samedi 29 février 2020

Jazz Dream and a Pinch of Human

Une novella d'Alicia Alvarez, publiée chez Nutty Sheep.

Sortie officielle le 20 mars.

Présentation de l'éditeur :
Nouvelle-Orléans, lundi 19 mai 2025.
On dit souvent que les choses évoluent avec leur temps et qu'il faut suivre le mouvement. Pour les membres de "Allo Dreams", cela devient légèrement compliqué quand ils apprennent que leur passion est en péril via leurs KB7, un atout technologique précieux. Petit à petit, on a remplacé les musiciens par les IA au Superdome, à la radio, à la télévision, mais les humains continuent à vivre leurs sons avec émotions à d'autres endroits. À présent, les synthétiques prennent leur place dans les bars, les clubs de jazz, et même les rues. On éjecte les humains de la scène. Pourtant, il leur paraît inconcevable de ne rien faire. Le capitalisme n'éteindra pas les flammes de leur passion, plus vives que jamais, parce qu'ils comptent bien se battre pour garder l’étincelle intacte. Plongez au cœur d'une Nouvelle-Orléans futuriste, aux côtés de Charlotte, Louis, Colin, Owen, Martha et Joshua, six personnalités différentes animées par le même objectif : rétablir la liberté musicale.
2025, Nouvelle-Orléans, la technologie a poursuivi sa course et les humains ont les yeux rivés sur des tablettes de plus en plus performantes. Elles ont remplacé les journaux, les téléphones et autres appareils. Insidieusement, l’usage de ces tablettes devient une nécessité et les IA envahissent peu à peu tous les domaines de la vie courante.
Dans ce contexte, les membres du jazz-band Allo Dreams voient leurs rêves de se produire sur de grandes scènes anéantis quand la maire de la ville décide de réserver aux IA tous les espaces dédiés à la musique. Bien entendu, ils ne vont pas se laisser faire, mais qui est vraiment l’ennemi, les IA qui prennent leur place ou les humains qui s’enrichissent grâce à elles ?
Jazz Dream and a Pinch of Human est une jolie novella qui parle de l’essence même de la musique, des dérives de la technologie, de solidarité et de lutte pour poursuivre ses rêves. Alicia Alvarez a créé des personnages touchants auxquels il est facile de s’attacher. En outre, elle exploite bien sa problématique en nuançant son propos. Il n’y a pas de grand méchant à abattre dans cette histoire, mais un équilibre à préserver. J’ai aussi beaucoup aimé sa façon de parler de la musique.
C’est une lecture sympathique, un texte court qui se dévore bien vite entre deux pavés plus conséquents.

jeudi 27 février 2020

Chroniques Verticales - Saison 2, épisode 5

Un feuilleton de Laurent Copet, publié chez Realities Inc.



Ne lisez pas cet avis si vous n’avez pas lu les épisodes précédents.

J’en suis déjà à l’avant-dernier épisode. Cela m’attriste et me rend fébrile à la fois. Je n’ai pas envie de quitter ces personnages, mais je veux savoir le fin mot de l’histoire. Et surtout, je ne crois pas que je pourrais supporter plus de tension émotionnelle…
Que de stress dans cet épisode ! Il est très riche en émotions, jusqu’à la dernière seconde, et cristallise toutes les angoisses qu’a pu me donner cette série jusqu’à maintenant.
Le personnage clé de ce chapitre est Kallistée. Je n’ai jamais vraiment réussi à comprendre cette femme. Si elle est aussi volontaire que sa sœur, elle est aussi animée de pulsions destructrices. Les années d’ascension l’ont endurcie et le contrôle est devenu son obsession. Elle est tiraillée entre sa jalousie et son amour, très possessif, pour ses proches.
Le contraste entre les vies des deux sœurs, mises ici en parallèle, est saisissant. Cependant, tous les personnages de cette série sont fascinants à leur manière.
Chroniques Verticales est décidément une série très addictive. Je brûle et je crains d’en connaître la fin.

lundi 24 février 2020

Sélène et la roue de l'année

Un album pour enfants écrit par Cécile Guillot et illustré par Mina M, publié chez Séma.

Présentation de l'éditeur :
Tourne, tourne la roue de l'année,
dansent les saisons.
Un nouveau cycle a commencé,
plein de joie et de célébrations.
Découvre avec Sélène les fêtes du passé
et amuse-toi grâce au petit cahier d'activités.
Ce très bel album présente les huit grandes fêtes païennes célébrées dans la Wicca et d’autres mouvements néo-païens. Au-delà de toute obédience religieuse ou sensibilité spirituelle, c’est un bel ouvrage pour expliquer aux jeunes enfants le rythme des saisons via des perceptions ainsi que des habitudes simples et concrètes qui leur parleront facilement.
Les textes sont courts, poétiques. Il y en a deux par fête, un quatrain qui présente l’essence de la célébration et quelques phrases sur les activités de saison que pratique la petite fille de l’illustration. C’est joli et rassurant d’une certaine façon, puisque cela fait créer des connexions à l’enfant entre la fête, la saison et sa propre vie.
À la fin de l’ouvrage se trouvent huit recettes ou activités créatives peu onéreuses, une par fête donc, que l’enfant peut réaliser avec ses parents et rendre ainsi encore plus concret le passage des saisons.
Les illustrations sont magnifiques. J’aime beaucoup le style de Mina M qui est à la fois précis et éthéré. Elles sont plus enfantines dans ce livre, colorées et texturées, pleines de charme. Le symbolisme est important et très présent.
Le seul petit reproche que je pourrais faire à cet album est qu’il contient deux ou trois coquilles. Je suis toujours plus tatillon quand il s’agit de livres pour enfants.
En ces temps de mixité, d’aucuns se plaindront peut-être que l’ouvrage est axé « fillette et maman », ce qui ne convient pas à toutes les familles. En ce qui concerne la question du genre, si des générations de fillettes ont pu grandir en n’ayant quasiment que des héros masculins dans leur bibliothèque, les garçons peuvent bien s’identifier à une fille de temps en temps.
C’est un beau livre, très positif, qui reconnecte aux saisons et aide l’enfant à mieux les appréhender. Il propose de surcroît des activités simples et agréables qui font de jolis souvenirs en grandissant. Je le conseille chaleureusement.

vendredi 21 février 2020

Entre troll et ogre

Un roman de Marie-Catherine Daniel, publié chez ActuSF.

Présentation de l'éditeur :
Arsouille est un vieux troll désabusé et perclus d’arthrite. Plus grand-chose ne l’inquiète, à part bien sûr les ogres, la guerre et son petit-fils qui doit entrer au collège...
Mais un soir, Arsouille reçoit une lettre pleine de regrets de son jumeau qu’il n’a pas vu depuis cinquante ans. La surprise est totale : son frère est un ogre et les ogres n’écrivent pas aux trolls. D’ailleurs, les ogres ne font pas dans le sentiment, pas même avant de vous arracher la tête. Alors qui a écrit cette lettre ? Arsouille qui ne sait pas déchiffrer une carte va devoir se rendre sur le front pour le découvrir...
Une enquête à mi-chemin entre la fantasy et le post-apocalyptique. Avec Entre troll et ogre, Marie-Catherine Daniel signe un roman puissant qui interroge la notion d’humanité.
D’un côté il y a les trolls, indisciplinés mais inventifs, de l’autre les ogres animés d’une froide logique et incapables de sentiments. Les seconds dirigent les premiers d’une main de fer. Moins nombreux, ils règnent par la terreur, n’hésitant pas à exécuter les trolls dès la moindre entorse à l’ordre. 
Arsouille est un vieux troll qui se sentirait bien seul sans sa belle-fille et son petit-fils, Théophraste, qu’il adore. Il a vu mourir presque tous ceux qui lui étaient proches. Il n’avait qu’un frère de portée, cas rare chez les trolls. Ce dernier n’est pas décédé, mais pour Arsouille c’est tout comme. Celui qu’on appelait Arpète est devenu un ogre à l’adolescence, tranchant ainsi nets ses liens avec son jumeau.
Arsouille n’espère plus grand-chose de l’existence. Il redoute de voir son petit-fils entrer dans l’adolescence et entamer sa transformation en troll, ou pire en ogre, et en même temps il aimerait pouvoir le protéger de ce qui l’attend. Puis un jour il reçoit une lettre signée de la main de son frère et tant de souvenirs remontent à la surface que sa vie en est bouleversée. Peut-il croire qu’Arpète ne l’a pas oublié ? Et au fond a-t-il vraiment envie de savoir la vérité ?
Entre troll et ogre est un magnifique roman sur l’humanité dans ce qu’elle a de plus beau et de plus sombre. Il ne s’agit pas de fantasy, comme on pourrait s’y attendre, mais de science-fiction quasi post-apocalyptique. Ces trolls et ces ogres sont des humains qui se sont transformés. Comment ? Pourquoi ? Voilà les grandes questions auxquelles on tente de répondre en marchant dans les pas de ce troll obstiné qui va défier l’ordre établi.
À mon grand étonnement, je me suis facilement prise d’affection pour Arsouille. Il a mauvais caractère, c’est un gros troll bourru au début, mais à partir du moment où il se laisse aller à écouter ce qu’il y a de plus humain en lui, il devient très émouvant. Et puis comment ne pas souhaiter le voir réussir dans la folle entreprise, d’abord très personnelle, dans laquelle il se lance ? Il part perdant pourtant, persuadé qu’il se fourvoie et qu’il va au mieux précipiter son exécution. Mais sa soif de réponses et son envie d’apprendre, même à son âge et avec toutes ses vieilles habitudes de troll, le poussent toujours plus loin.
En voyant l’évolution des humains dans ce roman, je n’ai pu m’empêcher de penser à H.G. Wells. Cela n’a pas de rapport direct, on est très loin des Morlocks et des Eloïs. Je trouve d’ailleurs Entre troll et ogre beaucoup plus subtil et intelligent dans sa construction autant que son postulat. 
La psychologie des trolls, comme celle des ogres, nous pousse à réfléchir à la société et aux conditions qui les ont engendrés. Au-delà de leurs pulsions, très différentes selon qu’ils sont devenus ogre ou troll, ils sont parfois surprenants et pas si différents. Les trolls gèrent peur et stress en se regroupant, les ogres les combattent par la logique.
Marie-Catherine Daniel a créé un univers très intéressant. Elle nous décrit cette société au fur et à mesure, nous explique son fonctionnement, ses points forts autant que ses injustices. Entre troll et ogre est un roman intelligent qui pousse à la réflexion et se révèle de plus en plus prenant à mesure que l’on tourne les pages. Découvrir la nature de ces ogres et trolls, ainsi que leur façon de vivre, m’a passionnée.

jeudi 20 février 2020

Chroniques Verticales - Saison 2, épisode 4

Un feuilleton de Laurent Copet, publié chez Realities Inc.



Ne lisez pas cet avis si vous n’avez pas lu les épisodes précédents.

Cet épisode est un peu plus calme que les précédents. Les choses semblent se tasser, mais n’est-ce pas pour mieux pourrir comme les feuilles mortes que l’on repousse au fond du jardin ? Le lecteur avance précautionneusement entre les factions qui se forment, l’expérience lui a appris que l’équilibre est vite rompu sur la falaise. Tout peut arriver.
On en apprend toujours davantage sur le clan et cela m’a beaucoup plu. Dans l’épisode précédent, l’on découvrait la précarité du statut de saisonnier, dans celui-ci l’auteur nous en dit plus sur la rudesse de la vie sur la falaise quand on se trouve aussi bas dans la hiérarchie et sur les injustices subies par les saisonniers. Ceci explique beaucoup pourquoi certains ont aveuglément obéit à Lost Arrow et Brouillard Givrant dans l’espoir d’améliorer leurs conditions de vie. Si on ne peut les blâmer d’avoir voulu s’élever socialement, jusqu’où est-il acceptable d’aller pour sauver sa peau ? La limite est si facilement franchie entre les nécessités de la survie et la cruauté gratuite. C’est là toute l’ambiguïté de cette série.
Si certains envisagent de changer pour aller vers un système plus juste, d’autres continuent de s’enfoncer encore plus loin dans l’individualisme et la sauvagerie.
Cet épisode est axé sur la réflexion, la remise en cause des lois et traditions du clan, notamment l’injonction d’oublier le passé sous peine d’être happé par le Néant. Ce que l’on avait entrevu dans les épisodes précédents, notamment en compagnie d’Ombre du Néant, le grand-père de Vol Parfait et dernier des fabulistes, se précise.
On se rend compte que le rôle de chacun est primordial et que tout est déséquilibré quand une compétence manque. Le partage du savoir ne devrait-il pas être une priorité dans ce cas ? La transmission d’une charge de père en fils semble logique même si elle ne favorise pas le développement de compétences inhérentes à l’individu. On se souvient que Salto Angel n’éprouvait aucun intérêt pour le métier de son père ou que l’oncle de Vol Parfait était un exécrable tisseur. Il est évidemment plus facile d’apprendre son métier à quelqu’un de sa propre cordée puisqu’on passe du temps avec lui. Cependant les femmes ne sont guère instruites de ces tâches essentielles, ne devant s’occuper que des enfants et de l’aménagement du camp. Les instruire aurait été une manière de partager ce savoir dans d’autres cordées, juste pour s’assurer que ces compétences ne soient pas perdues.
On sent que le savoir s’est raréfié, accaparé par certains pour assurer leur subsistance, comme on a éliminé les problèmes au fur et à mesure. On n’a plus appris aux gens à compter, laissant ce savoir et donc ce pouvoir au Chiffreur. On a éliminé les fabulistes qui se souvenaient du passé, du temps où les gens savaient lire et où les lois étaient différentes. On a poussé les anciens à décrocher en pensant s’élever plus vite vers le sommet, pourtant c’est leur savoir qui a nourri le clan dans les temps difficiles comme lors de la traversée du désert.
Ce qui a fait du clan ce qu’il est à ce jour est au cœur de cet épisode et c’est pour cela qu’il m’a tant plu. Il y a une grande réflexion sur la nature humaine dans cette série et c’est ce qui a accroché mon attention dès la première saison.

mercredi 19 février 2020

American Gods

Un roman de Neil Gaiman, en version audio chez Audiolib.
Lu par Valentin Merlet.


Je vous épargne le résumé de l'éditeur, trop bavard à mon goût.

Ces temps-ci j’éprouve le besoin de revenir à des valeurs sûres et Neil Gaiman en fait partie. C’est ainsi que j’ai eu envie d’écouter la version française de American Gods produite par Audiolib et j’ai vraiment beaucoup apprécié la redécouverte de ce roman dans ce format.
American Gods est un grand roman, à la fois road trip et épopée moderne. Le postulat est simple : les immigrants ont amené leurs dieux avec eux, mais que sont-ils devenus sur cette terre hostile que sont les États-Unis d’Amérique ?
Ombre ne croit pas en grand-chose. Il finit de purger une peine de prison et espère juste retrouver sa femme et un travail dans la salle de sport de son meilleur ami à sa sortie. Cependant, cela ne va pas se passer aussi facilement. Entraîné malgré lui sur les routes, il va voir les mythes et légendes, anciens comme modernes, se mêler à une réalité plus triviale. C’est comme regarder un rêve à la lumière du jour, un peu absurde, parfois pas joli-joli, mais riche de symbolisme. Au bord de l’autoroute du progrès, les mythes prennent la poussière. Les dieux quasi oubliés sont réduits à vivre en marge tandis que de nouvelles déités émergent. Cela semble anodin ? C’est passionnant !
American Gods est une fantasy contemporaine comme je les aime. Gaiman est un conteur qui entrelace à la perfection le substrat des mythologies à l’évolution du pays pour créer une histoire qui peut parler à chacun. Il a construit une véritable épopée et fait d’Ombre un héros moderne, un homme qui ne demandait rien et qui s’efforce de faire de bons choix dans une situation dont il ne comprend pas toujours les implications. J’aime beaucoup ce personnage qui représente pour moi ce qu’il y a de meilleur dans l’humanité.
Gaiman a construit ce roman en épisodes, comme des parenthèses bienvenues dans l’arc principal alors qu’elles en sont les piliers. On y découvre l’arrivée progressive des dieux aux U.S.A. Cependant, mes passages préférés sont ceux consacrés à Ombre, surtout quand il est loin de son employeur car c’est dans ces moments-là qu’il est le plus lui-même. J’aime particulièrement son séjour à la maison des morts et toute l’intrigue qui se déroule à Lakeside. Je crois que même en sachant parfaitement tout ce qui va se passer, je ne pourrai jamais m’en lasser. Le fait de l’écouter permet en outre de se laisser bercer par le récit. Il fait partie de ces romans qui sont vraiment agréables à écouter car, comme je l’ai déjà dit, Gaiman est un conteur.
Laissez-vous porter par la richesse de cette histoire ou attrapez les indices au vol pour tenter de déterminer où l’auteur veut vous emmener, à votre guise, il y a plusieurs façons d’apprécier ce road trip. Dans American Gods l’ironie est mordante, le cynisme agressif, mais la magie, même foireuse, n’est jamais loin.

mardi 18 février 2020

Chroniques Verticales - Saison 2, épisode 3

Un feuilleton de Laurent Copet, publié chez Realities Inc.



Ne lisez pas cet avis si vous n’avez pas lu les épisodes précédents.

Plus je lis cette série et plus je l’aime. Laurent Copet décrit avec minutie la dynamique de groupe du clan et les conditions dans lesquelles il vit. Il a créé des individus très crédibles, même dans leurs excès. Poussés par les conditions, certains d’entre eux sont prêts à sombrer dans la folie ou la sauvagerie n’importe quand.
Les changements au sein du clan ont rendu les gens méfiants, agressifs et prêts à tout pour survivre. En créant une nouvelle hiérarchie, censément basée sur le mérite, le Chiffreur comptait se servir des plus zélés pour museler les rebelles. Et ça fonctionne. Malgré tout, dans ce contexte tendu, certains résistent toujours.
J’ai beaucoup apprécié de voir émerger dans cet épisode des personnages secondaires, notamment Chaxi l’ancien guérisseur et sa femme Gama ainsi que Pink Projet, l’épouse du Chef Ouvreur, qui jusque-là n’avait pu s’exprimer. Cette jeune mère, mariée à un homme dément qui terrorise tout le monde, est très touchante.
Dans cet épisode, les femmes sont plus présentes et leur force de caractère dans les épreuves qu’elles subissent est inspirante. Mon cœur s’est brisé chaque fois un peu plus pour chacune d’entre elles.
En faisant tomber le clan dans la sauvagerie, le Chiffreur et le Chef Ouvreur ont créé une bête qu’ils pensent maîtriser. Mais jusqu’où peuvent-ils aller sans faire éclater le clan ?
Alors que j’en suis à la moitié de cette deuxième saison, cela me conforte dans l’idée que Laurent Copet a fait de ses chroniques une aventure humaine de grande envergure.

lundi 17 février 2020

Cuits à point

Un roman d'Élodie Serrano, publié chez ActuSF.

Présentation de l'éditeur :
Gauthier Guillet et Anna Cargali parcourent la France pour résoudre des mystères qui relèvent plus souvent d'arnaques que de véritables phénomènes surnaturels. Mais leur nouvelle affaire est d'un tout autre calibre : pourquoi la ville de Londres subit-elle une véritable canicule alors qu'on est en plein hiver et que le reste de l'Angleterre ploie sous la neige ? Se pourrait-il que cette fois des forces inexpliquées soient vraiment en jeu ?
Elodie Serrano est une autrice lyonnaise qui a déjà publié plusieurs nouvelles et un roman, Les Baleines Célestes. Elle nous propose avec Cuits à point un récit dynamique et pétillant au cœur d'une ville de Londres coincée dans ses habitudes en plein XIXe siècle...
Londres étouffe sous une chaleur anormale et les autorités en sont venues à soupçonner une cause surnaturelle. Elles ont donc engagé deux équipes de démystificateurs pour élucider l’affaire. Si l’un des couples cherche une explication scientifique au phénomène, l’autre privilégie la piste surnaturelle, donnant lieu à de nombreuses oppositions entre les personnages.
J’ai beaucoup aimé l’approche pragmatique du duo français qui s’attache avant tout aux faits. On a affaire à une vraie enquête, dans laquelle les personnages prennent le temps d’étudier le terrain, consulter des témoins et des experts, et c’est très bien. Trop d’ouvrages de SFFF qui prétendent ajouter des enquêtes à leur intrigue se contentent de laisser leurs personnages suivre le fil de la chance et du hasard sans trop se soucier de logique puisque c’est « surnaturel ».
Ici l’intrigue est simple, mais bien construite. Il s’agit d’un roman d’aventure avec un peu de mystère, de magie et une très légère teinte de steampunk. Il est fort distrayant et se lit très vite.
J’ai eu un peu de mal à supporter l’irascibilité de Gauthier, l’enquêteur français. C’est bien d’avoir un aussi grand sceptique que lui dans ce type d’histoire, cependant il se comporte comme un enfant capricieux la plupart du temps, ce qui devient vite pénible. Les personnages masculins sont plutôt classiques, mais les féminins sortent de l’ordinaire.
Le récit est principalement centré sur Anna. Partenaire de Gauthier, c’est une personne raisonnable mais pas pour autant butée. Anna est veuve, un statut que l’on ne rencontre pas souvent dans les littératures de l’imaginaire, ce qui lui permet d’être un peu plus libre que les autres femmes durant l’époque victorienne, mais n’enlève rien au fait que son avis est assez peu considéré. Elle n’a pas de pouvoirs magiques, n’est pas une élue ni une petite chose fragile qui geint sans cesse quand elle se met dans le pétrin. Anna est une humaine normale, intelligente, qui affronte ses peurs et fait de son mieux. C’est ce que j’ai le plus apprécié chez cette femme alors qu’en comparaison Liana la sorcière m’a exaspérée.
L’autre personnage féminin très réussi est Maggie, la nièce de l’enquêteur anglais. C’est une adolescente débrouillarde et observatrice qui apprend à maîtriser ses talents et qui est dotée d’un esprit plus acéré que la plupart des adultes.
Toutes deux détonnent à cette époque où les femmes sont au mieux considérées comme des potiches. Ce sont ces femmes que j’ai aimé suivre dans cette aventure. J’ai aussi aimé Foguro mais je n’en dirai rien de plus, vous laissant le plaisir de découvrir ce personnage.
Cet univers est sympathique et comme la fin est ouverte on peut se laisser aller à imaginer d’autres enquêtes pour ces personnages. J’ai passé un très bon moment en leur compagnie.

samedi 15 février 2020

Kabu Kabu

Un Recueil de Nnedi Okorafor, publié aux éditions ActuSF.

Présentation de l'éditeur :
Avec Kabu Kabu, plongez dans les méandres des nouvelles de Nnedi Okorafor, l'autrice de Qui a peur de la mort (optionné par HBO).
Embarquez en direction de l'aéroport de New York dans un kabu kabu, taxi clandestin à qui vous fera traverser les légendes africaines.
Découvrez une musicienne qui joue de la guitare pour un zombie particulier.
Rencontrez Arro-yo, la coureuse de vents à la chevelure maudite, qui se bat pour exister sur l'étrange planète Ginen.
21 nouvelles vers un ailleurs étonnant et passionnant.
Autrice de fantasy et de science-fiction, Nnedi Okorafor a été lauréate du World Fantasy Award et du Prix Imaginales pour Qui a peur de la mort ? Son recueil de nouvelle Kabu Kabu est une véritable palette de son imaginaire d'african-futurisme et d'african-fantasy. 
Comme me l’a appris la nouvelle qui donne son titre à ce recueil, un kabu kabu est un taxi nigérian illégal. Or, l’impression que l’on a au sortir de cette lecture est d’avoir été embarqué dans l’un de ces taxis, d’en avoir côtoyé les autres passagers tout en étant brinquebalé d’un lieu à un autre, sans ordre logique, en s’inquiétant parfois de ne pas arriver à bon port. Toutefois, quand on descend enfin, on se trouve peut-être dépouillé et désorienté, mais également plus riche de tout ce que l’on a vu.
Nnedi Okorafor est une grande conteuse. Elle mêle très habilement les genres dans cet ouvrage, du fantastique le plus classique à une science fiction rafraîchissante, elle mâtine le tout de légendes et ajoute même un soupçon de littérature générale sur la fin. Elle aborde des sujets importants et met l’imaginaire à leur service plutôt que l’inverse. Elle l’imbrique dans la réalité.
Guerre du pétrole, racisme, condition féminine et enjeux politiques sont bien sûr des thèmes récurrents, mais ils côtoient l’amour, au sens large du terme, l’espoir, la volonté des personnages de faire changer le monde.
En se baladant d’un texte à l’autre, on apprend à connaître son Nigeria, celui qu’elle veut nous conter. Ses personnages, souvent des femmes, ont de fortes personnalités. Elles sont volontaires, respectueuses des traditions mais néanmoins décidées à vivre leur vie et à tracer leur propre chemin. En cela, Nnedi Okorafor décrit des personnes très inspirantes que j’ai beaucoup aimé suivre.
Certains textes sont liés. On peut lire tout une série sur les méta-humains, ces gens qui ont des pouvoirs sur les éléments entre autres, et voir comment leur statut a changé au sein de leur communauté. J’ai tout particulièrement aimé Tumaki, un très beau texte, mais tous ceux concernant les coureurs de vent m’ont tout autant passionnée.
De nombreuses nouvelles appartiennent à la science fiction, mais elle se mêle presque toujours à la magie. Mon texte SF préféré est Popular Mechanic car j’ai beaucoup aimé la relation père-fille des personnages. L’artiste araignée m’a également marquée car j’ai trouvé ce récit touchant dans la relation construite entre cette IA robotique et cette femme au travers du langage de la musique.
Cependant, mes nouvelles favorites sont celles qui appartiennent au genre fantastique. D’aucuns les trouveront sans doute plus anodines et elles abordent souvent des thèmes moins complexes. Ceci dit, au-delà du fait qu’il s’agisse de mon genre de prédilection, Nnedi Okorafor a une intelligence du fantastique qui, alliée à ses talents de conteuse, a fait de ces textes des pépites du genre.
Le Tapis, texte aux abords fort simple mais plein de sens cachés, est l’un de mes favoris. Ces deux sœurs, la situation peu idéale dans laquelle elles se trouvent et leur étrange tapis m’ont offert un excellent moment de lecture. Dans le même genre, La guerre des babouins, dans lequel trois fillettes persistent à emprunter un mystérieux raccourci s’est révélé aussi distrayant qu’intéressant. Et il y a bien sûr la nouvelle titre et son voyage déstabilisant à bord du kabu kabu.
D’autres récits, comme Sur la route, sont plus horrifiques. Celui-ci en particulier est très prenant et dérangeant. J’ai néanmoins été un peu désappointée par la chute que je juge trop facile.
J’ai eu une préférence pour les textes aux allures de légendes, comme L’homme au long juju, dans lequel une fillette croise un fantôme malicieux ou encore Le bandit des palmiers où l’on rencontre une femme bien décidée à narguer l’autorité.
Les deux dernières nouvelles du recueil sont une étrangeté au milieu de tous ces textes où la magie côtoie le cybernétique, mais elles se passent aux États-Unis, ceci expliquant cela à mon avis. Du fait de leur réalité, elles sont d’autant plus touchantes car elles abordent le racisme et le harcèlement subi par des enfants.
Ce recueil offre une très grande diversité, vous y trouverez forcément un texte qui vous parlera. J’ai aimé la voix de cette autrice, ses thèmes et ses préoccupations. C’est un ouvrage très moderne et une bonne représentation de ce que peut nous apporter l’Imaginaire aujourd’hui.

vendredi 14 février 2020

Des Mirages plein les poches

Un recueil de Gilles Marchand, publié chez Points.


Des Mirages plein les poches est un recueil composé de quatorze nouvelles. Le mot qui me vient le plus facilement pour les décrire n’est pas en français ; si je tente néanmoins de traduire ce qu’il m’évoque, je dirais qu’elles anesthésient votre esprit aussi bien que l’est celui des personnages. Poétiques et souvent dérangeantes, flirtant avec l’absurde et la folie clinique, ces nouvelles sont très bien écrites, mais pas forcément agréables à lire. Si certains textes m’ont émue, d’autres ont généré un malaise persistant, voire nauséeux. 
Le Fil, parfaite ouverture pour ce recueil, met le lecteur dans l’ambiance. Un brin de bizarrerie par-ci, un éclat de symbolisme par-là, c’est une mise en bouche qui dénote par rapport aux autres textes, tout en mettant en garde le lecteur. Les textes que vous trouverez dans ce recueil retricotent la réalité pour vous la montrer sur l’envers. En tricot, le côté envers n’est pas toujours joli à regarder, même s’il peut l’être autant ou même plus que l’endroit de temps en temps. C’est aussi là qu’on rentre les fils, qu’on cache ses erreurs et les petits aménagements qui font de l’endroit quelque chose de présentable. Pour moi, cela résume bien cet ouvrage.
Les personnages sont étranges, touchants, déroutants ou effrayants, ils font de la norme une idée creuse. Ils dérivent et jouent sur les perceptions, les leurs autant que les vôtres. Vous ne saurez pas toujours où vous mettez les pieds et vous trouverez parfois dans le dernier lieu que vous auriez aimé visiter. Pour autant, vous ne serez pas à l’abri d’une bonne surprise.
J’ai été particulièrement émue par certains textes, comme Un café et une guitare qui m’a bouleversée, ou encore Mon bateau, plus positif, qui parle de la poursuite des rêves malgré les écueils.
D’autres sont plus perturbants. Tel est le cas de Syllogomanie de proximité, dont la chute est excellente.
J’ai aimé l’humour caustique de We wish you, qui nous présente une mère décidée à créer un vrai Noël de série télé. Dans Rappel, j’ai suivi avec plaisir les flâneries mentales du personnage.
Cependant, ma nouvelle préférée, celle qui restera sans nul doute dans un petit tiroir de ma mémoire, est Deux demi-truites. Le narrateur est un jeune garçon qui voit la vie, et les difficultés de celle-ci, avec une sagacité tranquille. C’est un très beau texte, conté avec une grande intelligence.
On notera que j’ai eu une préférence pour les récits positifs et porteurs d’espoir, sans doute est-ce mon état d’esprit du moment. Cela explique l’avis mitigé que m’a laissé ce recueil car ce n’est pas ce qui prédomine dans ces histoires. Quelquefois, j’ai eu l’impression que le propos me passait au-dessus de la tête ou que je ne me sentais pas suffisamment concernée. Et de temps en temps j’ai eu envie de secouer mes chaussures pleines de boue à la fin d’un texte, sensation désagréable au possible, mais probablement voulue...
J’ai un faible pour les nouvelles. C’est pour moi le meilleur moyen de découvrir un auteur car c’est un format exigeant. Après cette lecture, je serais bien en peine de dire si je relirai un jour Gilles Marchand car l’expérience n’a pas été très convaincante, toutefois la qualité de son travail est indéniable. Si vous n’avez rien contre les récits doux-amers teintés de folie, faites-vous votre propre idée.