jeudi 20 février 2014

Y a pas écrit bécasse ici...

Les contes de la bécasse vont-ils me hanter longtemps ?
Non, je ne parle pas d'un indélébile souvenir de lecture, mais du billet que j'ai écrit sur ledit recueil et qui caracole toujours en tête des plus consultés sur ce blog. Je croyais que ça s'était calmé, mais non, la majorité des professeurs ont seulement dû avoir l'idée de réserver cette merveilleuse lecture au deuxième trimestre...
Collégien(ne), sache que je compatis sincèrement, mais non tu ne trouveras pas sur ce blog suffisamment d'éléments pour échapper à cette lecture.
La vie est cruelle. Je ne peux pas te promettre que tu sortiras plus fort(e) de cette épreuve, mais essaie malgré tout de ne pas en arriver à détester la lecture qui peut, je t'assure, se révéler merveilleuse parfois.
Bon courage.


J'aimerais profiter de ce billet pour saluer deux de mes anciens profs, Agnès R. et Jean-Dominique P. qui partageaient sans compter leur amour des livres. J'étais déjà une livropathe à l'époque, mais leurs cours furent d'autant plus agréables que ceux de leurs collègues ne l'étaient vraiment pas.

mardi 11 février 2014

Stalker : pique-nique au bord du chemin

Un roman de Boris et Arkadi Strougatski, publié en poche dans la collection Folio SF.


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stalker


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Dans Stalker, les extraterrestres sont venus et repartis, laissant un souvenir de leur passage dans certains coins du monde comme autant de zones d’impact, lieux à jamais changés où l’on peut trouver des trésors, mais également une mort atroce.
Pourquoi sont-ils venus et partis ? Qu’est-ce qui s’est passé dans ces zones ? Personne ne le sait, l’humanité ne peut que théoriser sur le sujet. Les zones sont devenues pour elle un nouveau champ d’exploration où tout peut arriver. Ce sont de véritables enclaves. Imaginez un lieu que vous connaissez depuis toujours, vous y avez grandi, c’est peut-être une vallée où vous alliez vous promener ou encore le quartier où vivent certains de vos amis… Et d’un coup ces lieux si familiers sont touchés par des phénomènes inexplicables. Ils deviennent irrémédiablement différents et pourtant vous voyez toujours ces endroits maintes fois parcourus. Ils semblent identiques, mais sont devenus mortellement dangereux. Les personnages de ce roman n’ont pas compris ce qui s’était passé, ils n’ont pas vu les extraterrestres, mais tout a indubitablement changé avec leur passage. Et ces derniers ont laissé des choses derrière eux…
Stalker nous plonge dans ce monde en plein bouleversement, toute une civilisation littéralement heurtée par une autre et qui cherche à comprendre ainsi qu’à s’emparer de ce qui lui a été laissé par les visiteurs. C’est cela que font les stalkers, ils vont dans la Zone et en ramènent ce qu’ils peuvent, certains légalement car ils travaillent pour des instituts scientifiques, d’autres dans l’illégalité pour revendre leur butin au plus offrant. Mais même si l’on survit au voyage, on ne peut espérer sortir totalement indemne de la Zone…
Stalker se divise en cinq parties et toutes, étant espacées de plusieurs années, nous montrent l’évolution de l’activité de stalker, mais aussi celle de l’humanité elle-même de par son contact avec la Zone.
Le prologue, par exemple, est l’extrait de l’interview radiophonique d’un savant, on y évoque la nature de ces zones d’impact et une théorie sur leur origine, mais également la naissance du métier de stalker. Au début le terme ne semble s’appliquer qu’aux personnes qui se rendent illégalement dans la Zone.
Ces « tranches » de vie que constituent les différents chapitres apparaissent comme découpées dans la masse et sont accessibles, tout en n’étant pas non plus parfaitement limpides pour le lecteur qui se tient à l’extérieur du récit. Par exemple, on ne nous explique jamais vraiment à quoi ressemble la « gelée de sorcière » comme la nomment les stalkers et si le contexte permet de se faire une vague idée sur cette chose, elle reste très abstraite pour nous. C’est un bon choix selon moi, ça donne une certaine authenticité au récit et c’est vraiment très bien fait, on en sait toujours suffisamment.
Les chapitres mettent le plus souvent en scène un personnage en particulier, Redrick Shouhart, un stalker, à plusieurs périodes de sa vie. Le premier chapitre est narré à la première personne, créant ainsi une certaine proximité avec le personnage qui semble s’adresser à nous. Les autres mettent un peu plus de distance, mais j’ai pour ma part été fascinée par l’évolution de cet homme. Tout m’a intéressée, ce qu’il est, ce qu’il ne souhaite pas devenir, ce qu’il est obligé de faire, l’évolution de son travail, et voir par son regard tout ce qui a trait à la Zone, du temps où celle-ci n’était pas surveillée à celui où elle est jalousement gardée et largement pillée.
J’aime bien Red, personnage désabusé, mais qui sait rester digne et surtout respectueux de son prochain, ce qui n’est vraiment pas évident dans ce contexte. Il vit dans une société qui s’étiole, il est confronté à toutes sortes d’épreuves, mais pire que celles qu’il vit dans la Zone, il y a son environnement moral, la peur, la haine, la tentation d’être un salopard pour mieux s’en sortir. Mais Red, lui, cherche juste à rétablir l’égalité de ses propres chances. Il ne verse pas dans la bonté excessive ni dans l’extrême misanthropie (même s’il n’en est pas loin parfois), il essaie de s’en sortir tout en restant humain. C’est un personnage magnifiquement construit.
Ce roman est assez cynique, un peu déprimant aussi, mais c’est aussi ce qui en fait l’intérêt. Il sonne juste, donne à réfléchir et a, en tout cas, très bien vieilli. Ce fut pour moi une excellente lecture.


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Stalker était la lecture prévue pour le club de Vampires et Sorcières du mois de novembre 2013. Pour une fois, j'ai lu l'ouvrage dans les temps, j'ai par contre beaucoup traîné avant d'écrire ma chronique...

Pacte obscur, La Geste des exilés T1

 Un roman de Bettina Nordet, publié aux éditions du Chat Noir.

Présentation de l'éditeur :

Je suis flic, et à part une petite bizarrerie et un sérieux manque de sex-appeal dont je me passerais bien, ma vie est plutôt sympa. Mais un soir tout vole en éclat. Traquée par des types bizarres, je me retrouve baby-sittée par mon nouveau boss, un type beau à tomber aux instincts meurtriers peu rassurants, qui semble éprouver à mon égard une allergie aussi violente qu’inexplicable. Alors, telle Alice, je plonge dans le terrier du lapin blanc ; sauf que, dans mon cas, la curiosité n’y est pour rien : mon imbuvable garde du corps m’y a poussée. Bien décidée à retrouver ma vie et les miens, je rue dans les brancards, mais les échos d’une prophétie plus vieille que le monde pourraient bien finir par me rattraper et m’en empêcher. Je vais tout faire pour me sortir de ce guêpier, même si, je dois bien l’admettre, il y a quelques compensations : des beaux mecs comme s’il en pleuvait. Et dire que je me plaignais que mon carnet de bal était vide…

Pièce maîtresse d’une lutte de pouvoir immémoriale, entraînée au cœur d’un tourbillon de violence et de sang, Jana découvre peu à peu que tout ce qu’elle croyait savoir n’est qu’un leurre, et que la frontière entre les bons et les méchants n’est peut-être pas aussi tranchée que ce qu’en disent les traditions millénaires.
Si vous aimez ce type d’urban fantasy qu’on appelle « bit-lit » (je trouve ce terme d’une stupidité sans nom, mais c’est encore le moyen le plus sûr de faire passer l’idée) vous apprécierez sûrement ce roman car il contient tous les poncifs du genre en ce qui concerne la trame, mais apporte aussi un peu d’originalité pour ce qui est des créatures que l’on y trouve.
Par contre, si vous avez l’impression que l’urban fantasy se résume ces temps-ci à une seule et même histoire mille fois ravaudée, vous devriez passer votre chemin.
Malheureusement pour moi, j’appartiens à la seconde catégorie et outre la lassitude que j’éprouve vis-à-vis de ce genre, de nombreuses petites faiblesses ont contribué à aigrir mon avis à mesure que ma lecture avançait.
L’auteur choisit de parler de créatures mythiques qu’on ne rencontre pas si souvent en urban (c’est du moins l’impression que j’en ai). On la voit malgré tout venir avec ses gros sabots dès le premier chapitre. C’est un peu dommage, néanmoins ça ne gâche pas le travail qui a été fait concernant la mythologie abordée. Car recherches il y a, même si on ne fait qu’effleurer cela dans ce premier tome. Il suffit d’avoir un minimum de connaissances sur le sujet pour s’en apercevoir. Pour autant, je trouve malgré tout que l’usage qui en est fait manque un peu de subtilité.
Ceci dit, ce manque se répercute également dans tout ce qui constitue ce roman et c’est une des choses qui m’ont le plus gênée. Tout est « trop » dans cette histoire, des méchants trop bourrins, des créatures surnaturelles trop sublimes, des raccourcis trop faciles, etc. Si quelques exagérations peuvent passer dans ce type de récit, elles doivent être contrebalancées par de la cohérence et de la subtilité, sinon on verse dans la caricature. Or, de mon point de vue, ici ça ne passe pas. Les personnages pâtissent particulièrement de cela et j’ai donc eu un mal fou à les supporter, tous autant qu’ils sont.
L’héroïne et narratrice tient le pompon en la matière, c’est un stéréotype sur pattes. Elle est typique de la bit-lit, donc en résumé elle se dit indépendante mais n’est pas fichue de faire un pas toute seule sans provoquer une catastrophe et donc nécessiter l’intervention d’un homme (si possible canon), elle est pleurnicheuse, d’une confondante naïveté, pas très futée, elle jure sans arrêt (et n’est même pas inventive. Les jurons ne me choquent pas, mais franchement au bout du dixième merde ou putain en quelques pages, il y a de quoi en avoir marre), et bien évidemment elle est obsédée par sa sexualité… Il se trouve qu’elle a un souci en la matière et qu’elle commence dès le premier chapitre à nous bassiner avec… Certes cela fait partie de l’histoire, mais c’est assez répétitif pour devenir exaspérant, sachant en plus que l’auteur ne nous ménage quelques ellipses que dans la seconde partie de l’histoire et qu’en attendant il faut se taper le moindre, le plus insignifiant des détails de la vie de Jana. Disons-le, c’est assez pénible car très lent et Dieu sait que je suis pourtant assez tolérante en la matière. Jana m’a vraiment mis les nerfs en pelote.
Les personnages et l’intrigue elle-même sont trop manichéens pour moi, j’ai trouvé le rythme du récit mal géré, les comparaisons dont Jana use à longueur de temps vraiment douteuses et tant d’autres choses encore m’ont déplu que j’en ai définitivement fini avec cette série. Cependant, que cela ne vous arrête pas si vous aimez la bit-lit car je crois que pour les amateurs du genre Pacte obscur sera une bonne découverte. Vous verrez plus les qualités que les défauts, contrairement à moi.

dimanche 2 février 2014

Punk's not dead

Un recueil de nouvelles d'Anthelme Hauchecorne publié chez Midgard.


Les droits de cet ouvrage sont reversés à l'association Sea Sheperd France.


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Punk's not dead - Anthelme Hauchecorne




Présentation de l'éditeur :
À quoi l’Apocalypse ressemblerait-elle, contée par un punk zombi ?
Qu’adviendrait-il si le QI des français se trouvait d’un coup démultiplié ? Un grand sursaut ? Une nouvelle Révolution, 1789 version 2.0 ?
Est-il sage pour un mortel de tomber amoureux d’un succube ?
Les gentlemen du futur pourront-ils régler leurs querelles au disrupteur à vapeur, sans manquer aux règles de l’étiquette ?
Comment se protéger des cadences infernales, de la fatigue et du stress au travail, lorsque l’on a le malheur de s’appeler « La Mort », et d’exercer un métier pour laquelle il n’est pas de congés ?


Autant de sujets graves, traités entre ces pages avec sérieux.
Ne laissez pas vos neurones s’étioler, offrez une cure de Jouvence à vos zygomatiques. Cessez de résister, accordez-vous une douce violence…
De toute évidence, PUNK’S NOT DEAD a été écrit pour vous.



Attention, coup de cœur !


En considérant tout d’abord « l’emballage » lui-même, Punk’s not dead est un bel objet. C’est certes le texte qui importe le plus, mais ça fait toujours plaisir d’avoir entre les mains un livre aussi réussi visuellement. Les polices d’écriture ont été choisies avec soin, de même que les dessins marquant des interruptions de chapitres sont toujours adaptés au récit qu’ils jalonnent. Chaque nouvelle comporte en outre au moins une illustration. Ces détails minutieusement disséminés dans l’ouvrage concourent tous à le rendre très agréable à parcourir.
J’ai de surcroît beaucoup apprécié qu’à la fin de chaque texte l’auteur nous explique sa démarche artistique. Il évoque la genèse de la nouvelle et les thèmes abordés qu’il relie à un contexte. C’est à chaque fois intéressant et ce petit plus opère toujours un certain charme sur moi. Peu d’auteurs prennent la peine de nous proposer un tour d’horizon dans leurs ateliers ou les coulisses de leurs histoires, ça devrait arriver plus souvent.
Bien sûr, au-delà de la beauté de l’objet et de ces incursions « behind the scenes », il y a les nouvelles, ce pour quoi on achète vraiment un recueil, et celles-ci m’ont particulièrement enthousiasmée.
L’écriture d’Anthelme Hauchecorne est aussi subtile que maîtrisée, conférant une certaine élégance à ses récits, même les plus grinçants ou glauques. En effet, l’auteur ne se prive pas d’étaler un humour assez noir dans les univers sombres qu’il brosse, ses personnages, un brin désemparés parfois, paumés ou à côté de la plaque, se raccrochent à des bribes d’espoir souvent ténues, mais néanmoins bien présentes. Leurs histoires n’en sont que plus addictives alors que, découpées avec précision, elles entraînent facilement le lecteur dans leurs méandres. Parfois l’humour les allège, d’autres fois il renforce leur ambiguïté, mais il est toujours mesuré.
L’auteur sait mettre son propos en valeur, il dose savamment le divertissement et la réflexion et ne prend pas ses lecteurs pour des abrutis. J’ai vraiment apprécié l’intelligence qui nimbe ce recueil, dans son fond comme son agencement.
Certains univers, parmi ceux que j’ai trouvés les plus prometteurs, sont appelés à être explorés plus avant dans d’autres écrits. Certains le sont déjà d’ailleurs. C’est avec plaisir que je m’y replongerai. Décembre aux Cendres, par exemple, est un des récits que j’ai préférés et je l’ai lu avec avidité, regrettant amèrement que cela se termine si vite. Il s’agit d’un conte de Noël décalé et désenchanté, impression renforcée pour ma part car je l’ai justement lu à l’époque de Noël. J’espère vraiment pouvoir lire prochainement d’autres histoires sur ces personnages et la ville de Brûle-Peste.
J’ai aussi retrouvé avec plaisir La Ballade d’Abrahel, réécriture de conte présentée auparavant dans l’anthologie Contes et légendes revisités de chez Parchemins et Traverses, que je vous conseille au passage. L’auteur a su insuffler une vraie réflexion dans cette histoire en l’arrachant à l’obscurantisme dont elle est issue. Cela me touche tout particulièrement.
Le Buto atomique, interpelle de même par ce qui s’est glissé de réalité entre les lignes, par l’empathie qui se dégage de ce récit au-delà de la richesse très prometteuse du système de magie évoqué. Une fois encore, j’espère croiser de nouveau ces personnages et en apprendre plus sur les Sœurs et leur danse.
Le Roi d’Automne, à rattacher à l’univers du roman Âmes de verre, fait également partie des textes qui m’ont le plus rapidement prise dans leurs rets. Cette histoire complexe, à la mythologie très travaillée, ne peut que donner envie de se plonger dans le roman de l’auteur pour explorer plus avant cet univers fascinant.
Parmi les textes plus concis auxquels l’auteur n’envisage pas de suite, il y a notamment l’excellent Sarabande Mécanique. J’ai bien conscience de ne pas faire honneur à l’intelligence que l’auteur a mis dans la création de son récit, comme de ce recueil dans son entier d’ailleurs, mais c’est encore le mot qui traduit le mieux mon impression : c’est excellent. La valse des références, cinématographiques (que je connais moins), littéraires (plus de mon ressort) et historiques est particulièrement gracieuse. C’est grinçant et drôle, futé et divertissant à la fois. Une nouvelle à chute comme on les aime.
Mais tous les textes de Punk’s not dead valent le détour et tous mériteraient un petit mot dans cette chronique, ce que je ne peux leur accorder malheureusement.
Vous irez de surprise en surprise en ouvrant ce recueil, d’une apocalypse zombie démentielle et génialissime en compagnie du dernier Punk de Grande-Bretagne à une anticipation sous forme de documentaire, en passant par un avènement de la robotique vu par les yeux d’une intendante pétrie de sarcasme ainsi qu’une histoire déjantée de quête à l’ancienne et de fantôme dans une double narration particulièrement bien rodée. Et puis il y a les dragons… Que sont devenus les dragons d’après vous ? Vous le saurez peut-être en lisant Punk’s not dead.
Je vous conseille vivement d’investir dans la version papier car outre le fait que, comme je l’ai déjà seriné, elle est très classe, la version numérique a une caractéristique qui est pour moi un petit défaut. Certains passages en gris clair sont particulièrement difficiles à déchiffrer sur une liseuse dont on ne peut régler le contraste. Certes mes problèmes de vue y ont sans doute une part, mais ça reste désagréable même pour des yeux en bonne santé.
Enfin, que vous choisissiez le papier ou le virtuel, j’espère que vous vous laisserez emporter et charmer par cette lecture au moins autant que moi et qu’elle vous donnera envie de découvrir d’autres écrits d’Anthelme Hauchecorne.


Si vous voulez vous faire une idée, sachez que vous pouvez télécharger deux nouvelles figurant dans ce recueil sur le site de l’auteur : Sarabande Mécanique et Les Gentlemen à manivelle.


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