mercredi 20 novembre 2013

Nouvelles en vrac (2)

Je vais cette fois vous parler de quatre nouvelles, toujours dans la collection micro des éditions Walrus.
Elles m'ont été envoyées dans le cadre du JLNN, je remercie donc les éditions Walrus et Lune.
D'ailleurs, vous pouvez lire l'avis de cette dernière sur 1888 et En Adon je puise mes forces sur son blog.

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1888 de Céline Etcheberry

1888

1888 nous entraîne dans le sillage de Jack l’éventreur. Présenté ici comme un dandy glacial, Jack n’a qu’une seule obsession : le temps. Rythmés par sa précieuse montre à gousset, ses crimes semblent lui apporter plus que la satisfaction de ses instincts de tueur.
La montre est, dans cette nouvelle, une entité à part entière, menaçante, intéressante dans ses tic-tacs comme dans ses silences inquiétants. Jack est-il tout simplement fou ou cette montre a-t-elle un réel pouvoir ?
On est ici dans le fantastique, car le doute demeure pour qui le souhaite. Cependant, si ambiguïté il y a, l’auteur exploite néanmoins très bien son idée et les meurtres, ici à rebours, de ce célèbre tueur. En peu de mots, elle nous plonge dans son récit. Sa façon de traiter le sujet est originale et j’ai beaucoup aimé son style.
Ce fut pour moi une excellente lecture, riche en suspense et émotions. La chute m’a laissée un peu perplexe et je ne l’ai pas trop appréciée, mais c’est bien mon seul regret.

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En Adon je puise mes forces de Dominique Lémuri

En Adon je puise mes forces

Dans la quiétude d’une tombe, Elthya, une jeune prêtresse, veille aux derniers sacrements qui aideront son défunt roi à passer de l’autre côté. Cependant, son rituel est sur le point d’être perturbé par deux créatures pour le moins étranges.
C’est la rencontre de deux mondes en total décalage, celui d’Elthya et de ses dieux avec celui de Vjlir, policier extraterrestre à la poursuite d’un prisonnier évadé. Or, ce chef de la pègre interstellaire ne compte pas se laisser attraper aussi facilement. Ce n’est toutefois pas vraiment le contraste entre les deux civilisations ou le potentiel comique de la situation que l’auteur a choisi d’exploiter. Cependant, le récit n’en est que plus original selon moi.
Ce mélange de SF et de mythologie m’a plu et si je suis restée un peu en-dehors de la réflexion philosophique qui l’accompagne (surtout à cause de l’aspect religieux de l’affaire en fait, même s’il y a moult façons de voir les choses), j’ai néanmoins apprécié l’idée et elle m’a donné du grain à moudre.
C’est un très bon texte, bien pensé, agréable à lire. Les débuts rocambolesques y amènent un peu d’humour pour contrebalancer la réflexion et l’équilibre entre les deux se fait.
J’ai beaucoup aimé cette lecture.

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Hérésie minérale de Stéphane Desienne

Hérésie minérale

Des quatre textes présentés dans ce billet, celui-ci est mon préféré.

Je me suis vraiment passionnée pour cette histoire qui mêle science et religion afin de poser d’intéressantes questions sur la notion d’intelligence, de vie et de communauté. La problématique, ainsi que la façon dont elle est traitée, m’a beaucoup plu et est évidemment la raison majeure qui m’a fait aimer ce texte. Cependant, je l’ai de surcroît trouvé très bien écrit. J’ai apprécié la façon dont sont amenées les révélations au fur et à mesure, ce suspense maintenu sans pour autant frustrer le lecteur, et le rythme que cela apporte au récit.
Dès les premières lignes, nous comprenons que nous nous trouvons au cœur d’un procès, mais un procès ecclésiastique et même inquisitorial, ce qui a son importance. Le père Franck comparait et c’est son témoignage que nous invite à suivre l’auteur. Or, il semblerait que ce procès soit bien plus important pour l’humanité tout entière qu’une simple affaire d’église.
La prégnance de la religion, mais aussi l’aspect mercantile du voyage spatial et de notre société de consommation sont au centre de cette réflexion.
Le père Franck évoque un voyage dans l’espace et surtout une découverte importante, d’un point de vue scientifique, mais aussi humain. Les responsabilités qui pèsent sur lui m’ont touchée, son combat m’a émue. J’ai lu ce texte avec une certaine fébrilité et c’est au final un vrai coup de cœur.
J’ai tout aimé dans cette nouvelle, l’intrigue en elle-même, qui est prenante, la problématique abordée, le style… J’ai juste le regret de ne pouvoir qu’extrapoler sur ce que va engendrer la décision qui est prise à la fin.
Je vous invite de tout cœur à découvrir cette nouvelle.

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Anastasis d'Aude Cenga

Anastasis

Laisse-moi entrer, murmure la voix à l’oreille de Lodrick alors que celui-ci se trouve dans une situation désespérée. C’est là le début de l’histoire et de ce qui va, à jamais, changer cet homme, mais aussi son entourage.
En lisant le résumé de l’éditeur, j’ai tout de suite deviné de quelle créature il s’agissait, cependant, même si ça me paraît évident et que l’auteur nous le dévoile dans les premières lignes, je préfère vous en laisser la surprise.
Pour autant, c’est dans les ambitions de ladite créature que tient toute la singularité du récit. On ne la croise pas souvent, il faut le dire, et jamais, en tout cas, je ne l’avais vue traitée de la sorte. Ça ne pouvait qu’éveiller mon intérêt.
C’est original, prenant, mais également assez gore, potentiellement perturbant et très malsain. Âmes sensibles s’abstenir, même si le sujet justifie toute cette violence. J’avoue que je ne suis pas cliente, mais ça ne m’a pas non plus traumatisée.
Cette nouvelle est taillée dans le vif (si j’ose dire avec une telle intrigue) et s’il y a bien un début, la fin reste très ouverte. Ça ne me dérange pas, j’aime bien la façon abrupte dont elle se termine, mais certains, qui apprécient les nouvelles plus structurées, pourront se sentir frustrés.
Ça reste un texte à lire pour les amateurs du genre. Les férus de zombies, même s’il ne s’agit pas de ces créatures-ci, pourront aussi y trouver leur compte.

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vendredi 15 novembre 2013

Elvira Time, Saison 1, Ep1

Elvira Time est un feuilleton numérique de Mathieu Guibé et Elodie Marze publié aux éditions du Chat Noir.
Pour cette saison 1 les épisodes suivants sont respectivement programmés en décembre 2013, puis en mars et juin 2014.
Une version papier est également prévue pour juin 2014.


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Elvira Time

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Elvira est une jeune fille de 17 ans sarcastique, tête brûlée et un peu désabusée. La vie n’a pas été tendre avec elle et elle en porte les cicatrices morales. Traquer et tuer les vampires fait en quelque sorte partie de son équilibre.
Quand on lit ce premier épisode, on pense inévitablement à Buffy et c’est vrai qu’il y a de ça. Le lycée, cette forme d’humour, ici un peu plus grinçante, mâtinée de culture pop, et évidemment l’ado chasseuse de vampires nous rappellent fortement la série. Elvira évoque Buffy dans la part la plus écorchée de cette dernière, mais me fait également penser à Veronica Mars. Cependant, si inspiration il y a, ce feuilleton et son personnage ont leur personnalité propre. L’auteur a su en faire quelque chose d’original et de sympa.
Dans le monde d’Elvira, l’existence des vampires est connue, on ne peut les tuer que s’ils ne sont pas enregistrés auprès de l’état et Elvira ne s’en prive pas. Cette héroïne, qui nous raconte sa vie à la première personne, est une jeune fille troublée. On sent la révolte qui sous-tend ses actes et son mal-être. Malgré ces instants où elle semble assez immature, comme on peut l’être à son âge, on devine qu’elle a dû grandir trop vite et que son humour, parfois un peu lourd (mais qui fonctionne bien ceci dit), sert juste à cacher ses fêlures. Elle m’a agacée parfois, mais c’est indéniablement un personnage cohérent et bien construit.
Tout en étant assez prévisible, cet épisode m’a plu. Parodique par moment, forçant le trait à desseins, il ne manque toutefois pas de profondeur malgré l’aspect caricatural des personnages. L’auteur se plaît à ridiculiser ces derniers, mais sait néanmoins les rendre attachants. C’est visuel, rythmé, on sait pourquoi on lit ce genre d’histoires et c’est pour cela qu’on l’apprécie.
Par contre, et là j’ai l’impression de me répéter et d’être une fichue emmerdeuse tant ça arrive souvent ces temps-ci, il y a vraiment beaucoup de fautes…
Enfin, au-delà de ce petit détail, la lecture est plaisante et la série prometteuse. Que vous soyez ou non nostalgique de Buffy, si vous recherchez un feuilleton sympa, pas prise de tête, avec de l’humour, des vampires et une structure assez proche d’une série télé, vous aimerez sûrement Elvira.

jeudi 14 novembre 2013

La petite copiste de Diderot

Un roman de Danielle Digne, publié chez Le Passage.


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La petite copiste de Diderot

Au début de la seconde moitié du XVIIIe siècle, la bataille de l'Encyclopédie fait rage : cette magnifique entreprise placée sous le signe des Lumières et de la liberté de penser voit se dresser contre elle la censure du pouvoir et la colère des dévots. C'est dans ce contexte tourmenté que Félicité, une jeune paysanne née sur le plateau de Langres, est envoyée à Paris pour devenir la copiste de Denis Diderot. Elle a appris à lire et à écrire, fait exceptionnel à l'époque pour une enfant de sa condition, et assistera le philosophe dans ses diverses tâches littéraires et sa correspondance. Malgré leur différence d'âge et d'érudition, une forte complicité se noue rapidement entre eux. Fascinée par le génie du grand homme, son inépuisable générosité et son goût des plaisirs, la jeune fille se passionne pour les combats de l'Encyclopédie tandis que Diderot ne reste pas longtemps insensible à la fraîcheur et au regard candide que cette petite paysanne porte sur une société parisienne alors en pleine effervescence. Dans les salons littéraires, elle va croiser nombre de figures de la " société des gens de lettres " : le baron d'Holbach, madame d'Épinay ou encore d'Alembert. On y parle de Montesquieu, de Rousseau, de Voltaire. Mais dans un siècle où souffle le vent des idées, les amitiés sont fragiles, et alors que Félicité progresse à grandes enjambées sur la route du savoir, l'irruption de l'abbé Ferdinando Galiani, un libertin napolitain, risque fort de troubler l'intimité de la petite copiste et de son maître.



Cela faisait longtemps que je n’avais plus lu de roman historique et je suis assez contente d’être tombée sur celui-ci pour mes retrouvailles avec ce genre.
Marie n’a pas seize ans quand elle part pour Paris où elle deviendra la copiste de Denis Diderot. D’extraction paysanne, elle a appris à lire grâce à sa mère qui a été élevée dans un couvent. Ayant malheureusement perdu ses parents, elle a été recueillie par un cousin de sa mère, curé de campagne qui, soucieux de son avenir, usera de ses relations pour lui trouver une situation plus conforme à ses talents et capacités.
Marie, devenue Félicité pour plaire à Diderot qui n’aime pas les prénoms religieux (c’est ironique venant d’un homme dont la fille se nomme Marie-Angélique) est un personnage intéressant. On la voit évoluer au contact du philosophe et c’est un plaisir de suivre les réflexions qui ponctuent le roman. Félicité est un personnage sympathique. Il est plaisant de la voir grandir et devenir femme, même si, sans être anachronique, elle manque un peu de réalisme d’un point de vue historique. Ceci dit, je ne suis pas non plus une spécialiste, je le reconnais volontiers.
Les chapitres sont courts, souvent tissés d’anecdotes et de réflexions qui restent malheureusement assez succinctes, mais piquent la curiosité du lecteur et le pousseront peut-être à aller chercher plus loin. J’ai vraiment apprécié les références littéraires ainsi que la réflexion sur la femme et sa place dans la société. La religion alimente aussi, bien évidemment, les débats de nos personnages.
De manière légère, superficielle mais néanmoins cohérente, on apprend à connaître Diderot à travers ses écrits, qu’il s’agisse de ses essais, ses articles, ses fictions, ses écrits sur l’art et surtout sa correspondance. L’auteur les évoque, les cite parfois, s’en sert pour alimenter les discussions de Félicité avec son maître. Cependant, c’est au travers de l’œuvre de sa vie, son combat pour la rédaction et la publication de l’Encyclopédie que l’on apprend le mieux à connaître l‘homme. Tout cela nous est relaté avec la distance nécessaire, sans un foisonnement de détails, mais c’est une manière assez ludique d’approcher l’œuvre de Diderot ainsi que sa vie.
J’ai trouvé original de consacrer un roman à cet auteur, même au travers du regard d’un autre personnage. Tout en étant très connu de nom, Diderot n’est pas non plus le plus populaire ni le mieux connu des philosophes des Lumières. Dans le cadre de la fiction romanesque, c’est certainement Voltaire qui a inspiré le plus d’auteurs et il y avait de quoi. Cependant, Diderot se révèle un « personnage » plein de potentiel, que j’ai également trouvé assez émouvant dans son combat.
La petite copiste de Diderot est avant tout un roman d’apprentissage. Il relate la vie d’une jeune fille qui cherche à élever son esprit, mais reste simple, faisant plus dans le réalisme que le romanesque. Pas d’aventures rocambolesques ou de fortes émotions ici, mais une certaine sensibilité, alliée à une écriture douce. C’est très agréable à lire.



dimanche 10 novembre 2013

Requiem

Un artbook d'Alexandra V. Bach (illustrations) et Arnaud Armant (textes), publié aux éditions du Chat Noir.


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Requiem

Dans son paradisiaque Elyseum, la Princesse Céleste vit un amour passionné avec le Seigneur des Lumières. Mais la déesse de la Discorde, jalouse de leur félicité, vient semer le chaos et la destruction, allant jusqu’à tuer le monarque de ce paisible royaume.
Céleste décide alors de se rendre dans l'Outremonde pour ramener son bien-aimé à la vie, sans la moindre idée des épreuves qu’elle devra traverser.
La puissance des liens qui les unit sera-t-il plus fort que le Destin ?
Découvrez une variation de la romance orphéenne dont les accents mythologiques se marient à un univers gothique sublimé par les illustrations d’Alexandra V. Bach.



On a tous nos thèmes fétiches, nos petites fixations littéraires, et parmi les miennes, il y a la descente, ou plus simplement le voyage, aux pays des morts. Quelle que soit la raison initiale, mais également le résultat de l’aventure, c’est le cheminement lui-même et ses multiples implications qui m’intéressent. Pour cela et pour sa très belle couverture, j’ai été attirée par Requiem.
Les illustrations, à base de photos retouchées, ne sont finalement pas du tout mon genre et ne m’ont donc pas emballée plus que ça, mais elles sont toutefois harmonieuses, réalisées avec soin et finesse. Aimer ou pas est plus une question de goût que de qualité. La balade esthétique fut agréable, mais ne me marquera pas.
J’ai apprécié le soin apporté à la lisibilité de l’ouvrage, détail souvent négligé dans les artbooks. L’écriture blanche ressort bien, avec suffisamment de contraste. Elle ne se fond jamais dans le décor au point de devenir indéchiffrable. Quand on a des soucis de vision, c’est quelque chose qu’on remarque et apprécie.
Un artbook est en général plus une collection d’illustrations qu’autre chose et, si histoire il y a pour l’accompagner, elle n’est souvent qu’un prétexte pour montrer des images. Ce n’est pas le cas pour Requiem qui allie parfaitement textes et illustrations, afin de créer un équilibre entre les deux.
C’est le récit qui a le plus retenu mon attention, toujours une affaire de goûts. Je l’ai trouvé très manichéen au départ et l’écriture, un brin affectée, m’a laissée un peu perplexe. J’appréciais, cependant sa dimension courtoise qui rappelle, bien qu’en léger écho, les textes médiévaux.
A ma grande joie, l’histoire gagne en subtilité à mesure que l’on s’enfonce dans l’Outremonde avec Céleste, à la recherche de son bonheur enfui. Les choix de l’auteur m’ont parlé et j’ai finalement aimé cette lecture.
Requiem est un bel objet, illustrations travaillées assorties d’une histoire sombre mais qui ne manque pas de profondeur, malgré un petit côté manichéen.

samedi 9 novembre 2013

La brigade des loups, Ep 3

La brigade des loups est un feuilleton numérique de Lilian Peschet, publié dans la collection e-courts des éditions Voy'el.


Mon avis sur les épisodes précédents :
Épisode 1
Épisode 2


La brigade des loups, Ep3


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Le précédent épisode nous laissait face à un retournement de situation intéressant qui promettait d’affecter la structure même de la brigade sur le plan professionnel, mais aussi humain et émotionnel. En effet, ses membres agissent en meute et dépendent de l’harmonie qui existe dans le groupe. Pourtant, les loups savent, avec plus ou moins d’acuité, que derrière ce choix de leurs supérieurs se cache un plan de plus grande envergure.
Ont-ils vraiment le temps d’y songer ? Rien ne va plus depuis longtemps au sein de la brigade des loups mais également dans leur pays. Une crise couvait dans la société roumaine, exacerbée par les événements des deux précédents épisodes, et elle est sur le point d’exploser. Le monde change, mais on ne sait pas encore qui prendra l’avantage. On peut se sentir, comme les personnages, dépassé par tous ces événements qui se précipitent. Le lecteur se retrouve de plus en plus violemment plongé dans l’histoire et plus j’avance dans la lecture de cette série, plus je l’apprécie. C’est un feuilleton d’une très grande qualité, que ce soit dans la construction des personnages, l’intrigue et son contexte, ou encore la gestion du rythme.
Dans ce troisième chapitre, nos héros sont en difficulté, à titre global, mais aussi individuel. Ils doivent gérer une situation qui les dépasse, tout en combattant leurs propres démons. La tension monte tout au long de l’épisode et j’étais vraiment sur les nerfs en arrivant à la dernière ligne.
Vivement la suite.

mercredi 6 novembre 2013

Nouvelles en vrac (1)

Des fois c'est bien de regrouper des nouvelles dans un seul billet. Les trois que je vais vous présenter aujourd'hui n'ont pourtant que peu de points communs : elles sont publiées chez Walrus et uniquement disponibles en numérique.


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Voler (de ses propres ailes) de Cécile Duquenne


Voler (de ses propres ailes) de Cécile Duquenne


Voler (de ses propres ailes) est une petite nouvelle sympa dont le titre, qui devient de plus en plus évocateur au fil de la lecture, est fort bien trouvé. J’aime les thèmes abordés dans cette histoire et le style de l’auteur est toujours aussi plaisant, ce fut donc un très bon moment de lecture.
Olivia, sur qui est centrée l’intrigue, est une voleuse, mais d’un genre bien particulier. C’est original, finement amené et développé, ce fut un plaisir de la voir évoluer et tout mettre en œuvre pour accomplir la tâche qu’on lui a confiée. On s’attache vite à elle, on partage ses espoirs, et l’histoire file à toute allure.
La seule chose qui me chiffonne un peu est que j’adore la mythologie toltèque et je n’aime pas vraiment ce que l’auteur en fait dans ce texte. Ceci dit c’est une affaire de goût et non de qualité. Les lecteurs moins casse-pieds que moi apprécieront l’originalité des choix de Cécile Duquenne.
Le tout est cohérent, se lit bien trop vite et, j’espère, vous donnera envie de découvrir les autres écrits de l’auteur qui en valent vraiment la peine.


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La clé de l'eau d'Agnès Evans


La clé de l'eau d'Agnès Evans


La clé de l’eau est un très beau texte qui a la saveur des contes et légendes, bribes tronquées de mythes plus anciens, et l’atmosphère éthérée des songes. Cette impression est renforcée par la nature des personnages que l’auteur a voulus archétypaux. Intelligemment mis en scène, ils apportent à l’histoire une dimension supplémentaire, expression sans paroles d’impressions, de souvenirs, qui parlent à l’inconscient de chaque lecteur et l’aident à fondre sa conscience dans le récit.
En nous glissant entre les pages, aussi virtuelles soient-elles, nous suivons, narrée par une fillette qui peut entendre les esprits, l’expédition d’une caravane à travers le désert. Composée de gens de tous horizons, cette micro-société mouvante ne manque pas d’intérêt. Si certains voyagent pour affaires ou en tant que pèlerins, la plupart des membres de la caravane sont à la recherche d’un avenir meilleur dans ce pays mourant que l’eau fuit.
En même temps que la narratrice, nous apprenons ce qui a engendré une telle situation. Le temps semble s’engluer dans un instant fluctuant entre deux réalités et c’est ainsi que sera décidé si ces hommes et ces femmes vont ou non pouvoir se libérer de leur propre malédiction.
Ce récit, vraiment très agréable à lire, m’a beaucoup plu. Il est aussi pourvoyeur d’inspiration qu’il est inspiré. Le style est délicat, poétique, et je n’ai à déplorer que quelques coquilles, trop nombreuses pour passer inaperçues. C’est d’autant plus dommage que ce sont des défauts vraiment mineurs qu’une bonne relecture aurait pu éradiquer vite fait bien fait.
La clé de l’eau fut une excellente découverte et j’espère vous avoir incité à vous pencher sur cette belle nouvelle.


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Carpe Sesamum
d'Esteban Bogasi


Carpe Sesamum d'Esteban Bogasi


Vladimir le vampire a de gros soucis. Il est coincé sur une plage, à quelques heures du lever du soleil. C’est l’occasion de réfléchir aux actes qui l’ont mené là ou alors… de s’acharner sur le cercueil que son ex-femme a eu la bonté de lui laisser, cercueil sécurisé dont il a malheureusement oublié le mot de passe. C’est ballot, hein…
Mais il n’y a jamais moyen de mourir en paix et Vladimir va l’apprendre à ses dépens en faisant un certain nombre de rencontres plus cocasses les unes que les autres au cours de cette étrange fin de nuit.
C’est un texte drôle, incisif, déjanté. On en viendrait presque à oublier les malheurs de ce pauvre Vladimir. Malgré tout, on compatit forcément. Qui ne s’est jamais retrouvé à sa place, à la recherche d’un mot de passe important et néanmoins désespérément oublié ? Bon, on a rarement l’occasion d’en chercher un aussi vital, mais l’idée est là et c’est d’autant plus amusant qu’une part de nous ne peut que la trouver réaliste. Sans parler de tous ces casse-pieds qui ne laissent pas à notre vampire cinq minutes de tranquillité…
C’est une lecture très distrayante. La chute est abrupte, mais étonnante, et elle renforce l’atmosphère d’absurdité qui se dégage de cette nouvelle.
Si vous aimez les récits un peu barrés, aussi cyniques que drôles, celui-ci est fait pour vous.


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mardi 5 novembre 2013

La boîte de Schrödinger - spéciale Halloween

Une anthologie de saison (oui quand je l'ai lue c'était encore la saison, vous n'allez pas chipoter !) publiée chez Walrus et uniquement disponible au format numérique.


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La boîte de Schrödinger - spéciale Halloween

Halloween est de retour !


Comme chaque année, monstres, vampires, goules, fantômes et momies vont venir perturber votre nuit du 31 octobre. Attention aux mauvais sorts ! Pour vous mettre dans l'ambiance, Walrus vous propose une "Boîte de Schrödinger" spéciale Halloween. Au programme, des fantômes amoureux, des rencontres impromptues, des souvenirs perdus, des cimetières habités et... de la soupe à la citrouille. Aux manettes de cet épisode de mi-saison un peu spécial, une ribambelle d'auteurs prêts à vous faire frissonner : Jacques Fuentealba, Anthony Boulanger, Benoit Giuseppin, Vanessa Terral, Laurent Riatto et avec la participation exceptionnelle et gracieuse de George Sand, spécialement revenue d'entre les morts le temps d'une nuit de terreurs délicieuses.


De quoi faire hurler de frayeur les enfants comme les plus grands, et passer une nuit d'Halloween riche en émotions !



Cette petite anthologie est, comme son titre l’indique, composée de nouvelles s’articulant autour du thème d’Halloween. C’est vraiment une lecture sympa pour la saison. Les textes sont variés, offrant au lecteur diverses ambiances. On passe ainsi de textes sombres, à faire frissonner, ou de récits plus glauques qui mettent mal à l’aise, à des histoires plus légères, jouant d’un humour assez noir, mais toujours savoureux. C'est tout ce dont on pourrait rêver (ou cauchemarder) pour Halloween.
C’est une nouvelle de Jacques Fuentealba qui ouvre l’anthologie. Elle nous permet, grâce à un début assez lent, très évocateur de ces mois de novembre enveloppés de brouillard, de nous glisser lentement dans l’ambiance avant de nous emmener beaucoup plus loin qu’on l’aurait imaginé.
Ce récit fantastique oscille entre réel et imaginaire d’une façon très subtile. Il ramènera le lecteur averti vers l’univers habituel de l’auteur, mais pourra tout autant plaire à celui qui ne le connaît pas.
J’ai beaucoup apprécié ce texte.
Ensuite, Anthony Boulanger nous offre de très courtes nouvelles à chute, distillant l’effroi ou l’humour selon l’envie. On se laisse facilement piéger et, si j’en ai préféré certaines, je les ai toutes lues avec plaisir.
La ronde des morts de Benoît Giuseppin m’a vraiment plu. Ce texte court, un rien grinçant, est parfaitement dans l’esprit de la saison et j’ai beaucoup aimé la chute.
Si j’ai également apprécié la nouvelle de Vanessa Terral, je trouve tout de même que c’est la plus glauque du recueil, bien que pas du tout horrifique, contrairement à celles de certains de ses petits camarades. Cette nouvelle est par contre très originale car elle nous parle de la fête des morts mexicaine ce qui, en soi, est vraiment un excellent choix, d’autant que l'auteur a bien développé ce thème.
L'esprit de l'eau de Laurent Riatto est un texte plus classique, un tantinet mélancolique, qui aurait manqué à cette anthologie s’il ne s’y était pas trouvé. Il explore à sa façon un thème récurrent des histoires de fantômes et c’est un agréable moment de lecture. Il commence dans la légèreté, mais ce sera à vous de voir s’il continue sur sa lancée ou pas.
Enfin le texte George Sand clôt cette excellente anthologie. Vous connaissez peut-être déjà ce « récit d’un récit » très typique de son époque et qui est surtout appréciable pour son ambiance de fantastique un peu suranné.
La boîte de Schrödinger spéciale Halloween est une bonne lecture automnale, pour se faire un peu peur, se rappeler que notre imagination n’a que les limites que nous lui imposons, pour rire de nos fantômes en s’amusant à les craindre, tout en avivant un peu cette part de nous qui a envie de croire, même si c’est un jeu.


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lundi 4 novembre 2013

Le mystère du drake mécaniste, Bannon et Clare t1

Un roman de Lilith Saintcrow, publié chez Le livre de poche.


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Le mystère du drake mécaniste de Lilith Saintcrow


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Le résumé de quatrième de couverture étant totalement à côté de la plaque, je ne le recopierai pas ici.


A propos dudit résumé (ou comment je ne peux me taire face à de tels contresens) :
Si vous l’avez lu et qu’il vous a attiré, laissez-moi remettre les pendules à l’heure. On nous promet un « mentaliste renégat », en fait il n’a pas de licence, donc ne peut travailler, et est dans la dèche. Ce gars n’est ni un traître ni un rebelle. On nous parle d’une « sorcière travaillant pour un service médico-légal », euuuuuh… Je ne vois pas vraiment le rapport. Elle est enquêtrice au service de la reine. Elle peut faire parler les morts, mais c’est loin d’être mis en avant. Elle passe plutôt son temps à jouer les chiens renifleurs.
Enfin, le résumé nous promet un duo de personnages qui se détestent cordialement, ce qui est complètement faux. Ils ne se connaissent pas au début du roman et apprennent vite à s’apprécier même si leurs capacités les opposent par nature. En effet, Clare est la logique incarnée, or la magie est illogique par essence, du moins selon le système développé par Lilith Saintcrow (ce qui est absurde de mon point de vue car, si magie il y a, elle obéit sans nul doute à une forme de logique, mais passons).
On peut penser que cela n’a guère d’importance qu’ils se détestent ou s’apprécient, mais en fait cela joue sur la dynamique de l’histoire, c’est beaucoup moins drôle, impertinent ou tendu que ça aurait pu l’être, d’autant que ces deux personnages sont loin de former une véritable équipe et sont vite expédiés chacun de leur côté sur des pistes différentes, même si celles-ci sont liées.


Mon résumé (pour ceux qui tiennent absolument à savoir de quoi le livre parle vraiment et qui ont envie de se faciliter la vie, parce que c’est très difficile d’entrer dans cette histoire) :
Emma Bannon est une sorcière Prima, autrement dit le rang le plus élevé parmi les sorciers. En gros, cela signifie qu’elle peut accomplir plusieurs actes magiques en même temps. Elle est entièrement dévouée à Britannia, l’esprit régnant du pays qui s’incarne dans le corps d’un humain pour régner. En l’occurrence, il s’agit de la jeune reine Victrix.
Cette fois, notre chère Emma a reniflé un complot auquel sont mêlés des mentah (des humains, ayant une logique et des capacités de mémoire, de calcul, etc. proches de celles d’un ordinateur. Ils ne supportent pas l’illogisme et sont en outre très gênés par les émotions). Dans le cadre de son enquête, Emma va devoir protéger un mentah pour qu’il ne finisse pas comme certains de ses confrères qui ont été tués et mutilés, tout en le gardant à l’œil pour s’assurer qu’il ne fait pas partie des traîtres.
C’est en gros tout ce dont l’auteur nous bombarde dans le premier chapitre et c’est à peu près tout. Complot il y a, complot il faudra déjouer, tout en essayant de ne pas s’endormir en route.


Mon avis :
J’ai été très déçue par ce roman et pas seulement parce que le résumé me promettait tout autre chose. Certes les attentes ont du poids dans la façon dont on perçoit un récit, mais j’étais tout à fait prête à dépasser cela (je ne considère que de très loin les résumés, j’arrive très bien toute seule à me faire suffisamment de fausses idées), je ne demandais pas mieux que d’apprécier une bonne lecture steampunk. Je n’ai pourtant pas réussi à accrocher à cette histoire.
Cela tient surtout au fait que l’intrigue est un fouillis particulièrement inextricable et que l’auteur gère très mal le rythme de son récit. Je ne suis pas fan des lectures prémâchées dans lesquelles l’auteur se sent obligé de tout expliquer, mais là Lilith Saintcrow nous jette directement dans le grand bain sans s’inquiéter qu’on nage bien ou pas. L’univers est censé nous être acquis, ce qui peut avoir son charme ou vite devenir exaspérant. De mon point de vue, il faut veiller à garder un équilibre dans ce que le lecteur ignore, sinon il y a bien un moment où il va lâcher l’affaire. Or, elle ne s’en préoccupe pas. On rame, sans savoir de quel côté aller, au lieu de découvrir avec une curiosité avide ce que l’auteur nous a concocté.
Elle passe son temps à balancer des termes propres à son récit ou à vaguement évoquer des bribes d’événements antérieurs qu’elle n’éclaircira pas. Elle n’explique jamais rien et quand on finit par tout intégrer on ne peut que se dire que c’est un rien bancal et que, franchement, tout ça pour en arriver là c’est vraiment compliquer la lecture pour pas grand-chose. Je n’étais pas au mieux de ma forme quand j’ai lu ce livre, cela a sans doute joué sur ma perception des choses, mais je persiste à penser que c’est beaucoup de blabla, même les scènes de combat sont interminables, et beaucoup de gymnastique cérébrale (pour retenir tous ces termes liés à la magie) particulièrement inutiles. Malheureusement, l’histoire elle-même et l’univers créé par l’auteur ne rattrapent pas ces lourdeurs, loin de là.
Peut-être est-ce parce que j’ai lu beaucoup de steampunk dernièrement, de qualité qui plus est, que j’ai trouvé que dans ce bouquin les caractéristiques du genre ne sont pas bien exploitées. L’auteur centre plus son roman sur la magie et son système, même si elle l’a développé, est plutôt brouillon et pas franchement intéressant à mon goût. Ajoutons à cela que cet univers alternatif me laisse perplexe. On ne sait pas grand-chose à son sujet, si ce n’est qu’il y a de la magie dans ce monde, que des gens sont des ordinateurs vivants et que le pays est dirigé par un esprit séculaire qui passe de corps en corps. Mouais, bon… L’auteur ne s’est pas vraiment foulée. Elle a gardé des noms latins pour Londres et la Grande-Bretagne, mais s’est amusée à changer ceux de lieux connus, comme par exemple des quartiers de Londres, ou ceux de personnages historiques en ajoutant ou en modifiant une lettre. Je ne trouve aucune logique à cela et je suis comme Clare, j’ai besoin de logique. Ce ne sont pas des noms bidouillés qui font un univers solide et tant qu’à faire du bidouillage, autant foutre la paix au latin qui visiblement n'a rien à faire là.
Tant que nous sommes dans le registre linguistique… Un personnage étant allemand et un autre italien, il y a quelques passages dans ces deux langues et ils ne sont pas traduits. C’est agaçant, même si c’est ponctuel. J’aime bien savoir ce que les gens se disent, même si l’on comprend assez aisément grâce au contexte (d’autant qu’il s’agit le plus souvent de jurons…). De surcroît, si son allemand est aussi approximatif que son italien, elle aurait dû s’abstenir.
Le style est haché et assez lourd. On a souvent droit aux mêmes phrases pour se référer à des personnages ou les décrire, comme par exemple les traits enfantins d’Emma. La narration est omnisciente, ce qui accentue une forme de mise à distance vis-à-vis des protagonistes. Parfois l’auteur nous entraîne dans leurs pensées. Celles-ci sont écrites en italique et sont surtout composée de non-dits. Elles servent surtout à montrer combien ils se méfient les uns des autres.
Les personnages sont extrêmement froids. Ils ne sont pas dénués d’intérêt, mais tirent vers la caricature, surtout Emma, ce qui a eu le don de m’énerver. Elle est têtue, se croit plus forte qu’elle ne l’est, n’est pas fichue de réfléchir avant de se jeter dans un piège... Elle est soi-disant dévouée mais agit inconsidérément tout au long de l’histoire… Elle me donnait l’impression d’entendre une craie qui crisse sur un tableau noir. Ceci dit, c’est comme ça que le personnage est construit, il est vraisemblable, même s’il m’est antipathique.
Sa relation avec son bouclier (une sorte de garde du corps) est tortueuse et sans réel intérêt. Elle est dépendante de lui, mais ne peut totalement lui faire confiance. Elle passe son temps à essayer de montrer que c’est elle qui tient les rênes… Ses atermoiements et jeux de pouvoir sont certainement les aspects du récit qui m’ont le plus ennuyée. Amenée ainsi, la situation n’a ni profondeur ni intérêt, alors que l’idée même aurait pu avoir plus de potentiel. Au final Mikal, le bouclier, fait surtout office de bon gros toutou. On ne sait pas vraiment quelle est sa vraie nature, mais l’auteur nous donne suffisamment d’indices à ce sujet pour le deviner.
Les personnages masculins du roman sont surtout les faire-valoir d’Emma, d’autant qu’ils ont tous pour elle une certaine admiration… Clare est le plus sympa du lot, mais son statut de mentah, imperméable aux émotions fortes, allié à sa banalité, le rendent un peu fadasse. Il est malgré tout mon préféré.
Il y a à la fin du livre une hiérarchie des sorciers qui arrive un peu tardivement, lue avant on ne l’intègre pas, lue après on n’en a plus besoin. On trouve aussi un passage d’un livre de Clare sur la déduction qui, sorti de son contexte, n’a pas vraiment d’intérêt, si ce n’est d’équilibrer la donne, puisqu’on parle des mages, autant parler aussi des mentah…
L’action ne démarre vraiment qu’au dernier tiers du livre, c’est trop tard, même si ça avive l’intérêt du lecteur. Le potentiel des personnages est peu exploité, de même que l’univers, le style assez lourd empêche de réellement s’investir dans le récit. J’ai vraiment essayé et si quelques passages ont pu retenir mon attention, je me suis surtout beaucoup ennuyée avec ce roman et je ne lirai sûrement pas la suite.


Ce livre a été lu dans le cadre du club de lecture de Vampires et Sorcières. C'était l'ouvrage choisi pour le mois de septembre 2013.