus. Mais il n’y a pas que des plantes dans la fosse… Molly y découvre des objets qui semblent anodins. Pourtant, si on leur porte un minimum d’attention, on se rend compte que quelque chose cloche.
Et dans la vie de Molly aussi, quelque chose cloche. Depuis la naissance de ses enfants, elle perd parfois le fil. Elle entend ou voit des choses qui ne sont pas là et a besoin de se raccrocher à quelque chose de concret, ou quelqu’un comme son mari. Celui-ci la rassure, lui dit que c’est le manque de sommeil, la fatigue liée aux sollicitations permanentes de deux jeunes enfants. Et il a peut-être raison.
Mon avis sur ce roman est aussi ambigu que l’histoire qu’il raconte, au demeurant fort bien. J’ai adoré la première moitié et j’ai enchaîné les pages avec fascination. Même en sachant ce qui allait arriver parce que j’avais lu la quatrième de couverture, j’étais prise dans l’histoire. Les chapitres courts renforcent l’impression d’urgence et de malaise qui imprègne le récit. Les intrigues psychologiques marchent bien avec moi. En outre, ce roman est très bien écrit. Puis est arrivée la deuxième moitié et j’ai peiné à achever cette lecture. Je n’en voyais plus la fin. Certes l’ambiance est pesante, mais c’est surtout l’aspect répétitif des événements, l’impression de ne pas savoir où j’allais et de finir embourbée dans une histoire qui se délitait qui m’ont plombée.
La narration à deux vitesses, décalée comme en écho, de la première moitié ne m’a pas égarée, au contraire, j’ai trouvé qu’elle ajoutait à l’ambiguïté du personnage et donnait de l’élan à l’histoire. En revanche, bien qu’elle soit parfois fragmentée, la deuxième moitié devient plus linéaire, plus lourde, mais aussi encore plus sombre. À mesure que le malaise s’enlisait, mon intérêt est retombé comme un soufflé. J’ai eu trop de mal à comprendre les agissements et les choix de Molly. L’autrice m’a perdue à un croisement et j’en suis la première désolée car ce roman possède un très grand potentiel.
C’est peut-être à cause de la façon dont Helen Phillips a exploité son idée que cela n’a pas pris avec moi. J’ai bien compris qu’elle souhaitait faire de sa réflexion sur la maternité le point focal de l’histoire, mais à mon sens elle a ignoré quelque chose d’important. La faille n’est au final qu’un prétexte à l’uchronie personnelle (alors pourquoi lui avoir donné tant d’importance ?) et ladite uchronie s’égare. Elle perd de sa subtilité pour gagner en narcissisme et on perd de vue son message. Je n’ai plus vraiment su où l’autrice voulait nous emmener, ce qui a nuit à sa véritable cible : décrire l’ambivalence de la maternité. Cela aurait pu ne pas me déranger, je n’ai pas besoin de tout savoir ni de tout comprendre, mais ça l’a fait.
La fin m’a déçue. Je pense avoir saisi l’essence de ce roman, mais pas sa conclusion. Dans la deuxième moitié, le propos n’a cessé de se diluer jusqu’à ce que tout cela perde son sens à mes yeux et aucune loupiote ne s’est allumée dans les dernières pages pour m’éclairer.
Pourtant, ce roman reste une réflexion fascinante sur la maternité, sur ses joies et ses désespoirs, sur l’animalité qui se cache sous le vernis de la civilisation, sur l’écrasante responsabilité qui s’abat sur vous quand vous devenez parent. C’est une lecture très déstabilisante, qui vous donnera sans doute des bouffées d’angoisses. Moi qui ne suis pas mère, je l’ai pourtant ressentie assez violemment et pour être honnête je ne sais pas comment j’aurais réussi à l’encaisser si j’avais des enfants. Si un roman peut vous enlever l’envie d’enfanter, c‘est bien celui-ci… Cependant, il a aussi des choses à nous apprendre sur notre nature profonde.

Découvrez aussi l'avis de Lune sur ce roman.


Défi Cortex catégorie uchronie

vendredi 9 octobre 2020

Signal d'alerte

 Un recueil de nouvelles de Neil Gaiman, publié chez Au Diable Vauvert.

Présentation de l'éditeur :

« Il est des choses qui nous perturbent, des mots ou des idées qui surgissent sous nos pas comme des trappes, nous précipitant de notre monde de sécurité et de bon sens en un lieu beaucoup plus sombre et moins accueillant. » C'est là le chemin que Neil Gaiman nous propose d'arpenter à travers ces vingt-quatre nouvelles, contes et poèmes, en s'affranchissant des genres pour ne garder que la substantifique moelle d'un imaginaire tour à tour sombre ou flamboyant. 

Sommaire :

- Introduction
- Monter un siège
- Un labyrinthe lunaire
- Le Problème avec Cassandra
- Au fond de la mer sans soleil
- « La vérité est une caverne dans les Montagnes noires... »
- Ma dernière logeuse
- Un récit d'aventure
- Orange
- Un calendrier de contes
- L'Affaire de la mort et du miel
- L'Homme qui a oublié Ray Bradbury
- Jérusalem
- Clic-Clac, le sac qui claque
- Une invocation d'incuriosité
- « Et pleurer, à l'instar d'Alexandre »
- Nulle heure pile
- Perles et diamants : un conte de fées
- Le Retour du mince duc blanc
- Terminaisons féminines
- Un respect des convenances
- La Dormeuse et le rouet
- Ouvrage de sorcière
- En Relig Odhráin
- Le Dogue noir

Neil Gaiman a la place d’honneur dans le panthéon de mes auteurs préférés — enfin, en guise de temple, j’ai plutôt érigé une grande bibliothèque confortable dans laquelle des gens qui ne savent pas trop ce qu’ils font là parlent de littérature en mangeant des gâteaux et buvant du thé. Enfin bref.
Un roman de Gaiman est toujours pour moi un grand événement, mais un recueil de nouvelles… Je n’ai pas de mot pour décrire la sensation de joie et d’anticipation que je ressens avant de tourner la première page d’un de ses recueils. J’aime les nouvelles et j’adore les siennes. J’aime le fait qu’il leur écrive toujours des introductions pleines de petites anecdotes intéressantes sur la naissance ou la construction de ces textes. J’aime lire des nouvelles inédites et redécouvrir celles qui ont déjà croisé mon chemin.
Lire Neil Gaiman est l’une des joies de mon existence. Non, je n’exagère pas.
À l’instar de ses autres recueils, Signal d’alerte est un petit chef-d’œuvre. Les textes pourraient sembler d’une étonnante diversité pour qui ne connaît pas cet auteur touche-à-tout. Cela va du fantastique le plus subtil à la science fiction, en passant par l’horreur, la poésie, la fantasy et l’humour décalé. C’est aussi pour l’immensité de son imaginaire que l’on aime Gaiman. Avec lui, on ne sait jamais à quoi s’attendre.
Ce recueil est composé de textes inventifs et foisonnants qui s‘enroulent autour de votre esprit, vous font réfléchir et vous inspirent. Certains sont déjà bien connus. Je pense en particulier à La Dormeuse et le rouet, dont il existe une magnifique édition illustrée en anglais comme en français. J’en profite pour attirer votre attention sur le fait que le titre original parle d’un fuseau, de même que le conte, et qu’un rouet n’a rien à faire là, mais bon, passons. Il s’agit d’un très beau texte, très féministe. Gaiman aime jouer sur les apparences et la matière des contes, ce qu’il fait toujours fort bien. Un respect des convenances, texte qui fait écho à la Dormeuse, m’a d’ailleurs beaucoup plu.
Vous connaissez sans doute aussi Le Dogue noir, une novella qui se situe dans l’univers de American Gods et dont les éditions Au Diable Vauvert nous ont offert une très belle édition reliée. J’ai une affection particulière pour ce texte, son ambiance mélancolique, sa valeur initiatique et la présence d’Ombre bien sûr, un personnage auquel je suis très attachée. J’aime quand Gaiman nous emmène dans des petits villages qui semblent tranquilles mais qui se révèlent riches de secrets.
Je vous ai aussi beaucoup parlé sur ce blog de « La vérité est une caverne dans les Montagnes noires... », notamment pour son adaptation en feuilleton radiophonique, et c’est toujours pour moi un plaisir de relire cette magnifique histoire d’amour et de vengeance que je connais presque par cœur depuis le temps. Je ne m’en lasserai jamais.
Pour Gaiman, une histoire peut se cacher derrière de tous petits riens et il nous invite à les débusquer avec lui. Par exemple, vous êtes-vous déjà demandé où sont donc passées ces voitures volantes qu’on nous a tant promis ? Vous aurez la réponse en lisant « Et pleurer, à l'instar d'Alexandre », un texte aussi amusant que bien pensé.
Dans ce recueil vous pourrez aussi trembler devant Clic-Clac, le sac qui claque, une nouvelle qui semble avoir traumatisé pas mal de lecteurs anglophones. Quant à moi, j’apprécie beaucoup ce genre de récits à l’ambiance sombre dans lesquels l’effroi se distille petit à petit. Je me suis sentie plus mal à l’aise face à Terminaisons féminines, beaucoup plus effrayant à mon sens par son sujet autant que son réalisme.
Cependant, comme je vous le disais, on trouve de tout dans ce recueil, même de la poésie. Ouvrage de sorcière, un texte empreint de magie et de mélancolie, est selon moi un des plus beaux poèmes de Gaiman et une des merveilles de ce recueil. Puis j’ai aussi apprécié des récits humoristiques comme Orange, dont la forme un peu particulière renforce l’incongruité, ou encore le déconcertant Un récit d'aventure, à la fois si drôle et si… frustrant ? J’ai aussi aimé des nouvelles plus sombres comme Un labyrinthe lunaire, qui recèle un symbolisme fort. C’est toujours un plaisir de découvrir des endroits insolites avec Gaiman. Et bien sûr, en bonne amatrice de fantastique, l’ambigüité de certains récits comme Le Problème avec Cassandra n’a pu que me séduire. C’est la subtile part de banalité qui fait la grande qualité du fantastique de Gaiman.
L'Homme qui a oublié Ray Bradbury, qui est en soi un magnifique hommage, mérite aussi qu’on s’y attarde, pour sa portée philosophique et la finesse de son style. Je connaissais ce texte pour avoir entendu Gaiman le lire et je le trouve toujours aussi merveilleux dans sa traduction.
Les amateurs de Sherlock Holmes apprécieront sans doute L'Affaire de la mort et du miel, nouvelle dans laquelle on retrouve le célèbre détective. Étant férue d’apiculture, j’avais une autre bonne raison d’aimer ce texte.
Enfin je terminerai en évoque le Calendrier de contes, un défi que l’auteur s’est lancé, avec l’aide des internautes, et qui m’a beaucoup inspirée à titre personnel. Certains de ces textes sont des pépites.
Signal d’alerte est un très beau recueil, bien représentatif de l’imaginaire de son auteur et de la variété de son œuvre. Il est en outre très stimulant, comme du concentré de créativité en flacon. Vous y trouverez de quoi rêver et nourrir votre esprit.


Défi Cortex catégorie Europe septentrionale

mercredi 7 octobre 2020

Les Naissances fantômes, L'enfant du cimetière T3

 Un roman jeunesse de Pierre Brulhet, publié chez Séma.

Les Naissances fantômes est la suite directe de Catacombes Ville. Nous retrouvons donc Yoann et Ora pile où nous les avons laissés. Alors qu’ils se croient une fois de plus sortis d’affaire, un spectre vient les prévenir d’une bataille prochaine contre Owen Black et ses sbires. Toutefois, il ne s’agit pas de n’importe quel spectre…
Ce roman ouvre le temps des adieux et des réponses. On sent que Yoann aspire à une vie de famille tranquille, avoir un deuxième enfant, supporter Mme Boyle sans trop faire attention à ses piques… Sa complicité avec sa fille n’a jamais été aussi forte. On retrouve autour de lui tous les personnages que l’on connaît déjà, dont l’antipathique belle-mère qui est toujours aussi acariâtre et dirigiste. Si ses amis fantômes participent aussi à l’histoire, ils sont davantage en retrait.
Dans cet ultime tome, Yoann recueille les dernières pièces du puzzle de son identité, cela contribue à boucler la boucle et à le faire se sentir en paix avec lui-même. Il est temps de revenir à la source, à tous points de vue. Durant son dernier combat Yoann doit interagir autant avec les fantômes que les vivants pour mettre ses ennemis hors d’état de nuire une bonne fois pour toute. Cela marque la fin de son aventure avec les esprits alors qu’il est enfin ancré dans le monde des vivants et prêt à aller de l’avant. C’est un joli symbole.
Ce dernier volume est plus glauque que les précédents et il fera frissonner vos chérubins. Cependant, il est aussi porteur d’espoir en l’avenir et axé sur la famille. Il offre une bonne conclusion à cette trilogie.

lundi 5 octobre 2020

Au-delà des lumières, Ana l'étoilée 4

Un roman d'Ophélie Bruneau publié aux éditions du Chat Noir.

Présentation de l'éditeur :

Accepter de travailler pour des vampires, c'est fait. Me fâcher avec Jayesh juste avant de traverser la Manche, c'est fait. Sentir le contrat foireux à plein nez, ça commence. Plus la lumière est vive, plus profondes sont les ombres. C'est dire la noirceur des ténèbres de Paris, quand rien ne va comme prévu et qu'il me faut ramper sous terre à la recherche d'un miracle. Mais le piège ne s'est pas refermé sur n'importe qui. Je suis Ana, née avec une étoile dans la peau, et j'en ai plus qu'assez d'avoir peur. Il est temps d'en finir.

Cette chronique ne contient pas de spoilers, ni sur ce tome ni sur les précédents.

Comme ses prédécesseurs, ce roman est court et plein d’énergie. Ophélie Bruneau nous offre une fantasy urbaine contemporaine dans laquelle il est facile de s’immerger. Les aventures d’Ana sont toujours très visuelles. On pourrait aisément en faire des films ou une série télévisée. Ce tome ne déroge pas à la règle, entre courses poursuites et lutte acharnée pour survivre. Ana ne sait plus où donner de la tête ni qui est son véritable ennemi (ou en tout cas le plus dangereux).
J’aime toujours autant les changements de décor dont nous gratifie l’autrice. Cela change de ce qui se fait d’habitude dans la fantasy urbaine. Un petit tour d’Europe ne fait pas de mal et cette escale parisienne nous fait faire un petit détour par les catacombes que j’ai apprécié.
Ophélie Bruneau a beaucoup travaillé son personnage. Il est plaisant de constater que l’expérience acquise par Ana dans ses aventures antérieures n’est pas perdue et qu’il y a une réelle continuité dans les événements. La tête brûlée qu’était Ana dans le premier tome a beaucoup mûri, cependant, elle reste encore assez naïve parfois. Sans doute perturbée par ses problèmes personnels, elle ne voit pas toujours les signes qui clignotent autour d’elle ou peine à les interpréter. C’est un peu agaçant, mais on la connaît si bien depuis le temps qu’on le lui pardonne vite. Comment ne pas s’impliquer dans ses péripéties quand on a parcouru tant de chemin, et qu’on en a vu des vertes et des pas mûres au passage, en compagnie de ce personnage si attachant ? Malgré les épreuves, elle reste fidèle à elle-même et c’est aussi pour cela qu’on l’aime.
Je vous le dis à chaque fois que je parle de cette série : j’ai une grande affection pour ce personnage. Toute sorcière qu’elle est, on peut s’identifier à elle. Ses préoccupations sont celles de toutes les jeunes femmes, avec des fantômes en bonus. Elle est une figure atypique dans le genre. Son job n’est pas de sauver le monde, mais d’aider les âmes des défunts qui s’accrochent et peuvent devenir dangereuses à trouver le repos. Elle ne court pas après le danger, cependant elle ne fuit pas non plus en ne pensant qu’à elle s’il se présente. Elle n’est ni une potiche ni une damoiselle en détresse qui attend qu’on vienne la sauver. Malgré ses pouvoirs elle reste humaine, faillible, mesurée. Elle fait de son mieux et ne résout pas les problèmes en claquant des doigts. Loin d’être parfaite, elle n’en est qu’un modèle plus positif. Pour tout cela, elle est devenue une de mes sorcières littéraires préférées.
La représentation de la femme dans la fantasy a beaucoup progressé ces dernières années et Ana en est un bon exemple. Elle apporte vraiment quelque chose de singulier au paysage de la SFFF et aux romans de sorcières.
Je suis certaine que si j’ai tant tardé à lire ce roman, que j’avais pourtant précommandé pour l’avoir dès sa sortie, c’est que je n’avais pas envie que ce soit le dernier. J’aime cette série et je voudrais plus de sorcières comme Ana. Des sorcières modernes, dont la vie oscille entre normalité et bizarreries inhérentes à leurs dons.
J’ai quitté Ana à regret et ce n’est pas une mauvaise chose. J’apprécie en général que les séries aient un début et une fin sans que l’auteur nous emmène jusqu’à l’écœurement. Pourtant je crois qu’il y aurait eu encore bien des choses à raconter dans celle-ci. Avec toutes ces questions en suspens, le personnage continuera à vivre dans mon imagination.