mercredi 13 mars 2019

La mer monte

Un roman d'Aude Le Corff, publié chez Stock.

Présentation de l'éditeur :
Lisa vit seule à Paris dans un appartement connecté. Dehors, le chant des cigales est aussi accablant que la chaleur, les drones filent entre les immeubles et surveillent les habitants, des créatures virtuelles parlent aux piétons. La jeune femme participe aux projets qui transforment le pays, mais peine à croire en ce nouveau monde à la fois insolite et oppressant. Son voisin Liam, devenu son confident, entretient avec dévotion son jardinium. Quant à Laure, sa mère, elle trouve dans les nouvelles technologies des remèdes à son anxiété et à sa solitude.
Nous sommes en 2042. Des catastrophes naturelles ont frappé le monde et forcé les dirigeants des pays développés à entamer une transition écologique radicale.
Lisa a vécu son enfance auprès d’une mère souvent absente et lunatique, qui tenait avec soin son journal. La fillette, qui le lisait en cachette, a ainsi découvert un épisode douloureux pour sa mère : dans les années 1990, son petit ami est brutalement parti au coeur de l’été, sans un mot. Laure ne l’a jamais revu, et Lisa s’interroge encore. Sa famille s’est toujours montrée silencieuse au sujet de cet abandon et des bouleversements qui ont suivi. Que lui a-t-on réellement caché ? Elle décide alors d’enquêter.
Ce roman très original alterne deux récits de femmes à des époques dissonantes : un monde familier se mêle à un monde imaginaire. Le lecteur est emporté par ces voix et les non-dits qu’elles dévoilent.

Futur proche, l’humanité tente de réparer ses erreurs. Les jardins urbains fleurissent sur des tours hyper-connectées dont l’ascenseur vous avertit à la moindre prise de poids. Les robots et les drones sont partout, mais les réfugiés climatiques ne sont pas les bienvenus… Les gens sont désabusés… et surveillés sans relâche. 
Lisa vit seule, comme beaucoup de personnes de son âge. Le couple n’est plus la norme. Elle travaille pour la ville de Paris. Son boulot est d’en améliorer l’environnement pour le rendre plus écologique et plus vivable. C’est qu’il fait chaud à Paris, l’hiver n’est plus qu’un lointain souvenir. 
Lisa s’interroge beaucoup. Au cœur de ses préoccupations on trouve son environnement, les I.A. et robots qui la mettent mal à l’aise et, surtout, sa mère : Laure. Celle-ci est une dépressive chronique que tout angoisse. Quand elle était adolescente, Lisa avait pour obsession de déterrer le secret maternel. Pour la guérir, pour en faire une meilleure mère. Cela la hante depuis. 
On slalome donc entre ce futur déliquescent qui est le présent de Lisa et les années 90, adolescence de Laure et berceau de ses névroses que l’on découvre par le biais d’un journal intime. L’alternance des voix et des époques fait la richesse du récit. 
Je suis tout de suite entrée dans cette histoire. Je pensais m’intéresser bien plus à l’aspect Anticipation du récit, qui est d’ailleurs cohérent et intéressant (même si je doute que l’humanité puisse opérer si rapidement un tel revirement, même pour sauver sa peau), mais peu à peu l’histoire personnelle des deux femmes a aussi éveillé ma curiosité. Je ne l’aurais pas cru de prime abord, ce genre de confidences et de jérémiades sur les amours déçues m’ennuient en général. Et c’est ce que semble être le récit de Laure, du moins au début, avant la dépression. L’aspect psychologique de ce roman est plus profond qu’il n’y paraît, même s’il n’a pas été assez développé à mon goût. 
Il ne faut pas s’y tromper, le futur que l’on nous dévoile est surtout un décor, même si c’est un décor tout en relief qui n’est pas exempt de réflexion sur notre avenir et notre façon de consommer. Les névroses de Laure, mais aussi celles de Lisa, sont en revanche le point focal du récit. 
En lisant les extraits du journal de Laure, on se sent glisser dans sa dépression. J’avais envie de la secouer, tout en ressentant une certaine peine pour elle. Lisa, qui m’était plus sympathique au départ, m’est vite devenue insupportable tant je la trouvais puérile dans ses réactions face à sa mère. Ses propres angoisses justifient-elles les piques et petites mesquineries qu’elle ne manque jamais d’assener à sa génitrice ? La pauvre Laure semble bien peu aidée et aimée. Mais ce n’est pas aussi simple. Tout le monde a ses torts dans cette histoire et la relation un rien malsaine des deux femmes est composée de nombreuses strates. On s’en rend compte à mesure que l’on déterre leurs secrets. 
À la lecture de la quatrième de couverture, je m’attendais à une enquête, sans pour autant espérer un thriller. Cependant, il n’y a guère d’investigation, juste des interrogations, même si elles trouvent finalement des réponses. On se laisse plutôt porter par cette histoire, entre souvenirs et questions récurrentes. 
J’ai été assez déçue par le dénouement. J’avais vu venir de loin l’explication de l’événement qui a gâché la vie de Laure, Thomas et même Lisa et j’ai trouvé facile la façon dont la résolution est amenée. Cela manquait un peu de profondeur et c’est bien dommage. Bien qu’il ne soit pas exempt de maladresses et que l’autrice use de ficelles un peu trop grosses, j’ai passé un bon moment avec ce roman qui n’est jamais pesant malgré les thèmes qu’il aborde.

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