mardi 31 décembre 2019

Bilan 2019

Mine de rien, mon année livresque a été bonne, même si je lis moins qu’avant et qu’elle ne s’est révélée que dans sa seconde moitié.
J’en suis d’autant plus contente que mes coups de cœurs sont très différents les uns des autres et que ce sont les ouvrages d’auteurs que je ne connaissais pas.

Ils sont présentés dans l’ordre de lecture.

Chroniques Verticales de Laurent Copet
J’ai été happée par ce feuilleton dont la première saison compte six épisodes et j’attends désespérément la suite.
Imaginez un clan d’alpinistes. Ils avancent sans relâche sur une falaise, poursuivis par le néant, avec l’espoir insensé d’atteindre un jour le sommet. Je vois ton regard, toi qui te caches derrière ton écran. Tu te dis qu’il n’y a rien de passionnant là dedans. Tu te trompes. Tu n’imagines pas tout ce qu’il peut se passer sur cette falaise.
Dans ce clan composé de cordées, chaque famille a une fonction. On apprend à les connaître, on découvre leurs traditions, leurs croyances, les dangers qui les guettent… On ne peut que s’attacher aux personnages et s’impliquer dans leur histoire.

Les Filles du Nord de Mélody Gornet
Ce très beau roman parle de reconstruction, de fragilité, d’acceptation de soi et d’amitié.
Madison est partie étudier en Écosse dans ce qui s‘apparente plus à une fuite qu’un plan d’avenir. Elle est dans un état psychique très fragile, au bord de la rupture. Ses repères se sont brouillés et elle surnage tant bien que mal dans l’existence jusqu’à ce qu’elle rencontre Fern et Arbor. Avec eux, Madison va réapprendre à vivre.
Raconté comme ça, vous vous dites que c’est cucul. Non, vraiment pas. C’est une belle histoire, ni trop glauque ni niaise.

Dans l’Ombre de Paris de Morgan of Glencoe
Un peu compliqué à résumer celui-ci, alors je ne vais pas m’y risquer.
C’est indéniablement ma plus belle lecture de l’année. J’ai découvert un univers passionnant, des personnages très attachants et une autrice que j’aurai plaisir à relire tant elle me semble être une belle personne.

Les Ombres d’Esver de Katia Lanero Zamora
C’est le roman d’une émancipation, celle d’une jeune fille qui a grandi entre les grilles d’un domaine périclitant, sous la coupe d’une mère très autoritaire. Cette dernière n’a qu’un but : faire entrer sa fille dans la plus prestigieuse école de botanique du pays. Mais Amaryllis n’a pas les mêmes ambitions et semble sombrer dans la folie.
À mi-chemin entre le roman gothique et le conte fantastique, ce récit se révèle des plus symboliques. Et ça fait plaisir de voir ces genres, souvent réservés à un public de connaisseurs, rendus accessibles à une plus jeune génération.

Passing Strange d’Ellen Klages
J’ai aimé la magie douce et la poésie de ce roman, les personnages que l’on apprend à connaître en si peu de pages et découvrir le contexte historique qui les entoure.

J’espère que votre année livresque a été bien remplie et vous souhaite de belles lectures pour 2020.
Pace e Salute.

samedi 14 décembre 2019

Wicca - Le manoir des Sorcelage

Un roman de Marie Alhinho, publié chez Poulpe Fictions.

Présentation de l'éditeur :
De la sorcellerie, des esprits d'antan, un démon maléfique... Découvrez le quotidien de la famille Sorcelage !
Dans la campagne perdue du Berry, où vivent encore les créatures d'antan, les Sorcelage sont loin d'être une famille ordinaire ! Avril et Octobre, comme leurs ancêtres avant eux, pratiquent en secret la Wicca, une forme de magie naturelle et bienveillante. Lorsque le cercle de pierres magiques qui protège la région est brisé, ils doivent compter sur leur meilleure amie Nour et le feu follet H pour empêcher d'anciens démons de resurgir...
Avril et Octobre Sorcelage vivent dans un vieux manoir tout en grincements et passages dérobés, planté en haut d’une colline dans un petit village du Berry. Si Avril est une fonceuse, son frère est plus posé, mais ils partagent un trait commun : ce sont des sorciers, comme tout le reste de leur famille.
Les Sorcelage pratiquent une magie naturelle et bienveillante. Les pouvoirs d’Avril sont liés à la terre, ceux d’Octobre aux émotions. Pour autant, les deux jeunes gens sont des gamins comme les autres. Ils vont à l’école, ont une meilleure amie qu’ils aiment bien effrayer même s’ils lui cachent leur secret, en bref ils mènent une vie aussi normale que possible. Enfin, c’est le cas jusqu’à ce qu’un incident vienne bouleverser leur quotidien.
Ce roman est charmant parce qu’il est à la fois simple et original. Simple dans le sens où il ne cherche pas à vous en mettre plein les yeux avec une magie outrancière, les personnalités des personnages sont mises en avant, pas leurs dons, et il est original parce qu’il se déroule dans un cadre rural. On ne peut pas dire que ce soit monnaie courante et c’est rafraîchissant. On peut facilement s’identifier à ces jeunes ados. Avril a du caractère, mais des complexes, Nour est intelligente et timide, Octobre sensible et fantasque. Ce sont des personnages attachants et positifs. Ils commettent des erreurs et tentent de les réparer. Ils sont humains en somme et pas des parangons destinés à être admirés et inégalables comme on en trouve souvent dans la littérature pour la jeunesse. 
L’histoire est relativement simple, mais amusante grâce aux éléments magiques et aux créatures fantastiques qui la peuplent, et surtout elle porte de bonnes valeurs. Elle incite à la bienveillance, pas seulement envers les autres mais aussi envers soi-même. À mon sens, c’est une notion importante à l’adolescence.
Ce roman est le deuxième de chez Poulpe Fictions que je lis et certainement pas le dernier. Outre la qualité et l’originalité de leurs publications, j’apprécie les petites illustrations qui parsèment les pages. Cela a l’air superficiel et pourtant ça apporte un vrai plus, ça rend la lecture plus vivante. On a tous un jour griffonné dans les marges de nos cahiers et c’est cela que ça me rappelle.


mardi 3 décembre 2019

Caligo Lane

Une nouvelle d'Ellen Klages, publiée en numérique chez ActuSF.

Cette nouvelle se situe dans l'univers de Passing Strange.

Présentation de l'éditeur :
1940 : L’ori-kami permet de replier l’espace sur lui-même pour en relier deux points.
À San Francisco, Franny maîtrise cet art et compte l'utiliser pour ramener sa sœur, prisonnière de cette guerre mondiale qui ravage l'Europe.
Mais la magie suffira-t-elle face à l'horreur ?

Cette très courte nouvelle prend naissance dans l’univers de Passing Strange. Elle peut toutefois être lue et appréciée sans connaître le roman.
On y retrouve Franny, un des personnages secondaires de Passing Strange. J’ai une certaine affection pour cette femme généreuse, bienveillante et sagace. Cependant, le fait que les autres femmes de son cercle soient absentes m’a causé une petite déception. Pas d’Helen ni de Polly et, surtout, pas de Babs. Mais bon sang, où est Babs ?!
Cela étant, la nouvelle est magnifique et montre bien qui est Franny. L’autrice développe la pratique magique de son personnage, que l’on a pu entrapercevoir dans le roman, en nous la faisant vivre dans toute sa poésie. C’est un texte très émouvant dans lequel une femme tente d’en sauver d’autres et particulièrement sa sœur, quitte à accepter de faire de gros sacrifices pour cela. Et c’est magnifique de la regarder faire.
La magie de cette nouvelle est belle, puissante et évocatrice, elle happe le lecteur qui ressent autant que Franny le poids de l'urgence, qui se tend avec elle vers ce but incertain… et espère.
Je souhaitais me consoler d’avoir fini Passing Strange, mais je n’en suis que plus nostalgique.

lundi 2 décembre 2019

Passing Strange

Un roman d'Ellen Klages, publié chez ActuSF.

Présentation de l'éditeur :
San Francisco, 1940. Six femmes, avocate, artiste ou scientifique, choisissent d’assumer librement leurs vies et leur homosexualité dans une société dominée par les hommes. Elles essayent de faire plier la ville des brumes par la force de leurs désirs… ou par celle de l’ori-kami. Mais en science comme en magie, il y a toujours un prix à payer quand la réalité reprend ses droits.
Ellen Klages est une autrice américaine d’imaginaire qui vit à San Francisco. Passing Strange, a été finaliste du prix Nebula avant de remporter les World, British Fantasy et Gaylactic Spectrum Award 2018.
Choisir un livre est un pari. Tout lecteur sait qu’il peut parfois ouvrir un ouvrage et ne jamais y entrer ou au contraire tomber dedans dès la première phrase. La raison de cette intimité immédiate peut lui apparaître évidente ou impossible à définir, même une fois la dernière page tournée. Quelle importance de savoir pourquoi on a aimé un livre, pourquoi on a su dès les premières lignes qu’on l’aimerait ?
Cela m’est arrivé avec Passing Strange. Je suis entrée dans cette histoire comme une invitée dans une maison accueillante. C’était confortable et familier, même si j’y venais pour la première fois. Il faut dire que le réalisme magique, comme le fantastique, c’est ma came. Si le second est sombre et introspectif, le premier est plus optimiste ou en tout cas plus ouvert. Lire du réalisme magique, surtout à l’américaine, c’est voir d’un coup l‘horizon s’ouvrir sur un champ de possibilités immense... et souvent aller vers la plus farfelue. La magie discrète qui caractérise ce genre est facile à accepter, banale et habile à la fois. Elle ne prend pas le pas sur l’intrigue, elle s’y mêle naturellement.
Ici, la magie agit sur l’espace et le temps, elle plie le monde pour qui sait la manier. Elle est un art délicat, presque anodin. Ce sont les détails, la persévérance et la finesse, autant mentale que gestuelle, qui peuvent comme un rien changer le cours des choses. Et l’art, bien sûr, que serions-nous sans art ? Ne naît-il pas de notre capacité à nous émerveiller, à voir au-delà des choses, de notre besoin de créer ?
Passing Strange est un roman nimbé de magie où il fait bon flâner malgré les injustices dont il nous rend témoins. Il nous ramène à l’aube de la seconde guerre mondiale, à San Francisco, dans le sillage de six femmes d’âges variés. J’ai adoré les suivre, les voir évoluer, apprendre à leurs côtés ce qui caractérisait leur époque. Je me suis passionnée pour leur vie, insurgée de découvrir comment ces femmes intelligentes et dotées d’un tel appétit de vivre étaient fustigées par la société. Pourtant, ce n’était pas une surprise.
Néanmoins cela paraît toujours aberrant de se dire qu’une femme pouvait être arrêtée si elle ne portait pas au moins trois vêtements féminins. À notre époque où l’homophobie est malheureusement encore bien présente, on se rend malgré tout compte que du chemin a été parcouru. Enfin, dans certains pays…
Mais revenons aux femmes qui font ce roman. Il y a Franny, cartographe et magicienne, qui fait office de fil de trame entre ces femmes, et Babs, sa compagne, la mathématicienne. Il y a Helen, américaine d’origine japonaise qui doit danser pour gagner sa vie malgré ses diplômes. Il y a Emilie qui a fui sa riche famille et Haskel l’artiste. Enfin il y a Polly, seize ans, que son père a voulu protéger des conflits qui font rage en Europe. Elles sont toutes attachantes, brillantes, volontaires. Comment ne pas vouloir le meilleur pour elles ?
J’aurais bien passé davantage de temps avec elles. J’ai particulièrement aimé la personnalité d’Helen et sa finesse d’esprit. La façon dont elle a choisi de clore cette histoire est un tour à sa mesure. Emilie et Haskel sont aussi très émouvantes.
Passing Strange parle de magie et de science, d’amitié et de désir d’émancipation, mais c’est aussi une très belle histoire d’amour.
Le seul reproche que je pourrais faire à ce roman est le nombre assez impressionnant de coquilles : mots absents, en double ou à la place d’autres. C’est fort dommage. Cependant, cela n’empêche pas d’apprécier cette belle histoire que j’ai quasiment lue d’une traite tant elle m’a plu.
Et maintenant je vais me consoler d’avoir fini ce roman avec la nouvelle spin off : Caligo Lane.