vendredi 24 mai 2013

Dans une vie de livropathe...

... il y a des moments sympas.
Et je viens d'en vivre un, ce qui est d'autant plus agréable que je n'ai pas cessé de pester ces jours-ci contre tout et n'importe quoi... Je suis grincheuse parce que ma vue capricieuse ne me laisse pas lire comme je le voudrais, parce que cette année encore je n'ai pas pu me rendre aux Imaginales, mais aussi pour d'autres petites choses qui ne concernent pas les livres.
Et sur-ce est arrivé un petit paquet au contenu parfaitement indéterminé (non en fait il était évident qu'il s'agissait d'un livre, mais on va faire comme si). Curieuse, je l'ai ouvert tout de suite...
Et j'ai bondi de joie. Je ne l'attendais pas si tôt !
C'est la troisième intégrale du Cycle de Lanmeur et elle est dédicacée.
Évidemment, si vous n'êtes pas un ou une livropathe, vous ne pouvez pas comprendre... Comme ce fut le cas de la personne qui était avec moi et devait certainement envisager de me mettre un pain pour calmer une éventuelle crise d'hystérie...
Mais moi je suis une livropathe heureuse et c'est le principal.
Merci m'sieur Léourier, merci Ad Astra ! :)

dimanche 19 mai 2013

Le tourment des Aurores, Les Anges d'Apocalypse T1

Un roman de fantasy urbaine de Stéphane Soutoul publié chez Rebelle.





Deux corps pour une seule âme. Impossible selon vous ?


C’est pourtant le fardeau que j’endure suite à la malédiction lancée par un sorcier. Tout ça parce que j’ai eu le cran de refuser ses avances. Pour la peine, je l’ai tué, mais en attendant quelle plaie ! La nuit, je suis Famine, l’un des quatre cavaliers de l’apocalypse, et ex-meurtrière qui s’est reconvertie dans la profession de garde du corps. Et lorsque vient le jour, je me trouve coincée avec l’identité de Samantha, une lycéenne des plus ordinaires.


Comme si je n’avais pas déjà suffisamment d’ennuis avec deux vies à mener de front, la Cour des sorciers de Toronto vient de me confier la protection de son lord. Il faut dire que certains de ses dissidents se sont mis en tête de le supprimer. Cette fois-ci, je n’ai pas le droit à l’erreur, même si mon côté humain a choisi le mauvais moment pour s’enticher d’un étrange garçon, le genre craquant, mais véritable nid à problèmes…


Je vous le dis : pas facile de gérer deux existences à la fois !



Si vous avez aimé le Cycle des âmes déchues et espérez retrouver la même ambiance, voire le même style d’écriture, dans ce roman, vous serez probablement très surpris. Le style de Stéphane Soutoul s’adapte à ce nouvel environnement et s’il perd en poésie, il gagne en énergie, humour et efficacité. C’est une bonne chose pour ce genre d’histoire car avec Le tourment des aurores on entre dans une série de fantasy urbaine plutôt tout-terrain. J’entends par-là qu’elle peut plaire à divers publics. Les amateurs de « bit-lit » qui sont attachés aux codes du genre se sentiront en terrain connu, mais les autres lecteurs, ceux qui sont lassés de la mode actuelle, y trouveront assez d’originalité pour ne pas s’ennuyer.
La narratrice, Syldia, apporte un peu de fraîcheur dans ce genre saturé d’héroïnes pleurnicheuses à la cuisse légère. Ceci dit, si elle incarne Famine, l’un des quatre Cavaliers de l’Apocalypse, elle n’en est pas moins une sacrée peste, mais une peste sympa. C’est un personnage bien construit, qui ne verse pas dans le cliché et il a été très agréable de la suivre dans son petit quotidien qui est tout sauf banal.
En effet, Syldia a un problème majeur dans son existence : suite à une malédiction, son âme migre de son corps immortel à celui d’une mortelle durant la journée.
C’est un peu déroutant au début car on ne sait pas vraiment comment va se manifester la double personnalité de Syldia. J’ai été un peu surprise de voir que Sam n’était qu’un corps pour elle, même si ce corps influe d’une certaine façon sur son caractère. Mais j’en ai été ravie au final car on a ainsi plus de cohésion dans la narration qu’en auraient occasionnée deux personnalités plus tranchées. Et puis j’appréhendais un peu le côté adolescent de l’héroïne, j’ai passé l’âge des gamineries. Sam ne nous offre qu’un seul moment assez fleur bleue mais il est crédible car de son âge et pas trop appuyé non plus, alors il passe bien.
De surcroît on ne peut pas vraiment reprocher à l’auteur de faire dans la facilité au niveau de la romance, ce qui me convient tout à fait. Il y a là de quoi intéresser ceux qui apprécient les intrigues amoureuses, mais pas de quoi rebuter ceux qui ne veulent pas de romance en trame principale. Ici il n’y a d’ailleurs pas une seule grosse intrigue centrale, disons qu’il s’agit plutôt d’un arc narratif propre à ce roman, qui trouve avec lui sa conclusion, mais que ce n’est pas le plus important. Tout l’intérêt de cette histoire réside plutôt dans les fils secondaires qui s’entremêlent et promettent une bonne série se prolongeant dans le temps. D’une certaine façon, on peut dire qu’il y a beaucoup de mise en place, mais ce n’est pas dérangeant. L’histoire personnelle de Syldia est intéressante à elle toute seule et elle est une très bonne narratrice. On n’a jamais l’impression que les infos sont balancées parce qu’il le faut, mais plutôt que ça suit le cheminement de pensées de l’héroïne. Ça m’a aidée à m’attacher à ce personnage et ça lui donne du relief.
Ses sœurs ne manquent pas non plus d’intérêt. J’ai aimé l’alchimie qui se dégage du quatuor. Elles essaient toutes de trouver leur place en ce monde sans être dominées par leurs pouvoirs destructeurs, avec les handicaps qu’ils leur occasionnent au quotidien. Quand je lis de la fantasy urbaine, j’ai souvent l’impression que les scènes du quotidien sont un peu forcées, qu’elles manquent de naturel, mais ce n’est pas le cas ici. J’ai envie de mieux connaître Syldia et ses sœurs, la genèse de leur naissance recèle encore bien des mystères que j’ai hâte de voir dévoilés.
Par contre, si j’avais un reproche à faire à ce roman, ce serait que les personnages secondaires, surtout les sorciers de la cour en fait, sont plutôt caricaturaux. C’est dommage, car c’est d’autant plus dérangeant face à des personnages bien construits comme Syldia et ses sœurs. Néanmoins, c’est le genre de choses que je pardonne facilement pour le premier tome d’une série et j’espère que les suivants apporteront plus de nuance dans le caractère des personnages secondaires.
Ce roman distrayant, actuel et plein d’humour fut une très bonne lecture et il va de soi que je lirai la suite.

lundi 13 mai 2013

Ainsi commence la nuit

Un recueil de dix nouvelles et un poème de Vanessa Terral.


Vous pouvez vous le procurer sur le site The Book Edition en version papier ou en numérique version epub, soit auprès de l'auteur (voir les modalités sur son site), soit sur lulu.com. Il est également disponible en version kindle chez qui vous savez...


Je vous invite également à vous rendre sur cette page pour admirer certaines des illustrations qui se trouvent dans l'ouvrage et lire la présentation qu'en fait son auteur.


*





On les appelle parfois les « habitants de la Nuit ». Ils errent dans ces heures incertaines où l’humain n’est plus très sûr de ce qu’il voit. À la lisière de notre monde et de nos perceptions, leurs pas claquent sur le bitume en écho aux légendes urbaines et aux puissances oubliées.


À travers onze nouvelles, Vanessa Terral nous emmène sur la piste nocturne de ces créatures funestes et fascinantes. Puissiez-vous approcher vampires, fantômes et gardien des morts sans que votre âme ne soit assombrie par leurs tourments…


* Chaque nouvelle est accompagnée d'une ou plusieurs illustrations en noir et blanc. *



Sommaire


Nouvelles disparates




  • Mystères

  • Cet homme dans l’ombre du cyprès…

  • La Fontaine des Innocents

  • Red Cloud

  • Et si un chat…


Manu Sarmans, chroniques vampiriques




  • Dans un bar, récit d’une trahison

  • Ecce Homo

  • Juste un essai…

  • L’Ultime Tour de la Sainte

  • Les Aventuriers de l’Ordre du Temple, en collaboration avec Arnaud Terral


Poème




  • La Morsure froide


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Mon avis :


Ainsi commence la nuit est un recueil de nouvelles d’environ 160 pages qu’on peut diviser en deux parties. La première est composée de nouvelles indépendantes qui oscillent entre le fantastique et la fantasy urbaine. La seconde, quant à elle, regroupe les nouvelles constituant le cycle consacré à Manu Sarmans, vampire de son état. A cela s’ajoute un poème narratif qui peut être rattaché à la seconde partie.
Vanessa Terral a choisi de rééditer elle-même dans cet ouvrage des nouvelles qui avaient été au préalable publiées dans des fanzines et n'étaient à ce jour plus disponibles. Une seule, Red Cloud, est inédite.
L’objet-livre en lui-même est superbe. La texture de la couverture, ses illustrations et leurs couleurs m’ont séduite. Cependant, les illustrations qui jalonnent le texte sont aussi une part non négligeable du charme qui se dégage de cet ouvrage et apportent un vrai plus aux histoires qui y sont consignées.
C’est un très beau recueil, dans le fond comme dans la forme.


Pour commencer, parlons un peu des nouvelles qui composent la première partie.
Je les évoquerai une à une en tâchant de ne pas spoiler.


Mystère.
Celle-ci avait de quoi me mettre mal à l'aise. La mention seule d'un asile suffit à m'oppresser. Je suis un rien claustrophobe et c'est pour moi le summum de l'enfermement. Pour augmenter le malaise, ajoutons à cela les violences que subit le personnage principal et le compte est bon. Même si j'ai lu pire, je ne me ferai jamais à ce genre de choses, ce qui est pour moi un signe de bonne santé mentale.
C'est une nouvelle assez courte et Carmilla, oui c'est bien le nom de notre personnage central, prend toute la place, amenant cette sensation de malaise sur un autre plan. Cette femme elle-même suinte la « glauquitude », même si elle est, à sa façon, assez impressionnante. Bizarrement cela rééquilibre le tout.
Cette Carmilla est un archétype, voire plusieurs à la fois, mais présenté de la bonne manière, avec une symbolique riche. Il y a plusieurs pistes à explorer. Son nom est évocateur, bien sûr, et cela fait partie des pistes en question. Je n'ai pu m'empêcher de songer tout du long à l'autre Carmilla, la "vraie, la seule, l'unique". Il faut dire que j'ai une affection particulière pour cette dernière. Que je choisisse de voir la nouvelle de Le Fanu sous l'angle réaliste ou fantastique, je ressens envers elle une certaine empathie.
Ce n'est pas forcément le cas pour la Carmilla de Mystère, mais c'est un personnage indéniablement fascinant, surtout quand on considère tout ce qui la rapproche d’antiques déesses.


Cet homme dans l’ombre du cyprès…
Ce texte nous plonge dans une ambiance un peu particulière, mélange de tiédeur crépusculaire et d'insouciance juvénile. La narratrice, dans son envie de croire au surnaturel et la confiance qu’elle accorde si facilement aux autres en est même touchante.
Dans cette nouvelle, une bande de jeunes gens est en vacances en Grèce, plus précisément dans l'île de Cythère. Bien que je sois passionnée de mythologie, c'est à Brassens, qui l'a beaucoup chantée, que je dois d'avoir appris l'histoire mythique de l'île. Vous connaissez sûrement le mythe de Gaïa et Ouranos, pas besoin de vous le répéter. Mais quand Cronos émascula son père, les organes génitaux de celui-ci tombèrent dans la mer et se transformèrent en île. Ainsi naquit Cythère selon la cartographie mythique.
Brassens en faisait une métaphore du sexe et Cythère est restée pour moi l'image d'un lieu propice aux passions, comme c'est le cas dans cette nouvelle. Or, que serait Eros sans Thanatos ?
Je me vois mal en dire plus sans spoiler davantage. C'est une nouvelle à découvrir, agréable à lire, bien écrite et surtout originale, mais, seul bémol, les événements sont un peu rapides pour moi.


La Fontaine des Innocents.
C'est peu de dire que ce récit m'a plu. Je l'ai adoré. Peut-être en grande partie parce que j'aime le fantastique et les ambiances un peu oniriques, mais aussi parce que j'ai apprécié le personnage d'Isabelle. Une jeune fille qui n'aime pas se mêler aux gens de son âge et qui préfère lire dans son coin ça me parle, évidemment. Elle n'est cependant pas si asociale que ça, il suffit de l'apprivoiser.
J'ai surtout apprécié la morale de l'histoire, si tant est que l'on puisse appeler cela une morale. J'aime les textes qui nous poussent à voir au-delà des apparences, à découvrir ce qui est caché, comme le fait celui-ci.
Il m’a laissé un excellent souvenir de lecture qui, je pense, sera durable.


Red Cloud.
Les écrits de Vanessa Terral sont souvent liés à des légendes ou des mythes. C'est un des aspects que j'apprécie le plus dans son inspiration. Néanmoins, je n'en ai pas vus dans Red Cloud, ce qui ne signifie pas forcément non plus qu'il n'y en a pas. D’une certaine façon, ça m’a surprise, mais ça ne m’a pas empêchée d’apprécier cette nouvelle pleinement ancrée dans la fantasy urbaine. Il est très plaisant de découvrir une autre facette de l’inspiration d’un auteur qu’on apprécie.
Dans Red Cloud, un vampire qui s'est conformé toute sa vie à l'image que l'on a de lui à cause de son apparence commence à voir les choses autrement grâce à son don et ses... fréquentations.
C'est une nouvelle très bien écrite. Le style s’adaptant au personnage, j'ai particulièrement apprécié la gouaille de son narrateur. L'histoire est également surprenante par les tours particuliers qu'elle prend. Je n'ai regretté qu'une chose : sa fin un peu abrupte. Je voulais en savoir plus ! Mais c'est le cas pour toute bonne nouvelle qui se respecte...
Celle-ci est définitivement l’une de mes préférées.


Et si un chat…
Chasse nocturne à travers les rues de Paris. Un chat, mais est-ce vraiment un chat ? Et sa proie, mais quelle proie ? Se livrent un duel acharné. L’un pour se sauver et l’autre pour… vous verrez bien.
Sur le moment j’ai pensé que cette nouvelle ne me laisserait pas un souvenir impérissable. Bien écrite, suspense maintenu jusqu’à la fin, mais bon, je n’y trouvais pas vraiment de quoi éveiller et maintenir mon intérêt, même si j’aime les chats et que la traque est parfaitement rendue, jusqu’à devenir oppressante.
C’est dans la seconde partie que s’est révélé toute l’importance de ce texte, car il se déroule dans le même univers que les aventures de Manu. Le fait de le voir s’inscrire dans la continuité plus complexe d’un cycle de nouvelles, même s’il est un peu à part, me l’a fait percevoir autrement et apprécier à sa juste valeur.


Emmanuelle Sarmans.


Après les nouvelles indépendantes, Vanessa Terral nous propose un cycle, ce qui n’est pas pour me déplaire. Je ne sais pas si les nouvelles auraient eu la même portée individuellement, je n’ai pas réussi à les envisager autrement que comme un roman fragmenté et c’est tout aussi bien. J’ai adoré cette seconde partie. Il a été très frustrant de ne pas pouvoir lire toutes les textes à la suite, car nous avions décidé avec Nairo, ma co-lectrice, de ne lire qu’une nouvelle par jour.


Cette seconde partie débute par une courte présentation, avec un lexique et un arbre généalogique comportant des portraits des membres de la lignée de Manu. Le tout nous permet de nous immerger tout de suite dans son univers, ce qui est très appréciable.
Pour ceux qui détestent interrompre leur lecture, il n’y a guère besoin de se référer sans cesse au lexique tant les termes sont habituels pour qui est amateur de lectures vampiriques. Je pense qu’il est surtout là pour la forme, les néophytes et pour nous faire entrer plus vite dans le bain.


Ce cycle de fantasy urbaine m’a réellement emballée. Le fait que je me sois très vite attachée à Manu y est sans doute pour beaucoup. C’est un personnage très intéressant et plus j’ai appris à la connaitre, plus je me suis rendue compte de la richesse de son histoire personnelle. J'aime beaucoup les personnages si travaillés qu'ils en paraissent vivants et c'est le cas pour elle. J'ai apprécié de découvrir sa vie petit à petit et pas forcément de façon linéaire, même s’il reste encore beaucoup à découvrir.
Pour une vampire, Manu est très humaine. Elle cherche sa place dans le monde, une façon de vivre qui serait en accord avec ses principes et qui lui offrirait une certaine stabilité. Elle a son petit caractère, est un peu peste sur les bords, une éternelle gamine qui ne vieillira ni ne changera plus, mais elle a ce côté protecteur et tendre de la grande sœur qui la rend très attachante.
Manu a besoin des autres, de sa meute, mais ses liens avec elle sont brisés d’une certaine façon et elle en souffre. Il vous faudra lire son histoire pour en savoir plus, mais si vous obtiendrez ainsi la grande majorité des réponses, il se pourrait que, comme moi, vous regrettiez de n’avoir pas passé plus de temps avec elle. J’aurais aussi aimé connaître mieux ses ascendants et descendants.
Sur toutes les nouvelles qui composent son histoire, une seule est écrite à la première personne, dans un style qui s’adapte parfaitement à Manu et nous permet de mieux cerner le personnage, sa façon de penser et sa personnalité, mais aussi sa quête personnelle, ses envies et ses angoisses. Ce n’est pourtant pas ma nouvelle préférée, même si c’est un pivot du cycle.
Comme je l’ai déjà précisé, l’histoire n’est pas linéaire et nous balade selon les désirs de l’auteur. On entre dans l’univers de Manu par un récit qui effleure à peine sa vie et on termine avec une nouvelle qui nous la montre plus forte, même si elle n’est pas tant assurée qu’elle voudrait le faire croire, et enfin entrée sur la voie de celle qu’elle souhaite devenir. Toutefois, mon texte préféré est celui qui nous la fait découvrir, jeune vampire encore un peu naïve, et nous conte une part de ses origines, tout en nous révélant d’où vient l’une des grandes brisures de son être.
J’étais chagrine de quitter Manu et si j’espère lire un jour d’autres nouvelles concernant sa lignée et elle-même, je dois tout de même avouer que ce cycle est très complet.


Morsure Froide.
Je ne suis pas particulièrement amatrice de poésie, je me contenterai donc d’évoquer le récit plus que la forme que l’auteur lui a donné, même si celle-ci a son importance. Au moyen-âge, la prose était très secondaire, pour ne pas dire insignifiante, et cela renforce l’idée que ce poème vient de cette époque. Dans sa forme, dans les événements qu’il décrit, il est vraiment lié à cette période, à son mode de pensée et son imagerie. J’aime l’idée de vouloir en faire une légende que se transmettraient les vampires en lui donnant la forme qui la rendrait crédible. Il s’agit en effet du récit de leurs origines et celui-ci est vraiment original. J’ai lu beaucoup d’histoires de vampires et n’ai jamais rien trouvé de semblable.
Derrière ce texte qui, à ce qu’il pourrait sembler de prime abord, ne paie pas de mine, il y a beaucoup de travail.


Ainsi commence la nuit est un excellent recueil qui saura enchanter les lecteurs qui connaissent déjà Vanessa Terral, mais aussi ceux qui souhaitent découvrir son écriture et son univers. Je ne peux que vous le conseiller chaleureusement.


*


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samedi 11 mai 2013

L'après-dieux

Une novella de Maëlig Duval, publiée chez Griffe d'Encre.
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L'après-dieux
Albert Vaclau est fonctionnaire au bureau de la Reconstruction.
Il évalue de 1 à 5 les dégâts de la guerre civile dans les villages à reconstruire.
Il classe les organisations non gouvernementales de 1 à 9, selon leur niveau de sédition.

Mais quand il rencontre Eva et son fils, il doit se rendre à l’évidence : aucune échelle de valeurs ne peut s’appliquer à eux.
L’après-dieux, ou comment apprendre à vivre sans espoir alors que l’on frôlait du doigt la divinité.
Dans un monde post-apocalyptique qui tente de se reconstruire péniblement, un monde qui a perdu son humanité, son espoir, son avenir, vont se croiser des gens qui, peut-être, auront le pouvoir de réchauffer leurs âmes et de ranimer l’espérance en veillant les uns sur les autres.
Cette novella est un texte étrange, magnifique, bouleversant et pour le moins inclassable. Elle n’est pas facile d’accès, mais il faut se donner la peine de faire un effort pour y entrer car celui-ci sera largement récompensé et une fois les difficultés domptées, vous ne pourrez plus lâcher ce livre.
C’est une histoire, au sens qu’on donne à ce mot en étant enfant, un récit qui fait se blottir contre la personne qui nous le raconte et rêver au-delà des mots. J’ai eu l’impression, grâce à ses accents mythiques qui se développent au fur et à mesure, qu’il appartenait à ces légendes qu’Eva racontait à son fils. C’est quelque chose qui va bien au-delà des mots pour parler aux sens et à l’âme du lecteur. Mais cette novella est aussi une sorte de conte philosophique, voire mystique, ainsi qu’une assez effrayante dystopie. Chacun choisira à sa guise quel aspect lui parle le plus.
Ce récit est prenant, extrêmement poétique et touchant. C’est beau et triste, duveteux comme une plume, aussi léger parfois, si peu de fois en fait que celles-ci sont très précieuses dans cette atmosphère accablante, mais surtout fragile, c’est plein d’espoir et c’en est aussi dénué. En ce paradoxe résident toute la magie et la force de cette histoire.
Nous nous retrouvons face à des êtres fragiles ou amers, parfois brisés, qui cherchent leur humanité perdue ou tentent de la détruire à jamais dans un esprit revanchard.
D’abord il y a Albert, fonctionnaire qui s’accroche aux règlements pour mieux supporter la vacuité de son existence. Puis Irène, qui a tant à offrir et se retrouve à ne pas savoir quoi faire de tout cela car il n’y a plus personne pour recevoir. Irène qui a peur et s’en veut de sa lâcheté autant que de ne pouvoir rien faire pour ceux qu’elle aime. Et il y a également Paul qui s’abîme dans l’alcool pour oublier qu’il n’y a plus d’espoir et qu’il a bradé ses idéaux. Enfin il y a Eva et George, la mère et le fils, qui vivent à l’écart du monde en ignorant, ou en tentant d’ignorer, le mal qui ronge leurs semblables. Eva et George qui essaient de maintenir l’espoir dans leur vie, sans même s’en rendre compte, et qui, peut-être, peuvent le rendre aux autres.
L’Apocalypse, dans cet ouvrage, a été mystique avant tout, laissant les hommes complètement perdus et démunis, amputés de leur part divine. Elle a donc engendré une guerre civile brutale qui semble avoir été particulièrement sale, puis, par la suite, un gouvernement totalitaire.
Il y avait auparavant une communion entre les hommes et les dieux et elle s’est perdue, fondue dans le néant, laissant des hommes orphelins et incapables de gérer leur soudaine mortalité, leurs peurs et leur souffrance. Abandonnés des dieux, ils n’ont plus d’avenir, ne peuvent plus enfanter, ne savent même plus qui ils sont et surtout se trouvent isolés, même de leurs semblables.
Autrefois leur existence était rythmée par les dieux. Ils se rendaient au temple pour leur parler, voyaient leur vie jalonnée de rituels symboliques. A chaque étape importante, ils avaient une marche à gravir sur les cinq qui devaient les rapprocher du divin, avant de s’envoler à leur mort, âme devenue plume, vers le plumage d’un dieu censé les accueillir. Mais sans les dieux, les plumes retombent dans la poussière avant de se désagréger en vain.
Peut-être pensez-vous que je vous ai raconté une bonne partie de l’histoire, mais rassurez-vous, ce n’est pas le cas. Il y a tant à découvrir dans ce merveilleux texte, que vous choisissiez d’y lire une quête de soi, une réflexion sur la foi, une légende ou que sais-je encore ? On pourrait le relire des dizaines de fois en y trouvant toujours quelque chose de nouveau.
Je m’émerveille toujours de la capacité de certains auteurs à créer des textes si originaux. Je ne sais pas comment cette histoire est apparue à Maëlig Duval, mais elle est fabuleuse, riche de symbolisme et de créativité, extrêmement bien pensée, merveilleusement racontée aussi, dans tout ce qu’elle a de triste et de grandiose.

Je vous invite à aller également lire l'avis de Lune.

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lundi 6 mai 2013

A bloody melody

Une nouvelle de Maëlig Duval, publiée au format numérique chez NeoBook.





Paris, de nos jours. Au cœur du IVe arrondissement vit Lambros, vampire solitaire. À l'aide de sa caméra numérique, il filme sa vie. Son but : montrer ces images sur Internet, attirer ainsi l’attention d’autres vampires et briser son isolement. Il erre dans la ville, chantonnant au gré de ses humeurs, à la recherche de proies, mais surtout en quête d’un sens à l’éternité nocturne qui l'oppresse. Le trouvera-t-il dans les yeux d'Omar, qu’il n’ose aborder ? Ou auprès de l’étrange et inquiétant Marcelin Bonpoint… Après s’être frottée aux dragons, aux dieux et à l’Apocalypse, Maëlig Duval s’empare du mythe du vampire. Avec A Bloody melody, elle nous en propose une vision urbaine.



A bloody melody… ou la chronique d’un vampire ordinaire qui, comme les humains, peut se sentir seul et cherche un sens à sa vie. En effet, tous les vampires ne sont pas destinés à être Lestat ou Dracula et, si celui-ci en a conscience, il a quand même besoin de reconnaissance. Ainsi Lambros, ou quel que soit son nom, aime se prendre pour un cinéaste et partager ses vidéos sur internet. Cela est certes pour lui un moyen de chercher d’autres vampires et de rompre sa solitude, mais c’est aussi une façon d‘obtenir cette reconnaissance qu’il désire tant et, avec elle, une place dans le monde.
Cette nouvelle est assez introspective, entre les attentes de Lambros et ses angoisses qu’il nous conte sans faux-semblants ni larmoiement. J’ai beaucoup aimé le suivre dans son petit cheminement quotidien et ai trouvé très crédibles ses interrogations, ses ressentis et sa personnalité.
Maëlig Duval a créé un personnage très intéressant, un vampire « commun » qui ne manque pas de relief. J’apprécie toujours l’originalité dont fait preuve cet auteur. Elle a une façon bien à elle de percevoir les choses qui rend ses textes très sensitifs. Je me souviens encore avec émotion de la très belle nouvelle L’aquarium de Jules, in Contes du monde, anthologie que je vous conseille vivement, et de l’excellente novella L’après-dieux.
Son style est superbe, ce qui ne gâche évidemment rien. Il s’en dégage une certaine fraîcheur car il va droit au but, tout en étant élégant et subtile. Il s’adapte parfaitement à chaque histoire qu’il « révèle » comme le ferait un miroir, parlant d’esprit à esprit avec le lecteur et c’est très agréable. Maëlig Duval est définitivement un auteur à suivre.


Je vous invite à lire l'avis de Lune qui est plus mitigé, pour vous faire une idée.


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dimanche 5 mai 2013

A l'ombre des falaises

Un roman de Chloé Bourdon publié aux éditions du Petit Caveau.

La parution papier est prévue pour le 10 juin, mais pour toute pré-commande l'éditeur vous offre l'epub en avant-première.

Présentation de l'éditeur :
Nous sommes en 1901, dans un petit village des Cornouailles. Elisabeth vient de perdre son père et accepte difficilement la froideur de sa mère.

L’été où elle quitte l’enfance, elle comprend que derrière les apparences d’une petite bourgeoisie provinciale obsédée par la peur du scandale, se dissimulent des drames insoupçonnables, et des monstres qui rôdent, les soirs de pleine lune, dans l’ombre des falaises.

J’ai bien failli bouder ce livre car il est classé dans la collection romance des éditions du Petit Caveau. Cela aurait été une regrettable erreur de ma part car je me serais ainsi privée d’une excellente lecture.
Si la romance est bien présente dans A l’ombre des falaises, elle n’est pas non plus le point focal de l’intrigue. Ce court roman nous offre une atmosphère sombre, pesante et emplie de secrets. Je ne gâcherai rien en dévoilant qu’il s’agit d’une histoire de vampires, c’est la spécialité de l’éditeur, mais celle-ci ne manque pas d’originalité.
Cet excellent premier roman, à la limite du fantastique et du gothique, nous transporte en Cornouailles, au début du XXème siècle. Lisa, la narratrice, nous conte les événements qui se sont produits lors de son treizième été.
Elle était alors une jeune fille solitaire, élevée dans la rigueur et la religion par une mère froide. Très affectée par la mort récente de son père et par les changements de son corps, Lisa vivait alors une époque troublante. C’est son passage difficile vers l’adolescence qu’elle nous narre, au travers de faits plus sombres qui agitent la petite bourgade aux allures si tranquilles qu’elle a toujours connue. Les apparences se craquèlent sous ses yeux, la laissant aussi stupéfaite qu’impuissante.
Elle refuse néanmoins de subir les événements. Lisa cherche à mettre au jour les secrets qui empoisonnent sa famille et qui l’empêchent de grandir, même si cela peut au final faire plus de mal que de bien.
L’auteur nous conte son histoire avec subtilité, mettant en place une atmosphère oppressante, distillant les informations petit à petit. Cela peut sembler fort lent quand on devine facilement ce qui va se produire et certaines choses sont en effet assez prévisibles, mais c’est raconté avec tant de talent que ça n’a pas d’importance au final, tout est dans l’art du récit.
Une seule chose m’a un peu déçue. J’ai trouvé expéditive et fouillis la scène de résolution des mystères. On frôle la caricature avec le méchant de l’histoire, mais ça se tient et ça n’entachera pas tant que ça le plaisir que j’ai pris à lire ce livre.
C’est vraiment un excellent premier roman, original et prenant.

Je vous invite à lire l'avis de Chani qui a aimé ce roman elle aussi.

samedi 4 mai 2013

Even dead things feel your love

Un roman de Mathieu Guibé, publié aux éditions du Chat Noir.

Ce roman a fait l'objet d'une réédition chez ActuSF dans la collection Naos sous le titre Lorsque nous étions morts.

Au terme de votre vie, à combien estimez-vous le nombre de minutes au cours desquelles vous avez commis une erreur irréparable ? De celle dont les conséquences régissent d’une douloureuse tyrannie vos agissements futurs jusqu’au trépas. Mon acte manqué ne dura pas plus d’une fraction de seconde et pourtant ma mémoire fracturée me renvoie sans cesse à cet instant précis tandis que la course du temps poursuit son inaltérable marche, m’éloignant toujours un peu plus de ce que j’ai perdu ce jour-là. Je me demande si notre dernière heure venue, les remords s’effacent, nous délestant ainsi d’un bagage bien lourd vers l’au-delà ou le néant, peu importe. Puis je me souviens alors qu’il s’agit là d’une délivrance qui m’est interdite, condamné à porter sur mes épaules ce fardeau à travers les âges, à moi qui suis immortel.

L’amour ne devrait jamais être éternel, car nul ne pourrait endurer tant de douleur.

Even dead things feel your love est un roman vampirique, gothico-romantique (surtout dans le sens littéraire pour ce dernier terme, même si la romance est présente, voire centrale, dans ce récit). Bien que quelques parutions sortant des sentiers battus en matière de vampirisme aient vu le jour ces derniers temps, celle-ci demeure une rareté parmi la majorité de titres actuels et il convient de l’apprécier à sa juste valeur.
Le vampire de cette histoire, tout dandy et séduisant qu’il peut être, possède sa part de ténèbres. Il n’est pas le nouveau prince charmant qu’on tend à nous présenter et, dans sa nature vampirique, il est bien plus proche des origines, choix que j’apprécie particulièrement.
Josiah Scarcewillow est un personnage complexe et, plus que l’histoire d’amour, c’est son oscillation entre lumière et ténèbres qui est au cœur du récit. Il lui semble que c’est son amour pour Abigale qui restaure en lui les vestiges d’une humanité presque totalement perdue. Il se nourrit de cette lumière comme un vampire le fait de sang, jusqu’à en devenir dépendant.
Mathieu Guibé explore dans ce roman de nombreuses facettes du sentiment amoureux, de l’amour narcissique qui fait chercher dans l’autre ce que l’on aime en soi-même ou ces qualités que l’on voudrait pour soi, à l’amour plus total qui transcende l’être. C’est une histoire très bien pensée et surtout très humaine dans la façon qu’elle a de mettre en scène les forces et fragilités de ses personnages.
L’écriture délicieusement surannée dont l’auteur pare son récit, si elle est parfois un brin trop affectée à mon goût, s’adapte parfaitement au propos général et aux personnages. Je n’ai que quelques coquilles, assez nombreuses pour me gâcher la lecture, à lui reprocher. Cela mis à part, on se laisse vite emporter dans ce récit et les personnages, qui au début peuvent sembler un peu caricaturaux, ont quand même gagné ma sympathie tout de suite. Ils évoluent, sont intéressants et leur psychologie est largement développée.
Cette histoire d’amour m’a plu, même si je ne suis pas forcément cliente de romance à la base, car au final il s’agit surtout de recherche de soi, de rédemption et d’humanité s’exprimant à travers l’amour. Certes, cela ne semble pas si évident au départ, quand on considère les agissements de Josiah qui veut se voir, dans le regard d’Abigale, autre que le monstre qu’il est persuadé d’être et se plaît à demeurer. Josiah est un héros torturé, à la recherche de son humanité, pas tant pour se faire pardonner que pour se sentir en paix et ressentir des émotions humaines simples et positives. Au fil du roman, il peut ainsi sembler aussi touchant qu’égoïste, mais ça fait partie intégrante de l’intérêt qu’il y a à le suivre.
Le roman se décline en quatre parties, chacune apportant une évolution notable dans la relation des personnages et l’auteur nous ménage quelques surprises. Je ne m’attendais pas à ce que les choses tournent ainsi et la fin m’a émue. Curieusement, j’ai beaucoup pensé à Absinthes et Démons d’Ambre Dubois en lisant les derniers chapitres, alors que ces deux ouvrages sont relativement éloignés l’un de l’autre. Ce fut une plaisante lecture. Je pense que ce roman a de quoi séduire les lecteurs qui ont lu tous les classiques du genre, autant que les amateurs de récits plus modernes car il possède de multiples facettes et niveaux de lecture, en plus d'être écrit dans un style très agréable à lire.

jeudi 2 mai 2013

Cinq pas sous terre, Ep2 : Mille éclats de colère

Cinq pas sous terre est un feuilleton numérique en cinq épisodes (un par mois depuis avril,) écrit par Vanessa Terral et publié par les éditions du Petit Caveau.


La présentation de l'éditeur et mon billet sur le premier chapitre sont par-là.


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J’avais vraiment très hâte de lire cette suite qui se révèle au final assez déstabilisante. Je m’imaginais que l’affrontement entre les deux engeôleurs serait au cœur de l’histoire et finalement ce n’est pas si simple. De nouvelles questions, pas vraiment de réponses… De quoi me donner encore plus envie de connaître le fin mot de cette histoire. C’est fait pour, me direz-vous…
J’aime bien Jabirah. C’est une jeune fille attachante malgré son côté « ouechouech » qui lui donne des airs de sale gamine. Aussi teigneuse puisse-t-elle paraître, on sent qu’elle cherche juste à se protéger. Je ne peux m’empêcher d’avoir envie que les choses se passent bien pour elle. Ce qui n’est pas forcément le cas en ce qui concerne son acolyte qui est vraiment difficile à cerner. Bonne ou mauvaise ? A vous de juger. Mais est-ce si simple que ça ? Pour ma part, j’en doute fort.
Ce deuxième épisode est résolument placé sous le signe de l’action. Remontée à bloc, notre Jabirah est toute prête à dézinguer de l’engeôleur. Enfin, c’est ce dont elle aimerait bien se persuader…
Pas de temps mort dans ce chapitre. Bagarres, esprits en goguette et duel dans les ténèbres… Des informations nous sont distillées au compte-goutte et si l’intrigue n’avance que d’un minuscule pas, je dois reconnaître qu’on ne s’ennuie guère. J’ai suivi les événements de ce chapitre avec un vif intérêt, on peut dire que je l’ai dévoré et ce bien trop vite, me retrouvant très frustrée à la fin car l’auteur ne se prive pas de nous laisser en plein suspense.
Et maintenant il faut attendre la suite…